LES SCHISTOSOMES HUMAINS ET LES MOLLUSQUES HÖTES INTERMEDIARES

Etude de la dynamique de transmission saisonnière de la schistosomiase urinaire dans les écosystèmes pluviotemporaires

LES SCHISTOSOMES HUMAINS 

Données générales 

Données épidémiologiques

 Les schistosomiases humaines constituent un véritable problème de santé publique dans le monde spécialement dans les régions tropicales et subtropicales en raison de plusieurs facteurs tels que :  leur endémicité du fait de leur présence dans 76 pays avec 600 millions de personnes exposées ; dont 85% vivent en Afrique et 200 000 décès par an dans le monde dont 150 000 dus à S. haematobium (Fenwick et al., 2003) ;  les atteintes hépato splénomégaliques causées par les schistosomes intestinaux. Ces atteintes se manifestent par des lésions du foie, de la veine porte et de la rate et peuvent entrainer des formes graves telles que la fibrose péri-portale, l’hypertension portale, l’ hépato-splénomégalie et l’ascite (Ross et al., 2002) ;  les atteintes uro-génitales issues de la schistosomiase urinaire pouvant entrainant des conséquences terribles à savoir un retard de croissance chronique, une insuffisance rénale, un cancer de la vessie, une anémie, des lésions génitales, des saignements du vagin, une pathologie des vésicules séminales, de la prostate et d’autres organes voire une stérilité définitive (Downs et al., 2011).

Elles sont principalement dues à six espèces et toutes les infections à Schistosoma sp. surviennent après des contacts directs avec l’eau douce hébergeant des cercaires ; formes infectantes du parasite (Webster et al., 2006). Trois principaux facteurs sont responsables pour le maintien de la transmission de l’infection : – la contamination de l’eau douce par les urines ou les selles contenant des œufs viables de schistosomes ; – la présence des mollusques hôtes intermédiaires ; – les contacts humains avec l’eau infestée de cercaires de schistosomes. Le contact avec l’eau douce souillée est le principal facteur de risque d’infection (Jordan et al., 1993). Les principaux groupes à risque sont les enfants d’âge scolaire, les pêcheurs, les travailleurs des zones d’irrigation, les agriculteurs et les femmes. Ces dernières sont souvent en contact avec l’eau contaminée lors de son utilisation à des fins domestiques (WHO, 2002). 7 La prévalence et l’intensité de l’infection montrent généralement une courbe typique de forme convexe avec un pic à l’âge de 5 à 15 ans, et une diminution à l’âge adulte.

Les différences liées au sexe varient en fonction de facteurs comportementaux, professionnels, culturels et religieux (Jordan et al., 1993). Beaucoup d’autres facteurs liés à l’hôte définitif et à l’environnement ont été identifiés comme pouvant augmenter le risque de transmission de la schistosomiase, et/ou influencer la distribution, la prévalence, l’intensité, la morbidité et la mortalité de la maladie. Parmi ces facteurs, il y a ceux liés à la génétique (Quinnell, 2003), au comportement, au regroupement des ménages (Bethony et al., 2001), à la réponse immunitaire, et aux co-infections telles que le paludisme et l’hépatite (IARC, 1994). Les vers schistosomes peuvent rester longtemps chez l’homme mais ne se multiplient pas. Le statut de la parasitose résulte d’une accumulation d’infections consécutives, où les individus fortement atteints ont généralement un risque plus élevé de développer la maladie.

En l’absence de ré-infection, l’infection disparaît lorsque le ver meurt. Cela arrive en général après 3 à 5 ans mais peut persister jusqu’ à 30 ans (Gryseels et al., 2006). Dans les zones de forte endémie, les enfants commencent à accumuler des vers dès qu’ils sont assez âgés pour avoir un contact avec de l’eau lors des bains. En raison de la nature chronique de l’infection et de la ré-infection, ils peuvent rester infectés toute leur vie. La possibilité pour les adultes de développer une immunité contre l’infection des schistosomes a été montrée sur la base de la forme de la courbe âge-intensité d’infection dans les communautés endémiques. En effet, cette courbe montre une augmentation de l’intensité de l’infection au cours des deux premières décennies de la vie, suivie d’une baisse chez les adultes à des niveaux très bas (Butterworth, 1998).

De nombreuses études épidémiologiques ont fourni des preuves cliniques que les personnes vivant dans des zones d’endémie acquièrent une certaine forme d’immunité protectrice dite concomitante après des années d’exposition (Betterton et al., 1988b, Gryseels et al., 2006). Les cinq espèces majeures de schistosome pathogènes de l’homme se distinguent essentiellement par la pathologie qu’elles induisent, leur localisation chez l’homme hôte définitif, la forme et la taille des œufs, l’espèce de mollusque hôte intermédiaire mais aussi par leur répartition géographique (Webster et al., 2006) 

 Répartition géographique

 La répartition géographique des espèces majeures de schistosomes est indiquée ci-dessous selon leur fréquence par ordre croissante : – S. guineensis (Fisher, 1934), agent de la bilharziose rectale et génitale. Il loge dans les dans les plexus veineux péri-rectaux. Il est transmis par un mollusque du groupe B. forskalii. L’infection est souvent asymptomatique, mais il peut être à l’origine de lésions microscopiques dans l’intestin (principalement le rectum), le foie et les organes génitaux de l’homme et de la femme. Cette espèce est principalement présente en Afrique Equatoriale (Murinello et al., 2006). – S. intercalatum (Fisher, 1934), également responsable de la bilharziose rectale. Cette espèce est peu adaptée à l’homme.

Les vers adultes vivent aussi dans les plexus veineux péri- rectaux. L’hôte intermédiaire est un mollusque du genre Bulinus. Cette schistosomiase se manifeste par une diarrhée parfois glairo-sanglante, des douleurs rectales ou coliques, des prolapsus rectaux voire des rectorragies (Bouré, 2005). Sa répartition géographique est très limitée. Ce parasite est seulement rencontré au Congo, Zaïre et Niger. – S. mekongi (Voge, Bruckner et Bruce, 1934) responsable de la schistosomiase intestinale avec des complications artério-veineuses. Il se localise principalement dans les plexus veineux mésentériques du grêle. Son hôte intermédiaire est un mollusque prosobranche du genre Tricula. Ce parasite est strictement asiatique. Il est présent le long du fleuve Mékong, au sud du Laos, au Cambodge et en Thaïlande (ANOFEL, 2014). – S. japonicum (Katsurada, 1904) responsable des bilharzioses hépatosplénique et artérioveineuse. C’est l’espèce la plus pathogène pour l’homme.

Les adultes vivent essentiellement dans les plexus veineux mésentériques supérieurs, mais des couples erratiques peuvent loger ailleurs notamment dans les artères pulmonaires. Les hôtes intermédiaires sont des mollusques du genre Oncomelania. La bilharziose à S. japonicum est aussi strictement asiatique. Elle sévit en Chine, à Taïwan, en Corée, au Japon et aux Philippines (ANOFEL, 2014). – S. mansoni (Sambon, 1907) causant la bilharziose intestinale et hépatosplénique. Les schistosomes adultes vivent dans les plexus veineux mésentériques inférieurs. S. mansoni est transmis par un mollusque gastéropode pulmoné du genre Biomphalaria. Cette espèce est responsable d’environ 67 millions de cas de la bilharziose intestinale (Hotez et al., 2006b). Elle existe dans toute l’Afrique intertropical, l’Ile de Madagascar, les pays situés autour de la Méditerranée orientale, les îles Caraïbes et l’Amérique du Sud. (Ross et al., 2002). 9 – S. haematobium (Bilharz, 1852) agent de la schistosomiase uro-génitale. Chez l’homme, les vers adultes manifestent un tropisme électif pour les plexus veineux péri-vésicaux.

Elle est l’espèce de schistosome la plus répandue dans le monde. La schistosomiase urinaire existe dans 53 pays, au Moyen-Orient et dans la plupart des pays du continent Africain. Les principaux foyers se trouvent en Afrique sub-saharienne, la vallée du Nil en Egypte et au Soudan, le Maghreb et la péninsule arabique (IARC, 1994). Elle en grande partie une infection trouvée dans les zones rurales, mais elle devient un problème croissant en milieu urbain dans de nombreux pays (Mott et al., 1990). Les cours d’eau naturels, les mares et les lacs sont des sources typiques de l’infection.

Au cours des dernières décennies, les réservoirs artificiels et les systèmes d’irrigation ainsi que la croissance de la population et les migrations, ont contribué à sa propagation (Gryseels et al., 2006, McManus & Loukas, 2008). Dans les pays, les régions et même les villages, la distribution de la maladie peut être très focale, en fonction des variations des populations de mollusques hôtes intermédiaires et des contacts hommeeau. En outre, la distribution peut être très inégale entre les individus. La majorité des parasites sont généralement présents dans une partie des individus infectés (Gryseels, 1988). La figure 1 suivante montre une vue spatiale de la distribution de la schistosomiase urinaire à travers le monde

LE PARASITE SCHISTOSOMA HAEMATOBIUM 

Position systématique, structure et biologie

haematobium (Bilharz, 1852) est un vers vivant dans le sang et appartenant au genre, Schistosoma ; famille, Schistosomatidae regroupant des parasites de mamifères et d’oiseaux ; ordre, Strigeatoidea ; sous-ordre, Strigeaeta pourvus de ventouses buccale et ventrale ; sous-classe, Digenea avec un appareil digestif possédant un cæcum ; classe, Trematoda (douves) ; phylum, Plathelminthia (vers plats non segmentés) ; sous-règne, metazoa (présence de trois feuillets embryonnaires) et règne Animalia. Comme tous les autres schistosomes, S. haematobium n’est pas hermaphrodite, mais possède des sexes séparés. Le mâle adulte de S. haematobium (figure 2) mesure environ 12 mm de long sur 0,8 à 1 mm de large. Son corps est recouvert par de petits tubercules tégumentaires. Le vers est cylindrique au niveau de son tiers antérieur.

Le reste du corps est aplati et les bords latéraux se replient ventralement pour délimiter le canal gynécophore dans lequel loge la femelle. Ainsi, ils forment un couple et ne se séparent que pendant le moment de la ponte. La femelle (figure 2), de diamètre inférieur à 250 µm, mesure environ 2 cm de long et est cylindrique et filiforme. Elle présente aussi de petits tubercules à l’extrémité postérieure du corps, et apparaissent brune lorsqu’elle est gorgée de sang (Boudain, 1979). Il existe dans les deux sexes une ventouse orale située à l’extrémité antérieure du corps et une ventouse ventrale épineuse qui leur permet de s’adhérer aux parois des vaisseaux. La ventouse orale s’ouvre dans l’œsophage et joue le rôle de suceur. Figure 2 : Le couple de ver adulte de S. haematobium (Disponible sur : http://www.parasitologie.uhp-nancy.fr. Consulté le 06/12/2014) 1000 µm 11 Les organes génitaux mâles et femelles sont situés face à face et permettent ainsi une copulation quasi-permanente. Les œufs de S. haematobium (figure 3) sont ovalaires et mesurent 115 à 170 µm de long sur 40 à 70 µm de large.

La coque de l’œuf est lisse, épaisse, transparente et percée de nombreux pores. Elle entoure un embryon cilié et mobile : le miracidium. Les œufs portent à l’un des pôles, un éperon terminal caractéristique. Ils sont pondus par paquets dans la sous-muqueuse vésicale et sont éliminés avec les urines. La ponte journalière de chaque femelle est d’environ 300 œufs (Gentilini et al., 1993). Les schistosomes se nourrissent de particules de sang par la glycolyse anaérobique (Rumnajek, 1987). Chez l’homme, chaque étape du cycle de développement des parasites est caractérisée par des manifestations cliniques qui peuvent par la suite aboutir à des complications. Figure 3: Morphologie externe d’un œuf de S. haematobium (Disponible sur : http://www.memobio.fr/html/para/pafishi.html. Consulté le 28/06/2013) 

Cycle de développement et manifestations cliniques 

Le cycle de développement de S. haematobium est illustré dans la figure ci-dessous (figure 4). Il comprend obligatoirement deux phases qui correspondent au passage chez l’homme (hôte définitif) et au séjour dans le bulin (hôte intermédiaire). Le passage d’un hôte à un autre se fait toujours dans de l’eau douce. Le cycle se répète toute l’année lorsque les points d’eau sont pérennes et les contacts permanents. Lorsqu’ils sont temporaires, il se renouvelle saisonnièrement. 12 a) Chez l’homme hôte définitif Les cercaires, formes larvaires infectantes du parasite pénètrent chez l’homme par voie transcutanée lorsque celui-ci est en contact avec de l’eau infestée par ces larves. La pénétration se fait à travers les pores et est facilitée par l’action combinée des mouvements de la cercaire et des secrétions de ces glandes céphaliques.

Seule la partie antérieure parviendra à passer au niveau du tissu conjonctif sous-cutané. La larve longe ensuite ce tissu jusqu’à ce qu’elle rencontre un vaisseau sanguin ou lymphatique dans lequel elle pénètre. Pendant cette phase de pénétration, l’infection se manifeste par des démangeaisons (urticaires) discrètes qui persistent parfois pendant quelques jours, surtout après les premières infections (Bottieau et al., 2006). Après pénétration dans un vaisseau lymphatique, la partie antérieure de la cercaire devient un schistosomule qui va être transporté jusqu’au poumon par la voie circulatoire. Il y séjourne pendant 8 jours environ avant d’atteindre le cœur gauche qui l’enverra par la grande circulation vers le foie (Golvan, 1983). Les schistosomules qui atteindront les plexus veineux uro-génitaux, poursuivront leur développement pour devenir adultes au bout de trois semaines environ. A ce stade, ils se mettent à la recherche d’un partenaire pour s’accoupler. Pendant cette période, l’organisme développe une réaction systémique d’hypersensibilité contre la migration et la maturation des schistosomules.

La maladie commence à se manifester soudainement avec de la fièvre, de la fatigue, des douleurs diffuses (myalgies, arthralgies), malaise, toux sèche, dyspnée, éosinophilie (Bottieau et al., 2006). Les symptômes abdominaux se développent plus tard et sont provoqués par la migration et le positionnement des vers matures au niveau du plexus veineux péri-vésical. Ces symptômes disparaissent chez la plupart des patients au bout de 2 à 10 semaines, mais persistent chez certains individus avec des complications qui peuvent se manifester par une perte de poids, une dyspnée, des douleurs abdominales diffuses, la toxémie et une éruption cutanée généralisée (Gryseels et al., 2006). Une fois l’accouplement réalisé, le couple se déplace à contre-courant pour gagner le lieu de ponte. La femelle quitte ensuite le mâle et s’engage dans les fines ramifications veineuses des parois vésicales pour pondre dans une veinule distendue. Les œufs sont déposés en paquets dans la veinule et y restent emprisonnés tandis que la femelle se retire pour regagner le canal gynécophore (Bouré, 2005).

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ETAT DES CONNAISSANCES SUR LES SCHISTOSOMES HUMAINS ET LES MOLLUSQUES HÖTES INTERMEDIARES
I.1. LES SCHISTOSOMES HUMAINS
I.1.1. Données générales
I.1.1.1. Données épidémiologiques
I.1.1.2. Répartition géographique
I.1.2. LE PARASITE SCHISTOSOMA HAEMATOBIUM
I.1.2.1. Position systématique, structure et biologie
I.1.2.2. Cycle de développement et manifestations cliniques
I.2. LES BULINS HÖTES INTERMEDIAIRES DE S. HAEMATOBIUM
I.2.1. les différents groupes de bulins
I.2.2. Techniques de systématique des bulins
I.2.3. La bio-écologie des bulins
I.2.4.Morphologie, distribution et rôle épidémiologique de B. umbilicatus et B. senegalensis
I.3. DIAGNOSTIC DE S. HAEMATOBIUM CHEZ L’HOMME ET LE BULIN
I.3.1. Diagnostic chez l’homme
I.3.2. Diagnostic chez le bulin
I.4. CONTRÖLE DE LA SCHISTOSOMIASE URINAIRE
I.4.1. Contrôle chez l’homme
I.4.2. Contrôle des mollusques
I.5. LA SCHISTOSOMIASE URINAIRE AU SENEGAL
CHAPITRE II : DYNAMIQUE DE TRANSMISSION DE LA SCHISTOSMIASE URINAIRE A NIAKHAR
PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS
II.1. ZONE D’ETUDE ET METHODOLOGIE
II.1.1. Zone d’étude
II.1.1.1. Caractéristiques générales de la zone d’étude de Niakhar
II.1.1.2. Description des villages suivis
II.2. Méthodologie
II.2.1. Volet parasitologie
II.2.2. Volet malacologie
II.3. RESULTATS
Présentation de l’ensemble des travaux
Etude 1: Prévalence et intensité de la schistosomiase urinaire chez des enfants en âge scolaire dans le district de Niakhar, région de Fatick, Sénégal
Présentation de l’étude
Article 1
Principaux résultats
Conclusion
Etude 2. Efficacité d’un traitement au praziquantel contre la schistosomiase urinaire et son impact sur la ré-infection chez des enfants en âge scolaire à Niakhar, Sénégal,
un foyer simple de transmission saisonnière
Présentation de l’étude
Article 2
Principaux résultats
Conclusion
Etude 3: Etude de la dynamique des mollusques hôtes intermédiaires de S. haematobium à Niakhar, région de Fatick, Sénégal
Présentation de l’étude
Article 3
Principaux résultats
Conclusion
Etude 4 : Dynamique de la transmission de après un traitement annuel répété sur 3 ans dans un foyer simple de transmission saisonnière au centre du Sénégal
Présentation de l’étude
Article 4
Principaux résultants
Conclusion
II.4. DISCUSSION
CONCLUSION GENERALE, PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
RÉFÉRENCES BIBLIGRAPHIQUES
ANNEXES

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