Les lichens organismes symbiotiques

LES LICHENS

Introduction

Les lichens sont des organismes symbiotiques constitués de l’association entre une algue ou une cyanobactérie (élément autotrophe) et un champignon (élément hétérotrophe) (Coste, 2011). Présent dans tous les milieux terrestres (Bricaud, 2006), ils sont répartis dans le monde entier et comptent près de 30.000 espèces (Brodo et al. 2001). Grâce à leur pouvoir d’accumulation, à leur longévité et à leurs substances lichéniques, les lichens jouent aujourd’hui un rôle très important en écologie (en bio-indication) et en pharmacopée. En Afrique, les travaux sur les lichens restent encore assez fragmentaires et anciens remontant au temps de la colonisation. Les travaux les plus récents et les plus notables sont notés en Afrique du nord et en Afrique du Sud. En Afrique de l’Ouest, les seuls travaux notables sur la flore lichénique sont ceux du Professeur des ABBAYES par ces multiples expéditions (1948, 1951 et 1954) en Guinée Conakry et en Côte d’ivoire. Au Sénégal, pas une seule publication scientifique consistante sur les lichens n’a encore été faite jusqu’à présent. Les seuls écrits concernant les lichens sont notés dans le Rapport national sur la diversité biologique du MEPN (1997 et 2010) où sept (7) espèces ont été citées sans aucune description. Il est donc important aujourd’hui de mieux connaitre ce groupe assez particulier de par leur nature et de par leurs importances scientifiques. Ce travail a ainsi pour objectif général de contribuer à la connaissance de la diversité des lichens au Sénégal. Les objectifs spécifiques de cette étude sont les suivantes:  connaitre la morphologie, l’anatomie et l’écologie des espèces de lichens ;  connaitre la diversité des espèces dans les différents sites étudiés ;  proposer une clé de détermination des espèces récoltées et décrites ;  présenter une photothèque des espèces décrites. 

Synthèse bibliographique 

Elément de Lichénologie 

Qu’est qu’un Lichen ? 

 Le terme de « lichen » est d’origine grecque d’où sa prononciation habituelle : « liken » et se trouve pour la première fois dans les écrits de Théophraste (IV° siècle avant notre ère) qui désigne ainsi des plantes croissant sur les troncs d’arbres, auxquelles on attribuait à l’époque des vertus médicinales (Ozenda et Clauzade, 1970). Il y’a deux siècle le Suédois Erik Acharius (1798-1814) précisa leurs caractères avec des mots comme thalle, apothécie, sorédie. Ce n’est qu’en 1867 que la véritable nature symbiotique du lichen, symbiose d’une algue ou cyanobactérie et d’un champignon, est décrite pour la première fois par Schwendener et De Bary (Coste, 2008). En effet, un lichen est un organisme composite résultant d’une association étroite et à bénéfice réciproque (symbiose) entre deux êtres vivants (symbiotes) : un champignon et une algue unicellulaire ou un champignon et une cyanobactérie. Le champignon est appelé Mycobionte et l’algue ou la cyanobactérie est appelé Photobionte. Chacun des deux partenaires tient un rôle important dans la survie de l’autre : Le champignon fournit un abri à l’algue ou à la cyanobactérie (protection contre les pertes d’eau trop brutales, contre les rayonnements solaires trop intenses, contre les animaux, etc.) ainsi que les sels minéraux, l’eau et les antibiotiques nécessaires à leur bon développement. L’algue ou la cyanobactérie, quant à elle, par son activité photosynthétique, va fournir au champignon la matière organique (entre autres les glucides) nécessaire à son existence (Bauwens, 2004). Le corps d’un lichen est appelé thalle (Vaillaud, 2011). Le thalle est formé par un réseau de filaments nommés hyphes (comparables au mycélium des champignons). C’est au milieu d’un enchevêtrement de ces filaments que se trouvent les algues (fig. 1).  Figure 1: Coupe verticale à travers le corps d’un lichen (Ahmadijian & Jacobs, 1998) b. Les champignons et les algues constitutifs des lichens • Le Champignon Le champignon d’un lichen (le mycobionte) constitue le partenaire dominant de la symbiose environ 90% (Masson, 2014). Il est responsable de la morphologie du lichen, c’est donc lui qui organise celle-ci. Il constitue un réseau d’hyphes, filaments généralement blanchâtres, dont l’ensemble forme la médulle ou moelle, qui contient le partenaire algal. C’est également lui qui organise le cortex, tissu généralement plus compact, lequel, s’il est présent forme la limite avec l’environnement. Il existe environ 64.000 espèces de champignons dont 20% sont lichénisés (Coste, 2008). • L’Algue Le partenaire algal (photobionte) (fig. 2) est donc celui qui dispose de la capacité de photosynthèse, c’est-à-dire utiliser l’énergie solaire en plus de l’eau et du CO2 pour fabriquer des sucres. « Algue », est un terme général qui englobe beaucoup d’organisme très différents (Manneville et al., 2010). Il peut être une cyanobactérie (environ 10%) ou le plus souvent une algue verte [chlorophycées (environ 90%)] (Coste, 2008). 4 Seuls 2 % des photobiontes sont clairement identifiés, car les caractères morphologiques et les structures sexuées sont considérablement modifiés par la symbiose. I. La morphologie d’un Lichen : Figure 2: Quelques algues intervenant dans la symbiose. Source (Sérusiaux et al., 2004) 

Anatomie et Morphologie des lichens 

Anatomie

 Sur le plan de l’anatomie, les lichens sont caractérisés par deux types de structures très différentes :  Structure homéomère Les lichens à structure homéomère sont les lichens dont les cellules du photobionte sont réparties uniformément dans le thalle (fig. 3). Structure homogène (ou presque) dans toute l’épaisseur du thalle, elle existe dans trois groupes de lichens très différents (Clauzade et Roux, 1987) : 5 • chez divers lichens gélatineux, plus spécialement les collema, dont le thalle est formé d’une masse mucilagineuse incolore ou jaune claire, contenant des chaines de Nostoc et des filaments fongiques ; • Chez les lichens lépreux, dont les petits granules pulvérulents sont formés chacun d’un seul hyphe enroulé contenant quelques cellules algales ; • Chez quelques genres de lichens passant facilement inaperçus car très petits entourés chacun d’une gaine d’hyphes continue ou discontinue, le reste du thalle est formé seulement d’hyphes reliant les algocystes (goniocystes) entre eux et aux ascocarpes. g : gonidies, m : mucilage, h : hyphes Figure 3: Structure homéomère de 2 lichens gélatineux (Collema tenax et Collema pulposum) (Ozenda et Clauzade, 1970) 6  Structure hétéromère Bien plus fréquente, elle se distingue de la précédente par la différenciation de plusieurs couches superposées, bien visibles sur une coupe transversale (Clauzade et Roux, 1987) (fig. 4) : • cortex supérieur, constitué seulement d’hyphes très denses, formant parfois un faux tissu celluleux; • couche algale, formée d’un réseau d’hyphes moins dense, dont les mailles contiennent les algues ; • médulle formée seulement d’hyphes en général très lâches sauf dans la partie axiale du thalle des Usnées où elles sont au contraire très serrées, parallèles à l’axe du thalle et constituent le cordon axial. 7 Structure interne des lichens fruticuleux Structure interne des lichens foliacés Structure interne des lichens crustacés Figure 4: Exemple de structure hétéromère (Source Canada’s Polar Life) 8 b. Morphologie du thalle Le thalle est l’appareil végétatif du lichen (corps du lichen) qui assure sa nutrition, sa survie et sa croissance. Le thalle des lichens est presque toujours bien plus développé que celui des Champignons, des Chlorophytes et des Cyanophytes les plus voisins de leurs constituants (Ozenda et Clauzade, 1970). Il est de plus, extrêmement variable. Toutefois on peut ramener les différents thalles de lichens à six (6) types morphologiques fondamentaux (Clauzade et Roux, 1987). 1. Thalles fruticuleux Thalles fixés à leurs supports par un seul point terminal, et dressés ou pendants à la manière des fruits d’un arbre. Ils sont généralement verticaux relativement à leurs supports, à moins que leurs propres poids ne les fassent incliner à la position horizontale (Olivier, 1897). Ils sont assez divers et attirent facilement l’attention. Ils peuvent être aisément répartis en deux groupes :  thalles avec tiges à section ronde plus ou moins ramifiées,  thalles en forme de lanières habituellement divisées, plates, cannelées ou canaliculées.

Thalles foliacés 

Les thalles foliacés sont généralement fixés sur le substrat par de petits crampons ou rhizines. Certains peuvent adhérer au substrat par une surface réduite (crampon) le plus souvent près du centre (thalles ombiliqués), d’autres (dits non ombiliqués) adhérent au support par la plus grande partie de leur surface, le plus souvent grâce à des rhizines. Beaucoup plus répandus que les précédents, la plupart sont en forme de rosette (Ozenda et Clauzade, 1970). 

Thalles crustacés

 Thalle ayant l’aspect d’une simple croûte continue ou diversement fendillée, tellement adhérant au corps qui lui sert d’appui, qu’on ne peut guère la détacher sans la briser en fragments (Olivier, 1897). Ils peuvent être bien délimitées à la périphérie ou non, et être distinctement lobés (thalle placodiomorphe) ; leur surface peut être continue, fendillée ou nettement fragmentée en petites aréoles. Une variante particulière du type crustacée est le thalle lépreux, où la croute est entièrement formée de petits granules farineux, sans cortex « lèpre » sur son substrat.

Thalles squamuleux 

Les thalles squamuleux typiques sont formés de compartiments (squamules) à face supérieure plane ou concave, dispersés ou rapprochés, contigus ou même imbriqués, avec bord non adhérent au substrat. Mais on regarde aussi comme squamuleux, ceux qui sont formés de compartiments très convexes de plus de 1.5mm de diamètre, facilement détachables du substrat, bien qu’ils adhérent à celui-ci par toute leur surface inférieure (Clauzade et Roux, 1987). 5

Thalles complexes 

Thalles formés, tout au moins en apparence, de deux parties: une partie crustacée, squamuleuse ou foliacée (thalle primaire), étalée sur le substrat, une autre fruticuleuse (thalle secondaire) parfois en forme d’entonnoir (scyphes) perpendiculaire à celui-ci (Coste, 1989). 

Thalles gélatineux 

Ce sont des thalles noirâtres, coriaces et souvent friables à l’état sec, plus ou moins pulpeux, souples et translucides à l’état humide, particularités dues surtout à ce que les gonidies sont toujours des cyanophytes dont les cellules sont entourées d’une gaine mucilagineuse à pouvoir d’imbibition élevé. Du point de vue morphologique, les thalles gélatineux sont très variables mais la plupart rappellent des thalles foliacées (Collema nigrescens) ou squamuleux (Thyrea, Anema) (Ozenda et Clauzade, 1970).

Organes particuliers du thalle

 Le thalle porte différents types d’organes à sa surface. Ces organes ont différentes fonctions et sont souvent très utiles à la détermination des différentes espèces de lichens. Figure 5: Schéma illustratif d’une portion de Thalle (Gavériaux, 1996) 

Les organes végétatifs 

Les rhizines (fig. 6) : ce sont des manchons ou des faisceaux plus ou moins compacts d’hyphes qui assurent l’adhésion du thalle à son substrat, cela quasi exclusivement chez les thalles foliacés. Par définition donc, les rhizines sont localisées à la face inférieure du thalle. Elles peuvent être simples ou ramifiées, de différentes couleurs et leur localisation n’empêche pas nécessairement, lorsqu’elles sont longues et abondantes, qu’elles puissent déborder latéralement du thalle. 11 Figure 6: Rhizines de deux espèces de Physconia : (a) rhizines ramifiées de P. distorta ; (b) rhizines simples de P. frisea. Echelle : 1mm. D’après Purvis et al. (1992)  Les cils (fig. 7) : ce sont des prolongements d’hyphes se trouvant sur la face supérieure du thalle, ils ont à peu près la même structure que les rhizines mais ne servent pas à l’adhésion du thalle au substrat. Ils peuvent être présents à la marge du thalle ou des ascocarpes. Figure 7: Cils marginaux d’Anaptychia ciliaris. (D’après Poelt, 1969) 12  Pseudocyphelles : ce sont des ouvertures des cortex supérieur et inférieur laissant apparaître la médulle. Ils jouent un rôle important dans les échanges gazeux avec l’atmosphère (les Cyphelles sont des dépressions, à contour arrondi, du cortex inférieur, rencontrées uniquement dans le genre Sticta). b. Les organes de reproduction  L’apothécie : Elle a une structure de coupe, de cratère (fig. 8). L’apothécie est la fructification la plus courante, elle produit des spores (uniquement le champignon). Elles sont caractérisées par un hyménium non entièrement enfermé dans une couche protectrice plus ou moins largement exposé au milieu extérieur par une surface plus ou moins grande (appelé disque de l’apothécie). Apothécies Figure 8: Apothécies de Roccella sp (Photo Touré, 2015) Les apothécies sont de deux (2) types : les apothécies lécanorines et les apothécies lécidéines. Les premières ont un rebord de couleur différente de celle du disque, c’est ce que l’on appelle un rebord thallin ; autrement dit, il aura une structure similaire au thalle et contiendra des algues. Les secondes sont sans rebord, ou à rebord plus ou moins concolore au disque et ne contiennent pas d’algues. 13 Figure 9: Exemple de structure d’Apothécie.  Isidies Ce sont de petites excroissances du thalle de quelques dixièmes de millimètre qui peuvent être simples ou ramifiées, contenant algue et champignon et également le cortex supérieur. Les isidies sont très souvent de la même couleur que le thalle. Elles ont tendance à se détacher à l’état sec.  Soralies Elles consistent en une réunion de petites granulations (sorédies, formées d’un enchevêtrement d’algues et d’hyphes) de 25 à 100 µm de diamètre, le plus souvent d’une couleur différente de celle du thalle (absence de cortex). De véritables lichens miniatures qui ont une très grande importance dans la multiplication végétative des lichens.  Les périthèces Ce sont des structures assez difficiles à étudier car parfois même difficiles à voir. En forme de poires plus ou moins enfoncées dans le thalle, ils ne sont bien souvent ouverts que par un petit port (l’ostiole) via lequel les spores vont être éjectées. 

La reproduction chez le Lichen

Le lichen présente deux modes principales de reproduction : une reproduction sexuée et une reproduction asexuée (Bellenfant et al. 2010).  La reproduction sexuée Elle est assurée par le mycobionte uniquement. En effet : seul le champignon intervient en produisant des filaments sexuellement différenciés qui, en se rencontrant au sein même de l’organisme, vont produire des spores (fig. 10). Ces spores sortiront au niveau d’un organe spécifique, l’ascocarpe (ou fructification), porté par le thalle et se présentant sous différents aspects. La forme de ces organes sera très importante dans la détermination des espèces. Parmi les structures les plus fréquemment retrouvées, nous avons les apothécies, les lirelles, les périthèces. Après leur libération, ces spores germent et donnent des hyphes dont le rôle premier sera de capturer des algues terrestres libres afin de redonner un nouveau thalle lichénique. La recherche de l’algue est primordiale dans les premiers temps, sans quoi le champignon va végéter et mourir.

Table des matières

Table des illustrations
Liste des Tableaux
Résumé
Abstract
Introduction
I. Synthèse bibliographique
1. Elément de Lichénologie
a. Qu’est qu’un Lichen ?
b. Les champignons et les algues constitutifs des lichens
2. Anatomie et Morphologie des lichens
a. Anatomie
b. Morphologie du thalle
3. Organes particuliers du thalle
a. Les organes végétatifs
b. Les organes de reproduction
4. La reproduction chez le Lichen
5. Ecologie et chorologie des Lichens
6. Systématique des Lichens
7. Intérêt des lichens
8. La diversité des lichens
II. Matériel et méthodes
1. Présentations des sites d’études
a. Jardin Botanique de la Faculté des Sciences et Technique
b. La Mamelle Occidentale ou grande Mamelle
2. Récolte et conservation des Lichens
a. Matériel de récolte
b. Récolte
c. Conservation des Lichens
3. Descriptions des lichens
a. Matériel
b. Etude du thalle
c. Etude des organes de reproduction
d. Etudes des ascospores
4. Identification des échantillons
III. Résultats et discussions
1. Diversité des échantillons dans les sites d’études
2. Caractérisation morphologique et chimique des espèces identifiées
3. Spectre taxonomique
4. Clé de détermination
5. Photothèque .
Conclusion et perspectives
Lexique
Références bibliographiques .

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