Les autotests de dépistage du virus de l’immunodéficience humaine à l’officine

Généralités sur le VIH

Découverte du virus

1920. A Kinshasa, en République démocratique du Congo, c’est vraisemblablement à cet endroit que tout aurait commencé. C’est ici qu’un virus, qui jusque-là ne touchait que les singes, le virus de l’immunodéfience simienne, va provoquer l’une des pandémies les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité. C’est la théorie du chasseur de viande de brousse, selon laquelle un homme, à la suite d’une morsure, d’une coupure lors d’un dépeçage ou d’une consommation de viande insuffisamment cuite, va contracter le virus et contaminer la population de la ville. L’origine de l’épidémie peut alors s’expliquer par le développement de l’urbanisation, la paupérisation, la prostitution, les déplacements de populations (chemins de fer, exode rural), les changements de comportement sexuel et l’apparition des drogues injectables (seringues non stérilisées).
Mais ce n’est qu’une soixantaine d’années plus tard que le monde va prendre conscience de ce nouvel agent pathogène, malgré des signes dès 1959.  La date officielle du début de l’épidémie est le 5 juin 1981, lorsque les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis fait état d’une recrudescence de cas de Pneumocystis carinii chez cinq hommes homosexuels à Los Angeles. Dès lors, de plus en plus de cas sont recensés et l’on commence à reconnaître des similitudes dans les symptômes, notamment un état d’immunodépression.
Très vite une origine virale est soupçonnée. La recherche française va alors s’illustrer : représentée par le docteur Willy Rozenbaum, médecin à l’hôpital Bichat, et ses différents collaborateurs, dont Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi, deux virologues de l’institut Pasteur, cette équipe va être à l’origine de l’isolement du VIH. En janvier 1983, Willy Rozenbaum envoie la première biopsie ganglionnaire d’un patient atteint de « lymphadénopathie généralisée », c’est-à-dire au stade de «pré-sida» (avant l’apparition d’une immunodéficience profonde) à l’équipe de Luc Montagnier. Cet échantillon est alors mis en culture et va permettre à l’équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur de publier le 20 mai 1983, dans Science, leurs résultats : la toute première description du VIH, nommé à l’époque « Lymphadenopathy Associated Virus » ou LAV. Mais à ce stade, le lien de causalité entre le LAV et le sida n’est pas encore totalement établi. La recherche va alors s’intensifier, en collaboration avec le CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis). On découvre rapidement qu’il s’agit d’un rétrovirus, qu’il cible les lymphocytes T CD4 en provoquant leur mort cellulaire (on savait déjà à l’époque que les patients atteints du sida avaient une chute de ces derniers), et l’on commence à analyser les protéines constituants ce virus. Fin 1983, la preuve que l’agent pathogène du sida est le LAV (renommé en 1986 VIH-1) est finalement faite. En janvier 1985, paraît dans la revue Cell le séquençage du virus par l’Institut Pasteur, ainsi que la mise en place d’un premier test de dépistage « Elavia » et c’est cette même année que sera découvert le LAV-2 (qui deviendra VIH-2), isolé à partir d’un prélèvement sur un patient d’Afrique de l’Ouest hospitalisé au Portugal. Ce nouveau virus du sida sera quant à lui séquencé en 1987, les résultats étant publiés dans Nature.  Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi recevront en 2008 le prix Nobel de la médecine pour leurs travaux sur le VIH, confirmant par la même occasion la paternité de la découverte de ce dernier.

Voies de transmission

Le VIH est retrouvé dans la plupart des liquides corporels, comme le sang, le sperme, les fluides vaginaux, la salive (en très faible quantité) et le lait maternel. Il est à noter que la présence du virus ne signifie pas forcément qu’il y a un risque de contamination, tout étant question de charge virale et de quantité de virus. Ainsi, Le VIH ne peut pas se transmettre par un baiser, une étreinte, un éternuement, après une piqure d’insecte, une baignade, le partage d’un verre… C’est aussi une infection d’homme à homme, les animaux ne peuvent être porteur du VIH et donc ne peuvent pas le transmettre que ce soit par morsure ou griffure. On distingue trois modes de transmission du virus : la transmission par voie sexuelle (la plus courante), la transmission sanguine et la transmission materno-fœtale.

Structure et cycle de réplication

Structure et variabilité génétique

Le VIH-1 et le VIH-2 possèdent la même structure virale (bien que leur poids diffère), ils sont identiques quand ils sont observés par microscopie électronique.
Le VIH est un virus sphérique, d’un diamètre d’environ 145 nanomètres. On distingue trois parties : l’enveloppe (ou coque) lipidique dans laquelle sont insérés environ 14 trimères de glycoprotéine d’enveloppe (Env). Ces protéines Env sont elles-mêmes formées de deux sous-unités, l’une transmembranaire appelée gp41, et l’autre plus périphérique (sous-unité de surface) nommée gp120.
la matrice protéique, composée de protéines p17. le noyau, enfin, protégé par une capside elle-même composée de protéines p24. Il contient le matériel génétique (deux brins d’ARN identiques), d’autres protéines (comme la nucléocapside p7 qui protège l’ARN en le recouvrant), ainsi que les trois enzymes virales (la transcriptase inverse, l’intégrase et la protéase). plus de 50% de différences entre le matériel génétique du VIH-1 et celui du VIH-2, mais plusieurs régions restent communes aux deux variants. Le génome du virus comprend deux molécules d’ARN simple brin identique composées chacune de 9 181 nucléotides. On y retrouve 9 gènes, dont les plus importants, communs à tous les rétrovirus, sont env (codant pour les glycoprotéines de l’enveloppe), pol (codant pour les 3 enzymes virales) et gag (codant pour les protéines de la capside), ainsi que quelques gènes de régulation de petite taille (tat, rev, vif, vpr, nef, vpu pour le VIH-1 et vpx pour le VIH-2). Le génome comporte aussi des séquences spécifiques retrouvées à ses extrémités nommés « UTR » pour Untranslated Transcribed Region ou région non traduite en français. Ces séquences régulent la traduction.
La complexité du génome du VIH, ainsi que son taux de réplication élevé, les erreurs de la transcriptase inverse et de ses nombreuses recombinaisons entrainent une grande variabilité génétique, et donc une diversification des virus.
Outre le VIH-1 et le VIH-2 dont nous avons déjà parlé, il existe pour chacun d’eux de nombreux groupes et sous-groupes différents. Pour le VIH-1, on distingue 4 groupes principaux : le groupe M (major) est le groupe majoritaire, et il comprend 9 sous-types (A,B,C,D,E,F,G,H,J,K), dont le sous-type C’est le plus prédominant au niveau mondial (+ de 50% des cas), mais c’est le sous-type B qui prédomine en France (et plus généralement dans les pays industrialisés).
le groupe O (outlier), découvert au Cameroun et au Gabon mais qui reste plus rare. le groupe N (non M, non O, non P), découvert au Cameroun, également très rare.  le groupe P est le dernier à avoir été identifié, en 2004 à Paris chez une patiente d’origine Camerounaise.
Le VIH-2, quant à lui, se subdivisait jusqu’à présent en deux groupes A et B, mais les techniques de séquençage d’ADN ont permis de mettre en évidence les groupes C, D, E et H.
Le VIH-2 a une capacité de réplication plus faible et une évolution vers le stade SIDA plus lente que pour le VIH-1 en l’absence de prise en charge.

Pénétration du virus

La première étape du cycle de réplication est l’entrée du virus dans la cellule hôte. De la même manière que les cellules humaines, la surface externe du VIH est recouverte de protéines. Celle qui nous intéresse particulièrement est la glycoprotéine gp120, car c’est cette dernière qui va venir se fixer sur le récepteur CD4 de la cellule hôte.
Suite à cette première interaction, d’autres protéines de surface de la cellule CD4 vont entrer en jeu, c’est ce qu’on appelle les corécepteurs. Ils en existent plusieurs mais les deux principaux sont CCR5 et CXCR4. Chaque variant du VIH utilise un (voir plusieurs) de ces corécepteurs pour entrer dans la cellule. L’interaction entre la glycoprotéine gp120 et ces corécepteurs a pour effet de démasquer la glycoprotéine de fusion gp41.
Cette dernière va alors s’insérer dans la membrane de la cellule hôte, entrainant la fusion de l’enveloppe virale avec l’enveloppe cellulaire, afin de permettre l’entrée de la capside dans le cytoplasme de la cellule.

Inhibiteurs Nucléosidiques et Nucléotidiques de la Transcriptase Inverse (INTI)

La première famille pharmacologique découverte et utilisée est la famille des INTI. Les principaux représentants aujourd’hui sont l’Abacavir, l’Emtricitabine, la Lamivudine, le Ténofovir et la Zidovudine. Les INTI sont tous des prodrogues, ils rentrent dans la cellule et subissent ensuite une mono, une di puis une tri-phosphorylation (à l’exception du Ténofovir qui n’en subit que deux, du fait qu’il est déjà mono phosphorylé lors de son entrée dans la cellule). C’est la forme tri phosphorylée qui est la forme active. Les INTI sont des analogues de substrat vis-à-vis de la reverse transcriptase. C’est-à-dire qu’ils vont entrer en compétition avec le substrat classique de la transcriptase inverse, et empêcher la première étape du cycle de réplication du VIH qui est la transcription inverse, comme vu précédemment. Les INTI ont une fonction « terminateur de chaîne », ce qui va avoir pour conséquence d’inhiber l’élongation de la chaine d’ADN proviral. On va donc avoir un blocage du cycle réplicatif du virus avant même son intégration au sein du génome cellulaire.
La pharmacocinétique des INTI est assez simple, puisque ce sont des molécules hydrophiles avec une bonne biodisponibilité (de l’ordre de 65 à 95%). Ils peuvent s’administrer par voie orale (VO), une à deux fois par jour en fonction de la demi-vie. Leur élimination, à l’exception de l’Abacavir, est essentiellement rénale.
Les INTI ont une toxicité particulière de classe : la toxicité mitochondriale (par inhibition de l’ADN polymérase γ) ce qui entraîne un passage de la cellule en mécanisme anaérobie avec production de lactates et donc un risque d’hyperlactatémie (avec pour conséquence des myalgies, pancréatites, neuropathies périphériques…). La complication majeure des INTI est l’acidose lactique, avec hépatomégalie et stéatose hépatique.
Les effets indésirables (EI) communs des INTI sont divers et variés, comme la fatigue, céphalées, nausées, fièvre, insomnies, vertiges… Mais chaque molécule a aussi des EI spécifiques, comme des réactions d’hypersensibilité pour l’Abacavir ou une neutropénie avec la Lamivudine. Les INTI ont, en revanche, l’avantage d’avoir peu d’interactions médicamenteuses.

Instauration et objectifs du traitement

Les antirétroviraux utilisés dans le VIH ne permettent pas de guérir de la maladie mais seulement de la stabiliser (virostatique). L’objectif principal est donc d’empêcher ou du moins retarder au maximum l’arrivée au stade SIDA. Au cours de ces 20 dernières années, l’arsenal thérapeutique s’est considérablement amélioré, entrainant une baisse de plus de 90% de la mortalité et une meilleure tolérance des traitements.
Depuis 2013, toute personne séropositive vivant avec le VIH en France doit bénéficier d’un traitement antirétroviral, quel que soit le nombre de lymphocytes CD4 (y compris s’il est >500/mm3), quelle que soit la charge virale, quelle que soit la présence ou non d’une maladie opportuniste ; à la fois pour des raisons de santé individuelle (bénéfices cliniques et immunologiques avec réduction des co-morbidités associées à l’infection par le VIH) et collective (réduction du risque de transmission du virus, en réduisant la charge virale communautaire). Ceci est une véritable révolution, puisque les traitements étant beaucoup plus lourds à supporter auparavant, on attendait l’aggravation de la pathologie pour les instaurer.
L’objectif immunologique est d’atteindre et de maintenir un taux de CD4>500/mL, seuil nécessaire pour avoir un bénéfice immunologique. Avant toute initiation de traitement, un test génotypique de résistance est nécessaire, pour connaître les résistances et mutations qui pourraient gêner l’efficacité de certains antirétroviraux.
Le traitement antirétroviral, indiqué dans le VIH aujourd’hui, est une trithérapie avec au moins deux classes thérapeutiques différentes. Les schémas classiques sont : 2 INTI + IP, 2 INTI + 1 INNTI ou encore 2 INTI + 1 INI.
Pour les INTI, les plus utilisés en première intention sont les associations ténofovir et emtricitabine, ou abacavir et lamivudine. Chez les INNTI, seule la rilpivirine est utilisée en première intention. Pour les IP, on utilise le darunavir boosté par le ritonavir. Quant aux INI, on a cette fois plus de choix, avec le dolutégravir, l’elvitégravir (associé au cobicistat) ou le raltégravir.
En fonction de l’efficacité du traitement, on pourra soit le garder, soit le modifier. Même en cas d’efficacité, un traitement peut être modifié en coopération avec le patient pour simplifier les plans de prises, la tolérance ou encore pour gérer les interactions médicamenteuses. Les médicaments antirétroviraux ayant une grande variabilité interindividuelle en fonction du patient, un suivi thérapeutique pharmacologique sera toujours instauré lorsque la spécialité pharmaceutique le permet.

Table des matières

INTRODUCTION 
PARTIE 1 : GENERALITES SUR LE VIH 
I. Découverte du virus 
a. Histoire
b. Classification
II. Epidémiologie 
a. Dans le monde
b. En Europe
c. En France
III. Voies de transmission 
a. Transmission par voie sexuelle
b. Transmission par voie sanguine
c. Transmission materno feotale
IV. Structure et cycle de réplication 
a. Structure et variabilité génétique
b. Cellules cibles
c. Pénétration du virus
d. Rétro-transcription et intégration
e. Maturation
V. Physiopathologie
a. Primo-infection
b. Phase de latence
c. Stade SIDA
d. Asymptomatique à long terme
VI. Stratégie thérapeutique 
a. Inhibiteurs Nucléosidiques et Nucléotidiques de la Transcriptase Inverse (INTI)
b. Inhibiteurs Non Nucléosidiques de la Transcriptase Inverse (INNTI)
c. Inhibiteurs de la Protéase (IP)
d. Inhibiteurs de fusion (IF)
e. Inhibiteurs de l’intégrase (INI)
f. Instauration et objectifs du traitement
PARTIE 2 : AUTOTESTS DE DEPISTAGE DU VIH 
I. Dépistage 
a. Recommandations
b. Marqueurs biologiques
c. Les différentes techniques
II. Histoire des ADVIH 
a. Législation dans le monde
b. Législation en France
c. Commercialisation
III. Généralités sur les ADVIH 
a. Principe
b. Réglementation de mise sur le marché
c. Performances
IV. Tests disponibles 
a. Autotest AAZ
b. Autotest INSTI
c. Autotest EXACTO
V. Place des ADVIH dans le dépistage 
a. Objectifs
b. Intérêts
c. Limites
VI. Les ADVIH à l’officine 
a. Rôle du pharmacien et confidentialité
b. Conseils à la délivrance d’un ADVIH
c. Gestion des déchets
d. Chiffres
e. Organismes
f. Nature de la formation
g. Etude sur la mise en place des autotests de dépistage du VIH
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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