Le terme source des panaches de téphras

Le terme source des panaches de téphras

 Hauteurs des panaches, granulométrie et masses totales 

Un des autres aspects de l’analyse des dépôts post-éruptifs réside dans l’obtention de la distribution totale des tailles de grains (TGSD) ainsi que de la hauteur des panaches afin d’obtenir les TEMs et MERs des éruptions passées. En ce sens, Pyle (1989) a proposé une constante de décroissance bt (km) qui caractérise la distance à laquelle l’épaisseur du dépôt a diminué de moitié. Ce paramètre est corrélé à la hauteur des panaches et peu dépendant de la TGSD (Bonadonna et al., 1998). Cependant, il est connu depuis longtemps que la hauteur des panaches peut être corrélée aux distributions de tailles des particules dans les dépôts. En effet, la granulométrie d’un dépôt étant le témoin de la fragmentation (Walker, 1973) et des processus de dispersion d’un panache (voir sections I.1.3.3 et I.3.1), les variations de taille des téphras au sol permettent d’estimer la hauteur du panache ainsi que la vitesse du vent. Carey & Sparks (1986) ont proposé un modèle se basant sur l’obtention de cartes d’isoplèthes (i.e. courbes de tailles maximales de grains identiques) qui relie la taille d’une particule ayant sédimentée avec une hauteur de panache correspondante. A partir de ce modèle, Pyle (1989) introduit une relation empirique entre la hauteur d’un panache au niveau de flottabilité neutre (HU dans Figure I.5 et I.6) et un paramètre bc (km) correspondant à la distance à laquelle la taille maximale des téphras a diminué de 50% dans le dépôt. Enfin, Pyle (1989) a proposé le rapport bc/bt pour quantifier le taux de fragmentation de Walker (1973) permettant d’identifier le style éruptif associé à un dépôt de retombées. Plus récemment, Bonadonna & Costa (2013) ont proposé une nouvelle classification des styles éruptifs basée non seulement sur l’analyse des dépôts, mais également sur les différentes gammes possibles de MERs et de hauteurs des panaches de téphras. La plupart des modèles et techniques cités précédemment souffrent énormément des moyens et des hypothèses utilisés pour échantillonner les dépôts de retombées. Dans un premier temps, tandis que toutes les techniques développées pour obtenir les ESPs à partir des dépôts restent viables pour les éruptions les plus fortes et soutenues, leurs résultats sont hautement discutables concernant les panaches faibles et les éruptions transitoires notamment à cause de la forte variabilité de leur paramètres source en fonction du temps (Bonadonna & Costa, 2013; voir Chapitre V). Dans un deuxième temps, la TGSD obtenue dans un dépôt n’est souvent que le reflet de la stratégie d’échantillonnage qui peut différer d’une étude à l’autre. La représentativité des échantillons liée à leur nombre est également une source d’erreur considérable pour les estimations de hauteurs des panaches, des TEMs/MERs et des TGSDs (Andronico et al., 2014a ; Bonadonna et al., 2015a). A titre d’exemple, les modèles de Carey & Sparks (1986) et de Pyle (1989) sont généralement utilisés pour obtenir les MERs des éruptions. Si la durée d’une éruption est connue, alors la connaissance du volume totale des dépôts, de leurs granulométries et des propriétés physiques des grains (Bonadonna et al., 1998) permet d’obtenir une masse totale de téphras (TEM). Le rapport entre la TEM et la durée de l’éruption donne le MER. L’hypothèse essentielle pour un tel calcul est de considérer l’émission comme soutenue, hors cela n’est généralement pas le cas (Andronico et al, 2014a, 2014b). Egalement, ces modèles basés sur l’étude des dépôts ne prennent pas en compte les variations du taux de sédimentation liées à toutes les interactions possibles entre le panache et son environnement, ni les variations possibles du flux de masse à la source. L’atmosphère, la topographie et les conditions à la source ayant des effets sur les processus de sédimentation vont par conséquent impacter les propriétés des dépôts. Par exemple, des maximums secondaires de masse ou de tailles de grains peuvent être observés dans les dépôts dans le cas d’éruptions dont au moins 30% de la TEM correspondent à des cendres fines favorisant le processus d’agrégation (Rose & Durant, 2009 ; Bonadonna et al., 2015b). De tels maximums peuvent également être liés à la topographie du terrain et son influence sur la colonne d’air sus-jacente (Watt et al., 2015 ; Eychenne et al., 2017). Finalement, l’utilisation des lois de Kunii & Levenspiel (1969) par Bonadonna et al. (1998) pour expliquer les lois d’amincissement des dépôts semble être une source d’erreur supplémentaire en raison de la présence quasi-systématique d’instabilités gravitaires sous les panaches de cendres. De plus, ces lois s’appliquent sous l’hypothèse de particules sphériques et il est maintenant bien connu que cette hypothèse est également source d’erreur au regard des variétés de formes et de densités que peuvent prendre les téphras. En effet, les caractéristiques physiques des particules ont effet non-négligeable sur les estimations de leurs vitesses de chute et donc de la perte de masse d’un panache lors de sa dispersion (Riley et al., 2003 ; Coltelli et al., 2008 ; Alfano et al., 2011 ; Beckett et al., 2015 ; Pardini et al., 2016 ; voir Chapitre IV). En réalité, il existe un lien génétique fort entre les observations des dépôts sur le terrain et les modèles qui ont fondamentalement été développés afin de les reproduire. La dynamique des panaches ainsi que leur dispersion et le transport des téphras dans l’atmosphère ont souvent été modélisés grâce aux apports conjoints des modèles numériques, analogiques ou des études de terrain. Bien que l’échantillonnage des dépôts soit un processus essentiel dans la Chapitre I 42 caractérisation d’une activité éruptive, le terme source des panaches apporté par les analyses post-éruptives et les lois empiriques associées souffre de larges incertitudes à cause de toutes les raisons évoquées précédemment. Cependant, au-delà de ces incertitudes de mesures, les études des dépôts sont chronophages et ne peuvent donc pas être utilisées à des fins opérationnels. Une alternative a été proposée par Scollo et al. (2009, 2010, 2013) pour utiliser les dépôts de retombées mais également les observations de hauteurs des panaches pour établir des scénarios éruptifs probabilistes à intégrer dans des modèles de dispersion à visée opérationnelle. Ces scénarios souffrent cependant des mêmes incertitudes liées aux stratégies d’échantillonnage et aux hypothèses intrinsèques aux calculs des ESPs à partir des dépôts postéruptifs. La dernière grande incertitude des méthodes exposées dans cette section concerne les dépôts proximaux, les cendres fines (i.e. ayant un temps de résidence long dans l’atmosphère), mais également les variations temporelles des ESPs. D’une part, les blocs/bombes et les lapillis retombant sur les cônes éruptifs sont souvent difficilement accessibles en raison de leur préservation (Bonadonna & Houghton, 2005) ou de l’accessibilité du terrain (Andronico et al., 2014a ; Bonadonna et al., 2015a, 2015b). Cette proportion des dépôts représente en générale une partie majeure de la masse émises de façon explosive (Andronico et al., 2014a, 2014b ; Pyle, 2016 ; Spanu et al., 2016 ; voir Chapitre V). D’autre part, la partie distale des dépôts associés à un panache dispersé en nuage de cendres n’est que très rarement échantillonnée. Bien que cette partie ne représente que quelques pourcents du TEM d’une éruption, elle reste problématique à cause (i) du temps de résidence des cendres fines et très fines dans l’atmosphère (Pyle, 2016), (ii) de leur fraction massique large allant de 5 à 30% selon la composition du magma d’origine (Rose & Durant, 2009) et (iii) de leur impact sur le trafic aérien. Ces observations montrent que les modèles de colonnes, de dispersion et de transport des panaches ont besoin d’observations à distance capables de quantifier en temps-réel ce qui est souvent moyenné dans les dépôts (Bonadonna et al., 2015b). En effet, les éruptions explosives, peu importe leur dynamisme, peuvent être des processus à apparence soutenue, mais cachent systématiquement un aspect transitoire, ou pulsatile, et/ou tout du moins variable dans le temps. Là où les dépôts ne reflètent qu’une somme de l’ensemble des processus opérant dans les panaches, les moyens de télédétection (satellite, radar, imagerie au sol, etc.) offrent une vision spatio-temporelle de la dynamique et peuvent fournir tout ou partie du terme source des panaches de téphras.

Mesures du terme source par télédétection

Les capteurs de télédétection sont maintenant largement utilisés dans les observatoires volcanologiques tant pour leurs capacités à détecter en temps réel les émissions volcaniques explosives que pour leurs sensibilités complémentaires à des gammes restreintes de la TGSD. En effet, suivant la cible à détecter, ses propriétés physiques, morphologiques et dynamiques vont influencer le choix du capteur de télédétection optimum, en particulier le domaine du spectre électromagnétique dans lequel il travaille (Figure I.8). On distinguera la télédétection active de la télédétection passive qui définit le mode de détection d’un capteur. Un capteur passif va détecter une cible par le biais d’un rayonnement étranger au capteur tandis qu’un capteur actif va illuminer une cible et enregistrer le signal renvoyé par cette dernière (Ricketts, 2016). Cette partie n’a pas pour but de fournir un liste exhaustive des techniques de télédétection des téphras mais de présenter des exemples de capteurs utilisés dans cette thèse, parmi les plus couramment utilisés en opérationnel pour l’obtention des paramètres éruptifs à la source des panaches et dans leur suivi en quasi temps-réel. 

Mesures infrarouge par satellite

La dispersion des panaches de cendres dans l’atmosphère se déroule fréquemment sur des distances de dizaines à centaines, voire des milliers de kilomètres. Dans cette optique, la télédétection par satellite est certainement l’un des moyens les plus efficaces pour détecter, mesurer, et suivre l’évolution d’un nuage de cendres large et de sa dispersion en fonction du temps (Mackie, 2016). L’avantage des capteurs embarqués sur plateforme satellite réside dans leurs larges gammes de longueurs d’onde λ (i.e. allant des Ultra Violets aux Micro ondes; Figure I.8), de résolutions spatiales et temporelles. En fonction de l’objet à étudier, un compromis doit être recherché entre la résolution de la mesure en temps ou dans l’espace. Les capteurs embarqués sur les satellites à orbite polaire (altitudes comprises entre 200-1000 km) couvrent la totalité de la surface du globe avec une grande résolution spatiale (i.e. entre 250 m et 1 km), au détriment d’une bonne résolution temporelle (peu de mesures en un point donné par jour). A titre d’exemple, MODIS (pour ‘Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer’) fait partie de ces capteurs notamment embarqué sur les satellites Terra (de la NASA) et Aqua  (de l’EOS pour ‘Earth Observing System’). Ceux embarqués sur les satellites géostationnaires offriront des mesures jusqu’à 5-15 min pour une résolution spatiale faible (i.e. > 3 km). C’est le cas du capteur SEVIRI (pour ‘Spinning Enhanced Visible and Infrared Imager’) embarqué sur le satellite MSG (‘Meteosat Seconde Generation’). Figure I.8 : Spectre des longueurs d’onde électromagnétiques allant des Rayons X (10-4 μm) aux ondes radios (100 m). Les bandes de fréquences couramment utilisées en télédétection radar sont mises en avant et associées à différents radars utilisés pour la détection des téphras (voir revues de Marzano et al.,2013 et Hort & Scharff, 2016). Les capteurs infrarouge (IR ; Figure I.8) mesurent les radiations provenant de la surface de la Terre et de l’atmosphère après leur passage dans l’atmosphère. Typiquement utilisés dans le cadre de l’estimation des volumes d’émission des éruptions effusives (Harris et al., 1997 ; Harris et al., 2011 ; Gouhier et al., 2012 ; Guerrieri et al., 2015), ils sont également capables de détecter les téphras dans l’atmosphère. En particulier, les cendres volcaniques absorbent fortement les radiations IR dans une bande de λ comprise entre 8.5 et 12 μm (Clarisse & Prata, 2016). Elles seront donc détectées via leur bandes d’extinction qui se trouvent dans un domaine spectral où l’atmosphère est quasi-transparente et absorbe peu le rayonnement IR (i.e. fenêtre atmosphérique infrarouge entre 8 et 13 μm ; Clarisse & Prata, 2016). Les nuages de cendres dilués lors de leur dispersion sont indétectables dans le domaine du visible et souvent mélangés avec les nuages météorologiques, ces derniers étant également détectables dans l’IR (Prata, Chapitre I 45 2009). Ainsi, la télédétection IR peut être utilisée pour discriminer les téphras volcaniques des autres particules en suspension dans l’atmosphère, qu’elles soient d’origine météorologique (e.g. de l’eau et/ou de la glace) ou lithologique (e.g. du sable). Dans ce but, des algorithmes de discrimination ont été développés (voir la revue de Prata, 2009). Ces algorithmes utilisent différentes longueurs d’ondes mesurées par des capteurs passifs dit large-bande (‘broad-band’) voire multispectrales (i.e. la gamme de longueurs d’onde détectée est large par rapport à l’épaisseur des bandes d’absorption individuelles). La méthode la plus connue consiste à utiliser la différence de températures de brillances des cendres dans les bandes à 10.8 et 11.9 μm (‘Brightness Temperature Difference’ ou ‘BTD’ ; Prata, 1989). En effet, entre ces deux bandes, les cendres ne renvoient pas le même signal IR menant à une différence de température négative. Cette même différence avec l’eau ou la glace est positive. Cette technique qualitative de discrimination des cendres est actuellement utilisée par les VAACs (Prata, 2009) et les services d’observation comme HOTVOLC (capteur SEVIRI) de l’OPGC. Cependant, des corrections doivent être appliquées à cette méthode notamment lorsque (i) les cendres sont entourées de glace diminuant dramatiquement la possibilité de les discriminer (Rose et al., 1995a), (ii) quand de la vapeur d’eau est mélangée aux cendres (Figure I.9A ; Prata & Grant, 2001 ; Corradini et al., 2008) et (iii) lorsque les nuages détectés sont mélangés avec d’autres particules solides en suspension dans l’atmosphère tel que du sable (Prata, 2009). La hauteur des nuages de cendres peut également être estimée à partir des données IR par satellite. Un exemple de méthode est la procédure ‘Cloud Top Temperature’ (Prata & Grant, 2001). Elle est basée sur la comparaison entre la température de brillance moyenne à 11 μm des pixels les plus opaques d’un nuage de cendres (e.g. les plus concentrés) avec un profil de température atmosphérique obtenu par radiosondage (Corradini et al., 2016 ; Figure I.9B). Cette procédure considère les nuages de cendres comme étant en équilibre thermique avec l’atmosphère. Cependant, comme le montre la Figure I.9B, dans le cas des panaches entre 10 et 20 km d’altitude, l’homogénéité des profils de températures dans l’atmosphère peut rendre cette méthode difficilement exploitable car engendrant de très larges erreurs sur les hauteurs atteintes par les panaches (Prata & Grant, 2001). Chapitre I 46 Figure I.9 : A) Imagerie satellite MODIS lors de l’éruption de l’Etna le 24 novembre 2006. Panneau de gauche : les couleurs bleue et rouge représentent des nuages météorologiques et le panache de cendres respectivement discriminés par la méthode BTD. Les pixels non discriminés (météorologiques ou volcaniques) sont mis en avant par les rectangles jaune et rouge. Panneau de droite : discrimination totale des cendres après correction de la vapeur d’eau. B) Exemple de Profil de température en fonction de l’altitude obtenu par radiosondage atmosphérique lors de l’éruption du Ruapehu (Nouvelle Zélande) le 17 juin 1996. C) Carte de masse de cendres fines (échelle de couleurs) du panache de l’Eyjafjallajökull en 2010 obtenue à partir des observations de la sonde IASI le 23 mai 2011. Figures modifiées d’après Corradini et al. (2008), Prata & Grant (2001), Clarisse & Prata (2016). La télédétection IR nécessite l’utilisation de modèles pour quantifier ses observations. Wen & Rose (1994) et Prata & Grant (2001) ont ainsi développé la méthode dite ‘split-window’ permettant d’estimer la taille des particules détectées, l’opacité d’un nuage ainsi que ses paramètres de charge, en modélisant le transfert radiatif des cendres vers le satellite. L’équation du transfert radiatif a pour but d’estimer la totalité du signal IR que le satellite détecte après que le signal ait traversé la totalité de l’atmosphère. Associée à cette équation, la Théorie de rétrodiffusion de Mie (1908), qui définit la manière dont une onde électromagnétique interagit Chapitre I 47 avec une particule en fonction de ses propriétés physiques (voir Chapitre II), renseigne sur les tailles des cendres détectées en fonction de la longueur d’onde utilisée. L’intégration des différents pixels d’une image satellite contenant des cendres permet alors de déterminer les paramètres de charge d’un panache/nuage (Figure I.9C) mais également une distribution de taille des particules. Malgré son avantage pour traquer la dispersion des nuages de cendres, la grande limite de la télédétection IR par satellite réside dans la gamme de taille des particules à laquelle elle est sensible. En effet, il est maintenant admis que la discrimination des tailles de particules n’est pas possible au-delà de 20-25 μm (Prata & Grant, 2001; Clarisse & Prata, 2016). Ainsi, à cause de leur sensibilité, les paramètres de charges estimés par satellite peuvent être inférieurs à 2 ordres de grandeurs des masse totales retrouvées au sol (Rose & Mayberry, 2000 ; Clarisse & Prata, 2016). Egalement, les particules sont considérées comme sphériques dans l’application de la Théorie de Mie. Cette hypothèse, associée aux autres approximations concernant l’atmosphère et les paramètres physiques des téphras, mènerait à une incertitude des paramètres de charges obtenus par satellite de l’ordre de 50% (Kylling et al., 2014 ; Clarisse & Prata, 2016). Ceci revêt une importance particulière dès lors que les paramètres qui sont extraits des données satellites sont communément intégrés en entrée des modèles de dispersion utilisés par les VAACs (Scollo et al., 2009, 2014). Ces modèles souffrant déjà de larges incertitudes, les données satellites doivent être couplées et/ou contraintes par d’autres mesures, par exemple par télédétection au sol. 

Mesures au sol

La télédétection au sol à l’avantage de présenter des capteurs relativement proches des évents éruptifs. Leurs résolutions spatiales et temporelles (i.e. respectivement de centaines de m à quelques cm, et d’une dizaine de minutes à moins d’une seconde) permet aux capteurs au sol de mesurer et de quantifier la dynamique fine des processus éruptifs. Les capteurs communément utilisés par les observatoires, dans le cadre de la surveillance des édifices volcaniques, couvrent des bandes de fréquences restreintes mais s’étalant sur une large gamme du spectre électromagnétique. Ainsi, ils sont sensibles à toutes les tailles de pyroclastes émis lors des éruptions volcaniques explosives et leurs mesures permettent de quantifier les paramètres sources éruptifs des panaches de téphras.

 Imagerie visible et infrarouge 

La télédétection par caméras visible et IR que ce soit par vidéo ou par photographie a été largement utilisée pour déterminer les masses et les tailles des pyroclastes émis lors des éruptions Stromboliennes du volcan Stromboli (Chouet et al., 1974; Blackburn et al., 1976; Ripepe et al., 1993). En appliquant des hypothèses sur la forme et la densité des particules, le comptage des pyroclastes incandescents permet d’estimer leur volume et d’étudier leur dynamique une fois éjectés. Plus récemment, de nouvelles méthodes ont été développées pour obtenir les paramètres sources éruptifs de telles explosions soit en sortie de l’évent (Harris et al., 2012 ; Barnie et al., 2015 ; Bombrun et al., 2015) ou à partir du signal thermique de l’ensemble des pyroclastes une fois retombés au sol (Harris et al., 2013a). Les caméras IR sont sensibles au cycle jour/nuit dans le cadre de la détection conjointe des cendres et des balistiques. La nuit, les pyroclastes incandescents sont visibles contrairement aux cendres qui se refroidissent plus rapidement, tandis que la journée, les cendres sont mieux détectées que les pyroclastes. Ce problème a été résolu par la création d’une nouvelle génération de caméra IR dites ‘FLIR’ (‘Forward Looking Infra Red’) permettant la discrimination des différents styles d’éruptions Stromboliennes (Patrick et al., 2007). La détection des cendres par IR au sol a été largement développée par Prata & Bernardo (2009) via une caméra utilisant des filtres spectraux pour discriminer le gaz des cendres (i.e. caméra Cyclops). Ces auteurs ont dès lors appliqué les mêmes méthodes que celles employées avec les capteurs sur satellite pour discriminer les panaches de cendres et quantifier leurs paramètres de charges (i.e. méthode BTD et équation de transfert radiatif; Prata, 1989; Wen & Rose, 1994; Prata & Grant, 2001). Finalement, les caméras thermiques peuvent également être utilisées pour estimer les volumes des panaches de cendres (Valade et al., 2014) et leurs champs de vitesses superficiels (Tournigand et al., 2017). Les caméras IR et visible sont largement utilisées en opérationnel par les observatoires volcanologiques soit pour surveiller un édifice volcanique, soit à dessein de recherche. Un exemple concret concerne l’Institut Nationale de Géophysique et de Volcanologie (INGV) – Osservatorio Etneo qui a déployé un système de caméras pour détecter les paroxysmes à fontaines de lave de l’Etna (Behncke et al., 2006 ; Behncke, 2009). Calvari et al. (2011) ont développé une méthode permettant de retrouver à la fois les hauteurs des fontaines de lave des paroxysmes, mais également les flux de masse de pyroclastes à la source par imagerie IR. Chapitre I 49 Finalement, Scollo et al., 2014 ont développé une méthode d’obtention des hauteurs des panaches de cendres mesurables par le réseau de caméra visible. Cependant, là où les capteurs embarqués sur satellite regardent les parties diluées des panaches, les caméras visible et thermiques au sol mesurent leurs sources, denses et opaques à de telles longueurs d’ondes. Sans hypothèses préalables, les résultats quantitatifs obtenus vont surtout caractériser les enveloppes superficielles des panaches sans rendre compte de leur dynamique et charge interne. Egalement, ces méthodes dépendent considérablement des conditions météorologiques. Ainsi, l’utilisation de la télédétection RADAR, qui permet de sonder l’intérieur des panaches en temps réel dans toutes conditions météorologiques (voir section I.4.2.3), est une méthode puissante et complémentaire tant les mesures radar quantitatives peuvent contraindre les données IR et visible, et inversement. Elle est encore sousutilisée en volcanologie et fait l’objet de cette thèse. 

 Télédétection Radar 

Les RADARs (RAdio Detection And Ranging) sont des capteurs de télédétection actifs. Leur principe de détection est basé sur l’émission dans un faisceau conique d’une onde électromagnétique qui, lorsqu’elle rencontre une cible, est en partie réfléchie et détectée en retour par l’instrument. En d’autres termes, une particule n’a pas besoin d’émettre de radiation pour être détectée par un radar. L’amplitude du signal reçu est proportionnelle au nombre et à la taille des particules détectées. Les longueurs d’ondes utilisées par les radars varient de quelques dizaines de cm à quelques mm (Figure I.8). Ces longueurs d’onde définissent des bandes de fréquences de référence correspondant à des fenêtres d’atténuation atmosphérique. Ainsi, des bandes L à W (Figure I.8), les radars utilisés pour sonder les jets volcaniques sont sensibles à des gammes restreintes de la TGSD allant des blocs/bombes aux cendres fines. Egalement, les radars utilisent l’effet Doppler en mesurant la différence entre la fréquence de l’onde émise (i.e. connue) et la fréquence de l’onde renvoyée par une cible. Ce décalage en fréquence permet de calculer la composante radiale (i.e. dans l’axe du faisceau radar) de vitesse de la cible (voir Chapitres II, III et V). Ainsi, en plus de renseigner sur la quantité de téphras en fonction du temps, les radars donnent des estimations des vitesses caractéristiques des zones sondées. La distance entre la cible détectée et le radar peut être estimée grâce à une modulation de la fréquence d’émission (radars FM-CW) ou à une émission pulsée (voir Chapitre II). Ainsi, Chapitre I 50 les faisceaux radar sont généralement décomposés en volume d’épaisseurs théoriques connues appelées ‘portes’ qui permettent, par exemple, d’estimer l’épaisseur des colonnes éruptives. Les premières mesures radar de panaches de cendres ont été faites via l’utilisation opportuniste de radars dits ‘météorologiques’ (revues par Donnadieu, 2012; Hort & Scharff, 2016). Ces radars ont la possibilité de scanner leur environnement à 360° et à différentes élévations leur permettant de sonder les panaches de cendres en trois dimensions. Ainsi, dans les années 80 et 90, différentes études ont montré la possibilité d’obtenir les paramètres de charge interne de larges panaches forts (e.g. panache du Mont Spurr en 1992 en Alaska ; Harris & Rose, 1983) mais également leurs hauteurs (e.g. colonnes éruptives du Mont Saint Helens en 1980 et 1982 ; Harris et al., 1981 ; Rose et al., 1995b). Depuis, de tels radars ont permis de documenter de nombreuses éruptions, comme à l’Hekla (Islande) en 2000 (Lacasse et al., 2004), au Grimsvötn (Islande) en 2004 (Marzano et al., 2010a, 2013 ; Figure I.10A) et en 2011 (Marzano et al., 2013 ; Figure I.10B), à l’Eyjafjallajökull en 2010 (Mereu et al., 2015), au Calbuco (Vidal et al., 2017) et bien d’autres volcans (revue par Hort & Scharff, 2016). Généralement associés aux agences météorologiques nationales, les radars météorologiques sont utilisés en opérationnel (e.g. le radar bande X ‘ DPX4 ‘ à Catane en Sicile ; Vulpiani et al., 2011 ; Marzano et al., 2013 ; Montopoli et al., 2016 ; Figure I.8) et peuvent couvrir de grandes distances d’échantillonnage (i.e. > 400 km). L’utilisation des radars météorologiques fixes souffre cependant de nombreuses limitations. D’une part, avec des longueurs d’onde allant de ~ 3 mm (bande W) à ~ 10 cm (bande S ; Marzano et al., 2010b), les radars initialement conçus pour détecter les nuages météorologiques discriminent difficilement les cendres au sein de nuages de pluie et/ou de glace (Marzano et al., 2006a) ; lorsqu’elles sont disponibles, les observables polarimétriques s’avèrent particulièrement utiles dans ce contexte. D’autre part, comme le montre la Figure I.10A, un évent éruptif peut se situer à des centaines de kilomètres de la position du radar, celleci ayant généralement été choisie sur d’autres critères que la proximité d’un volcan. Dans ces conditions : (i) leur résolution spatiale est faible et ne permet pas de mesurer la dynamique interne des panaches et (ii) la courbure de la Terre ou la présence d’une chaine de montagne (i.e. présence d’une zone d’ombre) ne permettent généralement pas d’imager les premiers kilomètres de la colonne d’un panache lointain (Figure I.10C) (Lacasse et al., 2004). Ainsi, les radars météorologiques sont surtout dédiés au sondage des parties supérieures des colonnes Chapitre I 51 convectives, fournissant des informations quantitatives sur les nuages de cendres fines grâce à l’utilisation de modèles microphysiques (Marzano et al., 2006b). Le DPX4, situé à 30 km de l’Etna, fait office d’exception et est capable de sonder des émissions explosives proche de leur source, malgré une résolution temporelle faible égale à 10 minutes (Marzano et al., 2013) caractéristique des radars météorologiques scannant.

Table des matières

Résumé
Abstract
Remerciements
Introduction générale
Chapitre I : Les panaches volcaniques : dynamique, modélisation et télédétection
I.1 Volcanisme explosif, genèse et impacts des panaches volcaniques
I.1.1 Les panaches volcaniques : définitions
I.1.2 Impacts des téphras volcaniques
I.1.3 Génération des téphras et fragmentation magmatique .
I.1.3.1 Ascension et fragmentation primaire des magmas felsiques visqueux
I.1.3.2 Ascension et fragmentation des magmas basaltiques
I.1.3.3 Génération des cendres
I.2 Dynamique et modèles des colonnes éruptives
I.2.1 Le terme source des panaches volcaniques
I.2.2 Dynamique des panaches volcaniques
I.2.2.1 Régions dynamiques des panaches forts soutenus.
I.2.2.2 Cas des panaches faibles soutenus
I.2.2.3 Cas des panaches transitoires
I.3 Sédimentation, transport et dispersion des panaches volcaniques
I.3.1 Sédimentation des téphras
I.3.2 Dispersion des panaches et modélisation
I.3.2.1 Intérêt de la modélisation des colonnes éruptives
I.3.2.2 Les modèles de dispersion
I.3.3 Le terme source des panaches par analyses post-éruptives des dépôts de retombée
I.3.3.1 Epaisseurs et volumes des dépôts
I.3.3.2 Hauteurs des panaches, granulométrie et masses totales
I.4 Mesures du terme source par télédétection
I.4.1 Mesures infrarouge par satellite
I.4.2 Mesures au sol
I.4.2.1 Imagerie visible et infrarouge
I.4.2.2 Télédétection Radar
I.4.2.3 Détection des cendres par disdromètre
I.4.3 Nécessité d’une stratégie multi-méthode et assimilation de données
Chapitre II : Méthodologie
II.1 Télédétection par radar Doppler
II.1.1 Principes théoriques
II.1.1.2 Effet Doppler, mesures de vitesse radiale et de distance
II.1.1.2 L’équation radar : puissance rétrodiffusée et réflectivité radar
II.1.1.3 Mini-Basta : un radar bi-statiques à onde millimétrique
II.1.1.4 Les VOLDORADs
II.2 Mesures et caractérisation des retombées de cendres5
II.2.1 Mesures par disdromètre optique : exemple du Parsivel2 (OTT)
II.2.2 Détermination des paramètres physiques des cendres
II.2.2.1 Distribution de tailles des cendres par tamisage manuel
II.2.2.2 Mesure de densité par pycnométrie à eau 1
II.2.2.3 Paramètres morphologiques des cendres par Morphologi G3
Chapitre III : Dynamique des panaches des panaches volcaniques faibles et de leurs
retombées mesurées par disdromètre optique et télédétection radar
III.1 Introductio
III.2 Thermiques de sédimentation dans les retombées de cendres de panaches faibles
stromboliens
Résumé
Abstract
III.2.1 Introduction
III.2.2 Methodology
III.2.2.1 The measurement campaign at Stromboli
III.2.2.2 The optical disdrometer
III.2.2.3 The 5 GHz Doppler radar
III.2.3 Results
III.2.3.1 Intermittent sedimentation from disdrometer records
III.2.3.2 Records from the millimeter-wave radar
III.2.4 Discussion
III.2.4.1 The challenge of comparing disdrometer and radar data
III.2.4.2 Origin of the sedimentation features
III.2.4.3 Alternative hypotheses for the origin of sedimentation features
III.2.5 Conclusions
Chapitre IV : Caractérisation physiques des cendres : contraintes sur les mesures de
concentration et de vitesses terminales de chute des particules
IV.1 Introduction
IV.2 Contraintes apportées par la caractérisation physique des cendres sur des mesures
V. Freret-Lorgeril, F. Donnadieu, J. Eychenne, C. Soriaux, T. Latchimy.
Article en révision dans Journal of Volcanology and Geothermal Research
Abstract
IV.2.1 Introduction
IV.2.2 Materials and methods
IV.2.2.1 Field ash sampling
IV.2.2.2 Grain-size and morphological analyses
IV.2.2.3 Ash density measurements
IV.2.2.4 The optical disdrometer and particle fall experiments
IV.2.2.5 Terminal settling velocity models
IV.2.3 Ash characteristics
IV.2.3.1 Particle size distribution by mechanical sieving and morpho-grainsizer
IV.2.3.2 Ash densities
IV.2.3.3 Particle shapes
IV.2.4 Terminal Settling velocities
IV.2.4.1 Field measurements
IV.2.4.2 Laboratory experiments of ash settling velocity
IV.2.4.3 Empirical modeling
IV.2.5 Discussion
IV.2.5.1 Empirical model validation .
IV.2.5.2 Application of particle shape and disdrometer measurements to radar retrievals
IV.2.5.3 Validations and limitations of disdrometer data
IV.2. Conclusive remarks
IV.3 Implications des mesures par disdromètre sur l’estimation des concentrations de cendres des panaches
IV.3.1 Facteur de réflectivité radar et concentration des cendres : loi Z-C
IV.3.2 Contraintes sur les données du Mini-BASTA1
IV.3.3 Conclusions4
Chapitre V : Mesures par radar Doppler du terme source des panaches de téphras des paroxysmes de l’Etna
V.1 Introduction
V.2 Obtention des flux de masses des panaches de téphras nourris par fontaines de lave à l’Etna entre 20 et 20 par radar Doppler
Résumé
Abstract
V.2.1 Introduction
V.2.2 Materials and methods
V.2.2.1 The VOLDORAD 2B monitoring system
V.2.2.2 Plume top height measurements
V.2.2.3 The Radar Mass Eruption Rate proxy
V.2.3 Results
V.2.3.1 Eruption dynamics during Etna’s paroxysmal activity
V.2.3.2 Plume top height and radar mass proxy.
V.2.3.3 Tephra Mass Load estimates.
V.2.4 Discussion
V.2.4.1 Uncertainties and implications on mass load parameters
V.2.4.2 Multi-method integration
V.2.5 Conclusions .
V.3 Apports complémentaires des spectres Doppler sur la dynamique des fontaines de laves à l’Etna
V.3.1 Les vélocigrammes
V.3.2 Vitesses de chute et tailles des téphras204
V.4 Apports préliminaires des MERs obtenus avec VOLDORAD 2B dans l’estimation des hauteurs de panaches
V.4.1 Démarche
V.4.2 Modélisation des hauteurs de colonne avec le modèle Plume-MoM
V.4.3 Résultats préliminaires
V.4.4 Implications et perspectives
V.5 Conclusions
Chapitre VI : Conclusions et Perspectives
VI.1 Synthèse des résultats
VI.1.1 Dynamique de la sédimentation des panaches faibles transitoires
VI.1.2 Apports la caractérisation des cendres et du couplage radar-disdromètre sur la quantification des paramètres de charges des panaches
VI.1.3 Application de VOLDORAD 2B dans la surveillance et la quantification du terme source des panaches de l’Etna
VI.2 Perspectives
VI.2.1 Dynamique et paramètres de charge totaux dans les panaches, nuages et retombées de téphras
VI.2.2 Apports d’une stratégie multi-capteurs intégrant VOLDORAD 2B dans le réseau
de surveillance de l’Etna
VI.2.3 Contraintes sur la dynamique des fontaines de lave générant des panaches de téphras
Références bibliographiques
Annexe A
Annexe B
Annexe C
Annexe D

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