LA PROTECTION INDIRECTE DES DROITS DU CONTRACTANT PROFESSIONNEL L’EXEMPLE DES CONTRATS DE DISTRIBUTION

LA PROTECTION INDIRECTE DES DROITS DU CONTRACTANT PROFESSIONNEL
L’EXEMPLE DES CONTRATS DE DISTRIBUTION

LA PROTECTION PAR LA RÉGLEMENTATION DU RÉGIME DES CONTRATS

Si les règles communautaires de concurrence peuvent être considérées comme constituant une intervention dans le domaine du droit des contrats, c’est qu’elles ne se contentent pas de régir le contenu matériel de ceux-ci. Le régime des contrats conclus entre professionnels est, lui aussi, du moins dans les anciens règlements d’exemption, appréhendé par les autorités communautaires qui, à l’inégalité réelle entre contractants professionnels, ont essayé d’opposer une égalité formelle. En droit interne 1065, comme international 1066, la notion de « régime » d’un acte juridique désigne les modalités de conclusion, la durée et les conditions d’extinction de celui-ci. L’intervention du droit communautaire sur le régime du contrat a de quoi surprendre car, comme l’affirme le professeur Idot, une telle intervention ne relève pas, a priori, des objectifs d’une politique de concurrence 1067. Pour être réelle une telle intervention n’en est pas moins très limitée : les textes communautaires ne viennent pas imposer des modalités de conclusion 1068 ou d’interprétation des contrats et les contrats demeurent, sur ces points, soumis au droit national. Les règlements d’exemption se limitent à agir sur la durée, l’extinction des contrats ainsi que sur la résolution des litiges. La légitimité de la protection du distributeur est doublement fondée : à côté de la situation de dépendance bien connue vis-à-vis de son fournisseur, le distributeur se trouve aussi confronté à la précarité de son statut. Il s’agit donc d’établir que l’intervention du droit communautaire de la concurrence, sur le régime des contrats de distribution, comporte deux facettes : la protection contre la précarité (§1) et la protection contre la dépendance (§2).

LA PROTECTION CONTRE LA PRÉCARITÉ

Le règlement relatif à la distribution automobile demeure le seul texte intervenant autant sur le régime que sur le contenu des contrats. Il constitue sans doute l’illustration la plus nette de l’objectif de protection assigné au droit de la concurrence ; à ce titre il a suscité les plus vives critiques 1069. Avec l’adoption en 1985 du premier règlement d’exemption concernant les contrats de distribution automobile 1070, les autorités communautaires ont entendu accorder à ce secteur un statut particulier. C’est en 1980, que la Commission européenne a annoncé, pour la première fois, son intention d’adopter un règlement d’exemption concernant ce secteur 1071. Les raisons avancées pour justifier de ce traitement d’exception étaient variées. L’importance du secteur automobile dans l’économie européenne 1072, tout d’abord, le commerce des automobiles neuves étant considéré comme la deuxième principale dépense des ménages 1073. Ensuite, la spécificité des produits en cause : les véhicules automobiles sont des biens meubles de consommation durables qui requièrent des entretiens et des réparations spécialisés 1074. Enfin et surtout, des différences de prix, parfois considérables, avaient été constatées pour un même modèle entre certains Etats membres 1075. Constatant que « le principal facteur explicatif de la formation des prix sur le marché européen est la situation concurrentielle » 1076, la Commission estimait qu’une amélioration de la concurrence intrabrand devait permettre une meilleure structure des prix dans la Communauté. L’idée d’un règlement d’exemption paraissant être la solution la plus appropriée, la Commission a adopté, en 1984, le tout premier règlement concernant l’application de l’article 85-3 (devenu 81-3) à des catégories d’accords de distribution et de service de vente et d’après-vente de véhicules automobiles 1077. La révision de texte en 1995 a confirmé la spécificité des accords de distribution automobile. Il a souvent été affirmé que le règlement 1475/95 entraînait une standardisation des contrats de concession automobile. Le vocabulaire a pu varier, de la théorie du « prêt-à-porter » à la notion de contrat-type, mais l’idée est demeurée que le droit communautaire de la concurrence a fait une intrusion musclée dans le droit des contrats.

L’encadrement de l’extinction des contrats 

Les modalités d’extinction d’un contrat constituent l’un des points sensibles de l’équilibre contractuel. L’hypothèse selon laquelle le concédant peut mettre fin, sans condition, au contrat qui le lie au concessionnaire, se révèle particulièrement dangereuse au regard des nombreux investissements que ce dernier a dû engager tout au long de l’exécution du contrat. Afin de protéger le distributeur contre une telle précarité, l’extinction du contrat est doublement encadrée par le droit communautaire. Non seulement une obligation de préavis est instaurée (A) mais encore les conditions de résiliation extraordinaire sont strictement définies (B). A – L’instauration d’un préavis 522. L’instauration d’un préavis dans un contrat à durée indéterminée est une solution classique du droit national reprise par le droit communautaire de la concurrence (1). Mais celui-ci va plus loin dans la protection du contractant en position précaire : il prévoit une obligation de préavis pour les contrats conclus pour une durée déterminée (2), ce qui constitue une solution, pour le moins, originale. 

Dans les contrats à durée indéterminée

Selon le droit commun, un contrat à durée indéterminée peut être rompu, à tout moment, par chacune des parties. Cette règle n’est pas remise en cause par le règlement concernant la distribution automobile, qui instaure cependant une obligation de préavis de rupture, ce qui se situe en fait parfaitement dans la logique du droit commun des contrats à durée indéterminée 1087. Le préavis, qui peut se définir comme le « laps de temps qui s’écoule entre la notification du congédiement et la cessation des effets du contrat » 1088, constitue traditionnellement un instrument de protection de la partie faible au contrat. 524. Pour être réellement protecteur, le préavis doit être donné à une échéance suffisamment longue, afin de permettre à l’autre partie de faire face à cette nouvelle situation. Contrairement au droit français qui laisse aux parties contractantes le soin de fixer la durée du préavis qu’elles entendent s’appliquer 1089, le législateur communautaire ne se contente pas de prévoir le principe du préavis, mais détermine aussi la durée minimale de celui-ci. L’article 5-2-2 indique effectivement que, lorsque les parties n’ont pas prévu de durée minimale, le délai de résiliation, pour chacune d’entre-elles, doit être d’au moins deux ans 1090. En conséquence, le préavis permet de contribuer à la prolongation du lien contractuel et donc à sa stabilité. Ce délai peut toutefois être ramené à un an dans deux hypothèses : la première est celle où le fournisseur est tenu au paiement d’une indemnité en vertu de la loi ou d’une convention particulière, la seconde celle où le distributeur en cause est un nouvel entrant dans le réseau concerné. Cette dernière exception a pour but de permettre au fournisseur de rompre facilement un contrat avec un distributeur qui ne remplit manifestement pas ses obligations. La fixation d’un préavis de deux ans permet indirectement au législateur communautaire d’instaurer une durée minimale pour des contrats qui, à l’origine, sont conclus pour une durée indéterminée.

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