Le contrôle de l’emploi de la contribution publique vers un principe d’efficience de la commande publique

Le contrôle de l’emploi de la contribution publique vers un principe d’efficience de la commande publique

Si la décision 2003-473 DC du 26 juin 2003131 reconnaît expressément la transparence des procédures comme un principe de valeur constitutionnelle, il ne reconnaît pas comme tel l’efficacité ou l’efficience dans la commande publique. Il nous semble pourtant que l’on peut voir ici, soit un principe non encore exprimé, mais qui ressortirait des « exigences constitutionnelles inhérentes […] au bon usage des deniers publics »132 dans le cadre de la commande publique, soit un principe général du droit de la commande publique. Le Conseil constitutionnel ne précise pas directement les conséquences de l’article 14 de la Déclaration de 1789 mais il considère que de cet article – et de l’article 6 – découlent des principes qui sont rappelés par l’article 1er du nouveau code des marchés publics. Le « nouveau » code visé est celui de 2001, et l’on ne laisse pas de s’étonner de la modification qu’a subi l’article 1er en 2004 alors que la décision précitée avait « constitutionnalisé » le texte de 2001133. On peut, il est vrai, remarquer que le fond n’a pas été modifié et que, de surcroît, la rédaction actuelle va dans le sens que nous développons. C’est donc du Code lui-même que l’on peut tirer ce que nous pensons être un principe des marchés publics, étendu à la commande publique, à un choix répondant à des nécessités d’efficience économique. La formule est moderne, mais elle correspond à une nouvelle évolution de l’idée du « mieux-disant » qui avait déjà remplacé celle du « moins-disant ». Si l’efficience correspond plus à une analyse économique du droit, le principe est donc assez ancien pour avoir fondé le recours à l’appel d’offres plutôt qu’à l’adjudication au milieu des années 1950.

Il est même possible de voir dans ce principe la source, plus ancienne encore, d’améliorations de l’efficacité des marchés publics lorsqu’ils étaient soumis à adjudication. On pense par exemple au recours aux marchés allotis afin de minimiser les risques de faillites ou aux garanties exigées des entrepreneurs ; deux types de mesures qui participaient de ce mouvement de compensation des défauts de l’adjudication134. L’efficience serait alors la troisième étape d’une amélioration de la gestion de leurs commandes par les personnes publiques. Il ne suffirait plus de bénéficier des biens les moins chers possibles, ni du mieux pour le moins cher, mais bien du meilleur équilibre entre le mieux et le moins cher. On trouve les éléments de cette reconnaissance à la fois en droit interne (A) et, sous l’appellation de principe de proportionnalité, en droit communautaire (B). Code des marchés publics et elle est reprise par la décision du Conseil constitutionnel, dans un considérant qu’il est possible de qualifier d’obiter dictum tant il aide peu à l’analyse de la constitutionnalité de la loi déférée. Le raisonnement, issu du texte, est en deux temps : il fait d’abord référence aux objectifs découlant des principes de la commande publique (1), puis il définit les étapes du choix telles qu’elles découlent des trois grands principes135 (2).

L’efficience et les objectifs découlant des principes de la commande publique

Le lien qui est fait avec la bonne utilisation des deniers publics ne laisse pas douter de l’objectif poursuivi. Il faut en effet y voir la trace de l’évolution historique que nous avons décrite qui a fait passer le souci des acheteurs publics du moins au mieux-disant pour arriver aujourd’hui à l’efficience. L’objectif avoué de l’article 1er n’abandonne pas les objectifs passés, il les dépasse. La bonne utilisation pourrait ainsi être interprétée comme on le ferait classiquement en référence au bon père de famille138, mais le recours à l’idée d’efficacité montre qu’il ne s’agit pas seulement de « bonne » utilisation mais bien de « meilleure » utilisation possible. 989. Le Code comme le Conseil constitutionnel donnent ici une interprétation de l’article 14 de la Déclaration de 1789 qui n’est pas complètement inattendue : si les citoyens ont la possibilité de « suivre l’emploi » de la contribution publique, c’est que cet argent doit par principe être géré au mieux139. C’est d’ailleurs ce qui ressort aussi de l’article 15 de cette même déclaration : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Cette « meilleure » gestion procède, semble-t-il, du cœur de l’article 15 et de la garantie que les agents publics agissent pour l’intérêt général, ce qui est justifié, de même que leur responsabilité, par le principe de la souveraineté nationale. Le professeur Laurent RICHER va dans le même sens lorsqu’il estime que « l’article 15 est plus large et en cela il ne procède pas uniquement de l’idée de souveraineté nationale, mais aussi, plus largement, de celle de bon gouvernement, de « bien commun » […] »140. Le principe de la bonne gestion est donc considéré comme fondamental depuis la Révolution141, c’est le contenu de la bonne gestion qui est ici précisé : il ne suffit pas de ne pas gaspiller l’argent public, il faut le gérer au mieux.

 

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