Le Serment des chasseurs du Manden, la Charte de Kurukanfuga et la problématique des droits humains

Le Serment des chasseurs du Manden, la Charte de
Kurukanfuga et la problématique des droits humains

Du Manden avant le Serment des chasseurs et la Charte de Kurukanfuga 

Le Manden entre unité, diversité et division Existe-t-il un peuple sans culture et sans civilisation ? Assurément aucune théorie ne peut démontrer que ces deux éléments ne sont pas les choses du monde les mieux partagées. Partant la présence de la culture et de la civilisation est la preuve de l’existence d’une organisation qui inclut la gestion primordiale de la terre et de ses ressources, les traditions et les coutumes qui orientent législativement les hommes, le système linguistique avec ses variantes dialectales, le système de croyances qui étale toute la dimension métaphysique de l’homme, les principes de la morale permettant à chaque individu de se conformer aux normes sociales et de s’approprier les notions de bien et de mal, etc. Nous ne disons pas que cette énumération est suffisante pour définir une organisation sociale, politique, économique, culturelle… mais elle jette quand même les bases indispensables à la vie et au regroupement des hommes. La vie au sein des regroupements intime des manières de se comporter, des conceptions de soi et des autres, des modes d’appropriation des biens et des services… toutes choses en fait qui posent des problèmes comme l’égalité des hommes face aux coutumes et aux lois, les droits et les devoirs de chacun. Il reste entendu que les solutions recherchées pour ces problèmes ne sont pas définitives compte tenu de la dynamique sociale inséparable des intérêts individuels et collectifs. Ici intervient inévitablement la question de l’histoire qui permet de restituer plus ou moins fidèlement les faits évocateurs d’expériences et du génie humain en matière d’organisation. Certes le récit historique ne peut se défaire de la partialité, mais il est indispensable à l’intelligence du passé, du présent et aux études prospectives. Ainsi le thème des droits humains ne s’invite pas fortuitement et arbitrairement dans l’histoire du Manden. Il y a des prémisses, des indices et des indicateurs qui permettent de dire 18 que l’homme pris comme espèce ou comme personne a été sujet ou objet de préoccupation pour toutes les organisations en général et au Manden en particulier. Comme on le verra plus loin l’homme subsume à lui tout seul les éléments de la culture et de la civilisation cités plus haut. Le Serment des chasseurs et la Charte de Kurukanfuga sont explicitement l’expression et la continuité de la recherche de solutions aux problèmes socio politiques et économiques auxquels le Manden a été confronté. Le nom du Manden n’exprime pas seulement une toponymie, mais surtout une métonymie, car il est aussi un repère historique pour plusieurs communautés liées par le sang, la terre, l’eau… toutes choses qui nous orientent vers une rigoureuse sociolatrie révélant un lien indestructible entre l’homme et tous les éléments de son environnement. Pour cerner l’impact ou l’interaction de cet environnement avec les hommes, il faut scruter nécessairement l’histoire des peuples différents, mais vivant ensemble. Seulement la vie en communauté convoque à la fois l’accord et le désaccord, la paix et la guerre et quelquefois des périodes de transition d’un régime à un autre. Le Manden a connu toutes ces expériences et peut-être c’est là que réside sa chance d’être connu pour avoir fourni au monde un Serment modèle d’engagement des chasseurs et une Charte rappelant les lois fondamentales modernes. Il est infécond de procéder à l’analyse de ces outils politico culturels sans une tentative de définition des acteurs par lesquels, pour lesquels et contre lesquels, le Serment et la Charte ont pu voir le jour. L’infécondité pourrait s’aggraver aussi si l’on ne prenait pas la précaution de situer méthodologiquement ces textes dans leur contexte et préciser leur prétexte qui est avant tout la défense, la protection et la promotion de la personne humaine. 19 1. Préalables méthodologiques Pour identifier la participation du Serment et de la Charte au concept de droits humains il faut au préalable résoudre l’incontournable question de méthode surtout dans une civilisation plurielle recelant de sources orales et de documents écrits. Assurément l’exclusion d’une des sources, entraînerait une lecture et une analyse fantaisistes de l’histoire du Manden. Même si une reconstitution fidèle de cette histoire demeure une vue de l’esprit à cause des différentes versions de l’épopée mandingue, il est tout de même possible, par souci d’objectivité de procéder à une forme de triangulation des documents écrits, de la tradition orale et des sources modernes comme l’internet, l’audio visuel, etc. Cette triangulation intime à la fois un choix et une contrainte. Le choix commande le discernement entre le vraisemblable et l’invraisemblable en épargnant ce que nous appellerons plus loin les droits surhumains. La contrainte se justifie par le caractère incontournable de certaines sources comme « L’épopée mandingue » de D.T. Niane ou « La Grande Geste de Soundjata » de Y. T. Cissé et W. Kamissoko pour ne citer que celles-ci. Pour ce faire, nous tenterons par une analyse à la limite de l’herméneutique d’explorer et d’exploiter tous les éléments issus des documents écrits et des cultures sonores ou civilisations de l’oralité24 susceptibles de nous orienter dans la praxis actuelle alimentée par des tensions sociales et politiques. S’il faut traiter du concept de droits humains-qui a de forts relents occidentaux- à partir de produits d’une civilisation où l’oralité domine, il faut suivant le principe de précaution s’abreuver à la fois au niveau des sources orales et des sources écrites. C’est donc à juste titre que Cissé et Diabaté conseillaient de « […] bannir tous les préjugés qui pèsent sur la tradition orale, en réduisant la distance qui séparait celle-ci de la  source écrite. Mieux ! en combinant les deux. Réduire la distance, c’est considérer, tradition orale et tradition écrite […] comme complémentaires. » 25 Pour cette étude proprement dite, la tendance qui considère le verbe comme un phénomène fugace et éphémère, l’écriture comme le sceau de la permanence et de la fidélité, est une tendance improductive. Les pratiques et les fins qui orientent vers la conception de l’homme ou de la personne et des moyens mis en œuvre pour protéger l’homme sont de prime à bord cernées à partir de la tradition orale que Camara définit comme « […] l’ensemble des valeurs culturelles d’un peuple dont la transmission, fondée sur l’oralité, se fait d’une génération à l’autre par le moyen de l’éducation et des circonstances pratiques de la vie. Au sens large il s’agit des récits et autres documents non écrits […] » 26 Ce qu’il faut ajouter au témoignage de Camara, c’est qu’en empruntant l’itinéraire de la tradition orale on découvre une conception de l’homme qui ne peut exister sans le verbe ou sans un ou des témoins. C’est, là tout un programme traduisant une forme d’altruisme qui jure avec toute velléité de droit individuel. Contrairement à Djéli Mamadou Kouyaté, nous ne dirons pas que l’écriture a tué la mémoire, mais qu’elle renforce la conservation d’un mémorable qu’il ne déforme pas dans tous les cas, mais qu’il expose afin de permettre son accessibilité au grand nombre. La remarque de Zaourou qui suit s’inscrit aussi dans cette logique « Il faut considérer l’écriture pour ce qu’elle est : un moyen de conservation de la parole, peut être le plus prestigieux, mais un moyen parmi de nombreux autres moyens ! » 27 La valeur de ce jugement réside dans la  reconnaissance explicite du poids certain de l’écriture, mais aussi implicitement son caractère complémentaire. Tout en rapportant que l’écriture est l’ombre de la parole, Nyamba établit un lien indissociable entre l’écriture et la parole dans la mesure où une ombre ne peut jamais exister et paraître sans un objet.28 Ainsi, les sources écrites nous paraissent dans cette recherche comme des éléments nécessaires à une triangulation permettant un regard croisé des récits, des jugements et des témoignages. Il reste entendu qu’un cadre conceptuel capable d’annoncer la problématique des droits humains dans le Manden du XIIIe siècle ne peut être élaboré sans des sources écrites d’origine occidentale, africaine et arabe. Cet impératif nous a conduit à scinder la revue documentaire en : -ouvrages généraux, traitant du droit, des droits de l’homme ou des droits humains, des concepts généraux en rapport avec l’homme, etc.

Table des matières

Introduction
Première partie : Du Manden avant le Serment des chasseurs et la Charte de Kurukanfuga
Chapitre I. Le Manden entre unité, diversité et division
Chapitre II. Des différentes perceptions de l’homme et de ses droits avant le Serment des chasseurs et la Charte de Kurukanfuga
Deuxième partie : Du paradigme des droits humains à l’aune du Serment des chasseurs et de la Charte de Kurukanfuga
Chapitre I. De l’immortalité de la tradition orale
Chapitre II. Le passage de l’inhumain à l’humain et au surhumain
Troisième partie : Le Serment des chasseurs, la Charte de Kurukanfuga et la quête de l’universel
Chapitre I. Regards croisés et enjeux du Serment des Chasseurs et la Charte de Kurukanfuga
Chapitre II. De l’impact et de la portée du Serment des chasseurs et de la Charte de Kurukanfuga
Conclusion

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