La myotomie de Heller par laparoscopie limitée selon le type d’achalasie diagnostiquée par manométrie haute résolution

Péristaltisme de l’œsophage

Le passage d’un bol alimentaire dans l’œsophage résulte d’une activité coordonnée d’une onde péristaltique et du relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage.
L’œsophage est un muscle composé d’une partie striée et d’un muscle lisse. La partie proximale, incluant le sphincter supérieur de l’œsophage est un muscle strié . Les 35 à 40 % suivants, sont un mélange de fibres musculaires striées et lisses, avec une proportion de fibres musculaires lisses qui augmente en distalité. Et enfin, les 50 à 60% restant sont entièrement du muscle lisse. La musculeuse possède deux couches, une couche circulaire interne et une couche longitudinale externe. La couche musculaire longitudinale devient continue avec la couche musculaire externe de l’estomac. La paroi de l’œsophage contient un réseau de nerfs du système nerveux entérique regroupés en plexus myentériques, situé entre les couches musculaires longitudinale et circulaire. Un deuxième réseau de nerfs du système nerveux entérique est situé entre la couche musculaire muqueuse et la couche musculaire circulaire (plexus de Meissner).
La déglutition initie alors un péristaltisme qui progresse de l’œsophage proximal vers l’œsophage distal. Il existe une zone de transition au voisinage de la crosse de l’aorte, caractérisée par une faible amplitude péristaltique, un léger retard dans la progression de l’onde et une plus grande probabilité d’échec de transmission. La zone de transition correspond à la transition entre la musculature striée et la musculature lisse.
A partir de la zone de transition, ce sont les ganglions autonomes qui orchestrent la contraction œsophagienne, même si le système nerveux central exerce encore un certain contrôle sur le péristaltisme distal. Une fois activé par le vague, la contraction de l’œsophage est orchestrée par les neurones post ganglionnaires.

Relaxation du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO)

Le SIO est un segment de muscle lisse à l’extrémité distale de l’œsophage qui présente une pression de repos qui varie de 10 à 30 mm Hg en relation avec la pression intra gastrique. Le SIO présente un tonus spontané. On retrouve des fibres nerveuses inhibitrices dans la couche musculaire circulaire interne et la longitudinale externe correspondant au niveau du SIO alors que le muscle longitudinal œsophagien est innervé uniquement par les fibres excitatrices. La pression du SIO est modifiée par des stimuli du nerf vague, adrénergiques, et hormonaux. La stimulation vagale est la même que pour le corps de l’œsophage avec une activation à la fois des neurones excitateurs et inhibiteurs. Au niveau du SIO, les neurones excitateurs libèrent de l’acétylcholine, tandis que les neurones inhibiteurs utilisent principalement le NO comme neurotransmetteur. La pression du SIO reflète la balance entre l’action des nerfs excitateurs et inhibiteurs.

Physiopathologie de l’achalasie

L’achalasie est due à une destruction progressive des neurones inhibiteurs de l’œsophage entrainant une stimulation permanente des neurones excitateurs et provoquant ainsi des troubles moteurs.
Médiation immune : Le péristaltisme de l’œsophage est le résultat d’interactions entre l’innervation des nerfs vagues, le plexus myentérique, et la contraction de deux couches musculaires circulaire interne et longitudinale externe. La régulation de la pression du SIO implique des facteurs myogènes et neurogènes .
Plusieurs études fondamentales montrent que l’achalasie est une maladie en partie auto-immune dans laquelle les neurones myentériques œsophagiens sont détruits à la suite d’une réponse immunitaire. L’examen de pièces d’exérèses montre en effet l’infiltration de lymphocytes cytotoxiques exprimant des marqueurs d’activation et les preuves de l’activation du complément dans les ganglions myentériques. Les anticorps dirigés contres les neurones myentériques sont retrouvés plus particulièrement chez les patients avec les allèles HLA-DQA1*0103 et DQB1*0603. Comme les protéines HLA sont essentielles pour la reconnaissance d’antigène, ces résultats suggèrent l’implication d’une réponse immunitaire aberrante, vis à vis d’antigènes inconnus à ce jour. Chez certains patients présentant une maladie avancée, une aganglionose est observée, une fibrose se constitue, et au final l’absence d’inflammation quand les cibles de l’attaque immunitaire ont été épuisées. Une deuxième caractéristique histopathologique de l’achalasie est une hypertrophie de la musculeuse oesophagienne . En revanche, chez les patients présentant une achalasie de type III (spastique) il n’a jamais été démontré de perte neuronale et l’inflammation est toujours présente. Cela est dû aux variations dans l’agression des lymphocytes T cytotoxiques sur le plexus myentérique. Les patients présentant une achalasie de type III aurait une réponse immunitaire moins agressive.

Traitements médicaux et endoscopiques

Toxine botulique : Plusieurs études ont évaluées l’efficacité d’une injection de toxine botulique dans le sphincter inférieur de l’œsophage au cours d’une endoscopie. Il s’agit d’un inhibiteur présynaptique de la libération d’acétylcholine. Cela provoque une paralysie à court terme du muscle en bloquant la stimulation cholinergique du SIO. Cependant il n’y a pas d’effet sur le long terme au niveau du SIO .
Le taux de réponse à deux ans est d’environ 3% . Les facteurs associés à une réponse prolongée sont l’âge (plus le sujet est âgé et meilleure sera la réponse), et un tracé manométrique retrouvant une achalasie de type II . Moins de 20 % des patients répondent à une seconde injection de toxine botulique.
En pratique, cette technique est utilisée dans les centres experts chez les sujets âgés ou présentant un risque anesthésique élevé.
Dilatation pneumatique
Protocole : La dilatation pneumatique se fait par voie endoscopique. Le protocole de dilatation recommandé consiste à augmenter progressivement la taille du ballon entre les séances en commençant par 30mm . Les séances de dilatation sont espacées de deux à quatre semaines, et sont basées sur l’amélioration clinique et le score d’Eckardt .
Une revue de la littérature comportant 24 études évaluant la dilatation pneumatique, avec 1144 patients, a retrouvé des taux de réponses cliniques de 74%, 86% et 90 % avec un suivi moyen de 1,6 ans avec des dilatations respectives de 30, 35, 40 mm. Après 4 à 6 ans, plus d’un tiers des patients rechutent.
Stratégies thérapeutiques : La stratégie de dilatation doit définir le nombre de dilatation à réaliser et la fréquence des dilatations. Les études réalisant la stratégie de dilatations répétées montre un taux d’amélioration des symptômes de 90 % à 6 mois et de 44% à 6 ans. Dans une étude rétrospective européenne, la stratégie de dilatations répétées retrouve un taux de réduction de la PRI (<15mmHg) de 78-85% à 3 ans. De plus, il a été montré qu’une rémission à long terme est possible chez presque tous les patients traités par dilatation pneumatique en suivant une stratégie de dilatation « à la demande » basée sur la récidive des symptômes et sur le score de Eckardt.

Evolution de l’achalasie et surveillance

L’achalasie crée une obstruction fonctionnelle et de fait entraine une stase alimentaire et de salive, d’autant plus si le traitement proposé n’est pas efficace. Cela entraine une pullulation bactérienne qui, associée à la stase salivaire et alimentaire peut induire une œsophagite chronique hyperplasique, qui peut elle même évoluer vers une dysplasie et une transformation maligne de l’épithélium œsophagien. Le risque de cancer de l’œsophage varie selon les études jusqu’à 50 fois plus par rapport à la population générale . L’incidence annuelle est estimée à 1 cancer pour 300 patients. Une large étude prospective, publiée par Leeuwenburgh et al. incluant 448 patients a retrouvé 15 patients qui ont développé un cancer de l’œsophage, soit 3.3%, avec une incidence annuelle de 0.34. Par rapport à la population générale, il existe d’après cette étude un risque relatif estimé à 28 de développer un cancer de l’œsophage. Cette augmentation du risque est indépendante de la prise en charge. Sur le plan histologique, il a été prouvé que le risque d’adénocarcinome est augmenté dans l’achalasie, mais de façon sensiblement moins élevé que le risque de carcinome épidermoïde. Une étude de cohorte rétrospective incluant 2896 patients suivis entre 1965 et 2003 a retrouvé une augmentation du risque de carcinome épidermoïde (IR : 11.0 IC95% : 6.0-18.4), et d’adénocarcinome (IR : 10.4 IC95% : 3.8-22.6) .
Le pronostic du cancer de l’œsophage sur achalasie est plus sombre, et peut être expliqué par le fait que ces cancers sont diagnostiqués à un stade avancé pour la plupart car la dysphagie est commune aux deux pathologies. La dysphagie est en plus facilement reliée à la récidive de l’achalasie qu’à la survenue d’un cancer, ce qui entraine un retard diagnostic .
Cela pose la question de la surveillance endoscopique de ces patients à la recherche d’une dysplasie ou d’un cancer œsophagien. Il n’y a pas de consensus et la surveillance endoscopique est controversée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le taux de décès pour cancer de l’œsophage chez les patients dans un programme de surveillance, n’est pas différent de celui de la population générale. De plus, la détection de lésion pré ou néoplasique est difficile à réaliser car l’œsophage est souvent recouvert d’une stase alimentaire et l’épithélium a un aspect pavimenteux.

Table des matières

I. ACHALASIE
1. Définition et généralités
2. Physiopathologie
a. Anatomie
a. Péristaltisme de l’œsophage
b. Relaxation du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO)
c. Physiopathologie de l’achalasie
3. Clinique
4. Examens complémentaires
a. Gastroscopie
b. Transit oeso-gastro-duodénal (TOGD)
c. Autres
5. Manométrie haute résolution (MHR)
a. Modalités de l’examen
b. Analyse de la jonction oeso-gastrique (JOG)
c. Péristaltisme
6. Classification de Chicago
7. Traitements médicaux et endoscopique
a. Toxine botulique
b. Dilatation pneumatique
c. Prothèse oesophagienne
d. Per oral endoscopic myotomy (POEM)
8. Traitements chirurgicaux
a. Myotomie de Heller
b. Oesophagectomie
9. Evolution de l’achalasie et surveillance
II. La myotomie de Heller par laparoscopie limitée selon le type d’achalasie
diagnostiquée par manométrie haute résolution
1. Introduction
a. Contexte
b. Objectifs de l’étude
2. Patients et méthode
a. Sélection des patients
b. Evaluation clinique
c. Manométrie haute résolution (MHR)
d. Technique chirurgicale de la myotomie de Heller sans fundoplicature par laparoscopie
e. Analyse statistique
3. Résultats
a. Caractéristiques des patients
b. Procédure chirurgicale
c. Suivi à 3 mois
d. Analyse univariée et multivariée
4. Discussion
III. Conclusion
IV. Bibliographie
V. Article de thèse

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