Les troubles de l’humeur

Les troubles de l’humeur

Objectifs : Présenter la dépression unipolaire et le trouble bipolaire, les symptômes, l’étiologie des troubles et les difficultés rencontrées lors du diagnostic et des traitements. La dépression et le trouble bipolaire sont des pathologies invalidantes et chroniques constituant un problème de santé publique majeure. En effet, selon un rapport récent de l’organisation mondiale de la santé, la dépression sera en 2020 la deuxième cause de handicap mondial et de mort prématurée, après les troubles cardiovasculaires (Ferrari et al., 2013). Le trouble bipolaire est actuellement considéré comme la sixième cause de handicap mondial par année de vie dans la population des 15 à 44 ans (Geoffroy, Bellivier, & Henry, 2014). Dans ce chapitre nous décrirons dans un premier temps les symptômes cliniques de la dépression majeure unipolaire et des troubles bipolaires (I. Généralités et aspects cliniques des troubles de l’humeur), puis nous présenterons les déficits cognitifs et émotionnels existant dans les troubles de l’humeur en faisant le lien avec les hypothèses étiologiques des troubles de l’humeur (II. Déficits comportementaux et hypothèses étiologiques des troubles de l’humeur). Nous terminerons ce chapitre en présentant les difficultés rencontrées dans le diagnostic et dans le traitement des troubles de l’humeur (III. Des difficultés pour les praticiens). I. Généralités et aspects cliniques des troubles de l’humeur 

La dépression unipolaire 

La dépression unipolaire est un trouble de l’humeur qui se caractérise selon le DSM IV-TR (The Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders,Text Revision, fourth edition) par l’existence, pendant au moins deux semaines, de cinq symptômes parmi les neuf suivants : humeur dépressive, diminution de l’intérêt et du plaisir (anhédonie), modification du poids et de l’appétit, troubles du sommeil, agitation ou ralentissement psychomoteur, état de grande fatigue et de perte d’énergie (asthénie), sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive, troubles de la concentration, et idées suicidaires. La dépression majeure est une pathologie invalidante et chronique qui tend à récidiver dans la moitié des cas. La dépression est considérée comme le « mal du siècle ». L’organisation mondiale de la santé (OMS) estime que plus de 340 millions de personnes seraient atteintes de cette pathologie dans le monde. La chronicité potentielle de cette pathologie, son caractère invalidant et le nombre de suicides engendrés font de cette maladie un problème de santé publique majeur.

Le trouble bipolaire 

Les premières descriptions du trouble bipolaire actuel remontent au milieu du XIXème siècle avec les travaux des aliénistes français, Falret et Baillarger notamment. Kraepelin précisa la description de la « psychose maniaco-dépressive » dans la sixième édition de son Traité de psychiatrie en 1899. Actuellement, le trouble bipolaire est défini comme une pathologie récurrente de l’humeur caractérisée par une alternance de phases maniaques et de phases dépressives entrecoupées de périodes de rémission constituant la phase euthymique. Le DSM IV-TR définit la phase maniaque comme l’apparition d’une humeur anormalement élevée pendant une période d’au moins une semaine, associée à la présence d’au moins trois symptômes parmi les suivants : idées mégalomaniaques, troubles du sommeil, logorrhées, fuite des idées, distractibitilité et augmentation de l’activité psychomotrice. Les symptômes de la phase dépressive du trouble bipolaire sont les mêmes que ceux de la dépression unipolaire. En phase euthymique, les patients seraient, a priori, indemnes de tout symptôme clinique. Selon les classifications actuelles, il existe différents sous-types de troubles bipolaires (Figure 1). En pratique, les trois premiers sous-types – trouble bipolaire de type 1, 2 ou 3 – sont surtout utilisés. Le trouble bipolaire de type 1 est défini par la présence d’épisodes maniaques spontanés et d’épisodes dépressifs clairement identifiables. Le trouble bipolaire de type 2 se caractérise par la présence d’un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs et d’au moins un épisode hypomaniaque spontané (d’une durée plus courte et de moindre intensité que l’épisode maniaque). Le type 3 est caractérisé par la survenue d’épisodes maniaques ou hypomaniaques induits par certains traitements, notamment antidépresseurs. Outre ces soustypes cliniques particuliers, le trouble bipolaire peut également se manifester sous la forme d’états mixtes, les patients présentant, dans ce cas, une co-occurrence de symptômes maniaques et dépressifs, ou de cycles rapides, définis par la survenue d’au moins quatre épisodes (dépressif, maniaque, hypomaniaque et état mixte) pendant une période de douze mois. Les phases maniaques ou hypomaniaques sont représentées en rouge, les phases dépressives en bleu, et les phases euthymiques en vert. Reproduit d’après Malhi, Bargh, Cashman, Frye, et Gitlin (2012). Ce trouble de l’humeur représente actuellement la sixième cause de handicap mondial, sa prévalence serait de 1,7 % de la population générale, rapporté à la population française, ce trouble touche plus d’un million de personnes (Rouillon, 2009). Après avoir abordé les descriptions cliniques des troubles de l’humeur et leur importance dans la population, nous allons maintenant décrire l’étiologie de ces troubles. Tout en considérant l’importance des facteurs psychologiques et sociaux dans le déclenchement des troubles de l’humeur, nous nous concentrerons ici exclusivement sur les hypothèses biologiques. II. Déficits comportementaux et hypothèses étiologiques des troubles de l’humeur Les troubles de l’humeur sont caractérisés par de nombreux déficits cognitifs et émotionnels sous-tendus par des dysfonctionnements corticaux, sous-corticaux, ainsi que par des altérations des mécanismes de neurotransmission. Nous aborderons donc dans un premier temps les déficits cognitifs puis les déficits émotionnels en présentant leurs soubassements cérébraux. Enfin, nous nous intéresserons aux déficits de « communication » entre les 8 différentes structures en présentant les anomalies de la substance blanche et les dérégulations des systèmes de neurotransmission.

Déficits cognitifs

 Les études conduites chez les patients présentant des troubles de l’humeur ont très généralement montré chez ceux-ci un déclin progressif des fonctions cognitives et notamment des fonctions exécutives. Rappelons ici que le rôle majeur des fonctions exécutives est de permettre une organisation flexible et adaptative du comportement lorsqu’une tâche nécessite la mise en œuvre de processus contrôlés tels que l’attention, la manipulation mentale, la mise en place de stratégie, la planification ou encore l’inhibition. Snyder (2014) a réalisé une métaanalyse de 113 études portant sur les déficits des fonctions exécutives présents dans la dépression majeure unipolaire. Les tests évaluaient différents aspects des fonctions exécutives comme les capacités d’inhibition (test de Stroop, test de Hayling), de shifting (Trail Making Test, test des cartes de Wisconsin), de mise à jour (test de mémoire n-back), de mémoire de travail verbale et visuo-spatiale (empan envers et endroit), de planification (tour de Londres), et de fluence verbale (sémantique et phonologique). La méta-analyse met en évidence des performances altérées pour tous les tests impliquant les fonctions exécutives (d = 0.32 – 0.97). Snyder met de plus en évidence que ces déficits semblent corrélés positivement avec la sévérité des symptômes dépressifs. Dans le trouble bipolaire des déficits ont également été mis en évidence pendant les phases symptomatiques. Ainsi les patients présentant des troubles bipolaires présenteraient également des performances altérées dans les tâches mettant en jeu les fonctions exécutives (Arts, Jabben, Krabbendam, & Van Os, 2008 ; Kurtz & Gerraty, 2010 ; Langenecker, Saunders, Kade, Ransom, & McInnis, 2010 ; Martínez-Arán et al., 2004 ; Robinson et al., 2006; Torres, Boudreau, & Yatham, 2007). De plus, ces déficits ne seraient pas seulement observés pendant les phases symptomatiques, mais seraient également présents en période de rémission. Ainsi, Robinson et al. (2006) ont réalisé une méta-analyse de 26 études évaluant la présence de déficits cognitifs durant la phase euthymique et montrent un déficit marqué pour les tâches mettant en jeu les fonctions exécutives chez les patients bipolaires euthymiques par rapport à des sujets contrôles (d > 0.8). Cette méta-analyse suggère donc que le déficit des fonctions exécutives serait un marqueur trait du trouble bipolaire. 

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