Le raisonnement déductif d’Euclide

Le raisonnement déductif d’Euclide

Euclide (323-285 av. J.-C.) a donné le premier les fondements de la géométrie dans son œuvre Les Éléments (1632) contenant une série de quinze livres. Dans la plupart des livres, il énonce dans un premier temps une série de définitions. Il fournit ensuite quelques axiomes et propose de nombreuses démonstrations. Dans ces livres, toutes les bases (ou presque) de la géométrie euclidienne de nos jours sont données. Nous y retrouvons les propriétés sur les cercles, sur les triangles tels que Pythagore, les cas de similitudes des triangles et la théorie des proportions. Dans le Livre I, nous pouvons voir les définitions qu’il propose sur les objets « point », « droite » et « plan ». Dans un souci de compréhension, nous les avons traduites de la version en ancien français de 1632.  Un point est ce dont la partie est nulle.  Une ligne est une longueur sans largeur.  Les extrémités d’une ligne sont des points.  La ligne droite est celle qui est également comprise et entendue entre ses points.  Une surface est ce qui a seulement longueur et largeur.  Les extrémités d’une surface sont des lignes.  La surface plane est celle qui est également placée entre ses droites.  Lorsqu’une droite tombant sur une droite fait deux angles de suite égaux entre eux, chacun des angles égaux est droit; et la droite placée au-dessus est dite perpendiculaire à celle sur laquelle elle est placée. 70 Chapitre III. Étude historico-épistémologique  Les parallèles sont des droites, qui, étant situées dans un même plan, et étant prolongées à l’infini de part et d’autre, ne se rencontrent ni d’un côté ni de l’autre. Chez Euclide, le plan est donc défini comme la surface comprise entre des droites et la droite comme la partie comprise entre deux points. De ce fait, les objets de dimensions inférieures doivent être connus pour comprendre les objets de plus grandes dimensions. La question de la position relative de deux droites dans le plan est aussi présente dans ces définitions. Elle nous indique d’ailleurs que les droites (et donc les plans) sont infinies (infinis); ce que les définitions de droites et de plans ne laissaient pas supposer. Selon Nguyen (2018), certaines expressions, comme par exemple longueur, largeur, profondeur, point, ligne, surface, sont utilisées comme si le lecteur était déjà capable de comprendre ce qu’elles signifient géométriquement. L’auteure précise alors que ces assertions sont essentiellement des définitions descriptives et qu’elles ne peuvent donner prise au raisonnement déductif. Ce manque de netteté entre le discours déductif et ce qui est connu ou perçu des objets géométriques est une des raisons pour laquelle l’œuvre d’Euclide a fait l’objet de diverses critiques dans la suite de l’histoire. Pourtant, ces définitions amènent ce que de nos jours nous appellons les axiomes ou postulats d’Euclide. Ils sont au nombre de cinq et sont présentés ci-dessous tel que Perrin (2010) les énonce. Postulat 1. De tout point à tout autre point on peut tracer une ligne droite. Postulat 2. Toute droite finie peut être prolongée indéfiniment et continûment. Postulat 3. Avec tout point comme centre et tout rayon, on peut tracer une circonférence. Postulat 4. Tous les angles droits sont égaux entre eux. Postulat 5. Si une droite rencontre deux droites en faisant des angles intérieurs du même côté de la sécante ayant une somme inférieure à deux angles droits, ces droites, prolongées à l’infini, se rencontreront du côté où se trouvent les angles dont la somme est inférieure à deux angles droits. Les preuves des propositions qu’il effectue se basent sur les définitions et les postulats énoncés précédemment. Nous présentons à la figure III.1 une preuve effectuée dans le Livre VI pour mettre en avant les démarches de l’époque utilisant les triangles semblables pour introduire une construction de la moyenne proportionnelle. Proposition 6 (Proposition XIII Livre VI). Entre deux lignes droites données, trouver une moyenne proportionnelle

La légitimité des constructions géométriques

La Collection de Pappus écrite au IVe siècle est traduite et imprimée en latin en 1588. Trois thèmes y sont abordés : la classificiation des problèmes géométriques, l’utilisation de courbes dans les constructions et la construction par Neusis (Bos, 2001). Nous revenons brièvement sur ceux-ci. Selon Pappus, la résolution de problèmes géométriques a pour but de trouver une bonne construction géométrique de ceux-ci. Les problèmes qu’ils abordent étaient résolubles soit grâce aux droites et aux cercles, soit grâce à des sections coniques, soit grâce à des lignes plus complexes comme les spirales, quadratrices, conchoïdes ou cissoïdes (Jullien, 1996). La classification qu’il propose tient compte de la nature des courbes utilisées dans les constructions. Les problèmes plans sont ceux dont la résolution demande l’utilisation des lignes droites et des cercles. Tous ceux résolubles par les méthodes d’Euclide sont classés comme des problèmes plans. Les problèmes solides sont ceux dont la résolution se fait en intersectant des coniques. C’est le cas par exemple du problème de la deuxième moyenne proportionnelle dont la construction nécessite d’intersecter une parabole et une hyperbole. Les problèmes linéaires sont ceux utilisant des courbes plus complexes. En fonction de cette classification, Pappus émet le précepte suivant : « Problems should be constructed with the means appropriate to their class » (Bos, ibid., p. 49). Autrement dit, pour lui, il est inacceptable de construire un problème dans une classe particulière avec les courbes utilisées dans les autres classes de problèmes. Par exemple, il est impensable de construire la deuxième moyenne proportionnelle avec uniquement des cercles et des lignes droites. Les géomètres, voulant suivre ce précepte, ont émis quelques doutes quand à la légitimité des problèmes linéaires. Pour eux, il était difficile de concevoir une construction d’un problème linéaire sans utiliser des instruments et tracer des courbes d’une autre classe de problème telles que les droites et les cercles.

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