LA VENTE D’IMMEUBLES À RÉNOVER

LA VENTE D’IMMEUBLES À RÉNOVER

« Schématiquement, le statut de la vente d’immeubles à rénover a été élaboré pour s’adapter aux opérations de rénovation réalisées dans des immeubles collectifs à usage d’habitation ou à usage mixte avant travaux de rénovation, placés sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis, qui sont déjà occupés ou partiellement occupés avant le commencement des travaux et qui sont susceptibles de rester occupés pendant toute la durée du chantier et ce, en raison que les travaux d’une importance limitée porteront presque exclusivement sur les parties communes à l’exclusion des parties privatives » . Cette affirmation de Monsieur Brice Golfier nous paraît justifiée au regard de certaines dispositions phares de la vente d’immeubles à rénover qui visent expressément les immeubles situés en copropriété204. Néanmoins, il faut souligner que le champ d’application de ce contrat a considérablement évolué depuis sa création. Les principes gouvernant les ventes d’immeubles à rénover ont progressivement été étendus à tous types de locaux, y compris ceux ne se situant pas en copropriété. 108. Présentée comme un régime dérogatoire de la vente ordinaire205, la vente d’immeubles à rénover a été créée par l’article 80206 de la fameuse loi ENL du 13 juillet 2006 et son régime a été complété par le décret du 16 décembre 2008207. Elle est régie par les articles L. 262-1 à L. 262-11 et R. 262-1 à R. 262-15 du Code la construction et de l’habitation, qui à l’instar de tous les contrats relevant du secteur protégé, lui confèrent un caractère d’ordre public208. On entend donc par vente d’immeubles à rénover, l’opération par laquelle une personne s’engage à réaliser des travaux dans un immeuble à usage d’habitation préexistant, et reçoit de la part de l’acquéreur des paiements avant l’achèvement des travaux209 . 109. Au même titre que le vendeur d’immeubles à construire210 ou en état futur de rénovation, le vendeur d’immeubles à rénover ne promet pas seulement de transmettre la propriété d’un bien, mais s’engage aussi à réaliser des travaux. Dans son ouvrage consacré aux ventes d’immeubles à construire ou à rénover, Monsieur Vivien ZalewskiSicard décrit ces deux formes de contrat comme des « ventreprises », c’est-à-dire des ventes mâtinées de contrat d’entreprise, où l’obligation de réaliser la construction ou les travaux, revêt une importance tout aussi grande que celle de délivrer le bien . Il ressort avec insistance, que le rajout d’un tel contrat à la nomenclature de ceux de la promotion immobilière répond à un besoin avéré , étant donné qu’il n’existait pas jusqu’alors, de contrat de vente véritablement conçu et adapté à la rénovation213. Afin de mieux en cerner la portée (Section II), envisageons de prime abord les points qui la dissocient des autres formes de vente avec lesquelles elle coexiste (Section I).

Les frontières de la vente d’immeubles à rénover 

L’étude de la vente d’immeubles à rénover ne saurait être complète sans avoir procédé à une délimitation de ses frontières. D’éminents auteurs tels que Jean-Bernard Auby, Hugues Périnet-Marquet, Rozen Noguellou , Jean-Louis Bergel et l’équipe des chercheurs du GREDIAUC de la Faculté de droit d’Aix-Marseille ou encore de brillants praticiens à l’instar de Vincent Vendrell216 ont adopté cette méthode afin d’appréhender le statut du plus récent contrat de la promotion immobilière. À cette fin, l’article L. 262-1 instituant le statut de la vente d’immeubles à rénover, pose les bases de ces frontières. La première s’établit avec le droit commun de la vente (Paragraphe 1) et la seconde avec la vente en état futur de rénovation (Paragraphe 2).

La frontière avec le droit commun de la vente 

 L’alinéa 1er de l’article L. 262-1 du Code la construction et de l’habitation dispose que : « toute personne qui vend un immeuble bâti ou une partie d’immeuble bâti, à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, ou destiné après travaux à l’un de ces usages, qui s’engage, dans un délai déterminé par le contrat, à réaliser, directement ou indirectement, des travaux sur cet immeuble ou cette partie d’immeuble et qui perçoit des sommes d’argent de l’acquéreur avant la livraison des travaux doit conclure avec l’acquéreur un contrat soumis aux dispositions du présent chapitre ».. À la lecture de cet article, trois critères de distinction peuvent se dresser entre la vente d’immeubles à rénover et celle de droit commun : un premier critère relatif à l’exigence des travaux et à la destination que ceux-ci vont affecter à l’immeuble (A), un deuxième critère inhérent à la personne chargée de réaliser les travaux (B), et un ultime point fixant les modalités de paiement du prix des travaux et/ou de l’immeuble (C). A. Le critère inhérent à l’exigence et à la finalité des travaux. Le premier élément qui permet de distinguer la vente d’immeubles à rénover de celle de droit commun tient avant tout, de la réalisation des travaux et surtout de la destination que ceux-ci attribuent à l’existant. Dans le cadre d’une vente de droit commun, la question des travaux ne constitue pas un élément de validité de l’opération. Les ventes d’immeubles en cours de rénovation en sont donc l’exact contraire puisqu’elles sont conditionnées par un engagement de réalisation des travaux.En plus d’être assortis au contrat, les travaux projetés sur l’existant doivent poursuivre une destination à usage d’habitation ou mixte professionnelle et d’habitation. Cette finalité propre au secteur protégé de la construction peut s’observer à deux niveaux : Dans un premier temps, l’existant ou partie de celui-ci, objet du contrat de vente, peut avoir une destination d’habitation ou mixte professionnelle et d’habitation, qui lui a  été conférée dès son origine. En pareille hypothèse, la réalisation des travaux n’aurait a priori aucune incidence sur le régime applicable à l’immeuble, à moins de modifier sa destination initiale. Par conséquent, ces immeubles à « usage exclusif d’habitation » ou combinant les usages professionnel et d’habitation, avant comme après les travaux, sont incontestablement soumis au statut de la vente d’immeubles à rénover, sous réserve de la réunion de ses autres critères. Dans un second temps, l’immeuble au cœur de la relation contractuelle peut ab initio avoir une destination autre que d’habitation ou mixte, mais à l’issue des travaux être dédié à de tels usages . Par exemple, les règles relatives aux ventes d’immeubles à rénover n’auraient aucune difficulté à s’appliquer dans l’hypothèse d’un acquéreur achetant des locaux professionnels ou commerciaux en vue de les transformer et les affecter à un usage d’habitation ou mixte.  A contrario, cette hypothèse reviendrait à exclure celle d’une personne acquérant des immeubles d’habitation ou mixte, professionnelle et d’habitation pour en faire une destination exclusivement professionnelle ou commerciale. Dans cette seconde situation, l’élément essentiel conditionnant l’application des règles de la vente d’immeubles à rénover n’est pas la destination originelle de l’immeuble, mais la destination finale que les travaux lui confèrent. Plus précisément, l’usage que les acquéreurs de l’immeuble comptent en faire. En effet, compte tenu du caractère objectif des critères d’application du régime protecteur du logement, ceux-ci sont attachés à la destination de l’immeuble à rénover et non à la personne de l’acquéreur, comme ce peut être le cas en droit de la consommation.

Le critère inhérent à la personne chargée de réaliser les travaux

En plus de porter sur un existant destiné à un usage d’habitation ou mixte, les travaux supportés par l’immeuble doivent être réalisés par la personne du vendeur. Cela suppose qu’au moment de la signature de l’acte de vente, les travaux projetés sur l’existant quels qu’ils soient , ne doivent pas être achevés, au risque de faire basculer l’opération dans le régime de la vente de droit commun . 126. Inversement, pour ne pas être assimilé aux vendeurs d’immeubles de droit spécial et donc se voir imposer les règles régissant le secteur protégé, le vendeur d’immeubles de droit commun, doit après cession de l’existant, s’abstenir d’intervenir ou de s’engager à réaliser les travaux restant à être effectués, quelle qu’en soit leur ampleur . Le législateur admet que faute pour le vendeur-rénovateur de réaliser lui-même les travaux, il puisse avoir recours à des intermédiaires. Cette volonté légale se traduit notamment par le rajout de la mention « fait réaliser » qui ferme toute échappatoire pouvant conduire à ce que le vendeur se désengage à l’égard des acquéreurs, en excipant le fait de n’avoir pas directement réalisé les travaux. Cela permet en outre d’éviter aux accédants à la propriété de se retrouver dans une situation délicate, du fait qu’ils ne sont pas contractuellement liés aux entrepreneurs ayant contracté avec le vendeur . Par ailleurs, la convention échappe au régime des articles L. 262-1 et suivants du Code la construction et de l’habitation, si elle met les travaux de rénovation à la charge des acquéreurs de l’immeuble. Monsieur le Professeur Hugues Périnet-Marquet l’a justement notifié à l’occasion d’un arrêt du 28 janvier 2009  à la suite duquel il a pu déduire qu’à partir du moment où un acquéreur est lui-même le maître d’ouvrage des travaux238, il n’y a aucune raison que s’applique le régime de la vente en état futur d’achèvement ou celui de la vente d’immeubles à rénover  .

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