Le modèle Kawa : Une approche qui révèle la compétence culturelle de l’ergothérapeute ?

Le modèle Kawa : Une approche qui révèle la compétence culturelle de l’ergothérapeute ?

La compétence culturelle

 Nous avons vu que les ergothérapeutes étaient doués de compétence culturelle, et que celle-ci était plus ou moins perçue par ces professionnels. La compétence culturelle est une notion employée dans divers champs disciplinaires (didactique des langues, sociologie, psychologie, anthropologie, santé) sans pour autant qu’une définition ne soit universellement acceptée. Devant la pluralité des définitions, nous allons tenter de dégager les éléments qui semblent faire consensus dans la littérature afin d’appréhender au mieux cette notion. Volontairement, nous écarterons les approches de la compétence culturelle par la didactique des langues, champs disciplinaire non abordé dans ce travail, et concentrerons nos recherches dans les domaines de la santé, la sociologie, la psychologie et l’anthropologie. Nous aborderons brièvement l’historique de la compétence culturelle, puis nous détaillerons ses composantes essentielles. Enfin, nous nous intéresserons au long processus que représente l’acquisition de la compétence culturelle.  

Les origines de la compétence culturelle

 La compétence culturelle fait son apparition dans la littérature avec le concept de soins infirmiers transculturels développé par le Docteur Leininger, infirmière anthropologue. Elle parle alors de la nécessité pour un professionnel d’être « cohérent culturellement ». « Pour que les êtres humains puissent survivre et vivre dans un monde en bonne santé, pacifique et porteur de sens, les infirmières et les autres professionnels de la santé doivent comprendre les croyances, les valeurs et les moyens de subsistance des personnes en matière de soins culturels, afin de fournir des soins de santé culturellement cohérents et bénéfiques » .Par la suite, des auteurs en psychologie ou en sciences infirmières développent des modèles de la compétence culturelle, comme Cross et al. et Campinha Bacote. Cross et al. nomme précisément la compétence culturelle et la définit comme « un ensemble de comportements, d’attitudes et de politiques congruents qui se rejoignent dans un système, une agence ou parmi des professionnels et leur permettent de travailler efficacement dans des situations interculturelles ». Il imagine un continuum en six points allant de la destruction culturelle (attitudes, politiques et pratiques destructrices envers une culture, tel que les génocides) à la compétence culturelle avancée ou maitrise de la culture (culture hautement estimée par le système, qui vise à l’amélioration des relations entre les cultures dans l’ensemble de la société). Les travaux de Cross et al. explorent la compétence culturelle en tant que processus et décrivent les réponses culturelles possibles de la part d’un système face à une communauté minoritaire . Campinha Bacote développe un modèle en cinq catégories correspondant aux savoirs que devraient développer les professionnels, sans ordre spécifique. Il s’agit de la conscience culturelle, des connaissances culturelles, des habiletés culturelles, des rencontres culturelles et enfin du désir culturel .Aucune définition de la compétence culturelle n’est universellement acceptée. Il s’agit de définir un phénomène complexe et multidimensionnel où interagissent des composants affectifs, comportementaux et cognitifs (29). De nombreux auteurs ont exploré et continuent d’explorer cette notion, que ce soit en sciences infirmières, ou plus récemment en ergothérapie à l’image de Wells et Black, Suarez-Balcazar, Muñoz, Bonder ou encore Dillard. 

 Les notions clés de la compétence culturelle 

Malgré l’absence de consensus, certaines notions paraissent faire l’unanimité parmi les travaux de différents auteurs. D’après Suarez-Balcazar and Muñoz, « The most common components were cultural awareness, cultural knowledge, cultural skills and cultural encounters or practice » . Ce sont précisément ces notions que nous développerons ici, car elles peuvent être considérées comme centrales pour définir la compétence culturelle d’après Black et Wells. Il s’agit de la conscience culturelle, des connaissances culturelles, des habiletés culturelles et de la rencontre culturelle. La conscience culturelle : elle consiste à être conscient de ses valeurs, de ses croyances et de ses attitudes, ainsi que celles des personnes avec qui nous interagissons. Il s’agit de comprendre les bagages culturels de chacun et leurs influences sur les relations à autrui. La conscience culturelle implique une véritable introspection où nous devons être capable d’analyser nos propres préjugés : D’après Dillard, « a major component of cultural competence is an acknowledgment and awareness ofone’s own culture and a willingness to explore one’s own feelings and biases » .La conscience culturelle est à la base de l’analyse des similitudes et des différences entre les cultures (Burchum, 2002). Les connaissances culturelles : elles définissent ce qui permet de comprendre une culture par l’acquisition continuelle d’informations. Cela implique de connaitre les facteurs qui influencent la diversité. Il s’agit de facteurs observables comme l’âge, le sexe, l’ethnicité d’une personne, et de facteurs non observables comme l’éducation, les croyances, le statut socio-économique, ou encore les valeurs, et l’histoire d’une personne ou d’un groupe culturel .Les auteurs suggèrent que les professionnels construisent des connaissances culturelles par l’immersion culturelle, en observant, et en posant des questions auprès des personnes intéressées . Pour acquérir ces connaissances, il est nécessaire de faire preuve d’habiletés culturelles, une autre composante de la compétence culturelle. Les habiletés culturelles : elles font référence à des savoirs faire qui permettent aux professionnels d’adapter leur pratique, et d’agir de manière compétente avec autrui. Elles englobent des capacités d’évaluation et de communication. Les auteurs entendent par communication la capacité à interagir avec toute personne. Il peut s’agir de comprendre le sens des mots employés par une personne, de savoir parler la langue de la personne, ou bien d’avoir recours à un interprète ou tout autre outil permettant la communication. La capacité à être à comprendre le non verbal, comme les mimiques, la gestuelle et les émotions notamment, entre aussi dans les capacités de communication . Les capacités d’évaluation suggèrent d’être capable d’adapter nos pratiques aux croyances et aux valeurs d’une personne afin que notre intervention ait du sens et soit culturellement acceptable . C’est l’interaction conjointe entre les connaissances et les habiletés culturelles qui permettent une évaluation adéquate des personnes et une intervention pertinente culturellement. Finalement l’important est de créer, par la rencontre avec autrui et grâce aux connaissances et habiletés culturelles, un lien interpersonnel . La rencontre culturelle : elle fait référence aux contacts entre des personnes de cultures différentes. Elle comprend les échanges et la communication. La compétence culturelle ne peut se développer uniquement par un exercice intellectuel. Ce sont les rencontres, les interactions culturelles qui sont au cœur du processus de développement de la compétence culturelle. Des auteurs ajoutent que pour que rencontre il y ait, il faut une certaine motivation et l’envie d’aller vers l’autre pour le rencontrer. On parle alors de « désir culturel » . Les rencontres culturelles favorisent le développement des habiletés culturelles et la diminution des stéréotypes et préjugés. Campinha Baccote en 2010 précise qu’agir auprès de quelques personnes issues d’un même groupe ethnique ne fera pas de nous un « expert » de cette ethnie. Elle insiste sur les variations intra ethniques : « there is more variation within a cultural group than across cultural groups »

Table des matières

1. Introduction
1.1 Emergence du thème
1.2 Revue de littérature : méthodologie
1.3 Revue de littérature : analyse critique
1.3.1 Le concept de « culture »
1.3.2 Les impacts de la culture sur la prise en soin
1.3.3 Les compétences et outils de l’ergothérapeute en matière de culture
1.4 Enquête exploratoire
1.5 Question initiale de recherche
1.6 Cadre conceptuel
1.6.1 La compétence culturelle
1.6.2 Le modèle Kawa
1.6.3 Liens entre la compétence culturelle et le modèle Kawa
1.7 Question et objet de recherche
2. Matériel et méthode
2.1 Choix de la méthode de recherche
2.2 Population et critères d’inclusion et d’exclusion
2.3 Outil théorisé de recueil de données
2.4 Anticipation de ses biais et stratégies pour les atténuer
2.5 Construction de l’outil théorisé de recueil de données
2.6 Test de faisabilité du dispositif auprès d’une cohorte d’entrainement
2.7 Déroulement de l’enquête
2.8 Choix des outils de traitement et d’analyse des données
3. Résultats
3.1 Données descriptives
3.2 Données textuelles
4. Discussion des données
4.1 Interprétation des résultats
4.2 Eléments de réponse à la question de recherche
4.3 Critique du dispositif de recherche et discussion des résultat
4.4 Apports, intérêts et limites des résultats pour la pratique professionnelle
4.5 Proposition et transférabilité pour la pratique professionnelle
4.6 Perspective de recherche
Références bibliographiques
Annexes

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