L’INCIDENCE DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR SUR L’HARMONISATION DE LA PROCEDURE APPLICABLE AU MANDAT D’ARRET EUROPEEN

L’INCIDENCE DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR SUR L’HARMONISATION DE LA PROCEDURE APPLICABLE AU MANDAT D’ARRET EUROPEEN

L’harmonisation législative en matière pénale est déterminante dans la construction de l’espace pénal européen. Le contentieux du mandat d’arrêt européen a révélé de nombreuses difficultés de mise en œuvre de l’outil de coopération en partie causées par les lacunes des textes originaires. La Cour de justice de l’Union a donc largement été confrontée à la problématique de l’exécution du mandat et a dû trouver l’équilibre entre préservation des droits fondamentaux et application de l’outil de coopération pénale. L’enjeu est essentiel, car en donnant l’avantage voire l’exclusivité au second, elle occulte totalement les arguments des États et risque le conflit avec ces derniers. En faisant primer les premiers au détriment du second, elle expose dangereusement l’avenir de la coopération pénale européenne. Les juges de la Cour de justice ont donc pris le parti de préciser les dispositions litigieuses de la décision-cadre 2002/584 instituant le mandat d’arrêt européen, mais ce n’est qu’avec le soutien du législateur et l’adoption de normes contraignantes que les faiblesses de la procédure relative au mandat d’arrêt européen pourront disparaître.

recherche d’équilibre entre préservation des droits fondamentaux et effectivité de la remise par la Cour de justice démontre, par ailleurs, et malgré une première harmonisation législative, les incomplétudes de l’arsenal législatif européen. Dès lors, pour assurer une certaine cohérence dans ce domaine au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, tout en assurant primauté et effectivité au droit de l’Union, la Cour appliquera les principes et interprétations dégagées par la Cour européenne des droits de l’Homme (Section 2). Ces questionnements permettront ensuite au législateur de prendre conscience de la nécessité d’accélérer l’harmonisation procédurale en matière pénale afin de renforcer la coopération pénale européenne.

Les insuffisances des premières harmonisations législatives

L’intervention de la Cour de justice en matière de coopération pénale a été décisive. Souvent sollicitée pour éclairer les termes de la décision-cadre 2002/584 instituant le mandat d’arrêt européen, elle a mis en lumière les carences de ce texte. Parallèlement, l’Union a affiché ses ambitions. D’abord dans les traités, en affirmant qu’elle allait devenir un véritable espace de liberté, de sécurité et de justice puis, de manière moins directe, dans la jurisprudence de la Cour en mentionnant sa volonté de créer un espace pénal européen. À l’heure de l’articulation des droits pénaux nationaux, l’Union, consciente des limites des normes en vigueur et sous l’impulsion de la Cour de justice, va engager un processus d’harmonisation normative. La recherche de l’espace pénal européen passe nécessairement par un rapprochement des législations exigé par l’article 82 TFUE. Plus qu’une simple uniformisation qui fait davantage référence aux jurisprudences nationales sur le modèle de la jurisprudence de la Cour de justice, il s’agit là de recourir à des actes de droit de l’Union, nombreux et précis, qui, une fois transposés dans les ordres juridiques internes, permettront une véritable assimilation des législations pénales entre les États membres. Étape cruciale dans l’accomplissement d’un espace pénal européen, elle permettra de développer son arsenal législatif et renforcer la procédure applicable au mandat tout en assurant une protection aboutie des droits fondamentaux. C’est également l’occasion pour la Cour de répondre aux critiques nationales en utilisant l’harmonisation comme un moyen de dépasser les conflits : « some authors do not consider harmonisation as elimination of differences, but rather as pérenniser le système, il a adopté une nouvelle décision-cadre 2009/299841 visant à apporter quelques précisions relatives aux motifs de refus d’exécution du mandat d’arrêt européen sans pour autant faire disparaître ces questions du contentieux (Paragraphe 1). De même, si la Cour a pu révéler les insuffisances du texte à l’égard du principe non bis in idem et bien que le législateur les avait prises en considération, les premières avancées normatives restent limitées .

À l’appui de cette décision-cadre, le Conseil a adopté une résolution885 visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. L’Union tente de rassurer les États en prouvant qu’elle prend en considération la protection des droits fondamentaux des individus concernés par d’éventuelles poursuites pénales. La Feuille de route prévoit six mesures favorisant le respect des droits fondamentaux. Ces mesures sont largement inspirées par les travaux normatifs et jurisprudentiels du Conseil de l’Europe. D’ailleurs, le Conseil rappelle que « la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales constitue la base commune de la protection des droits des suspects et des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales »886. Ces références et l’influence de la CEDH et de sa jurisprudence sont éminemment logiques au regard de la cohérence de la coopération pénale en Europe. Ainsi, le Conseil prévoit que la personne poursuivie doit être en mesure de comprendre ce qui lui est reproché et les raisons pour lesquelles une procédure pénale est ou va être engagée à son encontre. Tous ces éléments devront lui être traduits dans une langue qu’elle comprend. Le Conseil attire également l’attention des États sur les personnes souffrant de troubles de l’audition et demande aux États de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour que ces personnes puissent être correctement informées de la situation dans laquelle elles se trouvent et des droits dont elles bénéficient. De plus, il est demandé aux États d’informer les personnes concernées par la procédure sur leurs droits fondamentaux. Elles doivent également connaître les actes d’accusation afin de préparer au mieux leur défense. En outre, le Conseil préconise un rappel au droit à l’assistance d’un avocat et à l’aide juridictionnelle, et ce dans le but que tous puissent préparer leur défense. De plus, il est prévu que les personnes faisant l’objet d’une mesure privative de liberté doivent être informées, dès le début de la mesure, de leur droit d’informer des proches (famille, employeurs) à la condition que cette mesure ne compromette pas la procédure en cours. Par ailleurs, si l’intéressé n’est pas ressortissant de l’État dans lequel il est privé de sa liberté, il doit pouvoir contacter les autorités consulaires de son pays. Enfin, le Conseil demande à ce qu’une attention et donc une aide soient apportées aux personnes qui ne sont pas en mesure de comprendre le contenu ou le sens de la procédure (soit en raison de leur âge ou de leur État de santé physique ou mental). En couplant la décision-cadre d’une résolution et bien que cette dernière n’ait aucune force contraignante, elle permet à l’Union de montrer son attachement à la préservation des droits fondamentaux et se veut rassurante envers les États qui ont pu largement remettre en cause les standards minimums de protection en la matière. En se référant à la CESDH et la jurisprudence de la CEDH, le Conseil marque sa volonté d’assurer une coopération pénale cohérente en Europe.

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