Les espaces transfrontaliers, territoires deprojet de l’Union Européenne

Les espaces transfrontaliers, territoires deprojet de l’Union Européenne

Cette partie a pour but de faire émerger la problématique générale de ce travail de recherche. Via l’étude de la frontière et de son évolution, nous allons au fur et à mesure comprendre comment l’Union Européenne s’est emparée de la question des espaces autour des frontières nationales pour en faire des territoires au service de l’idée européen. « L’idée d’une définition simple de ce qu’est une « frontière » est absurde par définition : car tracer une frontière c’est précisément définir un territoire, le délimiter, et ainsi enregistrer son identité ou la lui conférer. Mais réciproquement définir ou identifier en général ce n’est rien d’autre que tracer une frontière, assigner des bornes. Le théoricien qui veut définir ce qu’est une frontière est au rouet, car la représentation même de la frontière est la condition de toute définition » (Balibar, 1994) Ainsi, même si elle peut le paraitre au premier abord, on voit que la frontière n’est pas une notion simple à définir. Car selon Balibar, définir un territoire revient à tracer une frontière et de même tracer une frontière revient à délimiter un territoire. Cette première approche montre toute la complexité de la notion de frontière. Toutefois, de cette démonstration, nous pouvons en tirer un enseignement : la frontière et le territoire sont liés et même dépendants l’un de l’autre. Poser une frontière revient à « assigner des bornes », c’est-à-dire à définir ce qui appartient et ce qui n’appartient pas, de façon binaire. On peut donc assimiler la frontière à un sous ensemble de la limite comme le fait Raffestin, géographe, un des premiers chercheurs à travailler sur cette notion.

Cette limite qu’est la frontière est choisie ou imposée par l’Homme. La volonté humaine de territorialiser l’espace lui est fondamentale car elle permet ensuite de l’organiser. Toutefois, la frontière peut recouvrir plusieurs aspects, elle n’est pas uniquement une ligne séparant deux organisations territoriales (États, régions, quartiers riches et quartiers pauvres…) mais elle peut être floue ou complexe à identifier dans l’espace (les frontières culturelles, ethniques) voire impossible si celle-ci n’est pas matérialisée (frontière mentale). Prenons l’exemple de la frontière entre le privé et le public : elle n’est pas nécessairement spatiale si l’on considère les places de l’intime et de l’exposition de soi ou encore la frontière sociale qui s’exprime par la participation différente à la société de certains membres ou groupes et qui n’est pas toujours visible (Groupe frontière, 2004). Dans la partie suivante, nous nous attacherons à l’évolution de la perception de la frontière étatique dans le contexte européen afin de la rapprocher au plus près de notre sujet d’étude.  « Depuis l’antiquité la plus haute, les origines de l’Etat, des cités, des empires, il y a eu des frontières et des marches, c’est-à-dire des lignes ou des zones, des bandes de séparation et de contact ou de confrontation, de barrage et de passage (ou de péage) » (Balibar, 1994).

La frontière étatique n’a pas toujours été celle que l’on connait aujourd’hui en Europe, une frontière fixe et surtout linéaire. Autrefois, la frontière était apparentée à une zone tampon qui était délimitée par le pouvoir militaire de l’occupant. Si ce pouvoir militaire venait à être remis en cause par une seconde force voulant étendre son territoire d’influence, la ligne appelée ligne de front pouvait être amenée à se repositionner dans l’espace. La frontière a donc une origine militaire. Le front est défini dans le Dictionnaire du Larousse comment étant «la zone de combat». A l’époque, la frontière permettait de faire les contours de la force, de l’empire qui occupait l’espace. La zone au-delà de la frontière était donc considérée comme étrangère, source de danger et de conflit ou encore inconnue. « Les frontières ont acquis le sens qu’on leur connait aujourd’hui encore, et qui se traduit par une forme linéaire, après les traités de Westphalie. Ces derniers marquent la fin de l’ordre territorial féodal où la frontière linéaire était quasi inexistante, et, mettant fin à la guerre de trente ans, ouvrent une ère géopolitique fondée sur la notion inventée alors d’équilibre des forces. Chaque pouvoir se voyait reconnaître sa souveraineté sur un territoire conçu pour être stable, et qu’il se devait de consolider par l’armature de l’Etat à construire (armée, administration) ». (Amilhat-Szary et Fourny, 2006). Cette frontière se base ainsi sur un équilibre des forces reconnu de part et d’autre de la frontière. Toutefois l’auteur précise que cette notion est inventée, c’est-à-dire qu’elle est prétexte à la stabilisation de cette limite. Cette stabilisation entraîne une certaine sûreté et ainsi une pérennité à son territoire, lui permettant un développement non soumis aux aléas de la fluctuation de la frontière. C’est la stabilité politique et donc organisationnelle de l’Etat qui a fini par prévaloir sur l’expansion de celui-ci et le risque de le voir se réduire par la suite. « C’est un objet dont l’émergence s’inscrit dans un processus de territorialisation » (Groupe Frontière, 2004).

 

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