Les paysages culturels fluviaux de l’UNESCO

Les paysages culturels fluviaux de l’UNESCO

Les paysages fluviaux

La définition du « paysage » et de ce qu’elle peut représenter a été soumise à une importante recherche bibliographique et scientifique transdisciplinaire1 . Par le célèbre Larousse, un paysage se définit comme une « étendue spatiale, naturelle ou transformée par l’homme, qui présente une certaine identité visuelle ou fonctionnelle ». Cette définition est assez large pour ne pas être qualifiée de précise et de réellement définie. D’un autre côté, comme l’indique Bertrand (1978), la recherche d’une définition est difficile et incertaine, bien que le paysage semble être « un objet socialisé, une image, qui n’existe qu’au travers du phénomène physiologique de la perception et d’une interprétation socio-psychologique ». Pour autant, il reste une « structure naturelle concrète et objective ». B. Davasse (2004), parle de notion plutôt que de définition, en qualifiant le paysage comme une représentation de « réalités matérielles » et « de réalités immatérielles ». Chez ces deux auteurs, tout du moins, le paysage est l’interface entre nature et société, en s’associant aux cadres naturels et culturels. D’une manière générale les paysages font partis du « cadre de notre vie quotidienne » qui représente un patrimoine, ou autrement dit un héritage. Pour Mitchelle et al. , la notion de paysage est hautement culturelle. Associer le descriptif « culturel » à « paysage » permet seulement d’insister sur l’interaction entre l’homme et son environnement ainsi que sur les caractéristiques culturelles matérielles et immatérielles. Certains de ces paysages sont notamment structurés autour du fleuve, de la rivière ou du cours d’eau. Ces derniers peuvent être fédérateurs en jouant des rôles cruciaux pour l’Homme comme pour la Nature (Petit et Sanguin, 2003). Ce sont des routes commerciales, des corridors ou des réservoirs biologiques. Les fleuves ont été des éléments structurant et déterminant dans l’établissement des plus grandes villes européennes (Paris, Londres…). Ils sont le moyen pour atteindre des zones difficiles d’accès, ou pour transporter des marchandises. Ils représentent des frontières et des lieux de négociation (comme le Rhin) mais aussi des lieux de détente et de calme. Les usages et les relations que l’Homme a pu tissés avec ces éléments naturels sont donc multiples. D’un point de vue naturel, l’eau est le berceau de la vie. Les fleuves sont à ce titre, source de biodiversité, corridors écologiques (trame bleue) ou des lieux d’habitats. Pour l’Homme, ils constituent la principale ressource en eau pour le fonctionnement de ces industries comme les centrales nucléaires et son alimentation. Parmi ces intérêts et enjeux qui peuvent découler de ces faits, nous conviendrons donc de l’importance cruciale de ce patrimoine aquatique et de sa protection. Un paysage fluvial pourrait être simplement considéré comme un paysage physiquement structuré par un fleuve ou une rivière ou alors un paysage marqué par leur utilisation par l’homme 2 .Autrement dit, il représente les portions de territoire en lien avec les hydrosystèmes ainsi que les usages des sociétés riveraines. Tous les fleuves et rivières constitueraient alors un paysage fluvial. Néanmoins, tout cours d’eau n’est pas source de liaison entre l’Homme et son environnement et la notion culturelle se perd ou s’atténue tout du moins. La définition (ou la notion ?) de paysages culturels fluviaux nécessite alors une recherche approfondie, dont dépendront nos résultats. De cette idée, nous nous sommes interrogés notamment sur l’aspect suivant : ces paysages forment-ils réellement une catégorie à part, avec des enjeux de gestion spécifiques ? Sont-ils si différents ou si uniques, que classer ces paysages culturels fluviaux pour en faire découler des enjeux particuliers se révèlent difficiles voire impossible ? Le fleuve est-il le seul élément pour caractériser un paysage culturel fluvial ? Peu de recherches ont été menées actuellement sur ce sujet mais d’importants programmes et organismes attirent l’attention sur les fleuves aussi bien sur le plan naturel que sur le plan culturel. C’est le cas notamment de l’UNESCO, dont plusieurs sites, inscrits sur la liste du patrimoine mondial, concerne et englobe des paysages fluviaux, c’est-à-dire des territoires où la présence d’un fleuve est observée (site UNESCO).

Patrimoines culturels de l’UNESCO et paysages fluviaux

Défini par le Larousse, le patrimoine « considéré comme l’héritage d’un groupe ». C’est un héritage dont nous pouvons jouir aujourd’hui, et qui doit être transmis aux générations futures. Dans ce but, la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) encourage les pays à inscrire leurs sites « à protéger » sur la liste du patrimoine mondial. L’organisation accompagne techniquement et forme les professionnels à la préservation de ces sites à Valeur Universelle Exceptionnelle (VUE) dans chaque pays demandeur. Cette VUE (Outstanding Universal Value) signifie que la signification culturelle et/ou naturelle (du site) est assez exceptionnelle pour dépasser les frontières nationales et être d’une importance commune pour les générations présentes et futures (UNESCO, 2008). Cette définition implique que ces biens communs n’appartiennent pas à un pays, mais à l’humanité toute entière (Eliott et Schmutz, 2012). Le patrimoine mondial représente ainsi « les monuments, ensembles et sites ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science (patrimoine culturel), ainsi que les monuments naturels, formations géologiques, sites naturels ayant une valeur exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique (patrimoine naturel) » (UNESCO, 2015). Trois types de patrimoines alors sont mis en avant. Les patrimoines culturels incluent notamment les sites témoignant de la relation entre l’Homme et son environnement tandis que les patrimoines naturels sont essentiellement liés aux processus biologiques et physiques présentant un intérêt pour la conservation. Les sites mixtes présentent des caractéristiques des deux. Afin de classer les sites selon l’une de ces catégories, l’UNESCO a établi une liste de 10 critères auxquelles les inscriptions doivent faire allusion. Les 6 premiers critères concernent les patrimoines culturels, les 4 derniers qualifiant les patrimoines naturels. Dans tous les cas ces sites doivent être authentiques et présenter leurs attributs comme intacts. On parlera alors d’authenticité et d’intégrité. Bien que les patrimoines naturels montrent une diversité de sites fluviaux intéressants notre recherche ne s’étendra pas sur ce type. Nous nous attarderons cependant sur les sites culturels et particulièrement ceux où le fleuve joue un rôle. Car les fleuves attirent l’attention de l’UNESCO (voir les activités de l’atelier « Fleuves et Patrimoines »). Bien qu’aucune définition ou délimitation de paysages culturels fluviaux ne soit admise, des évènements portés par l’organisation s’attachent à réunir différents acteurs autour de la gestion de cours d’eau inclus dans le patrimoine mondial. Notons par exemple, l’initiative « Fleuves et Patrimoines » qui a pour but d’accompagner « le processus de valorisation culturelle des fleuves ». Il est admis en effet que les conflits d’usage liés à l’eau pourraient devenir à l’avenir des questionnements géopolitiques majeurs, en particulier où la ressource est très convoitée. De plus, en vue de la menace qui pèse sur l’eau, un regain d’intérêt pour l’aménagement des fleuves a été noté depuis quelques années (Rotgé, 2009 ; Dupuis-Tate, 1998)). Il devient clair alors que la culture du fleuve doit être revue (Wantzen, et al. 2016). Le projet « Niger Loire : gouvernance et culture » ou l’atelier de réflexion au Sénat (2009) sur le thème fleuve à fleuve s’inscrivent dans cette logique de réappropriation culturelle. Plus récemment, la Chaire UNESCO « Fleuves et patrimoines : diversité naturelle et culturelle des paysages fluviaux » (2014) a été mise en place à l’initiative de l’Université François Rabelais,  d’Angers et de la Mission Val de Loire. Elle s’attache à rassembler sciences de la nature et sociétales dans le cadre de paysages fluviaux, en favorisant « a synergie internationale » entre Nord/Sud et universités. Elle est appuyée techniquement par la convention France UNESCO

Enjeux de gestion et menaces

Mais une fois inscrit, l’histoire des sites UNESCO ne s’arrête pas là. Bien au contraire. En vue de la diversité des acteurs et des pressions environnantes, les sites sont proies à différentes menaces pouvant les emmener sur la liste de mise en péril de l’UNESCO. Cette liste est constituée de sites dont les caractéristiques et particulièrement les attributs d’inscription au patrimoine mondial sont gravement menacée. La nomination des sites à la liste de mise en péril n’est pas une sanction mais plutôt « un système établi pour répondre efficacement à des besoins spécifiques de conservation » 3 Pour les sites culturels, ces menaces peuvent être dû à la diminution du degré de protection, à une carence dans la politique de conservation ou encore à des projets d’urbanisme. Si, suite aux recommandations du Comité, l’état partie ne peut/veut pas surmonter ces obstacles, le site peut être retiré de la liste du patrimoine mondial. Au jour où ce rapport est écrit, 2 sites ont été retirés de la liste, le sanctuaire de l’oryx arabe en Oman et la vallée de l’Elbe à Dresden. La bonne gestion des sites et la coordination des acteurs est donc d’une importance primordiale pour conserver leur authenticité. Dans ce but, de prévenir et d’appréhender ces menaces, les plans de gestion sont aujourd’hui demandés (et depuis 2007 obligatoires). Ils donnent une vision globale intéressante des sites en intégrant une politique de gestion cohérente. Ils représentent un document intéressant à étudier pour leur caractère synthétique en listant les principaux enjeux, les grandes menaces, et surtout comment y répondre. Les partenariats entre états sous le regard de l’UNESCO peuvent aussi se révéler utiles pour les gestionnaires. C’est le cas du projet Niger-Loire, partenariat en la France et le Mali, autour deux axes : le patrimoine culturel et le fleuve. Il permet en effet, via sa complexité d’acteurs, d’apporter des concrétisations techniques telles que, l’alimentation en eau potable, une opération de restauration du port de Mopti ou encore la mise en place d’une maison du fleuve à Ségou. De façon générale, il « vise à soutenir le développement des collectivités et communautés riveraines du fleuve Niger » 4 avec comme vecteur de communication les fleuves (en l’occurrence la Loire et le Niger comme éléments communs). Cet exemple montre l’intérêt que peut représenter la prise en compte des fleuves dans la gestion de projet. Les paysages culturels fluviaux : catégoriser pour mieux gérer ? Entre 1992 et 2001, par exemple, 14 rencontres d’expert ont été réalisés sous l’effigie de l’UNESCO afin de trouver des méthodologies pour identifier les paysages culturels. Afin d’élaborer les enjeux communs autour de ces sites, des recherches ont été menées sur leur classification et sur leur évaluation (Fowler, 2012). Certaines de ces rencontres étaient spécialement tournées vers certains types de paysages culturels comme les paysages agricoles (et viticoles), ou ceux situés en région méditerranéenne (Laureano, 2012). Cette catégorisation a pour objectif de répondre à des questions socio-économiques, de conservation ou spécifique communes à ces sites. Dans sa review Fowler, réalise un travail de synthèse et d’analyse en établissant la liste des sites culturels inscrits entre 1992 et 2002. Notamment, il introduit les « éléments significatifs » des sites comme les montagnes, les jardins, les zones industrielles ou encore l’eau. Ce dernier élément présente une importance sous différentes formes : irrigation, rivière ou mer structurant le paysage et lacs. 8 sites sont retenus avec une rivière structurant le paysage.

Table des matières

Introduction Générale
I. Sélection des sites et choix des critères à suivre
1. La sélection des sites potentiels et intérêt des critères culturels
2. Choix d’un paysage culturel fluvial de référence
3. Catégoriser les paysages culturels fluviaux : approche.
II. Analyse des sites et de leurs critères
1. La diversité des paysages fluviaux
2. Référence au Val de Loire et établissement de catégorie de paysages culturels fluviaux
III. Discussion de nos Observations
IV. Conclusion préalable
V. Méthodologie du travail de terrain
1. Contacter les acteurs
2. Approfondir la documentation
VI. Enjeux de gestion dans les sites culturels fluviaux
1. Généralités.
2. Enjeux autour des fleuves et UNESCO
3. Quand fleuves et UNESCO s’entendent
Conclusion Générale
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
ANNEXES

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