Dispositif de caractérisation thermique d’un pli composite

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La consolidation

Enjeux de l’étape

Lorsque la pression du rouleau est relâchée, l’interface nouvellement formée va refroidir. Si la matrice employée est semi-cristalline, la cristallisation des zones fondues est possible61,62. Le relâchement de la contrainte du rouleau va également permettre une augmentation du volume des porosités9 et les importants gradients de température dans l’épaisseur provoquent l’apparition de contraintes résiduelles 63,64.

Modélisation de la cristallisation

Lors du refroidissement, les chaines polymères de la matrice fondue peuvent se réorganiser sous forme de sphérolites. La fraction volumique, mais aussi la forme et la répartition de ces zones cristallines dépendent fortement de la vitesse de refroidissement, de la température et de la pression. Par ailleurs, la cristallisation de la matrice peut également être impactée par la présence des fibres de carbone. Certains travaux ont montré, par exemple, que les fibres limitaient la croissance totale des sphérolites du fait de l’encombrement 65. Cependant les fibres peuvent aussi agir comme des agents nucléants favorisant la formation des sphérolites. Elles permettent parfois dans ce cas d’atteindre un taux de cristallisation non négligeable, et ce malgré des vitesses de refroidissement élevées. Par exemple, à l’aide d’analyse DSC sur des plis fibres de carbone / PEEK refroidies à plus de 1000 K/s, Tierney et Gillespie61 ont mesuré des degrés de cristallisation pouvant atteindre 15 %.
Les taux de cristallisation jouent un rôle non négligeable sur les propriétés mécaniques finales d’un laminé. Grouve23 a par exemple mesuré par des tests de pelage une diminution de 25 % de la résistance mécanique d’interface de laminés fibres de carbone / PPS pour des échantillons dont le degré de cristallisation a été augmenté de 7.1 % à 27.5 % par recuit de 30 minutes à 130°C. L’auteur conclut que la présence de zones cristallines à l’interface de plis soudés la rend fragile, diminuant ainsi sa ténacité à la rupture.
La description des mécanismes de cristallisation en conditions de procédé (milieu anisotrope, hautes vitesses de refroidissement et pression) s’avère cependant complexe. Ainsi, bien qu’elle ait un impact direct sur les performances mécaniques du laminé, rares sont les auteurs ayant intégré le suivi de la cristallisation dans leurs études du procédé.
Tout d’abord, Sonmez et Hahn35 ont couplé le modèle de Choe et Lee66 pour la croissance des sphérolites dans un matériau fondu en milieu anisotherme, au modèle de Maffezzoli67 pour la fusion des parties cristallines. Selon la température prédite par le modèle thermique, l’un ou l’autre des modèles est appelé. Bien que le modèle de cristallisation ait l’avantage de prendre en compte les effets anisothermes, les auteurs font l’hypothèse que les cinétiques de cristallisation de la matrice renforcée de fibres sont identiques à celle de la matrice pure. Le couplage des équations de cristallisation et de fusion semble cependant adapté pour l’étude de procédé comme la dépose de bandes, où la matrice est fondue et solidifiée plusieurs fois. La même démarche est présente dans l’étude de Mantell44 : l’auteur tient compte alternativement la fusion durant le chauffage et la cristallisation pendant le refroidissement avec le modèle de Velisaris et Seferis37. Le premier est basé sur l’équation d’Ozawa, le deuxième sur la combinaison de deux expressions d’Avrami, dont une forme intégrée est utilisée retranscrire les effets anisothermes. Dans les deux cas, l’effet de la température et la présence des fibres dans le matériau est prise en compte. En revanche, les méthodes d’identification des paramètres ne sont pas explicitées. De la même manière, Nicodeau met une place une loi de cristallisation découlant de l’équation de Nakamura20 dont les coefficients sont déterminés à partir d’analyse DSC (Differential Scanning Calorimetry). Seule l’évolution du taux de cristallisation en refroidissement est prise en compte. Enfin Tierney et Gillespie61 reprennent le modèle de Mantell44, avec les mêmes paramètres, en comparant cette fois-ci les prédictions à des résultats expérimentaux. L’analyse DSC d’échantillons chauffés et refroidis à haute vitesse montre une bonne corrélation avec les estimations du modèle pour le taux de cristallinité. Il semblerait alors que malgré les hypothèses fortes des modèles de cristallisation classique, ceux-ci permettent tout de même de prédire le taux de cristallinité sur des composites thermoplastiques mis en forme sous conditions anisothermes. Cela suggère que la présence des fibres n’impactent pas la cristallisation de la matrice, contrairement à ce qui est généralement admis68.

Taux de porosité

Comme indiqué dans le paragraphe 1.4, la présence de porosités dans la pièce finale a une influence forte sur ses propriétés mécaniques. La mise en place de modèles permettant de mieux connaitre le taux de porosités final présente donc un intérêt non négligeable. Deux mécanismes sont à l’origine de la présence de bulles d’air.
Tout d’abord, celles-ci peuvent être piégées au niveau de l’interface entre les plis au moment de la dépose. Une pression insuffisante du rouleau et une adhésion inachevée ne permettront alors pas de les éliminer. Le suivi de ce type de défaut est mené avec les modèles décrits dans le paragraphe 2.2.
Les porosités peuvent aussi provenir des plis pré-imprégnés eux-mêmes. Sous l’effet de la pression et de la température les porosités vont voir leur taille réduire. Puis, suite au relâchement de la pression induite par le rouleau, leur volume peut ré-augmenter. Plusieurs travaux se sont penchés sur l’évolution du volume des porosités internes au cours de la mise en forme.
Ranganathan69 étudie l’écoulement sous pression d’un système compressible fibres/matrice/porosité. L’auteur observe que, pour un taux de porosités final donné, il existe une relation quasi-linéaire entre la pression de compaction à appliquer et la vitesse de dépose.
L’hypothèse de fluide compressible est également utilisée par Pitchumani46 pour mettre en place un modèle à deux échelles : la migration macroscopique des porosités par écoulement est couplée à la réduction par compression, à l’échelle microscopique, du volume des porosités. Les auteurs montrent notamment que le préchauffage des plis induits un volume de porosités final plus haut.
Enfin, des travaux plus récents70 ont mis en évidence à la fois le rôle du volume initial des porosités, ainsi que leur distribution à l’intérieur du pli, sur le taux final dans le pli consolidé. Ainsi, les auteurs démontrent que pour un même volume de porosités, et une même pression appliquée, la consolidation sera plus lente si la distribution des porosités n’est pas uniforme. Il apparait notamment que les porosités de petit volume et isolées ne parviennent pas à être compactées. La qualité initiale du pli pré-imprégné a donc toute son importance16.

Contraintes résiduelles

L’application de la pression par le rouleau ainsi que les changements de phase de la matrice polymère au cours de la dépose et du refroidissement peuvent engendrer des déformations et des contraintes résiduelles dans l’empilement de plis.
Ces effets ont été étudiés en premier par Mantell et Springer44 à travers le modèle de Lee et Springer71 pour l’enroulement filamentaire de composites thermodurcissables. Les auteurs adaptent le modèle au composite APC2 en remplaçant le degré de cuisson par le degré de cristallinité.
L’approche adoptée par Sonmez et Hahn35,48,72,73 s’appuie quant à elle sur un description du comportement viscoélastique d’un pli APC2 PEEK. La prédiction des états de contraintes en fin de dépose a permis aux auteurs d’émettre des recommandations quant aux choix du type de rouleau.
Récemment Lemarchand74 a proposé une méthode de calcul 2D multi-échelle (couplage entre les échelles macroscopique et microscopique) permettant de prédire l’état de contrainte d’un empilement compacté, en prenant en compte la cristallisation de la matrice thermoplastique. L’application de la méthodologie sur un cas de placement de bandes thermoplastiques semble cohérente, mais aucune comparaison avec des mesures expérimentales n’est présentée.

Table des matières

Chapitre 1 : Etude bibliographique : Le procédé de placement de bandes composites thermoplastiques AFP
1. Les matériaux composites dans l’industrie aéronautique
1.1 Le drapage de pré-imprégnés à matrice thermodurcissable
1.2 Limitation des matrices thermodurcissables
1.3 Le potentiel des matrices thermoplastiques pour le procédé AFP
1.4 Verrous technologiques
2. Procédé de placement de fibres pour matrice TP
2.1 Le chauffage
2.1.1 Enjeux de l’étape
2.1.2 Modélisation de la cinétique de fusion
2.1.3 Modélisation des cinétiques de dégradation
2.2 L’adhésion : contact intime et cicatrisation
2.2.1 Phénomènes physiques
2.2.2 Modélisation du contact intime
2.2.3 Modélisation de la cicatrisation de l’interface
2.3 La consolidation
2.3.1 Enjeux de l’étape
2.3.2 Modélisation de la cristallisation
2.3.3 Taux de porosité
2.3.4 Contraintes résiduelles
2.4 Synthèse – Qualité de la pièce finale
3. Etude thermique du procédé
3.1 Dimension et hypothèses
3.2 Modélisation des conditions aux limites
3.2.1 Traitement de la source de chauffage
3.2.2 Conditions d’interface
3.2.3 Validation des modèles avec des mesures expérimentales
4. Conclusion partielle et positionnement du projet
Références bibliographiques
Chapitre 2 : Modélisation thermique du procédé
1. Introduction
2. Le matériau composite APC2
2.1 Propriétés thermiques du composite
2.1.1 Conductivité thermique
2.1.2 Capacité thermique
2.1.3 Masse volumique
3. Modèle thermique préliminaire
3.1 Modèle simplifié
3.1.1 Géométrie du modèle.
3.1.2 Modèle thermique
3.1.3 Conditions aux limites
3.1.4 Surface éclairée
3.2 Maillage
3.3 Résultats
3.3.1 Convergence en maillage
3.3.2 Etat transitoire
3.3.3 Etat stationnaire
3.3.4 Etude paramétrique
3.3.5 Fenêtre de procédé
4. Conclusion partielle et positionnement du projet
Références bibliographiques
Chapitre 3 : Caractérisation des propriétés radiatives
1. Contexte de l’étude
2. Définitions des propriétés radiatives
2.1 Emission de flux thermique par une surface
2.1.1 Notion de rayonnement thermique
2.1.2 Luminance d’une surface quelconque
2.1.3 Rayonnement d’un corps noir
2.1.4 Rayonnement des corps usuels
2.2 Interaction d’une surface avec le rayonnement extérieur
2.2.1 Cas du corps noir
2.2.2 Cas du matériau composite
2.2.3 Cas d’un matériau non-opaque
3. Caractérisation des propriétés radiatives d’un composite carbone / PEEK
3.1 Article
3.2 Analyse des résultats de l’étude
3.3 Emissivité du matériau composite
4. Conclusion partielle
Références bibliographiques
Chapitre 4 : Dispositif de caractérisation thermique d’un pli composite
1. Introduction
2. Présentation du dispositif
2.1 Principe de la mesure
2.2 Présentation générale
2.3 Pilotage et chaine d’acquisition
2.3.1 Diode laser
2.3.2 Les thermocouples
2.3.3 Environnement Labview
2.3.4 La caméra thermique
2.3.5 Capteur de déplacement
2.3.6 Synthèse de la chaine
3. Caractérisation des outils de métrologie
3.1 Mesure du flux thermique
3.1.1 Présentation de l’algorithme séquentiel de Beck
3.1.2 Temps réponse des thermocouples
3.1.3 Filtrage fréquentiel
3.2 Mesure de la température de surface
3.2.1 Principe de la thermographie infrarouge
3.2.2 Paramètres d’acquisition
3.3 Régulation thermique du bâti
4. Caractérisation de la source laser
4.1 Etalonnage en amplitude du flux du laser
4.2 Caractérisation de la zone irradiée
4.2.1 Divergence du faisceau
4.2.2 Paramètres de la fonction top-hat
4.2.3 Modélisation de la distribution surfacique angulaire
5. Validation des performances : répétabilité et dispersion
5.1 Température de surface
5.2 Mesure du déplacement relatif
5.3 Flux thermique transmis
6. Conclusion partielle
Références bibliographiques
Chapitre 5 : Exploitation du banc de caractérisation thermique
1. Introduction
2. Analyse numérique préliminaire
2.1 Modèle thermique unidimensionnel préliminaire
2.1.1 Equation
2.1.2 Masse volumique
2.1.3 Capacité thermique
2.1.4 Conductivité thermique
2.1.5 Diffusivité thermique transverse
2.1.6 Condition à la limite en surface
2.1.7 Condition à la limite à l’interface pli / bâti
2.1.8 Condition à la limite du bâti
2.2 Synthèse des paramètres du modèle
2.3 Etude paramétrique et de sensibilité
2.3.1 Cas de référence
2.3.2 Température de face avant
2.3.3 Flux transmis en face arrière
3. Analyse des données expérimentales
3.1 Analyse micrographiques
3.2 Mesure de température en face avant
3.2.1 Dispersion de la température sur la zone éclairée
3.2.2 Variabilité sur plusieurs échantillons
3.2.3 Analyse des températures moyennes
3.3 Mesure de flux thermique en face arrière
3.4 Comparaison au modèle thermique préliminaire
3.4.1 Analyse de l’étape de chauffage et début de refroidissement [0 – τ0]
3.4.2 Analyse du refroidissement en face avant [τ0 – 1000 ms]
3.4.3 Comparaison sur l’intervalle temporel entier
4. Modélisation de la source de chauffage
4.1 Mécanismes d’absorption en surface
4.2 Modélisation de la zone d’absorption
4.2.1 Présentation du modèle
4.2.2 Etude de sensibilité
4.2.3 Modèle simplifié à un paramètre
4.2.4 Résultats
5. Modélisation des transferts thermiques à l’interface pli / bâti
5.1 Mécanismes de transfert thermique en face arrière du pli
5.2 Modélisation des transferts thermiques
5.2.1 Présentation du modèle
5.2.2 Etude de sensibilité
5.2.3 Identification des propriétés thermiques de la zone perturbée
6. Conclusion partielle
Références bibliographiques
Conclusions générales et perspectives
Annexe A : Calcul du point limite de la zone d’ombre
Annexe B : Fonctionnement de la caméra thermique
Annexe C : Calcul du coefficient d’change convectif
Annexe D : Configuration n°2 du banc de caractérisation

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