La psychomotricité à la rencontre des personnes LGBT

La psychomotricité à la rencontre des personnes LGBT

Les spécificités des personnes LGBT

« Se dire à soi et à autrui ne va pas de soi. Pouvoir être soi-même dans toutes les facettes de son existence n’est pas une évidence. De la cour au bureau, de la rue aux réseaux sociaux, les violences traversent toutes les sphères, y compris celles qui devraient constituer des facteurs de protections tels que le cercle familial ou amical. » (C.Dayer, 2020, p.7) Malgré un parcours de vie plutôt ordinaire, il suffit que l’une des sphères de la vie soit touchée par des violences LGBTphobes pour que les personnes LGBT ne trouvent pas ou plus la légitimité nécessaire pour se construire sereinement en tant que sujets. Nous verrons en quoi grandir dans une société normée peut être une entrave à leur épanouissement et à leur construction identitaire. Nous verrons également quel impact cela peut engendrer sur leur santé mentale. A) Présentation de Max Afin d’illustrer ce mémoire nous allons utiliser le cas de Max. En effet j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec lui et il et a accepté de me livrer une partie de sa vie, de l’enfance à maintenant. Max est un jeune homme de 27 ans que j’ai rencontré il y a quelques années lors d’un engagement bénévole pour une association. Max se définit et se présente comme metteur en scène, homosexuel, militant et président d’une association de réduction des risques3 . Au cours de cet entretien je lui ai demandé de prendre du recul sur l’enfant qu’il avait été. Il m’a alors raconté sa scolarité de la primaire à la fac, le théâtre qui a pris et prend toujours une grande place dans sa vie. Il m’a parlé de sa famille, de ses ami·e·s. Nous avons aussi parlé du rire utilisé chez lui comme une « arme » et comme échappatoire des situations délicates. Nous avons parlé de ses questionnements, des moments de creux, de son sentiment de « Vide ». Nous avons parlé de son rapport aux autres et à la société. Il m’a parlé de son coming-out et de la manière dont il avait compris qu’il était homosexuel. Il m’a aussi parlé de son rapport à la santé et de ses expériences face au soin. Nous avons également abordé sa dépression récente. Il semblait pertinent d’utiliser son témoignage à la lumière de son vécu en tant que personne issue de la communauté LGBT. 

Se construire en tant que personne LGBT

Dans cette partie nous verrons en quoi le développement et la construction identitaire du sujet peuvent être spécifiques pour les personnes LGBT par rapport aux personnes cishétérosexuelles. Pour ce faire, nous allons définir, dans un premier temps, les concepts d’hétéronormativité, de cisnomartivité et de binarité de genre afin de comprendre le contexte dans lequel ces personnes se développent. Nous verrons ensuite en quoi les différents groupes (famille, école) participent à la construction identitaire du sujet. Enfin nous verrons la période de l’adolescence, période de grands bouleversements de l’identité. 1) Les concepts d’hétéronormativité, de cisnormativité, de binarité de genre Lorsqu’on grandit en tant que personne en France, on grandit dans l’hétéronormativité. L’hétéronormativité correspond à la croyance supposant que l’hétérosexualité est la seule orientation sexuelle possible. En effet, Adrienne Rich (1981), théoricienne féministe et professeure d’université américaine, fait partie des figures principales qui ont conceptualisé l’hétéronormativité. Elle part du constat que dans la « littérature féminine4 », il n’y a pas de représentations des personnes LGB, ou alors, si iels apparaissent, iels sont représenté·e·s de manière péjorative. Pour elle, l’unique représentation des relations hétérosexuelles et l’absence des personnes LGB participent au fait que l’hétérosexualité soit vu comme le seul type de relation possible et valorisé par la société. SOS Homophobie décrit l’hétéronormativité comme « l’ensemble des normes qui font apparaître l’hétérosexualité comme cohérente, naturelle et privilégiée. Elle implique la présomption que toute personne est hétérosexuelle et la considération que l’hétérosexualité est idéale et supérieure à toute autre orientation sexuelle. L’hétéronormativité inclut également le fait de privilégier une norme d’expression des genres binaires qui définit ou impose les conditions requises pour être accepté·e ou identifié·e en tant qu’homme ou femme. ». Lorsqu’on grandit en tant que personne on grandit dans la « cisnormativité ». Lexie (2021) définit la cisnormativité comme : « une disposition sociale qui estime qu’être cisgenre est la norme ». (p.247) Pour comprendre le concept de cisnormativité nous allons d’abord définir ce qu’est être cisgenre et transgenre Être cisgenre, c’est ressentir une adéquation entre son identité de genre5 et le genre qui a été assigné à la naissance. Au contraire des personnes transgenres, qui justement ne ressentent pas d’adéquation entre leur identité de genre et le genre (féminin ou masculin) qui leur a été assigné à la naissance. Le préfixe latin « cis » signifie « du même côté », quand le préfixe « trans » signifie « de l’autre côté ». La cisnormativité repose sur le fait que comme les personnes cisgenres seraient numériquement majoritaires alors ce serait l’unique manière d’apparaitre au monde. Evoluer dans la société en ayant l’air d’un homme selon les critères occidentaux de ce à quoi doit ressembler un homme et de même pour les femmes serait alors la seule chose qui soit acceptable. Pour lexie : « La cisnormativité est directement liée à la binarité puisque les sociétés occidentales reposent sur une construction binaire où un homme doit avoir un pénis et une femme une vulve-vagin-utérus. » (Ibid.) Cette conception entraine alors un sentiment de rejet et de mépris pour les personnes transgenres. En effet, exprimer son genre de manières différentes et en dehors des catégories binaires de genre n’est pas vu comme quelque chose de normal et peut faire l’objet de discriminations. Autrement dit, la cisnormativité c’est le fait de penser que ressentir une adéquation avec le genre apposé à sa naissance serait la seule et unique norme valide. C’est également le fait de penser que le cadre de la binarité de sexe doit servir de référence pour déterminer ce qui est normal ou pas. En effet, l’hétéronormativité et la cisnormativité sont éminemment liées à la binarité de genre. Lexie (2021) « la binarité de genre est un modèle de construction des identités intégrant seulement, ou majoritairement, deux bornes de genre : homme et femme. Il s’agit du modèle ancré et intégré aux sociétés occidentales notamment. La binarité est apprise et s’est construite selon les caractéristiques perçues et supposées liées aux réalités biologiques majoritaires sur la division pénis/vulve-vagin-utérus. Cette binarité sous-entend aussi une répartition selon ces deux genres.» (p.273). Autrement dit, ce concept suppose qu’il y a des attendus (physiques, comportementaux, nominatifs, amoureux) sous-jacents aux genres homme et femme. Ainsi, toute personne qui ne se retrouve pas ou qui ne serait pas conforme à cette binarité, peut être stigmatisée voire discriminée.

Le groupe : support identitaire du sujet ?

Dans son développement, le sujet va évoluer dans différents groupes appelés : (selon les auteur·e·s) groupe d’appartenance ou groupe de référence. Celui-ci lui confère une sécurité, une enveloppe, qui lui permettra de découvrir qui iel est à travers l’autre dans leurs similitudes mais aussi dans leurs différences. C’est ce qu’explique E.Marc (2005) : « l’identité se construit dans un double mouvement d’extension croissante où l’individu accède à la conscience de soi, par différenciation d’autrui et assimilation au même. » (p.50). Didier Anzieu (1999), psychanalyste et professeur de psychologie, donne également une vision du groupe dans un aspect plus symbolique : « le groupe est une enveloppe qui fait tenir ensemble des individus. (…) Une enveloppe vivante, comme la peau qui se régénère autour du corps, comme le moi qui s’efforce d’englober le psychisme, est une membrane à double face. L’une est tournée vers la réalité extérieure, physique et sociale (…). Par sa face interne, l’enveloppe groupale permet l’établissement d’un état psychique transindividuel que je propose d’appeler un Soi de groupe : le groupe a un Soi propre. Il est le contenant à l’intérieur duquel une circulation fantasmatique et identificatoire va s’activer entre les personnes. » (cité par C.Calecas, 2013, p.300). Ici Anzieu compare le groupe à un phénomène vivant, organique, qu’il rapproche de l’enveloppe et donc à sa théorie du Moi-peau (1974). Il semble faire ce parallèle dans les fonctions de contenant mais également d’interfaces. En effet ici l’enveloppe fait groupe. Le groupe étant un ensemble de personnes. Donc pour qu’il y ait des interactions et groupe, il faut qu’il y ait une enveloppe groupale. Concernant les interfaces, cela implique un dedans et un dehors : à l’intérieur l’enveloppe favoriserait une identité de groupe, « le Soi de groupe », qui permet aux individu·e·s de s’identifier les un·e·s aux autres parce qu’iels sont toustes différent·e·s. De plus, iels s’influencent, partagent et s’apportent à travers ce groupe. À l’extérieur cette enveloppe permet d’être en interaction avec d’autres personnes et d’autres groupes. Cependant, le groupe peut aussi induire la fusion pour certaines personnes qui ne s’identifient qu’à travers le groupe et qui de l’extérieur ne sont perçues que par ce groupe comme n’ayant plus de singularité. De là, les groupes d’appartenances ne sont des supports que s’ils fournissent des sphères d’identifications où chaque personne conserve son individualité. De plus, il faut noter que les personnes peuvent appartenir à différents groupes, donc si la fusion est opérante avec l’un d’eux, il sera difficile de s’en détacher pour intégrer d’autres groupes d’appartenances

Table des matières

REMERCIEMENTS
AVANT PROPOS
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : Les spécificités des personnes LGBT
A) Présentation de Max
B) Se construire en tant que personne LGBT
1) Les concepts d’hétéronormativité, de cisnormativité, de binarité de genre
2) Le groupe : support identitaire du sujet ?.
3) L’adolescence
4) Les vécus et le développement de soi : chez les personnes transgenres et chez les personnes LGB
C) La santé mentale des personnes LGBT.
1) Le stress minoritaire
2) Les troubles anxieux et syndrome de stress post traumatique
3) La dépression/La tentative de suicide/le suicide
4) Les addictions & les conduites à risques
5) Les troubles des conduites alimentaires (TCA) et de l’ingestion d’aliments
DEUXIEME PARTIE : un point de vue psychomoteur pour accompagner les patient·e·s LGBT.
A) Comment définir l’identité en psychomotricité ? Présentation de différentes approches théoriques
B) En quoi l’approche psychomotrice de l’identité peut-elle être un levier pour l’accompagnement des personnes LGBT ?
1) Approche par le cadre thérapeutique des séances
2) Approche par la contenance et la posture du/de la psychomotricienne
3) L’approche psychocorporelle et le travail des médiations thérapeutiques
TROISIEME PARTIE : Et si la psychomotricité avait rencontre
A) Pierre.
1) À la rencontre de Pierre
2) Penser une prise en charge en psychomotricité pour Pierre
B) Jeanne
1) À la rencontre de Jeanne
2) Penser une prise en charge en psychomotricité pour Jeanne
C) Max
1) À la rencontre de Max
2) Penser une prise en charge en psychomotricité pour Max
CONCLUSION58
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Résumé

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