La profondeur ouverte du dispositif Web

La profondeur ouverte du dispositif Web

La cartographie du dispositif fait partie des éléments indispensables pour créer des objets intermédiaires pendant les phases de prototypage. Si, pour un dispositif fonctionnant en local, l‟élaboration de sa cartographie est réalisable, car tous les   niveaux sont prévus à l‟avance, l‟élaboration de la cartographie du blogue communautaire n‟est pas aussi évidente, vu le critère d‟imprévisibilité reposant du côté des utilisateurs. La mise en arborescence d’un scénario d’apprentissage est une façon ingénieuse de préparer l’étape de scénarisation car elle va amener l’équipe de conception à confronter les éléments du scénario (aspects narratifs et pédagogiques) et les cheminements possibles de l’utilisateur. La cartographie constitue une spatialisation de la solution mise au point et à ce titre va conduire les concepteurs à parvenir à une vision d’ensemble. Comme le rappelle Paquelin (2002), cette cartographie permet « de visualiser le territoire offert à l’investigation de l’usager et de synthétiser les informations relatives aux nœuds, partie informative et active, et aux liens ». (Guichon, 2006: 44) Quant à la structure de notre blogue, Postculture(s), elle n‟est ni linéaire, ni centralisée, ni en étoile, ni pyramidale. Elle exploite au maximum l‟hypertextualité et les liens permanents qui permettent d‟atteindre n‟importe quel élément du blogue de n‟importe quel endroit. Ainsi, en 3 cliques l‟apprenant arrive de la page d‟accueil à l‟endroit de la réalisation de la tâche. Chaque élément est lié aux autres, ce qui permet une navigation entièrement libre selon les critères et le cheminement adoptés par l‟utilisateur et son besoin du moment. Le parcours se fait selon la nécessité d‟explorer (lire, voter, analyser…) et de créer (rédiger, commenter) des éléments nouveaux. Cette hypertextualité en extension doit être obligatoirement présente dans un dispositif qui ne prévoit pas d‟itinéraire préétabli de départ, basé sur la consultation de ressources et ensuite sur la réalisation d‟exercices de type scolaire (QCM, textes à lacunes, questionnaire) mais des activités de collaboration au niveau micro et macro où les apprenants retrouvent eux-mêmes les « endroits en carence » où leur attention et l‟investissement sont nécessaires. Une incitation à la publication, une explication importante, une illustration d‟une idée sont des actes non imposés et pourtant inférés, déduits et réalisés. Chacun de ces actes laisse une trace sous forme d‟une nouvelle branche dans une arborescence imprévisible par le constructeur du dispositif, comme il lui est impossible de prévoir l‟engagement des apprenants-blogueurs qui participent réellement en création de la structure du dispositif. Les cheminements dans un blogue communautaire ne sont donc ni unidirectionnels, ni bidirectionnels, ils sont 209 multidirectionnels – impliquant la liberté de navigation. La circulation se mesure en terme d‟amplitude et elle illustre l‟interactivité (Guichon: 2006, 45) mais dans le sens d‟interactivité entre les apprenants-blogueurs, ou éventuellement entre les ressources en création et celles à créer quand ils se lisent et s‟écrivent. Le blogue pose le problème de navigation d‟une façon « double ». A la navigation visible sur le site pour les visiteurs s‟ajoute la navigation du côté du panneau d‟administrateur. Cette navigation est structurée différemment et ressemble à la structure pyramidale. À partir du « blogue brut », selon la conception adoptée, il est possible de créer chaque type de structure vue par le visiteur. La structure du panneau d‟administration est pourtant définitive, l‟ajout de modules supplémentaires la complexifie mais ne change ni sa structure ni la disposition des rubriques de gestion de contenu. Les apprenants blogueurs avancés possédant les droits d‟auteur sont confrontés à cette double navigation dans un seul dispositif (ce qui correspond au double rôle de lecteur et d‟auteur). Notre projet s‟éloigne ainsi fondamentalement de la logique par tâches scolaires définie par Guichon.

Dispositif versus médiatisation

Guichon (2006: 16), dans le cadre de Virtual Cabinet, conçoit la médiatisation comme un guidage indispensable de l‟apprenant vers les ressources proposées. Dans son cas, un dispositif d‟apprentissage médiatisé est une solution proposant à l‟apprenant (1) un ensemble de ressources, (2) « un accès raisonné » à ces ressources et (3) une manipulation de ces ressources (par opposition à l‟usage de la télévision, du magnétoscope, du magnétophone, manipulés uniquement par l‟enseignant en classe). Dans notre cas, nous nous inscrivons dans ce que l‟on nomme le web 2.0: il permet non seulement l‟accès à un nombre infini de ressources, mais permet aussi de nombreux traitements et manipulations des ressources, enfin il rend possible la publication de nouvelles ressources. La technologie facilite et rend de plus en plus intuitive la création des ressources personnalisées (de nouvelles compilations d’informations existantes ou de nouvelles créations originales). Ces documents représentent des documents numériques authentiques personnalisés. Le progrès technologique a rendu possible la création collective ou collaborative du même objet numérique, rapidement partageable sur le web. Ce changement rapproche les apprenants de la vie quotidienne où la langue active permet d‟agir et créer ensemble; pour les enseignants par contre il fait appel à la nécessité de se former en compétences transversales, nécessaires à la médiatisation de nouveaux processus pédagogiques, très denses et dynamiques. La création commune et le partage d‟objets numériques sont deux critères qui ont décidé de la nouvelle ère des dispositifs d‟apprentissage médiatisés nécessitant également des adaptations de la métalangue. La question qui se pose ici est celle-ci: quelle est la dimension du contrat entre l‟apprenant et l‟enseignant quand le poids de la création des ressources et du savoir relève en partie de l‟apprenant? Sur quoi s‟appuiera la crédibilité de l‟enseignant aux yeux de l‟apprenant si ce premier ne devient que guide et facilitateur? Une autre question serait de savoir comment garantir la qualité de ressources et comment les mettre à profit dans l‟apprentissage de la L2. Guichon (2006:13), dans son troisième constat à propos de la première génération de ressources, soulève la question de leur banalisation faute d‟attractivité pour les apprenants comme c‟était dans le premier temps. À ce constat nous ajouterons un autre, qui justifie l‟intérêt que nous portons au blogue communautaire. Chaque type de ressource se banalise avec le temps – c‟est vrai pour les cd-rom, les casettes audio et vidéo, l‟internet lui-même avec les podcasts, les films sur Youtube, les textes et les photos, les journaux en ligne, la télé à la demande etc. Seul l‟être humain, confronté à cette technologie, restera pour toujours une ressource inépuisable qui surprendra à l‟infini et qui se renouvellera toujours à nouveau, tout comme les produits de ses activités en renouvellement technologique incessant. Apprendre une langue en découvrant l‟autre, dans toute sa richesse et étrangeté, à travers des réalisations communes avec lui, cet objectif ne perdra jamais de son attractivité et 213 c‟est sur cette constatation que repose l‟attachement que nous portons à l‟apprentissage avec le blogue communautaire. Vu ce qui précède, nous proposons de compléter le terme de dispositif d’apprentissage médiatisé par l‟adjectif ouvert, qui renvoie à plusieurs ouvertures caractéristiques pour le développement des dispositifs 2.0. L‟uverture technologique (code ouvert, conception et développement facilités avec un nombre infini d‟éléments numériques au choix, ouverture en structure) s‟effectue en même temps que l‟ouverture didactique (ouverture à l‟interaction humaine, ouverture en médiatisation qui peut être assurée non seulement par les enseignants mais également par les apprenants, les ressources créées par les apprenants). Nous allons à titre d‟exemple expliciter ci-après la différence entre la médiatisation telle que la définit Guichon et telle que nous la définissons: 1. la médiatisation pour un dispositif d’apprentissage médiatisé Du point de vue de scénario pédagogique prévoit: Scénarisation, granularisation, tâches, micro-tâches, évaluation. Du point de vue des régulations pédagogiques suppose: modélisation des consignes, explications, validations, relances, étayages, reformulations, encouragements, pressions temporelles et changement de rythme. (Guichon, 2006: 13) par contre 2. la médiatisation pour un dispositif d’apprentissage médiatisé ouvert du point de vue de scénario prévoit: une tâche générale valable tout le temps (par exemple publier des commentaires, des micro-tâches d‟interactions écrites au travers de l‟écrit interactif, l‟évaluation, l‟autoévaluation et co-évaluation. Du point de vue des régulations pédagogiques la médiatisation suppose: scénarisation d‟interactions et co-scénarisation par les apprenants, régulations et co-régulations, améliorations et adaptations du dispositif, explications, écoute des besoins d‟étape, valorisation et covalorisation, des ressources personnalisées, encouragements, étayages, veille sur le rythme.

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