LES DELAISSES URBAINS ET FRICHES URBAINES

LES DELAISSES URBAINS ET FRICHES URBAINES

LES FRICHES URBAINES

Bien que l’intitulé du contrat de recherche DUE fasse référence au terme de « délaissés urbains », les discussions que nous avons pu avoir avec nos différents tuteurs nous ont amené rapidement à parler plutôt de friches urbaines. D’où la question que nous nous sommes légitimement posée dès le début de notre réflexion : peut-on considérer ces deux termes comme équivalent ? Bien que le sens soit globalement identique, la connotation de ces deux termes est en réalité différente. La friche a une connotation négative et renvoie à la notion d’abandon. En revanche, le délaissé a une connotation presque affective : «Laissé à soi-même, sans aide ni soutien » (Jean Nika, 2009) 

APPREHENSION DES FRICHES EN MILIEU URBAIN

L’étude des espaces délaissés implique de comprendre les mécanismes urbains qui gravitent autour d’elles, d’appréhender sa mise en place, les raisons de sa présence. Nous tenterons ainsi de définir ce concept de « friche urbaine » et les enjeux dans lesquels il s’insère.

LA DIVERSITE DES DEFINITIONS APPLIQUEES AUX FRICHES URBAINES

Ce qui rend à la fois intéressante et très difficile l’étude des friches urbaines est le manque total d’information présent dans les textes de loi. En effet, actuellement, le statut de friche urbaine ne correspond pas à un terme juridique reconnu ni au sein du Code de l’urbanisme ni au sein du Code de l’environnement (PARIS, 2002). Pourtant, les récentes prises de conscience environnementales face à un étalement urbain frénétique et standardisé fait de zones pavillonnaires ont conduit élus et techniciens à considérer d’un œil nouveau ces sites désaffectés et parfois idéalement placés. Néanmoins, cette absence de définition complique la mise en place de leviers propres au traitement de cette question si bien qu’aujourd’hui, la France perd tous les 7 ans en surface naturelle et agricole l’équivalent du département de la Haute Savoie. La surface des friches urbaines, quant à elle, ne fait que s’accroitre ces dernières années en raison d’une crise montante de l’économie (Paris, 2002).  L’évolution de l’usage et de la signification du mot « friche » au cours du temps est également très intéressante. Historiquement, la friche était une terre agricole non exploitée. Ce terme a peu à peu connu une évolution sémantique sur la base de son sens figuré. En effet, la friche connote un espace abandonné et non entretenu. Ainsi, les espaces délaissés suite au phénomène de désindustrialisation qui a particulièrement touché la France dans la seconde moitié du XXème siècle ont pris la dénomination de « friches industrielles ». Ces espaces acquièrent progressivement le statut d’objet d’étude et s’intègre dans le langage courant. D’industrielles, elles deviennent plus généralement urbaines, différenciée selon la nature de son activité passée (industrielle, ferroviaire, portuaire, administrative, tertiaire, etc.) En l’absence de définition juridique reconnue, on a pu constater la présence de nombreuses définitions implicites liées aux différents domaines d’interventions des acteurs. Ainsi, selon un aménageur ou un urbaniste, le dictionnaire de l’aménagement et de l’urbanisme de Pierre Merlin et Françoise Choay nous dit qu’une friche est « un terrain laissé à l’abandon en milieu urbain ». La définition est même plus précise car elle différencie les friches de la périphérie urbaine et celles qui sont localisées dans le tissu urbain bâti. Dans le premier cas, elles sont définies comme des « terrains non encore construits, mais qui ne sont plus cultivés en attendant une utilisation de type urbain » et dans le deuxième cas, elles sont définies comme des « parcelles antérieurement bâties, mais dont les bâtiments ont été démolis. Les terrains sont provisoirement inutilisés, soit pour des raisons spéculatives, soit dans l’attente d’un regroupement de plusieurs parcelles pour une nouvelle construction, soit pendant la phase de montage administratif et financier du projet de construction » D’un point de vue écologique, les friches constituent les seuls espaces en ville où le développement spontané et non maîtrisé de la végétation est encore présent (MATHEY, RINK, 2010). Elles abritent une biodiversité végétale abondante, citées dans le cadre du projet de recherche de la thèse de M. BRUN en tant que « réservoirs de biodiversité ». Ce sont les espaces herbacés les plus naturels qui puissent être trouvés en ville, en contraste avec les parcs et jardins publics gérés et entretenus d’une manière stricte. 15 Quel que soit l’angle sous lequel un acteur va définir la notion de friche, celle-ci s’apparente toujours au concept d’un lieu mais aussi à celui d’une dynamique de fonctionnement (OLIVIER et al., 2010). Ces deux éléments se retrouvent également dans un rapport initié par l’association des communautés urbaines de France qui présente une vision statique et dynamique de la friche1 . Concernant la vision statique, la définition consiste à proposer des critères d’identification des espaces en friches. Selon ce rapport, il y a trois éléments qui reviennent systématiquement et qui sont donc à la base de toute définition statique de la friche : la taille (ou dimension), le temps de vacance et la nature du terrain qui se définit par son ancienne affectation, qu’elle soit industrielle, militaire, portuaire, agricole, etc. Cette vision est complétée par THOMANN qui distingue la friche par les critères énoncées précédemment mais aussi par le niveau de désaffectation auquel elle se situe : abandon, sous-utilisation, utilisation temporaire (THOMANN, 2005). Dans le cas de la vision dynamique, la friche est définie comme un espace transitoire dans le processus de renouvellement urbain. En effet, chaque ville connait au cours de son histoire des évolutions dans sa morphologie spatiale afin de garantir l’adéquation entre la forme urbaine et l’activité qui s’y déroule. Idéalement, la ville présenterait à chaque moment de son évolution une cohérence parfaite entre son contenant formé par l’armature urbaine et son contenu formé par l’activité qui est censée s’y dérouler (Rey, 2006). Dans la réalité, le processus de reconversion d’un espace n’est pas instantané ce qui provoque l’apparition de délaissés temporaires. Le temps de vacance représente ainsi la période durant laquelle l’espace passe d’une fonction A à une fonction B. La friche serait donc le résultat de l’inadéquation entre la demande socio-économique de court terme et la réponse à plus long terme en matière de structure urbaine. C’est un indicateur de changement, un indicateur du passage de l’ancien à l’actuel, du passé au futur par un présent de crise » (Raffestin, 1997, p. 15) Malgré la diversité des définitions qu’on a pu trouver pour le terme « friche », nous allons devoir poser une et une seule définition qui s’appliquera à l’intégralité des terrains dont nous allons parler par la suite. En réalité, cette définition a été faite par Marion Brun afin de sélectionner les terrains à analyser dans le cadre de sa thèse. Au final, un échantillonnage de 179 friches a été réalisé et c’est sur cet échantillon que se base notre PFE. De ce point de vue là, il paraissait intéressant de conserver la même définition de la friche. Un simple raisonnement par l’absurde suffirait à justifier l’importance de garder cette définition. Si l’on prend une définition différente de la friche et que l’on travaille sur le même échantillon, on aura alors forcément des terrains qui ne correspondraient plus à cette nouvelle définition. En toute logique, il faudrait donc les enlever de l’échantillon. Hors, il est ici primordial de garder une cohérence avec le travail de Marion Brun pour qu’elle puisse, in fine, croiser son travail avec le nôtre afin d’aboutir à un résultat.3

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *