L’effet radiatif des nuages de glace d’eau

L’effet radiatif des nuages de glace d’eau

La découverte de l’effet radiatif des nuages

Les nuages martiens sont, comme nous l’avons vu au chapitre 4, d’une très grande diversité et peuvent atteindre des opacités visibles supérieures à 1∗ . Leur effet radiatif ❱♦✐r ❧❛ ♣❛rt✐❡ ✹✳✼✳✷✳ était auparavant négligé dans les modèles de climat et mal connu, jusqu’à la mise en évidence d’inversions énigmatiques dans plusieurs profils de température. Le premier profil qui montra cette inversion fut celui acquis lors de l’entrée atmosphérique de la sonde Pathfinder, qui eut lieu à 3 heures du matin, dans la région de Chryse Planitia∗ . Les températures, déduites des données de l’accéléromètre (Schofield et al., 1997; Magalhães et al., 1999), révélèrent une profonde inversion entre 10 et 16 km, attribuée au refroidissement nocturne des nuages. Ce refroidissement fut simulé par Haberle et al. (1999) et Colaprete et al. (1999), ce qui permit une première compréhension du phénomène. Cependant, il est difficile de mesurer la température à partir des données d’un accéléromètre et l’existence réelle de cette inversion fut remise en question (Withers and Smith, 2006). Deux ans plus tard, de Mai à Juin 1999, l’instrument RS (Radio Science) à bord de MGS∗ permettait l’acquisition de plus de 400 profils de grande précision et résolution  verticale (environ 500 m) pendant l’époque de formation des nuages tropicaux (Ls = 134- 162◦ , MY24, Hinson and Wilson, 2004). Certains de ces profils, comme ceux présentés 99 L’effet radiatif des nuages de glace d’eau Chapitre 5. L’effet radiatif des nuages de glace d’eau sur la figure 5.1, révélèrent alors des inversions similaires. Celles-ci sont clairement visibles sur la figure 5.1 autour de 10-20 km (environ 1 hPa), et ne sont pas présentes dans les profils de température du GCM quand les nuages sont radiativement inactifs (tirets rouges). Ces profils furent analysés par Hinson and Wilson (2004), qui parvinrent à reproduire ces inversions en incluant dans le modèle du GFDL des nuages radiativement actifs. 160 180 200 220 240 0 10 20 30 40 50 Ls=148.7 lat =-3.0 loctime=4.2hrs Temperature (K) Altitude (km) 160 180 200 220 240 0 10 20 30 40 50 Ls=149.3 lat=-3.8 loctime=4.2hrs Temperature (K) 160 180 200 220 240 0 10 20 30 40 50 Ls=159.5 lat=-25.0 loctime=4.3hrs Temperature (K) FIG. 5.1 – Profils de température déduits des mesures de l’instrument RS de MGS (trait noir), acquis vers 4 heures du matin et Ls = 150◦ dans les régions tropicales. L’inversion attribuée aux nuages est clairement visible sur les trois profils, pour des altitudes allant de 10 à 20 km. Les températures de la MCD (Mars Climate Database), générées avec une version du LMD/GCM n’incluant pas l’effet radiatif des nuages, sont représentées par les tirets rouges. L’effet radiatif des nuages fut ensuite mis en évidence dans les observations TES. Si TES ne possède pas une résolution verticale suffisante pour détecter les inversions mentionnées précédemment, les températures peuvent être comparées aux modèles pour identifier les possibles biais dus à l’absence de nuages radiativement actifs. Pour cela, Wilson et al. (2008) utilisèrent les réanalyses des observations TES par le modèle d’Oxford (le UK/MGCM, Montabone et al., 2006), qui utilise la même physique que le LMD/GCM, mais un coeur dynamique différent. Deux simulations furent comparées : une assimilant l’opacité de poussière et la température observées par TES, et l’autre n’assimilant que l’opacité de poussière, la température étant alors calculée par le modèle, qui ignore les nuages. La différence de température entre les deux simulations à Ls = 120◦ est représentée sur la figure 5.2, extraite de l’article de Wilson et al. (2008). Un biais chaud de 5-10 K apparaît clairement dans la réanalyse, dans l’intervalle de latitude ±60◦ , et entre 0.1 et 1 hPa. Dans la basse atmosphère, c’est un biais froid qui apparaît, d’environ 5 K. C’est à cette saison que les nuages tropicaux sont les plus épais (Smith, 2004). Wilson et al. (2008) simulèrent alors ce chauffage entre 0.1 et 1 hPa en incluant des nuages radiativement actifs, et confirmèrent l’origine de ces biais de température, sans cependant expliquer pourquoi l’effet net des nuages était tel. 

Modélisation et validation

Le cycle de l’eau dans le LMD/GCM

Le cycle de l’eau est initié par la sublimation de la calotte permanente du pôle Nord. La quantité de vapeur d’eau injectée dans l’atmosphère est alors donné par le flux d’évaporation, qui dépend notamment de la différence entre le rapport de mélange saturant 101 Chapitre 5. L’effet radiatif des nuages de glace d’eau à la température de la surface et le rapport de mélange en vapeur d’eau de la première couche de l’atmosphère (voir la partie 6.5.2 du chapitre 6, ainsi que l’équation 6.1). La vapeur d’eau est ensuite advectée par le modèle, et si la température de saturation est atteinte, des cristaux de glace se forment, en suivant une loi de croissance décrite dans l’article de Montmessin et al. (2004). Le rayon moyen massique des cristaux de glace d’eau est alors donné par : rc = µ 3Mc 4πρi Nc +r 3 0 ¶1/3 , (5.1) où Mc est la masse totale de glace d’eau dans la maille, ρi la masse volumique de la glace (917 kg m−3 ), Nc le nombre de noyaux de condensation, et r0 le rayon moyen des noyaux de condensation. Le rayon des noyaux r0 ainsi que leur nombre Nc sont directement donnés par le schéma de transport des poussières, présenté dans la partie 3.4.3 du chapitre 3. Si une distribution lognormale des particules nuageuses est supposée, le rayon effectif de sédimentation, c’est-à-dire le rayon des particules qui sédimenteraient avec le même flux en masse si la distribution était monotaille, s’écrit (voir le paragraphe 30 de Montmessin et al., 2004) : rsed = rc exp¡ 3σ 2 0 ¢ = rc (1+νeff) 3 , (5.2) où νeff est la variance effective de la distribution en taille des cristaux. Le rayon effectif radiatif s’écrit quant à lui : rrad = rc exp¡ σ 2 0 ¢ = rc (1+νeff). (5.3) 5.2.2 Ajustement du cycle de l’eau par rapport aux observations Point sur . . . . . . . Parmi les grandeurs présentées ci-dessus, deux sont ajustables car méconnues. Il s’agit du nombre de noyaux de condensation Nc , et de la variance effective de la distribution en taille des cristaux. En effet, les cristaux ne se forment que sur une partie des noyaux disponibles. Par exemple, dans un air continental typique terrestre, seulement 1 à 10% des particules serviront de noyaux de condensation (Wallace and Hobbs, 2006). Nous avons noté, dans le chapitre 3, N le nombre de particules de poussière par kg d’air. Nous noterons fc le facteur reliant le nombre total de particules de poussières par kg N au nombre de noyaux de condensation par kg Nc , avec : Nc = N fc . (5.4) Il est donc possible d’ajuster dans le modèle le facteur fc et la variance effective, ce qui modifie considérablement le cycle de l’eau. Augmenter fc revient à diminuer le nombre de noyaux de condensation Nc , et tend donc à augmenter la taille des cristaux, la même masse d’eau étant condensée sur moins de noyaux. Ceci favorise la sédimentation, et limite le transport de l’eau au-dessus de l’hygropause, asséchant alors le cycle de l’eau (Montmessin et al., 2004). De même, augmenter la variance effective augmente le rayon de sédimentation (voir l’équation 5.2), et a une conséquence identique. Augmenter fc ou νeff tend donc à assécher le cycle de l’eau. 

Modélisation et validation

Il est également possible de changer l’opacité des nuages sans changer la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère. Pour cela, il faut conserver la même vitesse de sédimentation, qui dépend de la masse de cristaux. Augmenter fc revient à diminuer le nombre de noyaux de condensation et à augmenter la taille, et donc la masse des cristaux. Pour compenser cette élévation en masse, il faut diminuer les rayons de sédimentation des particules, par l’intermédiaire du facteur (1+νeff) 3 de l’équation 5.2, et comme la masse est proportionnelle au rayon au cube, conserver la vitesse de sédimentation revient alors à conserver la quantité fc (1 + νeff) 9 . Par conséquent, la quantité de vapeur d’eau est inchangée pour tout changement de la quantité de noyaux de condensation et de la variance effective tel que fc (1+νeff) 9 = cste. Cette méthode permet d’ajuster l’opacité des nuages sans changer la colonne de vapeur d’eau. De même, en utilisant l’expression 2.37 de l’opacité et l’expression 5.1 de rc , il est possible d’exprimer la variance effective νeff,new à choisir pour obtenir une certaine opacité des nuages τnew, en se basant sur les résultats d’une précédente simulation. En effet, comme la masse de glace d’eau Mc ne change pas si fc (1 + νeff) 9 = cste, il est possible décrire, en négligeant les changements de Qext dus aux différentes tailles de cristaux des deux simulations : νeff,new ≃ rτnew τold ¡ 1+νeff,old¢ −1. (5.5) Nous avons donc réalisé une première simulation1 où les nuages sont radiativement inactifs, et ajusté dans un premier temps les paramètres libres νeff et fc jusqu’à ce que le cycle de la vapeur d’eau soit satisfaisant. Ce cycle est représenté sur la figure 5.3.b, où il est comparé aux observations TES∗ (figure 5.3.a). Le modèle reproduit bien le maximum de sublimation sur la calotte Nord (en rouge vers Ls = 90◦ ), l’advection de la vapeur d’eau dans la cellule de Hadley (descente du contour à 15 pr.µm), et le maximum de vapeur d’eau au pôle Sud. Une fois ce cycle de vapeur d’eau obtenu, les paramètres libres sont changés de façon à ce que la quantité fc (1+νeff) 9 soit conservée, pour ajuster uniquement les nuages. L’opacité des nuages∗ à 12.1 µm résultante est représentée sur la figure 5.4.b, et comparée à l’opacité observée par TES (figure 5.4.a). L’évolution saisonnière des nuages est bien simulée, avec la ceinture équatoriale entre Ls = 30◦ et Ls = 150◦ , les nuages polaires, ainsi que les maxima locaux à l’équateur vers Ls = 180◦ , Ls = 300◦ et Ls = 360◦ . L’opacité des nuages est légèrement élevée, ce qui est voulue, car l’effet radiatif des nuages a tendance, comme nous le verrons, à diminuer l’opacité des nuages. Nous allons donc à présent activer les nuages en conservant les mêmes paramètres, et nous devrions obtenir des opacités en accord avec les observations. Les paramètres retenus pour ces simulations sont fc = 4.5 et νeff = 0.45. Notons qu’il est également possible de modifier légèrement l’albédo de la calotte saisonnière d’eau, qui est ici de 0.45.

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