Le monitorage hémodynamique et l’utilisation des agents inotropes positifs et vasoactifs en chirurgie cardiaque

Complications cardiaques et cardio-vasculaires

Ces complications peuvent prendre des formes variables, à type de défaillances myocardiques, troubles du rythme, épanchements péricardiques . La dysfonction ventriculaire systolique est liée à la circulation extracorporelle (CEC) et à l’agression chirurgicale, elle survient presque toujours, mais avec une intensitévariable, et est corrélée à la mortalité post-opératoire. La fonction ventriculaire gauche se détériore progressivement pour atteindre son nadir environ 4 à 6h après le sevrage de la CEC, puis récupère dans un délai d’environ 24h (en l’absence d’autre phénomène intercurrent) . Il est intéressant de noter que cette dysfonction systolique survient ycompris sur un ventricule sain sans altération préalable. La fonction ventriculaire droite évolue en général de manière similaire à la fonction gauche. La fonction systolique n’est pas la seule à subir des altérations, et beaucoup de travaux s’intéressent à la dysfonction ventriculaire diastolique qui est associée à un mauvais pronostic dans la population générale mais aussi dans le contexte de la chirurgie cardiaque .
La tamponnade cardiaque est une complication grave mettant en jeu le pronostic vital par le bas débit profond qu’elle peut entraîner. Sa fréquence se situe entre 0.2% (en cas de PAC) et 8.4% (en cas de transplantation cardiaque). Elle est d’ailleurs responsable de 10% des hypotensions post-opératoires . L’infarctus du myocarde (IDM) post-opératoire après chirurgie cardiaque survient dans 2 à 4% des cas après PAC . Il correspond à l’IDM de type 5 selon la 3e définition universelle de l’IDM . Les troubles du rythme cardiaque sont fréquemment rencontrés, au premier rang desquels on retrouve la fibrillation atriale (FA). C’est une des complications classiques de la chirurgie cardiaque, avec une occurrence entre 10 à 40% des cas, voire 1 cas sur 2 dans le contexte de la chirurgie valvulaire . La FA n’est pas une complication anodine, car elle est associée à un triplement du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), une augmentation de la durée de séjour, du taux de réadmission à l’hôpital et donc d’une majoration des coûts médico-économiques de prise en charge.

Patients à haut risque

Les patients subissant une intervention de chirurgie cardiaque présentent systématiquement une pathologie cardio-vasculaire, plus ou moins sévère, indiquant la chirurgie. Cette pathologie causale peut s’inscrire dans un cadre de maladies cardio-vasculaires plus vaste, avec l’association par ailleurs de comorbidités respiratoires, rénales et métaboliques. Il s’agit donc de patients à haut risque chirurgical. L’évaluation du risque péri-opératoire est fondamentale car le bénéfice de réaliser ou non la chirurgie doit être mis en balance avec la probabilité de morbi- mortalité liée à l’intervention. Dans ce but, un certain nombre de travaux ont été réalisés, et l’un des plus exhaustifs a abouti à la création de l’EUROSCORE, qui est prédictif de la mortalité en chirurgie cardiaque. Il a été développé sur une cohorte européenne de 19 030 patients issus de 128 centres répartis dans 8 pays. On utilise actuellement la deuxième version de ce score appelé EUROSCORE II . L’autre score le plus utilisé au plan mondial est le score STS, utilisé pour l’évaluation de patients nord-américains .

Généralités sur le monitorage en anesthésie-réanimation

Le terme moniteur est issu d’un mot latin dont la signification est « avertir. » Au sens large, il s’agit donc dans le contexte de l’anesthésie d’un élément de surveillance dont l’utilisation permet d’identifier la survenue d’un problème, idéalement avant que les conséquences associées à ce problème surviennent. Dans le contexte de l’anesthésie-réanimation, il s’agit donc en premier lieu d’avoir accès à la surveillance des grandes fonctions physiologiques de nos patients. La Société Française d’Anesthésie-Réanimation (SFAR) a d’ailleurs régi depuis longtemps la surveillance minimale indiquée pour tout patient sous anesthésie générale, associant l’expertise humaine (nécessité d’un anesthésiste-réanimateur sénior) et technique (scope électrocardiogramme (ECG), saturomètre, pression artérielle, capnogramme, analyse des gaz d’anesthésie) .
Bien évidemment, certaines situations cliniques nécessitent des outils de monitorage plus sophistiqués, mais dont le coût et les complications inhérentes possibles rendent l’utilisation systématique non pertinente. C’est le cas dans le domaine qui nous intéresse, à savoir le monitorage hémodynamique avancé en chirurgie cardiaque, basé sur la mesure du débit cardiaque ou sur l’évaluation de l’adéquation débit-métabolisme.

Utilisation des Agents Inotropes et Vasoactifs en Chirurgie Cardiaque

Parmi l’arsenal thérapeutique dont dispose l’anesthésiste-réanimateur en périopératoire de chirurgie cardiaque, les agents inotropes et vasoactifs représentent bien entendu une arme majeure. Ces agents sont nombreux et variés et leur mécanisme d’action aussi .
en premier lieu, les catécholamines agissent par l’intermédiaire des récepteurs béta et alpha adrénergique. Ces agents peuvent être inoconstricteurs (effet alpha positif : adrénaline ; noradrénaline ; dopamine) ou inodilatateur (pas d’effet alpha mais effet bêta-2 associé : dobutamine ; dopexamine).
Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 3, dont le chef de file est la milrinone, bloquent la dégradation de l’Adénosine Monophosphate Cyclique intracellulaire et augmentent et prolongent son effet inotrope. Indépendants du système adrénergique, ils présentent un intérêt particulier lorsque ce système est down-régulé, ce qui est le cas dans l’insuffisance cardiaque chronique congestive. Ils sont par ailleurs vasodilatateurs et diminuent les pressions de remplissage et les résistances vasculaires systémiques et pulmonaires.
Une classe récente représentée par le levosimendan utilise de manière intéressante le métabolisme du calcium sans en modifier la concentration intracellulaire (et donc les effets indésirables associés, en particulier l’augmentation de la demande énergétique myocardique). Cet agent sensibilisateur du calcium se fixe à la troponine C de façon calcium dépendante, permettant une prolongation du temps de contact entre l’actine et la myosine et une augmentation de la contractilité myocardique. De plus, le levosimendan active l’ouverture des canaux potassiques ATP-dépendants des vaisseaux artériels, induisant une vasodilatation artérielle.

Monitorage Hémodynamique en Chirurgie Cardiaque

A l’échelle nationale, la dernière étude sur le sujet a été publiée en 2004 mais sur des données recueillies en 2001. 52 centres ont inclus sur 3 jours 399 patients bénéficiant d’une chirurgie cardiaque. Un CAP a été utilisé chez 32% des patients et représente le premier outil de monitorage dans cette cohorte. Dans 12% des cas, une Échographie Transoesophagienne (ETO) était utilisée d’emblée, taux qui est de 27% en cas de chirurgie valvulaire et seulement de 4.5% en cas de chirurgie coronarienne isolée. Une mesure de la pression de l’oreillette gauche a été mise en place chez 3.8 à 10% des patients selon le geste. Les autres outils de monitorage (Thermodilution transpulmonaire (TDTP), Analyse des échanges gazeux (NICO : Non Invasive Cardiac Output Monitoring), Doppler Œsophagien) étaient utilisés chez seulement 3.4 à 12.5% des patients selon le geste .
Cependant, depuis ce travail, il existe très peu de données rendant compte des éventuels changements de pratique alors que nous avons désormais à disposition un grand nombre d’outils de monitorage hémodynamique avancé. Bien évidemment, le CAP reste le Gold Standard auquel chaque nouvelle technique doit se mesurer, mais son utilité est remise en question par le développement de nouveaux outils fiables et par des travaux remettant en cause son utilité voire son innocuité . Sur 100 000 procédures aux USA entre 2010 et 2014, un CAP était encore utilisé dans 34% des cas, mais un certain nombre d’études ont mis en évidence depuis plusieurs années une absence de bénéfice voire un risque relatif de complications et de mortalité plus élevé . Des outils moins invasifs se basant sur l’analyse du contour de l’onde de pouls sont facilement disponibles. Certains peuvent être calibrés par thermodilution transpulmonaire et sont bien validés en comparaison du CAP en chirurgie cardiaque . D’autres techniques n’utilisant pas de calibration sont elles aussi bien corrélées au Gold Standard qu’est le CAP .
Évidemment, le monitorage par ETO est une technique essentielle que l’anesthésiste-réanimateur doit maîtriser mais qui était étonnamment peu utilisée dans les dernières études françaises sur le sujet citées précédemment.
Le doppler œsophagien s’est largement développé au prix d’un nombre important d’études ayant mis en évidence son impact positif sur les suites post-opératoires chez les patients à haut risque, ce qui a d’ailleurs abouti à la recommandation de la SFAR sur le monitorage du VES peropératoire, essentiellement appuyé sur ces travaux .
D’autres méthodes utilisant des concepts très variés comme la bioimpédancemétrie thoracique, la réabsorption partielle de gaz respiratoire ou l’analyse de la courbe de pléthysmographie cherchent encore leur place.

Table des matières

1. Introduction 
1. Chirurgie à haut risque
a) Mortalité
b) Morbidité
2. Patients à haut risque
3. Le monitorage hémodynamique avancé
a) Généralités sur le monitorage en anesthésie-réanimation
b) Monitorage hémodynamique avancé : rationnel physiopathologique et
concept d’optimisation hémodynamique
4. État des connaissances
a) Monitorage hémodynamique en chirurgie cardiaque
b) Utilisation des agents inotropes et vasoactifs en chirurgie cardiaque
5. Objectif de l’étude
2. Matériel et méthode
1. Type d’étude
2. Critères d’inclusion
3. Critères d’exclusion
4. Protocole / Déroulement pratique de l’étude
5. Analyse statistique
6. Définitions
3. Résultats
1. Centres participantà l’étude
2. Caractéristique des patientset chirurgie
3. Agents inotropes et vasoactifs- Remplissage – Produits sanguins
4. Utilisation dumonitorage hémodynamique
5. Complications
6. Choix du monitorage et impact clinique
4. Discussion
5. Conclusion
6. Bibliographie 
7. Annexes

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