La pensée profonde de Durkheim

Le processus de la recherche

«Les faits sociaux consistent en représentations» mais «il faut traiter les faits sociaux comme des choses». Telle est la pensée profonde de Durkheim, fondateur en France de la sociologie comme discipline universitaire et auteur de Les Règles de la méthode sociologique. Il demande en fait de rapprocher les méthodes de la sociologie de celles des sciences exactes pour fonder scientifiquement et socialement son droit à la différence. Se donnant pour objet spécifique l’étude de la construction sociale des phénomènes, la sociologie par exemple s’inscrit inévitablement dans les «logiques sociales», dans les «définitions sociales» (Bourdieu et al. [1968]), dans les «systèmes de pensée, de représentation et d’action» (Claude Lévi-Strauss [1956]). Ainsi est posée la question de l’objectivité scientifique. Il y a nécessité par conséquent de fournir un effort d’objectivation de l’objet d’étude. Il faut emprunter la démarche scientifique, faire bon usage des méthodes et techniques de recherche, «armer, comme dit Combessie(1999 : 8-9), la distance critique de soi à soi, la résistance aux «prénotions» et préconstructions implicites d’objet et la prise de conscience des présupposés qu’on engage, bon gré, malgré, dans la recherche » .- la phase conceptuelle. Je dirai plutôt phase de conception et je parlerai en termes d’établissement, de constitution, de construction de l’objet d’étude, tout comme l’architecte conçoit dans son esprit la maison qu’il fera construire sur le terrain.

Phase de conception /construction

La tentation d’une recherche «en aveugle», « pour voir », est régulière, récurrente. Sous le nom de sociographie sont désignés les travaux qui suggèrent de «décrire» les phénomènes sociaux observés tels qu’ils se «donnent» à voir ou à entendre. La sociologie lutte pour s’en distinguer et reprend la critique adressée à tous les «empirismes» et à tous les «réalismes», en affirmant : il n’y a pas de Concevoir, conceptualiser, construire et objectiver l’objet d’étude, c’est se référer à un processus, à une façon ordonnée de formuler les idées, de les organiser de manière documentée autour d’un sujet précis, pour l’expliciter et parvenir à une conception claire et opérationnelle de l’objet d’étude. Cela signifie que pour mener à bonne fin une recherche, il faut bien penser, bien réfléchir, bien identifier un problème précis, poser une question centrale (fortifiée par d’autres), imaginer les réponses appropriées (hypothèses) et en envisager la validité. Les étapes de cette phase de construction de l’objet sont à suivre et à respecter. En s’appuyant sur les lectures (il ne s’agit pas encore de l’élaboration d’une revue de la littérature, mais de consultation d’ouvrages et travaux), sur des observations de terrain (il ne s’agit pas encore de réalisation systématique d’enquête), le chercheur formule un problème de recherche, c’est-à-dire développe et articule par un enchaînement d’arguments la traduction d’une préoccupation majeure, l’expression de « ce qui pose problème », de « ce qui fait problème », et qui mérite d’être étudié, élucidé.

Les questions de recherche sont bien entendu des énoncés interrogatifs qui reformulent et explicitent d’une certaine manière le problème identifié. Les hypothèses sont des réponses anticipées à ces questions et elles doivent leur correspondre ainsi qu’au problème. Tout comme les objectifs. Ceux-ci sont nécessaires pour guider et opérationnaliser la recherche dans les activités précises à mener. La position de thèse est l’option ou l’orientation centrale que l’initiateur de l’étude cherche à défendre. Et tout le travail doit refléter cette position. Certains chercheurs et enseignants de méthodologie insistent pour que l’énonciation des hypothèses de recherche survienne seulement après la revue de la littérature qui les aura fait mûrir et éclore. On est en droit de se demander si ces hypothèses sont partie intégrante de la revue en tant qu’éléments constitutifs ou font simplement suite à la revue et s’en distinguent. D’autres sont persuadés qu’on ne peut pas formuler un problème de recherche sans auparavant avoir fait la revue de la littérature. C’est peut-être une question d’écoles de méthodologie et de préférences. C’est à se demander s’il n’y a pas de confusion entre la recherche documentaire et la revue de la littérature en tant que telle. Il y a en fait un va-et-vient constant entre la problématique et la revue de la littérature. L’accord est presque total sur ce point. Le désaccord vient de ce que certains auteurs ou chercheurs font de la problématique, un aspect de la revue de la littérature tandis que d’autres présentent la revue comme un aspect de la problématique. Une préférence est qu’on les sépare pour mieux apprécier et affirmer leur complémentarité dans l’établissement de l’objet d’étude. Et la spécification de la problématique doit venir en premier lieu, car c’est du problème clairement identifié et formulé et explicité par des questions précises et par des hypothèses que dépendent la sélection et l’orientation ajustées des écrits pertinents, théoriques et empiriques, pour la revue. Bien entendu, la rédaction de celle-ci peut conduire à retoucher à la problématique.

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