La relation entre la GRH et le statut de la fonction publique

La relation entre la GRH et le statut de la fonction publique

Cette relation est, selon Carole Moniolle, marquée par un alternatif de « complémentarité » et d’ « opposition » 993. Pour cet auteur, « GRH et statut ne s’opposent pas parce qu’ils ne portent pas sur les mêmes domaines » : « le statut fixe un cadre, la GRH représente les outils de gestion en matière de personnel ». Or, le statut peut aussi être « porteur d’un modèle de gestion » dont l’articulation avec « la nouvelle gestion de la fonction publique » fondée sur la conception de la GRH peut paraître problématique . Cette confrontation entre deux modèles ― l’un traditionnel, l’autre nouveau ― a été soutenue par nombre d’auteurs chinois . Il s’agit, pour eux, d’une succession de modes de gestion du personnel, chronologique et naturelle, suivant l’évolution des réformes économiques et politiques de l’État. La GRH a vocation à remédier aux défauts de l’ancien mode de gestion du personnel de la fonction publique qui n’est plus adapté au contexte socio-économique. A ainsi lieu une confrontation entre cadre juridique et approches managériales de la gestion du personnel. Nous pouvons à ce titre nous interroger, avec Jacques Fialaire, sur le point de savoir si le droit de la fonction publique est condamné par l’essor du management public996 . La GRH se présente d’abord comme un outil de gestion dans le cadre fixé par le droit de la fonction publique (I), tout en supposant une remise en cause de la conception classique de carrière (II). I. La GRH en tant qu’outil de gestion dans le cadre fixé par le droit de la fonction publique La GRH et le droit de la fonction publique ne s’opposent pas d’emblée. En France, l’intégration des méthodes de la GRH dans la gestion du personnel de la fonction publique est censée améliorer le fonctionnement de celle-ci (B) tandis qu’en Chine, la GRH est considérée comme un corollaire du développement d’une fonction publique nouvelle. 993 Carole Moniolle, « Droit de la fonction publique et gestion des ressources humaines : entre complémentarité et opposition » . Voir les articles précités. 996 Jacques Fialaire, « Droit de la fonction publique territoriale et management des ressources humaines. De la rupture conceptuelle aux essais de conciliation »,   La relation entre la GRH et le statut de la fonction publique A. En France, la GRH en vue de l’amélioration du statut Lors d’un colloque sur l’employeur public en 1999, Stéphane Fratacci, alors directeur adjoint au directeur général de l’administration et de la fonction publique, annonce que « la rénovation de la gestion des ressources humaines dans l’administration peut se faire et doit se faire dans le cadre statutaire » . En effet, bien que l’organisation de la fonction publique par le statut soit souvent l’objet de critiques pour sa « rigidité » et son « égalitarisme », les éléments de mobilité et les valeurs réelles et individuelles des agents sont bien pris en compte par le statut. Ainsi, l’ancienneté n’est pas la référence unique pour l’avancement, celui-ci est aussi lié au mérite ; théoriquement, la capacité professionnelle des agents doit être évaluée in personæ et le supérieur hiérarchique peut avoir son mot à dire quant au choix et à l’évaluation de ses collaborateurs998. Le concours assure certes l’égalité des candidats en vertu de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais il est avant tout un instrument permettant de distinguer les vertus et les talents. En ce qui concerne la mobilité, nombreuses sont les voies permettant des circulations non seulement à l’intérieur de la fonction publique ― mutation, détachement, mise à disposition, intégration aux autres administrations ― mais aussi entre la fonction publique et le secteur privé . En fin de compte, la plupart des mesures de GRH sont compatibles avec les principes du statut général de la fonction publique . Dans son étude consacrée à la LOLF du 1er août 2001, Yves Chevalier considère que « la modernisation de la gestion des ressources humaines » pourrait contribuer à garantir « la pérennité du système de la carrière » . D’ailleurs, la GRH pourrait s’intégrer à la fonction publique sans affecter le cadre juridique fixé par le droit de la fonction publique. Telle est, par exemple, la fonction d’une charte de gestion des ressources humaines.Voir notamment les huit points cités par Stéphane Fratacci lors de son intervention au colloque de 1999 : « la recherche d’une gestion de proximité », « la professionnalisation du recrutement », « l’évaluation individuelle des agents », « la mobilité », « la formation », « la transparence », « la déontologie » et « « la valorisation de la fonction ressources humaines » (op. cit. p. 58 – 59). 1001 Yves Chevalier, « La réforme budgétaire et la gestion des ressources humaines : quelles conséquences pour la fonction publique ? », op. cit., p. 527. 320 humaines pourrait par son caractère contractuel faciliter la prise de décision concernant la gestion des situations individuelles ou collectives des agents. Comme le souligne Antoine Delblond, « la charte innove sans contredire pour autant le cadre juridique préexistant de la fonction publique » 1002 . En France, le développement de la GRH dans la fonction publique se présente donc avant tout comme un élément supplémentaire du mécanisme statutaire de la gestion du personnel public. Par rapport à la situation française, l’évolution de la gestion du personnel public en Chine se trouve dans une phase bien plus mouvante. En effet, l’introduction de la GRH dans l’administration publique chinoise est le corollaire de la construction d’une fonction publique nouvelle. B. En Chine, la GRH en tant que corollaire du développement d’une fonction publique nouvelle En Chine, bien que la GRH ne soit pas encore le mode de gestion du personnel de la fonction publique, elle est considérée comme un élément indissociable de la construction d’une « fonction publique moderne », amorcée par le règlement provisoire du 24 avril 1993 « sur les agents publics de l’État » et largement développée depuis la loi du 27 avril 2005 « sur les agents publics ». Comme en France et comme on l’a vu, la fonction publique chinoise comprend trois catégories de travailleurs : les agents publics titulaires, les agents publics contractuels et les employés de l’administration relevant du droit privé. Mais une autre division, organique, se superpose à ce triptyque : l’appartenance aux établissements administratifs ou aux USP. Avant d’être appliquée à la gestion du personnel des établissements administratifs, la GRH a d’abord été introduite dans les USP. Pour un secteur public s’approchant de plus en plus du secteur privé, le remplacement du modèle transitionnel de la gestion administrative du personnel par la GRH s’avère inéluctable. En outre, l’absence de cadre juridique pour la gestion du personnel des USP permet d’autant plus facilement le développement des méthodes de la GRH au sein des USP. Concernant la gestion du personnel des établissements administratifs, l’existence d’un cadre législatif ne doit pas empêcher l’insertion des méthodes de la GRH. Plus encore, celles-ci contribuent à la construction d’une fonction publique nouvelle esquissée par la loi du 27 avril 2005 : la catégorisation des métiers de la fonction publique, le renforcement du caractère méritoire de la fonction publique par des mesures alternatives de sanction et de gratification, le développement d’une politique de résultats. La GRH, prônant la professionnalisation du personnel, la rationalisation 1002 Antoine Delblond, « Vers une charte de la gestion des ressources humaines dans les services publics », in actes du colloque du 17 décembre 1999, Dijon, « L’employeur public à l’approche du nouveau siècle », AJFP 2000, n° 6, p. 62 – 63. 321 des potentialités individuelles de travail et l’efficience comme finalité du travail, obtient naturellement la faveur du gouvernement réformateur. La restructuration ministérielle en 2008 témoigne de la montée en puissance de la GRH dans la gestion du personnel public. Si auparavant, tous les travailleurs étaient considérés comme des employés différents de l’État employeur et devaient être gérés selon les méthodes de la gestion publique, dorénavant, la logique est inversée : c’est la notion de GRH, inhérente au domaine privé, qui prime l’ancienne notion de gestion publique dans la gestion du personnel de la fonction publique. Bien que la GRH s’intègre dans le cadre fixé par le droit de la fonction publique, elle est susceptible de remettre en cause une fonction publique de carrière en France comme en Chine. II. La fonction publique de carrière mise en cause par la GRH Issue du domaine privé, la GRH suppose une logique différente de celle de la gestion du personnel de la fonction publique traditionnellement pratiquée par l’administration française (A) ; cette différence est accentuée par l’aspect financier de la relation de travail (B). A. Une logique de métier La GRH suppose une conception différente du mode classique de gestion du personnel de la fonction publique (1) ; ce changement conceptuel conduit à une réforme de l’organisation de la fonction publique en corps (2). Cette réforme est accompagnée de nouvelles mesures de finances publiques censées favoriser la GRH (3). 

Le changement conceptuel

 La gestion du personnel de la fonction publique a été longtemps marquée par une approche administrative du personnel. Cette gestion administrative concerne notamment le recrutement, le traitement, l’avancement et la mobilité du personnel public. Le statut fixe un encadrement de la gestion des agents publics prenant en compte l’intérêt du service prioritairement à l’égard des droits de l’agent. En raison de la nécessité du service, certaines décisions concernant la situation d’un agent peuvent être prises indépendamment de sa volonté, telles que la suspension de fonction, la mutation d’office ou la mise en disponibilité d’office. Mais, les agents sont intégrés aux divers corps ou cadres d’emploi de la fonction publique pour y faire carrière. Leur carrière évolue par avancement d’échelon et de grade dans leur corps ou par promotion interne. La carrière d’un fonctionnaire se déroule essentiellement au sein du corps qui est lui-même subdivisé en grades. La notion de carrière 322 est intrinsèquement liée à la durée de l’exercice d’une profession. La gestion traditionnelle du personnel de la fonction publique française repose donc sur cette notion. Le changement terminologique de « gestion du personnel » en « gestion des ressources humaines » dans les années 1990 n’est pas simplement d’ordre sémantique. Pour Carole Moniolle, « il traduit une évolution et un élargissement des missions »   . Selon le rapport Vallemont, l’intégration de la notion de GRH dans la gestion du personnel de la fonction publique suppose « une conception élargie dépassant la seule dimension « administration du personnel », et assurant le nécessaire équilibre entre les impératifs statutaires propres à la fonction publique et la volonté de développement des personnes et des compétences »  . En effet, la GRH implique une détermination des besoins réels de l’administration en fonction de ses choix stratégiques et une circulation des examens comparatifs entre les composantes administratives afin d’optimiser le recrutement, la mobilité et la formation des agents publics. Pour Gilles Jeannot, le métier met en avant la dimension « du savoir faire au détriment de celle du collectif d’appartenance ». Il s’agit, selon cet auteur, « de viser le professionnalisme bien plus que la profession » 1005. Les agents d’un même corps peuvent exercer des métiers différents. En revanche, l’approche GRH met en avant le concept de métier pour la détermination des postes. Un métier peut être exercé par des agents provenant de corps différents . Cette vision rendra probablement, tôt ou tard, désuète la notion de corps.

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