Le plasma et le développement des plantes

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Germination des graines et croissance

La graine, une révolution évolutive

La graine, stade du cycle de vie végét al uniquement retrouvé chez le groupe des spermatophytes composant 80% du règne végétal, incluant les angiospermes (ou plantes à fleurs) et les gymnospermes [10], est le résultat de la reproduction sexuée et de la fusion entre cellules reproductrices femelles (ovules) et males (grains de pollen).
L’apparition de la graine est considérée comme une innovation notable pour le règne végétal [11]. Le succès évolutif des spermatophytes repose en grande partie sur la durée très courte de la phase gamétophytique (c’est-à-dire qui produit les gamètes mâles et/ou feme lles).
La graine est donc la structure de résistance puisqu’elle permet de protéger l’embryon avant d’entamer un nouveau cycle de vie pour la future plante [12].Pour cela, la graine est composée de plusieurs couches externes à l’embryon regroupées sous le terme de « manteau ». La couche la plus externe nommément le testa, est souvent pigmentée et inerte. Elle protège l’endosperme qui peut représenter une seule couche de cellule cher A. thaliana ou plusieurs de cellules de réserve chez le blé . Lors de la germination, la rupture de ces couches périphériques permet l’extrusion rapide de l’embryon turgescent et ensuite la germination de la graine (Figure I-1).
Les graines présentes une très large diversité de structure, morphologie, taille, couleurs…entre les différentes espèces des spermatophytes (diversité inter-spécifique) ainsi qu’une grande diversité au sein d’une même espèce (diversité intra -spécifique) cette diversité résulte de l’adaptation de cette structure à son environnement [14]. Ainsi, leur taille, leur poids, leur morphologie, leur composition et leur nombre peuvent varier d’un individu à l’autre, ou d’une année à l’autre pour un même individu [15]. La plus grosse graine est celle du Lodoicea maldivica mesurant jusqu’à 50 cm et pesant entre 20 et 25 kg en moyenne [16]. À l’opposé, la graine de la plante modèle Arabidopsis thaliana fait environ 500 µm soit 1000 fois plus petite [17].
Un exemple d’adaptation est celui du mode de dispersion des graines, lequel peut s’effectuer par la gravité (barochorie), par l’eau (hydrochorie), par les animaux (zoochorie) ou en encore par le vent (anémochorie). Ce dernier moyen de dispersion repose sur la petite taille des graines et leur légèreté ceci souvent accompagnées d’adaptation morphologique telle que l’apparition d’une aile comme c’est le cas chez certains cactaceae et notamment chez Tephrocactus ecoriensis (Figure I-2)
(d) de graine de cactacées Tephrocactus ecoriensis. Pointillé : tissu funiculaire ; Hachuré : périsperme ; Noir : testa. Pour cette espèce, c’est le tissu funiculaire en pointillés qui va s’aplanir et s’étendre pour former une aile. Figure extraite de Bregman [18]
On peut également retrouver le développement d’excroissance provenant du fruit (péricarpe) autour de la graine comme pour l’érable ou le saule (Figure I-3).
Figure I-3 : Photographie des fruits de saule et d’érable. Fruit de saule de Zeyher (Combretum zeyheri, A) ; Fruit d’érable argenté (Acer platanoides, B). Les photographies montrent les excroissances du péricarpe appelées « hélicoptères » qui sont importantes pour la dispersion des graines par anémochorie. Barres d’échelle = 5 cm en A et 1 cm en B. Photographies extraites de Crang [14]
Cette grande diversité structurelle induit de nombreuses spécificités comme la vitesse de germination ou en encore le temps de viabilité des graines. Néanmoins, un des points communs à toutes ces plantes est qu’un nouveau cycle débute toujours par l’étape de la germination. C’est sur cette étape de la vie des plantes qu’une grande partie de ce travail est centrée notamment pour essayer de comprendre les processus affectant la germination à l’aide du traitement plasma.

La germination

C’est une étape cruciale, en effet si la germination ne se passe pas dans des conditions optimales, la plante va tout simplement interrompre son cycle de vie. La germination est un phénomène extrêmement complexe , régulé par de nombreux signaux , à la fois endogènes et environnementaux, comme par exemple les balances hormonales ou le taux d’humidité ambiant [19]. C’est aussi son rôle clef et sa complexité qui attisent la curiosité des chercheurs et donne lieu à de nombreuses études sur le sujet (Figure I-4). Ces études cherchent principalement à étudier les effets de l’environnement sur la germination mais aussi à comprendre le rôle des gènes /protéines et des métabolites associés sur le contrôle de ce tte germination. De plus, la complexité de ce mécanisme n’est pas la même chez toutes les plantes, ce qui rend difficile la généralisation de s recherches pour l’ensemble des spermatophytes. Néanmoins, la recherche fondamentale a permis de mettre en évidence le contrôle de la germination par des facteurs endogènes et exogènes à la graine et qui seront détaillés dans la suite de cette partie.
Figure I-4 : Graphique de l’évolution du nombre d’articles avec les mots-clés « germination » et « plant ». Les données sont recueillies sur le serveur de Web of science.
Dans cette étude, la plante modèle utilisée est A. thaliana [20] (Figure I-5). C’est une plante de la famille des Brassicaceae. Cette famille a la particularité de produire un grand nombre de graines par plante contenues dans une enveloppe spécifique nommée silique ( Figure I-5). Cette plante développe une rosette de feuilles durant le stade végétatif. Ensuite, lorsque la floraison est initiée, une hampe florale apparait au centre de la rosette. Elle peut atteindre jusqu’à 40 cm et portera de nombreuses siliques sur la longueur des tiges principale et secondaires. De plus, les exigences de culture et la courte durée du cycle de vie (3 mois de graines à graines) de cette plante sont adaptées aux expérimentations de laboratoire tout comme sa taille qui reste petite même en floraison (entre 20 et 30 cm). Comme cela a déjà été signalé, il est également à noter que le génome de cette plante est entièrement séquencé et nous avons donc accès à de nombreux mutants permettant l’étude des différents acteurs moléculaires intervenant au cours de la germination [9]. Enfin, l’absence d’enjeux agronomiques directs pour cette plante permet d’éviter les conflits d’intérêt et donc une diffusion plus rapide des découvertes et des résultats au sein d’une très vaste communauté scientifique. La disponibilité des résultats des études ainsi que leur nombre a permis une grande connaissance de cette plante et cela en fait la plante modèle adéquate pour l’étude de l’effet d’un traitement au plasma sur la germination [21-23].
La germination commence avec l’absorption d’eau par la graine et le démarrage de l’activité cellulaire [24]. L’activité enzymatique associée à la p ression exercée par l’embryon (turgescence des cellules) vont permettre la rupture des parois des cellules constituant les enveloppes (manteau : testa et endosperme) entourant l’embryon de la graine. Dans le cas d’A. thaliana, c’est grâce à la rupture de ces deux enveloppes et à la reprise de l’activité cellulaire (division et élongation) que la radicule peut émerger. Par la suite, on observe l’extension de l’hypocotyle conduisant à l’apparition et l’ouverture des cotylédons [25]. Il est a noté que ce scénario n’est pas le même pour toutes les espèces avec l’émergence des cotylédons en premier ou avec l’absence du développement du/des cotyledon(s) [26].
La vitesse de germination dépend des conditions environnementales directes de la graine mais aussi de sa taille et de sa composition [27]. Par exemple, chez Cryptocarya alba les graines les plus grosses germent plus rapidement [28]. Des facteurs internes tels que la dormance primaire entrent également en jeux.
La germination des graines est contrôlée par de nombreux mécanismes , dont certains sont explicités dans la suite de ce chapitre, et elle marque le début de la croissance et du développement de l’embryon, et à terme de la nouvelle plante (Figure I-6).
En premier lieu, afin de pouvoir germer, la graine doit tout d’abord être mature. La maturation qui se produit à la fin du développement de la graine (embryogénèse ) va entrainer, une inhibition du cycle cellulaire, une dessiccation des graines et une augmentation de la concentration en acide abscissique (ABA) qui va établir la dormance [31].
Si la graine a atteint sa maturation et, lorsque les conditions sont favorables, elle va pouvoir germer. Cependant, dans des conditions défavorables, certaines graines, comme A. thaliana, peuvent devenir dormantes (dormance secondaire) pour maintenir sa capacité de germination en attendant un moment plus propice. Il existe un certain nombre de facteurs contrôlant la germination et la dormance des graines, comme les hormones végétales (Figure I-6).
La dormance des graines est un mécanisme par lequel la germination est retardée. On peut trouver une dormance primaire qui se fait au cours de la maturation de la graine par l’augmentation du niveau d’ABA bloquant le développement cellulaire [25]. On peut aussi parfois trouver une dormance secondaire qui est en lien avec les facteurs extérieurs. En effet, la dormance secondaire est induite par des conditions environnementales directes non favorables (température trop basse par exemple), et va permettre à la graine de passer cette période sans démarrer le processus de germination [32].
En affectant l’équilibre hormonal de la graine, les paramètres environnementaux, comme la température et la lumière, p euvent influencer la germination des graines [33]. Si les conditions sont favorables la germination sera enclenchée et au contraire si certaines conditions ne sont pas présentes (faible humidité par exemple) la ger mination sera repoussée grâce à la dormance secondaire.
Le nitrate (NO3−) ainsi que les gibbérellines (GA) sont capables d’induire la germination des graines et de lever la dormance primaire [33]. Le NO3− peut agir comme une source d’azote et comme molécule signal capable d’inhiber par nitrosilation des protéines de la signalisation ABA dépendant comme ABI5 [34] et d’activer des protéines de synthèse du GA3 comme GA3ox [35]. Les gibbérellines nouvellement synthétiser vont améliorer la germination des graines en activant la transcription de gènes nécessaires au démarrage de la germination et en inhibant l’activité de l’ABA [36]. On peut donc dire que le ratio GA/ABA est essentiel pour le contrôle de la germination. Cependant, les gibbérellines ne sont pas les seules hormones impliquées dans l’activation de la germination. L’éthylène, les cytokinines et les brassinostéroïdes, du fait de leurs interactions négative avec l’ABA, peuvent aussi réguler positivement le processus de germination des graines [30]. De plus les espèces réactives de l’oxygène et de l’azote (RONS) apparaissent comme étant indispensables à la germination. En effet, en dépit de leur caractère nocif dans certaines conditions (tout est question de dose), les RONS vont pouvoir participer au relâchement des parois et favoriser les ruptures du manteau de la graine permettant de ce fait la germination [37]. Mais aussi rôle de signalisation du fait de leur potentiel red-ox.
Les conditions environnementales ne peuvent être favorables que pendant une courte période, c’est pourquoi la vitesse et le taux de germination sont très importants pour la pérennité de l’espèce. L’optimisation de la germination va permettre à la graine de commencer sa croissance pendant le lapse de temps où les conditions sont favorables en puisant dans ces réserves et pour que la plantule devienne rapidement autotrophe (c’est-à-dire qu’elle va pouvoir produire toute la matière organique carbonée nécessaire grâce à la photosynthèse). Cette vitesse de germination permet aussi la mise en place rapide de défense contre les stress biotiques ou abiotiques. De plus cette vitesse de germination et l’autotrophie qui en dépend vont permettre l’établissement rapide de la plante et son bon développement et par conséquent une production de matière organique ainsi que de graines plus importante.
D’un point de vue agronomique, le taux de germination ainsi que l’état sanitaire des semences sont des facteurs importants pour la réussite des cultures.
En effet, en agronomie, le taux de germination est crucial pour la pérennité de l’activité agriculturale puisqu’un mauvais taux de germination devrait être pallié par une augmentation du nombre de graines semées et donc par un cout plus important. D’autre part, l’état sanitaire des semences est aussi capital ; des graines et par la suite des plantes qui peuvent être contaminées peuvent engendrer une perte de rendement ce qui nuit à l a production de nourriture ou de matières premières . C’est dans ce but que des traitements phytosanitaires tels que des antifongiques ou des répulsifs contre des parasites par pulvérisation mais aussi par enrobage sont utilisés pour faciliter la manipulation
Depuis quelques années, les semenciers sont entrés dans une optique plus respectueuse de l’environnement pour réduire l’utilisation de certains produits phytosanitaires. En effet, il est possible de retrouver des traces de certains composants dans l’environnement (sol et organismes vivants) longtemps après leur utilisation et parfois éloigné de leur lieu d’utilisation [38].
C’est dans cette optique que des recherches avec l’utilisation des nouvelles technologies ont vu le jour et notamment le domaine du « plasma agriculture ». Ce domaine a été exploré dans le but d’améliorer et d’optimiser la production agricole. Cependant, à l’heure actuelle, les nombreuses recherches visent à comprendre les effets encore méconnus des trait ements plasmas sur la germination des graines et leur croissance.

Les espèces réactives et les plantes

Un grand nombre de facteurs contrôle la germination, comme l’intensité et la qualité de la lumière ou la température [39, 40]. D’autres facteurs comme le taux d’espèces réactives de l’oxygène ou de l’azote (RONS) ont également été identifiés comme des facteurs d’activation de la germination [41, 42].
Des molécules telles que le peroxyde d’hydrogène (H2O2) ou l’ion superoxyde (O2.-) sont produites par la plante de manière constitutive au cours de processus biologiques essentiels tels que la photosynthèse et la respiration ou dans d’autres mécanismes comme lors de la croissance racinaire [43]. Cependant, ces espèces réactives bien qu’essentielles peuvent avoir un effet « dose dépendant » sur le développement et le bon fonctionnement de la plante. Par exemple, en trop grande concentration, le pouvoir oxydant de ces espèces va être trop élev é et va alors entrainer un ralentissement de la croissance en affectant l’intégrité cellulaire [44]. Les plantes vont devoir allouer plus de ressources pour se protéger de ces effets néfastes au détriment du développement. En effet, le stress oxydatif produits par les RONS va entrainer de nombreuses réactions comme l’oxydation des phospholipides constituants de la membrane plasmique, de l’ADN, des protéines ou des polysaccharides de la paroi [45]. Au contraire, à concentration plus faible, les RONS auront un rôle de messagers secondaires au sein de la plante [46]. De plus, l’effet dose peut se percevoir quand les RONS sont présents même à faible dose mais de manière non contrôlée par la plante. Afin de se protéger contre les effets doses indésirables, et garder un niveau stable de ces espèces actives dans la plante et dans l’environnement direct, les plantes possèdent une batterie de protéines capables de réguler l’homéostasie des RONS [47]. Parmi ces protéines, on va retrouver les peroxydases de classe III. Les peroxydases végétales sont des glycoprotéines sécrétées , elles sont impliquées dans de nombreux mécanismes tels que l’élongation cellulaire, la construction de la paroi cellulaire mais aussi pour la défense contre les agents pathogènes. Elles appartiennent à de grandes familles multigéniques chez les angiospermes, on en retrouve 73 chez A. thaliana [48, 49]. Une des fonctions des peroxydases est d’oxyder et de réduire le peroxyde d’hydrogène [50], ce dernier étant entre autre localisé dans le manteau de la graine avant sa germination [42]. On peut donc envisager que l’activité enzymatique de ces protéines intervienne au cours de la rupture des couches externes de la graine et puisse être utilisée p our l’amélioration de la germination.
Les RONS peuvent donc être générées de façon endogène par la graine pendant sa phase d e germination et de croissance mais peuvent également être amenées de façon exogène par une source externe comme par exemple le plasma. Dans les prochains chapitres, il sera donc intéressant d’identifier les relations présentes entre les RONS, le plasma et les effets sur la germination des graines.

Aperçu sur les plasmas

Le plasma est considéré comme le quatrième état de la matière [51] (Figure I-7). Cet état est le composant majeur de notre univers. Sur Terre, les plasmas «naturels» les plus courants sont les aurores boréales ou les décharges de foudre [52].

Table des matières

Introduction générale
Chapitre I Contexte de l’étude et état de l’art
I.1 Introduction
I.2 Germination des graines et croissance
I.2.1 La graine, une révolution évolutive
I.2.2 La germination
I.2.3 Les espèces réactives et les plantes
I.3 Aperçu sur les plasmas
I.4 Avancées et état de la recherche
I.4.1 Les différents dispositifs plasma
I.4.2 Les effets des plasmas sur la germination
I.4.3 Le plasma et le développement des plantes
I.4.4 Les effets du plasma sur la surface des graines
1.4.5 La décontamination par plasma
I.5 Conclusion
Chapitre II Matériels et méthodes
II.1 Introduction
II.2 Les dispositifs plasma
II.2.1. FE-DBD dans l’air ambiant
II.2.2 Jet DBD de plasma d’hélium dans l’air ambiant
II.2.3 Corona multi-pointes dans l’air ambiant
II.2.4 Alimentation électrique utilisée
II.2.5. Caractéristiques énergétiques et chimiques des plasmas utilisés
II.3 Le matériel biologique
II.3.1 Arabidopsis thaliana : une plante modèle
II.3.2 Autres graines d’intérêt agronomique étudiées
II.3.3 Traitement des graines
II.4 Les plans expérimentaux
II.4.1 Test de germination
II.4.2 La microscopie
II.4.3 L’analyse de la surface
II.4.4 Visualisation des espèces réactives de l’oxygène (ROS) et de l’activité peroxydase
II.4.5 Le développement
II.4.6 Les analyses de l’eau activée par plasma
Chapitre III Résultats
III.1 Introduction
III.2 Les effets sur la germination
III.2.1. Col-0 le génotype de référence
III.2.2 Les effets sur les différents mutants
III.2.3 La résistance aux stress
III.2.4 La longévité des effets
III.3 Les effets sur la surface des graines
III.3.1 L’imagerie
III.3.2 La perméabilité des graines
III.3.3 Analyses des lipides de surface
III.3.4 L’effet des traitements sur le mucilage
III.3.5 Visualisation des ROS et de l’activité peroxydases
III.3.6 Étude sur la graine de Camelina sativa
III.4 Le développement des plantes
III.4.1 L’eau activée par plasma
III.4.2 Les différents effets sur le développement d’Arabidopsis thaliana
Chapitre IV Discussion, Conclusion et Perspectives
IV.1 Discussion
IV.2 Conclusion
IV.3 Perspectives
Références bibliographiques
Annexes

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *