L’approche mixte : apports scientifiques et limites

 L’approche mixte : apports scientifiques et limites

En fonction de nos objectifs de décrire finement les opérations effectuées par les étudiants sur les groupes WhatsApp chez les étudiants et de comprendre les dynamiques particulières qui interviennent dans les usages des réseaux sociaux numériques chez ces étudiants, il nous a semblé opportun d’opter pour une démarche mixte. En effet, l’approche mixte sous-entend qu’une perspective qualitative constitue un complément à l’approche quantitative pour expliquer et décrire des phénomènes sociaux. Il s’agit donc d’une procédure qui valorise l’explication et la description. Pour ce faire, cette démarche mixte nous a paru nécessaire pour décrire finement les opérations effectuées sur les groupes WhatsApp que des étudiants de l’UAC ont eux-mêmes créés. Toutefois, cette complémentarité de la perspective qualitative à la perspective quantitative, approche mixte, ne permet pas de considérer la démarche mixte en elle-même comme une forme standard d’enquête. En effet, malgré que les informations obtenues par l’application de chacune de ces méthodes sur le même objet de recherche portent sur les effets de deux situations différentes d’enquête, on ne peut pas parler d’une opposition entre le qualitatif et le quantitatif. Cette idée de la non-hiérarchisation des méthodes qualitatives et quantitatives peut se lire chez De Singly lorsqu’il affirme qu’une richesse se trouve des deux côtés et qu’il faille plutôt s’intéresser, pour chaque enquête, à la cohérence entre les options théoriques et le choix de la méthodologie. L’auteur affirme clairement que la richesse de la recherche (parlant du recueil des données) se trouve « davantage dans la complexité de la production pour l’enquête par questionnaire, davantage dans les manières dont les acteurs appréhendent (et contribuent ainsi à produire) le social pour l’enquête par entretien » 308 . La démarche mixte participe largement à une meilleure interprétation des résultats. Elle « s’avère riche pour l’obtention et l’analyse des résultats ainsi que pour le positionnement . Le cadre méthodologique de l’étude 198 scientifique du chercheur » 309 en permettant au chercheur de porter un double regard sur un même objet d’étude. Les méthodes qualitatives et quantitatives, lorsqu’elles sont sollicitées de manière complémentaire, « se nourrissent alors l’une et l’autre et apportent une plus-value scientifique au travail de recherche, chacune répondant alors à un questionnement précis, sans qu’aucune d’elles ne soit subordonnée à la réalisation ou aux résultats de l’autre » 310. Selon Anthony Onwuegbuzie et Nancy Leech, l’avantage de l’association des deux approches réside en ce que cette association permet un usage plus compréhensif de la recherche que ne le font les travaux uniquement qualitatifs ou uniquement quantitatifs311 . Au cours de l’analyse des données et donc tout au long de la recherche, les perspectives mixées sont exploitées pour répondre chacune à un questionnement particulier suivant le moment où chacune d’elle a été mobilisée dans le processus de la recherche. Le matériau qualitatif intervient tout le long de la réflexion et de l’analyse car elle aurait permis de comprendre les éléments qui constituent la scène et le décor que représente l’environnement dans lequel se déroule la recherche. En ce qui concerne le sujet que nous développons ici, le matériel qualitatif est susceptible de nous permettre d’atteindre l’objectif n°3 qui est de comprendre les dynamiques particulières qui interviennent dans l’appropriation des réseaux sociaux numériques dans les universités africaines. Il est susceptible de nous fournir les éléments symboliques qui entrent en jeu dans la motivation des étudiants à faire usage de WhatsApp pour pallier les besoins d’informations et de communication. Le matériel quantitatif, quant à lui, est susceptible de nous aider à parvenir aux objectifs n°1 et n°2 qui sont respectivement de décrire finement les opérations effectuées par les étudiants sur les applications numériques en général et sur le groupe de classe WhatsApp en particulier et d’identifier le type d’appropriation de ces technologies numériques. Mais, comme souligné cihaut, l’un ou l’autre des matériaux d’enquête peut être sollicité à n’importe quel moment de l’étude. 

 Le choix des outils d’investigation

Il existe différentes sortes d’outils d’investigation dont le questionnaire et l’entretien semi-directif. Ces deux techniques sont utilisées dans notre étude pour répondre aux questions de recherche. La première, l’enquête par questionnaire, est un instrument de recueil des données explicatives. C’est une technique privilégiée pour mettre en évidence des faits ou des pratiques sociaux et des facteurs qui les déterminent. Le questionnaire permet de se situer dans le cadre de la sociologie explicative ou de la recherche des raisons objectives des actions. Il est une « excellente méthode pour l’explication de la conduite »  et de sa mise à jour, de même qu’il rend visible certains déterminants sociaux des trajectoires. La méthode quantitative est à même de saisir « les schèmes de perceptions durablement incorporés, les dispositions »  . La seconde technique,l’entretien, éclaire sur la construction individuelle et les moments clés qui composent les trajectoires d’actions.Le questionnaire doit précisément fournir des chiffres qui servent à rechercher les facteurs associés à une pratique ou à une non-pratique. En cela, sa conception repose sur la sélection des informations dites pertinentes pour l’étude : il faut choisir les questions à partir de ce que l’on veut savoir et non à partir de la réalité. Un questionnaire élaboré pour expliquer une pratique ou un ensemble de pratiques doit être structuré en deux parties : une partie sur l’objet de recherche proprement dit (ici, les usages) et une autre partie permettant d’approcher les déterminants sociaux de l’objet de recherche (ici, les significations, les représentations, les objectifs personnels, les besoins, l’absence d’espace numérique de travail, le rapport de force avec les RSN, etc.). La méthode par questionnaire est une méthode statistique qui nécessite cinq phases essentielles d’après Le Roy et Majorie. Ce sont : une phase de cadrage méthodologique dont l’objectif est de délimiter l’objet d’étude et de faire la sélection d’un échantillon, une phase de construction qui se focalise sur la formulation des questions, une phase d’élaboration de la trame, une phase de passation afin de collecter des données et une phase d’analyse et de restitution des données 319 . Ces phases sont soulignées par de nombreux autres auteurs statisticiens dont Colin Lavoie, Deslie, Montreuil et Payette. Pour ces derniers, la statistique est une méthode qui se divise en cinq étapes que sont la détermination des objectifs, la collecte des données, l’organisation des données, l’analyse des données et l’interprétation des données. On s’aperçoit à l’issu de ces différentes études que la statistique répond un tant soit peu aux exigences de la démarche scientifique. Par ailleurs, un bon questionnaire doit respecter certaines règles pour faciliter ultérieurement le traitement. Pour cela, notre questionnaire a pris en compte des questions fermées claires et compréhensibles pour le public et nous avons posé très peu de questions ouvertes. Il propose également un éventail de réponses faciles à comprendre et qui sont autant que possible des propositions de réponses complètes.

La composition du questionnaire

Ce matériau quantitatif est composé de quatre parties. La première partie a servi à recueillir des variables sociales telles que le sexe, l’âge, le niveau d’étude et la formation de l’étudiant. Les trois autres parties étudient respectivement les usages de WhatsApp, les besoins personnels et les attentes et le lien entre les usages de WhatsApp et besoins personnels et attentes. Dans la première partie, les tranches d’âge sont proposées avec un intervalle de cinq années. Le plus jeune âge est 18 ans et l’âge le plus avancé est 34 ans. Nous avons aussi proposé dans cette première partie quatre niveaux d’étude que sont : Licence 1, Licence 2, Licence 3 et Master. La formation suivie et la faculté ou l’école fréquentée a été le dernier élément de cette partie. La deuxième partie, a été consacrée aux représentations de WhatsApp en général et aux actions quotidiennes effectuées sur le réseau « scolaire » mis en place sur l’application. Elle a pris en compte les représentations de WhatsApp, l’appartenance à un groupe de classe sur la plate-forme WhatsApp, le moyen d’accès à l’application, l’administrateur du groupe de classe, les avantages perçus de l’utilisation de WhatsApp, la fréquence de connexion, les interlocuteurs les plus fréquents, les informations les plus souvent consultées, mais aussi les contenus les plus souvent partagés sur cette application. Cette deuxième partie a aussi pris en compte le recours aux TIC en général par les étudiants pour obtenir des retours des enseignants. Nous avons aussi voulu connaître grâce à cette partie, la perception de l’échantillon de leur classe en matière de nombre d’étudiants et son avis sur le moyen utilisé par le département pour l’informer lorsque celui-ci à une information à lui faire passer. Les deuxième et troisième parties ont principalement pour objectif de permettre l’identification du processus de construction d’usage de WhatsApp, en tant que dispositif d’information et de communication, chez les étudiants et la quatrième partie entend déterminer la motivation des étudiants à utiliser le groupe de classe WhatsApp au cours de leur formation. Autrement dit, il s’agit de comprendre les dynamiques particulières qui interviennent dans l’appropriation des réseaux sociaux numériques dans les universités des pays en voie de développement et dont nous avons parlé précédemment. L’ensemble de ces parties s’inscrit dans la requête des faits sociaux observés sur le terrain. Il concourt à identifier les facteurs qui entrent en jeu dans la décision d’utiliser ou non l’application WhatsApp pour s’informer des actualités relatives aux événements qui ont lieu au sein de l’université en général et à la formation en particulier. La troisième partie est consacrée à l’apprenant lui-même, à ses besoins scolaires et aux services administratifs auxquels il est confronté dans sa formation. Cette partie nous a permis de recueillir des informations à propos des besoins personnels et les attentes des étudiants 202 s’agissant de leur formation. Après ces deux variables de besoins et d’attentes, nous avons évoqué la perception de notre échantillon face aux services administratifs que le département lui apporte. Dans cette troisième partie, nous avons posé des questions sur l’adéquation des services administratifs avec les besoins personnels éprouvés et mentionnés dans la deuxième partie. Les personnes interrogées pouvaient de même répondre par l’affirmation ou par la négation à la perception d’être confronté à un environnement peu informatif et peu collaboratif s’agissant des besoins éprouvés. Ces personnes interrogées pourraient aussi répondre par l’affirmation ou par la négation à l’importance pour chacune d’entre elles d’avoir un environnement numérique de travail dans le cadre de la formation ou à la perception de l’apport d’un environnement numérique de travail à la réussite de leur apprentissage. La quatrième partie va servir à comprendre le lien entre les usages de WhatsApp d’une part et les besoins personnels et les attentes dont les étudiants interrogés ont fait recours d’autre part. Cette partie est essentiellement composée des questions relatives à la qualification du lien entre les objectifs émis et l’utilisation du groupe de classe, à la motivation à utiliser ce groupe de classe pour atteindre les besoins évoqués et les représentations de la notion de « services numériques ». Dans sa globalité, la plupart des questions que nous avons utilisées dans cet outil d’enquête qu’est le questionnaire sont des questions fermées. Mais, s’agissant de représentation de la plateforme WhatsApp, de la perception des étudiants de l’apport d’un environnement numérique de travail à la réussite de l’apprentissage et de la motivation à faire usage de WhatsApp pour des raisons scolaires, nous avons préféré utiliser des questions ouvertes car, les questions ouvertes font appel à des réponses « non délimitée » et l’enquêté exploite sa liberté de s’exprimer à volonté et surtout en utilisant ses propres mots pour partager ses pensées à propos de la question qui lui a été posée. La connaissance des représentations des réseaux sociaux numériques en général est ici importante et indispensable car, dans le cadre de l’éducation formelle au Bénin, très peu de recherches ont abordé les usages des réseaux sociaux numériques. Sur la plateforme WhatsApp, nous avons identifié jusque-là une seule étude récente faite en 2017. Elle a porté sur l’enjeu d’enseignement et d’apprentissage à travers WhatsApp. Cette étude effectuée par Attenoukon, Coulibaly et Karsenty 320 , a tenté de mettre l’accent sur l’importance de reconnaître un changement de regard et de perspective des acteurs de l’éducation vis-à-vis de WhatsApp en Afrique. Selon cette étude, les répondants majoritairement enseignants du primaire, secondaire et supérieur, puis syndicalistes, journalistes, anciens ministres, conseillers pédagogiques, inspecteurs de l’enseignement secondaire, psychologues et 38 apprenants, n’ont qu’une connaissance fine des usages que WhatsApp pourrait offrir au processus d’enseignement/apprentissage. Néanmoins, cette étude a montré que ces couches de la société ont une opinion « conciliante » face à WhatsApp et en ont reconnu des atouts d’apprentissage mobile. Les études sur les réseaux sociaux chez la population en général sont de même presque inexistantes. C’est pour cette raison qu’il nous a fallu opter pour des questions ouvertes afin de recenser le plus d’informations possibles sur la représentation, la perception et la motivation de notre échantillon. Nous tenons quand même à rappeler que dans la présente étude, nous avons mis un accent particulier sur la représentation de WhatsApp en particulier chez les étudiants béninois et ceux de l’UAC plus précisément. Pour finir, les étudiants sont interpellés à qualifier le lien entre leurs objectifs personnels d’apprentissage et leurs usage de WhatsApp. Ils sont également appelés à indiquer leur motivation à faire recours à la plateforme WhatsApp lorsqu’ils ont besoin de se mettre au courant d’une information liée à leurs formations ou lorsqu’ils doivent échanger avec leurs camarades à propos des cours, des exercices, des recherches etc. Conscientes de l’intérêt du numérique au XXIème Siècle et du nombre réduit des études sur le numérique au Bénin, la présente étude entend aussi comprendre la manière dont la notion de « Numérique » est perçue par les étudiants béninois et ceux de l’UAC plus précisément. Si le questionnaire a joué un rôle important pour répondre à la problématique de notre étude, le rôle d’un entretien semi-directif a été aussi non moins important. 

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