La modélisation de la qualité d’air dans le secteur hospitalier

Les risques liés aux bioaérosols

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les maladies transmises par voies respiratoires étaient considérées, en 2016, comme la quatrième cause de mortalité des humains (OMS, 2016). Par conséquent, la transmission aérienne d’agents pathogènes via la respiration est une réelle menace pour la santé. En effet, la transmission d’infection par voie aérienne est largement reconnue comme un facteur clé de propagation de nombreuses maladies, notamment la tuberculose, le SRAS, le SRAS-COV-2 et l’influenza. Ces infections acquises par voie aérienne sont considérées parmi les principales causes de décès aux États-Unis, faisant plus de morts que les accidents de la route, le cancer du sein ou le syndrome d’immunodéficience acquis (SIDA) (Baker, 2001). En outre, le mode de transmission par bioaérosols a attiré davantage l’attention en raison d’épidémies mondiales de maladies respiratoires tel que la pandémie actuelle de la COVID-19, l’épidémie de SRAS survenue en 2002-2003, la pandémie de grippe aviaire (H5N1), la rougeole, la tuberculose (TB) et le H1N1 (Cao et al., 2014). On trouve des agents pathogènes dans des gouttelettes de différentes tailles émises par le système respiratoire (Stelzer‐Braid et al., 2009), telles que la respiration (Berlanga, Olmedo et Ruiz de Adana, 2017), la toux (Gupta, Lin et Chen, 2009) et l’essoufflement (Tang et al., 2013) . Les bioaérosols sont influencés de manière significative par les stratégies de ventilation. Une stratégie de ventilation efficace est nécessaire pour réduire l’exposition aux bioaérosols. À ce propos, de nombreuses études se concentrent sur la conception du système de ventilation des salles à haut risque telles que les salles d’opération, les salles de traitement et les salles d’isolement où il y a un risque important d’exposition aux bioaérosols.

La ventilation dans le secteur hospitalier

Les hôpitaux et les établissements médicaux sont des lieux à risque d’infection croisée entre leurs occupants (King, Noakes et Sleigh, 2015), qu’il s’agisse de patients, de personnel de la santé ou de visiteurs en raison de la présence de nombreuses sources potentielles d’un large éventail de microbes aéroportés. Par conséquent, ces établissements sont considérés problématiques et présentent un risque d’exposition élevé (Asif et al., 2018). La ventilation joue un rôle important sur la dispersion des infections pathogènes en milieu hospitalier. En effet, la majorité des infections par voies respiratoires sont transmises à travers l’air contaminé. De nombreuses études sur la transmission de particules infectieuses démontrent que la ventilation est l’une des solutions les plus efficaces pour réduire et contrôler la propagation d’agents pathogènes infectieux en suspension dans l’air en milieu hospitalier (Chow et Yang, 2003). En effet, Fisk a estimé qu’une amélioration du système de ventilation pourrait réduire le taux d’exposition aux maladies respiratoires de 15% à 76% (Fisk, 2000). Afin de réduire l’exposition aux bioaérosols, l’utilisation d’un taux de ventilation suffisamment élevé (entre 6 et 12 ACH) est recommandée pour les chambres d’isolement pour une dilution rapide et efficace des contaminants aéroportés (Kalliomaki et al., 2015).

Dans le même contexte, l’étude de Cheong et Phua (Cheong et Phua, 2006) a évalué l’importance du taux de réduction de la concentration des particules pathogènes dans une chambre d’isolement et une chambre d’autopsie en maintenant une pression différentielle négative. Cette pression négative est créé en imposant un débit d’air extrait plus important que le débit d’air admis. L’étude montre que les stratégies de ventilation et la disposition des mobiliers ont une grande influence sur les flux d’air et la dispersion des polluants dans les chambres d’isolement et d’autopsie. De plus, Kumar et al., ont traité la qualité de l’air en analysant la diffusion des particules pathogènes et les problèmes de confort thermique d’une chambre d’isolement. Dans cette étude, les chercheurs ont effectué un suivi du mouvement et du temps de résidence moyen des bioaérosols. Les résultats ont montré que l’emplacement des grilles de soufflage influe de manière significative la dispersion et le temps de résidence moyen des bioaérosols. Ainsi, il est recommandé de changer l’emplacement d’un patient infectieux pour qu’il soit à proximité des grilles d’extractions d’air (Kumar, Kumar et Gupta, 2008).

Les salles d’autopsies et de thanatopraxie sont parmi les salles qui génèrent des concentrations importantes de bioaérosols lors de manipulation d’un cadavre (Guez-Chailloux, Puymérail et Le Bâcle, 2005). Comme c’est le cas en secteur hospitalier, une ventilation efficace permettra de limiter les risques d’inhalation de bioaérosols. Cependant, à notre connaissance, il n’y a pas de littérature exhaustive sur l’efficacité de la ventilation dans les salles d’autopsie et de thanatopraxie. Une étude menée par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) a démontré qu’il est plus efficace d’utiliser une ventilation locale en parallèle à la ventilation générale dans une salle d’autopsie pour améliorer l’efficacité d’élimination des bioaérosols (Newsom et al., 1983). Au Québec, le système de ventilation utilisé dans la majorité des salles thanatopraxie est un système de ventilation générale avec une stratégie de ventilation par mélange. À notre connaissance, il y a peu de salles de thanatopraxie au Québec dotée d’un système d’extraction locale.

Les stratégies de ventilation

Les stratégies de ventilation influencent de façon significative les mouvements d’air dans une pièce ce qui a une influence importante sur l’efficacité d’élimination des polluants. Il existe deux classes de systèmes de ventilation : la ventilation mécanique et la ventilation naturelle. Dans un bâtiment ou une pièce ventilée naturellement, l’air s’introduit naturellement par les ouvertures sans utiliser de moyens mécaniques. Puisque cette stratégie ne permet pas de contrôler le débit de ventilation, elle n’est pas utilisée dans un climat nordique et n’est pas adaptée au secteur hospitalier. La ventilation mécanique introduit l’air dans la pièce en utilisant des ventilateurs d’extraction et d’admission d’air. Dans les systèmes de ventilation mécanique, il existe principalement quatre stratégies de ventilation différentes : la ventilation par mélange, la ventilation par déplacement, la ventilation par le plancher et la ventilation par flux laminaire (Chang, Kato et Chikamoto, 2004). La stratégie de ventilation par mélange est la stratégie de ventilation la plus courante dans les établissements de santé (Memarzadeh et DiBerardinis, 2013). Cette stratégie consiste à introduire l’air frais dans la pièce par des diffuseurs généralement placés au plafond ou audessus de la zone occupée (1,8 m et plus). L’air est soufflé à une vitesse relativement élevée et mélangé à l’air ambiant pour obtenir des températures et des concentrations homogènes de contaminants dans la pièce pour ensuite être extrait par une ou des grille(s) de retour. Yin et al. (2009) ont effectué une comparaison entre les stratégies de ventilation par mélange et par déplacement. Les résultats de cette étude ont montré que l’efficacité du système de ventilation par déplacement avec un taux de ventilation de 4 ACH peut être la même que celle d’un système à mélange avec un taux de ventilation de 6 ACH. En outre (Kao et Yang, 2006) affirment que l’utilisation d’une stratégie de ventilation à flux laminaire est plus adaptée dans des cas particuliers tels que les salles blanches ou les salles d’opération.

La mécanique des fluides numériques

La mécanique des fluides numériques aussi connue sous le nom Computational Fluid Dynamics ou simplement CFD est une technique de résolution approchée des équations de conservation de la mécanique des fluides. Particulièrement, la CFD a été utilisée par des chercheurs afin d’étudier le comportement aérodynamique des bioaérosols dans le secteur hospitalier (Zhao, Chen et Tan, 2009). La CFD a été introduite pour la première fois dans le domaine de la ventilation dans les années 1970 (Nielsen et al., 2015). À l’époque, la simulation numérique était utilisée pour optimiser la géométrie des espaces fermée et pour améliorer le système de ventilation et l’efficacité des stratégies de contrôle. D’après (Hathway et al., 2011), le diamètre des particules biologiques fait en sorte que leurs comportements aérodynamiques peuvent dans la plupart des cas, être approchés selon un modèle numérique appelé le modèle scalaire passif.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Les bioaérosols
1.1.1 Définition
1.1.2 Les risques liés aux bioaérosols
1.2 La ventilation dans le secteur hospitalier
1.2.1 Les stratégies de ventilation
1.3 Modélisation de la qualité de l’air intérieur
1.3.1 La mécanique des fluides numériques
1.3.2 Le modèle scalaire passif
1.3.3 La modélisation de la qualité d’air dans le secteur hospitalier
1.4 Les paramètres d’influences sur l’efficacité de la ventilation
1.4.1 Le nombre de changements d’air par heure
1.4.2 La direction du flux d’air
1.4.3 Le scénario de ventilation
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE
2.1 La méthode expérimentale
2.1.1 Description de l’unité de thanatopraxie
2.1.2 Les matériels de mesure
2.1.2.1 Vitesse d’écoulement d’air et débit de ventilation
2.1.2.2 La concentration des bioaérosols
2.1.3 Gaz traceur
2.2 La méthode numérique
2.2.1 Le logiciel FDS
2.2.2 Le modèle mathématique
2.2.3 Modèle numérique
2.2.3.1 Méthode de simulation des grandes échelles
2.2.3.2 Modèle de Deardorff
2.2.3.3 Modèle de simulation des bioaérosols
2.2.4 Fichier d’entrée de FDS
2.2.5 Fichiers de sorties FDS
2.2.6 Smokeview
2.3 Le maillage
2.3.1 Procédure de discrétisation spatiale
2.3.2 Procédure mathématique
2.4 Les conditions aux limites et hypothèses
2.4.1 L’activité de l’opération de thanatopraxie à modéliser
2.4.2 Taille de particules à modéliser
2.4.3 Le flux d’émission des bioaérosols
2.4.4 Les conditions aux limites
2.5 Scénario de simulation
2.6 Les indices de la qualité de l’air intérieur
2.6.1 L’âge moyen de l’air
2.6.1.1 Méthode de calcul de l’âge moyen de l’air
2.6.2 Efficacité d’élimination des contaminants
2.6.3 L’efficacité d’échange d’air
2.6.4 Le nombre de changements d’air par heure
2.6.5 La dose relative dans la zone de respiration
2.6.6 La fraction déposée au sol
CHAPITRE 3 RÉSULTATS ET DISCUSSION
3.1 Introduction
3.2 Résultats de l’étude GCI
3.3 Validation du modèle numérique
3.4 Influence du nombre de changements d’air sur la concentration de bioaérosols
3.4.1 La fraction des particules qui se trouvent dans la zone de respiration
3.4.2 La dose relative de bioaérosols dans la zone de respiration
3.4.3 La fraction des bioaérosols déposés au sol
3.4.4 Efficacité de ventilation
3.4.6 L’âge local de l’air
3.5 Influence de la stratégie de ventilation
3.5.1 La fraction des particules qui se trouvent dans la zone de respiration
3.5.2 La dose relative dans la zone de respiration
3.5.3 La fraction des bioaérosols déposée au sol
3.5.4 L’efficacité de ventilation
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
ANNEXE I COMPARAISON ENTRE LE MODÈLE DEARDOFF ET VREMAN
ANNEXE II LES COORDONNÉES DES VOLUMES DE CONTRÔLES
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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