Les positions relatives des partenaires

 Les positions relatives des partenaires

L’homogamie sociale, c’est-à-dire la tendance des individus à se mettre en couple avec un·e partenaire de statut social équivalent (Insee Références, 2015, p. 94 ; Girard, 1964 ; Bozon et Héran, 1987-1988), donne l’impression que la conjugalité est synonyme d’égalité. Cependant, des études montrent que le couple nuit à la position sociale des femmes (Singly, 2004 ; Bouchet-Valat et Grobon, 2019). Car l’hétéronormativité fait que femmes et hommes n’attendent pas les mêmes choses du couple, se recherchent pour leurs complémentarités Les positions relatives des partenaires (Singly, 1987)  et connaissent des positions conjugales différenciées qui affectent en retour leurs positions sociales. L’hétérosexualité favorise notamment l’hypergamie de la femme424, et un écart d’âge en faveur de l’homme (Bozon, 1990 ; Insee Références, 2015 ; Daguet, 2016 ; Bergström, 2018). Ces écarts instaurent tendanciellement dès le début de la relation conjugale un déséquilibre des ressources (économiques, culturelles et sociales), donc du pouvoir (Glaude et Singly, 1986). En outre, le fonctionnement conjugal creuse au fil du temps ces inégalités. Cette étude ne serait ainsi pas complète si elle ne se penchait pas, au-delà de la position des couples dans l’espace social, sur les différences entre partenaires d’un même couple, permettant de compléter des études sur le fonctionnement conjugal parfois encore aveugles aux rapports sociaux. Nous allons voir comment l’écart d’âge influence la répartition genrée des tâches (1), puis nous interrogerons l’hétérogamie liée au genre (2). 

L’écart d’âge 

Aspect connu de l’hétérosexualité, l’écart d’âge entre partenaires au bénéfice de l’homme a historiquement à voir avec le décalage entre les calendriers masculins et féminins d’entrée sur le marché matrimonial, lui-même lié aux attentes différenciées en termes de position professionnelle. Cet écart d’âge civil fut même longtemps sanctifié par le droit français, contribuant à sa naturalisation (Bozon et Rennes, 2015) et reliant intrinsèquement les rapports de genre et d’âge . Si cet écart tend à se réduire, il demeure (Bozon, 1990 ; Bergström, 2018), les hommes ayant actuellement 2,5 ans de plus que leur partenaire en moyenne chez les couples cohabitants (Daguet, 2016). Ainsi, en 2011, parmi les couples hétérosexuels de tous types d’union, six sur dix contiennent un homme plus âgé que sa partenaire, et seulement un sur dix contiennent un homme plus jeune (Insee Références, 2015). En effet, les femmes, en particulier les plus jeunes et moins diplômées, sont attachées au fait d’avoir un partenaire plus âgé (élément perçu comme un signe de maturité et de stabilité professionnelle), et se mettent en couple plus précocement que les hommes. Dans quelle mesure cet écart d’âge est-il lié à la répartition des tâches et aux consommations alimentaires ? Pour y répondre, si l’âge civil doit être regardé, il faut également se pencher sur les parcours d’autonomisation, professionnels et résidentiels, constitutifs des âges statutaires.

L’âge civil 

Les matériaux ici collectés suggèrent tout d’abord un lien entre un assez fort écart d’âge civil (en faveur de l’homme) et une répartition des tâches plutôt traditionnelle. Dans le tableau cidessous, nous précisons les écarts d’âge au sein de la typologie des arrangements (pour rappel, la typologie générale est consultable en annexe 5.3.), après avoir exclu les arrangements dans lesquels les tâches sont relativement égalitairement réparties (c’est-à-dire les arrangements « investissement conjoint », « néophytes », « conversion réciproque » et « femme en défection », ce dernier arrangement étant très spécifique puisque la femme y résiste au rôle de principale gestionnaire). Nous considérons que les partenaires ont un écart d’âge dès que leurs dates de naissance sont éloignées de plus d’un an.Considérons d’abord les arrangements correspondant à une implication plus grande de l’homme dans les tâches alimentaires, ou à des concessions fortes de celui-ci en matière de  consommations, à avoir les arrangements « chef », « homme (temporairement?) plus disponible » et « homme converti ». Parmi ces neuf couples, seuls deux connaissent un écart d’âge en faveur de l’homme, alors que les sept autres connaissent un écart d’âge très faible (un an maximum) à son bénéfice voire, pour l’un d’entre eux , un écart d’âge en faveur de la femme. Inversement, les arrangements connaissant une implication plus grande de la femme dans les tâches alimentaires, à savoir les arrangements « nourricière », « partenaires spécialisées » et « gestionnaire par défaut » sont plus marqués par un âge plus élevé chez l’homme. En effet, sur neuf couples huit connaissent un écart d’âge en faveur de l’homme, écart qui s’avère très grand pour trois couples , et un seul couple connaît un écart d’âge minime. Rappelons à ce propos que l’écart d’âge est particulièrement élevé chez deux des trois couples à l’arrangement de type « femme nourricière » ainsi que chez le couple de type « gestionnaire par défaut », arrangements les plus défavorables à la femme. Il en ressort que les couples à la répartition des tâches plus proche du modèle genré « traditionnel » sont plus fréquemment constitués de partenaires à l’écart d’âge important en faveur de l’homme. Ceci suggère que le fait d’être plus âgé s’associe, chez les hommes, à une plus forte tendance à déléguer les tâches à la partenaire, autrement dit à voir celle-ci prendre en charge davantage de tâches de gestion alimentaire. Il nous faut cependant aller plus loin, en essayant d’expliquer ce qui fait de l’âge plus élevé un atout. Pour cela, il nous faut dépasser le simple critère de l’âge civil, pour interroger les parcours résidentiels à l’origine ou du moins révélateurs d’écarts d’expérience domestique et conjugale. 

L’expérience domestique 

La première hypothèse concerne l’expérience domestique. Nous l’avons vu, la vie indépendant·e428 favorise le développement des savoir-faire domestiques et la cristallisation de préférences individuelles. Le parcours influence donc l’arrangement alimentaire à l’échelle du couple (parties I.2. et I.3). Les positions respectives des partenaires dans le parcours d’autonomisation vont également jouer sur l’arrangement, en influençant les compétences et la probable autorité alimentaire de chacun·e, donc les concessions que chacun·e est prêt·e à faire.

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