Le système monétaire mondial 

Le système monétaire mondial 

Système monétaire et marché des changes

 Les grands événements monétaires internationaux sont toujours liés aux événements économiques et bien sûr aux événements politiques. La période de croissance sans inflation de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle avait accompagné la généralisation de l’étalonor. Après la suspension de l’étalon-or lors de la Première guerre mondiale, les tentatives demeurées vaines pour y revenir ont coïncidé avec la grande crise des années trente. La fin officielle de ce régime en 1936, avec don de la France après le Royaume-Uni et les États-Unis, marque un début de reprise économique générale, reprise qui avortera avec le deuxième conflit mondial. Une attitude délibérément ouverte a été adoptée à la fin de la Deuxième guerre mondiale. L’idée dominante était que la liberté des échanges commerciaux était favorable à la croissance mondiale, mais que l’instabilité des taux de change (et le risque de manipulations monétaires agressives telles qu’on les avait connues dans les années trente) serait défavorable au développement économique. Le système monétaire décidé à la conférence de Bretton Woods en juillet 1944 a fonctionné à peu près jusqu’à la fin des années soixante. Contrairement à une présentation trop sommaire, il ne s’agissait pas d’un système de « changes fixes » mais d’un ensemble de règles fixant les modalités de révisions périodiques des taux de change et d’interventions sur le marché des changes pour stabiliser le niveau des monnaies entre deux révisions. On notera que pendant la période de changes dits « fixes » les mouvements monétaires ont été de grande ampleur. C’est ainsi par exemple que de 1950 à 1971, année qui marque la fin définitive des accords de Bretton Woods, le dollar est passé de 4,20 à 3,49 marks allemands, de 3,50 à 5,54 francs français et de 360 à 349 yens. Les mouvements se sont encore accentués par la suite, le dollar passant entre 1971 et 1998, veille de la création de l’euro de 3,49 à 1,84 mark, de 5,54 à 5,90 francs et de 349 à 130,7 yens. Si on se limite à la période d’existence de l’euro, l’euro est passé de 1,17 dollar à sa création le 1er janvier 1999 à 0,85 dollar en 2000, puis à 1,6 dollar en juillet 2008. Quant au yen japonais, il est passé de 1 dollar = 113 yens au début 1999 à 134 yens au plus haut en mars 2002 et 100,8 au plus bas en mars 2008. C’est dire l’ampleur des variations des prix des monnaies sur des temps réduits. Dans le système de changes flottants qui s’est imposé par la suite (plutôt contre la volonté des gouvernements au départ, avec leur résignation par la suite), il n’y a plus de règle collective de gestion des taux de changes. Les taux de change flottent au gré des marchés. Cela ne signifie pas l’absence totale d’interventions publiques sur le marché des changes, mais ces interventions ne font pas l’objet d’un accord international posé a priori et explicite. Chaque pays agit comme il l’entend et en fonction des moyens dont il dispose. En principe, le Fonds Monétaire International exerce une mission de surveillance multilatérale des changes et donne des orientations souhaitables mais il ne dispose d’aucun moyen d’intervention significatif, ce qui le contraint à une grande prudence. Au cours de la dernière décennie, les deux événements majeurs ont été la création de l’euro et la montée du rôle de la Chine et du yuan chinois. Du point de vue des taux de changes, la création de l’euro revient à la fixation définitive des parités entre douze monnaies européennes (nombre qui augmente depuis chaque année). Compte tenu de l’expérience de Bretton Woods, pour que cette fixation soit effective et définitive, il fallait faire disparaître toute possibilité de différencier les monnaies nationales, et pour cela créer une monnaie unique émise et gérée par une institution unique. C’est le rôle de la Banque centrale européenne. La zone euro est une configuration sans véritable précédent historique, un espace économique ayant une même monnaie et un ensemble de règles communes à respecter comme la liberté de circulation des biens et des capitaux ou les contraintes imposées aux politiques budgétaires, mais toujours plusieurs États souverains dans de larges domaines, y compris économiques. C’est une configuration qui devra encore évoluer. Il reste que d’ores et déjà, une région du monde parmi les plus développées, regroupant 320 millions de personnes, et qui avait été longtemps un foyer d’instabilité monétaire, est désormais devenue une zone de totale stabilité monétaire intérieure. Il n’en est évidemment pas de même vis-à-vis de l’extérieur, c’est-à-dire des autres monnaies. La montée de l’importance du rôle du yuan chinois dans le monde est encore plus récente que l’euro. Au moment du Traité de Maastricht, en 1992, les réserves officielles de la Chine étaient insignifiantes. Elles avaient augmenté à environ 150 milliards de dollars à la création de l’euro en 1999. Elles s’élèvent aujourd’hui à plus de 1 500 milliards de dollars. On sait que la monnaie chinoise n’est pas librement convertible et que la Chine a longtemps suivi une politique de change qui consistait à maintenir fixe la parité avec le dollar par des interventions permanentes de la Banque centrale. La valeur de la monnaie chinoise étant très basse, la Chine a accumulé en quelques années des excédents commerciaux considérables qu’elle a conservés en devises pour éviter une hausse du yuan. Face à l’afflux de dollars, elle a en 2005 remplacé la référence au dollar (le peg dollar) par une référence constituée d’un panier de monnaies élargi. Le yuan chinois s’est apprécié très progressivement par rapport au dollar mais son taux de change effectif reste extrêmement bas. Le déséquilibre des échanges commerciaux persiste donc et perturbe l’ensemble des marchés financiers mondiaux. Au total, le système monétaire mondial actuel s’avère très hétérogène. Certaines monnaies sont très encadrées comme le yuan chinois et pour des raisons différentes le yen japonais, d’autres sont flottantes (le dollar et l’euro) et les monnaies moins importantes s’ajustent plus ou moins librement. Le Fonds Monétaire International a classé les régimes de changes des différents pays. Il observe que la part des régimes de flottement pur qui avait augmenté jusqu’au début des années 2000 tend plutôt à diminuer au profit des régimes de « pegs » souples ou de flottement géré. Ce résultat doit être considéré avec une certaine prudence dans la mesure où les critères de classement sont relativement subjectifs. Il suggère tout de même que le régime de change majoritaire dans le monde n’est pas le flottement pur mais un régime de change plus ou moins géré. Le marché des changes est certainement aujourd’hui le plus grand marché du monde. C’est un marché non localisé car les opérateurs et les transactions sont répartis sur l’ensemble de la planète. C’est un marché permanent, ouvert 24 heures sur 24. C’est un marché très liquide, qui n’a connu aucune interruption même lors des crises financières passées (1987, 2001 et 2007), assez peu spéculatif dans la mesure où il répond surtout à des besoins commerciaux et financiers. C’est aussi un marché très sensible aux   rigides changements d’anticipations, ce qui le rend peu prévisible. Ces caractéristiques sont largement décrites dans le chapitre 3 par Gilles Bransbourg. Retenons de ce chapitre auquel nous renvoyons le lecteur que le marché des changes fonctionne bien, que compte tenu de sa taille, l’efficacité d’éventuelles interventions est limitée, les prix sont gouvernés par les fondamentaux macroéconomiques sous-jacents mais que des comportements de mimétisme peuvent amplifier fortement leurs mouvements, au moins à court terme. 1. Panorama mondial des régimes de change Source : FMI. La décision d’instaurer une Union économique et monétaire européenne a été prise en juin 1988. L’euro a été lancé un peu moins de dix ans après, le 1er janvier 1999 au terme de trois phases successives de préparation. Il ne concerne pour l’instant qu’une partie des États de l’Union mais le traité instituant l’Union européenne concerne dans son principe tous les États. Pour réaliser les deuxième et troisième phases de l’Union économique et monétaire (UEM), une révision du traité instituant la Communauté économique européenne (Traité de Rome) était nécessaire afin de créer de nouvelles institutions. Les négociations ont abouti au traité sur l’Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992. Un Institut monétaire européen (IME) a été mis en place le 1er janvier 1994 afin de renforcer la coopération entre les banques centrales et la coordination des politiques monétaires des États membres et d’assurer la préparation du Système européen de banques centrales (SEBC) et de la monnaie unique. Afin de compléter et de préciser les dispositions du Traité relatives à l’Union économique et monétaire, le   seil européen a adopté en juin 1997 le Pacte de stabilité et de croissance constitué de deux règlements (complétés en 1998 par une déclaration du Conseil) visant à assurer la discipline budgétaire dans le contexte de l’UEM. Le 2 mai 1998, le Conseil de l’Union européenne a décidé à l’unanimité que onze États membres remplissaient les conditions nécessaires pour l’adoption d’une monnaie unique à compter du 1er janvier 1999 (la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les PaysBas, l’Autriche, le Portugal et la Finlande). Le nombre des États membres participants est passé à douze le 1er janvier 2001, lorsque la Grèce est entrée dans la troisième phase de l’UEM. La Slovénie est devenue le treizième pays participant le 1er janvier 2007. 1. Les trois phases de l’Union économique et monétaire Source : Banque centrale européenne. Troisième phase 1er janvier 1999 Fixation irrévocable des taux de conversion Introduction de l’euro Mise en œuvre de la politique monétaire unique par le Système européen de banques centrales Entrée en vigueur du mécanisme de change européen (MCE II) Entrée en vigueur du Pacte de stabilité et de croissance Première phase 1er juillet 1990 Libération complète des mouvements de capitaux Renforcement de la coopération entre banques centrales Libre utilisation de l’écu (unité monétaire européenne qui a précédé l’euro) Amélioration de la convergence économique Deuxième phase 1er janvier 1994 Création de l’Institut monétaire européen (IME) Interdiction faite aux banques centrales d’accorder des concours au secteur public Renforcement de la coordination des politiques monétaires Amélioration de la convergence économique Processus conduisant à l’indépendance des banques centrales nationales, qui doit être terminé au plus tard à la date de la mise en place du Système européen de banques centrales Travaux préparatoires à la troisième phase   Depuis la création de l’euro, les échanges commerciaux au sein de la zone euro ont augmenté. La valeur des échanges de marchandises entre pays de la zone euro est passée d’environ 26 % du PIB à 33 % du PIB (année 2007)(1). Les échanges de services ont aussi augmenté passant de 5 à 7 % du PIB. Le taux d’ouverture de la zone euro, c’est-à-dire le poids des échanges extérieurs dans le PIB a par ailleurs augmenté sensiblement depuis 1998 (de 11 points de pourcentage). L’euro a également favorisé une certaine convergence des prix parmi les États membres mais des écarts subsistent et les taux d’inflation nationaux restent assez différents. La part de marché de la zone euro a reculé depuis dix ans, ce qui est la conséquence normale du développement commercial des pays émergents. Le recul de la part de marché de la zone euro (– 1,7 % par an du niveau de la part de marché) est dans la fourchette des baisses des autres pays exportateurs (– 1,2 à – 1,7 % par an) mais parmi les plus fortes baisses. On constate au sein de la zone euro d’assez grandes différences. La part de marché de l’Irlande et de l’Allemagne a augmenté, celles de la France et de l’Italie ont fortement reculé. Ces écarts s’expliquent par les différences de compétitivité entre pays et sans doute aussi par les sensibilités différentes des économies aux fluctuations de l’euro. La zone euro (qui représente environ un quart de PIB a par ailleurs sensiblement accru son taux d’ouverture aux échanges financiers, le ratio des avoirs et engagements vis-à-vis du reste du monde ayant augmenté d’environ 60 % du PIB de 1999 à 2006. La zone euro est ainsi une zone particulièrement ouverte sur le plan financier, ses avoirs et engagements internationaux dépassant 150 % du PIB (en 2006) contre 115 % pour les États-Unis et 90 % pour le Japon. La création de l’euro a eu aussi pour effet d’augmenter la réallocation des portefeuilles vers des actifs financiers en euros. Enfin, la part actuelle de l’euro dans les réserves officielles mondiales est plus élevée que la part cumulée de toutes les monnaies que l’euro a remplacées. L’augmentation s’est opérée entièrement entre 1999 et 2002, la part de l’euro dans les réserves mondiales étant stable, de l’ordre de 25 %, depuis 2002. Enfin, il est difficile de déceler un éventuel impact de la création de l’euro sur la croissance de la zone euro. Le taux de croissance annuel moyen de la zone euro avait été de 2,18 % de 1980 à 1999. Il a été de 2,18 % depuis la création de l’euro (1999 à 2007). Mais il faut souligner que sur la même période, le taux de croissance moyen par habitant de la zone euro a été de 1,7 % par an, strictement égal au taux de croissance des États-Unis par habitant.

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