Les volontaires de la guerre du Kippour

Les volontaires de la guerre du Kippour

Le volontariat pendant la guerre de Kippour : rationaliser la spontanéité Les différents épisodes de volontariat des Juifs de diaspora envers Israël, bien qu’ils s’ancrent dans des séquences historiques différentes, ne sont pas complètement isolés les uns des autres. En particulier, les dirigeants israéliens ont à cœur de tirer des enseignements des volontariats précédents. En l’occurrence, il semble que le bilan du volontariat de 1967 soit globalement perçu comme négatif.

C’est par exemple la vision du colonel Mordekhay BARON, directeur du « Département de la Jeunesse Pionnière » (D.J.H.) auprès de l’A.J.I. – « ce n’était pas une réussite » –, ou celle exprimée dans un communiqué de l’U.F.F.A.N. (Union des Juifs de France, d’Afrique du Nord et des Communautés d’Expression Française en Israël), organisation basée à Tel-Aviv, au sujet des volontaires de France : « L’expérience dans ce domaine a été très décevante, il ne faudrait pas que cela se reproduise en 1973. L’invasion dans le désordre de centaines de volontaires enthousiastes, mais inutilisables, sans planification préalable, ne pourra à nouveau que causer des frustrations réciproques. […] En fait, dans le civil aussi, on ne peut s’improviser « Israélien de réserve », si on n’a pas été « Israélien d’active ». Les difficultés de langue ne peuvent être palliées, elles non plus, du jour au lendemain. Même au kibboutz, en l’absence de cadres et de travail, le volontaire est plus encombrant qu’utile, et tout cela se termine par des récriminations réciproques. […]

Il faut que les volontaires de France comprennent, dans l’intérêt même d’Israël, que : rien ne presse, la guerre sera peut-être longue, l’après-guerre avec la remise en place sera bien plus longue encore ; il ne faut venir comme volontaire que pour une période minimum de trois mois, autrement, le voyage, l’apprentissage de la langue et du travail, prendront tout le temps du séjour ; il ne faut venir que « convoqué » par le Bureau franco-israélien ; toute autre forme de volontariat ou d’arrivée ne pourra aboutir « qu’à des déceptions » »158 .

Dès lors, pour réduire le nombre de « passagers clandestins » et en plus de ces avertissements préalables, les modalités du volontariat sont modifiées : les volontaires doivent prendre en charge leurs billets d’avion159, les critères de sélection sont rendus plus stricts. Ainsi, le colonel Bar-On appelle de ses vœux, dans un télégramme daté du 7 octobre 1973 adressé depuis Jérusalem au délégué français du D.J.H., la mise en œuvre d’un « mode de sélection très serré », excluant des groupes de volontaires les individus non-juifs, trop âgés ou avec enfants, et obligeant les volontaires à s’engager pour une durée de trois mois minimum. De fait, étant donné que les volontaires ne sont pas appelés à jouer un rôle militaire, il suggère de mieux préparer en amont leur arrivée, quitte à retarder celle-ci de quelques semaines. En effet, l’afflux désordonné de centaines de volontaires peut rapidement poser un problème aux autorités israéliennes, en témoigne ce trait d’humour de l’époque largement répandu : « Israël doit se battre sur trois fronts : les Égyptiens, les Syriens et les volontaires »

Les volontaires de 1973 : les leçons d’un engagement

Le travail d’E. H. Cohen se fonde d’une part sur l’analyse et l’exploitation des informations fournies par les formulaires d’inscription au volontariat des archives de la D.J.H. à Paris. Sur les 2238 dossiers d’inscription présents en France, 2010 concernent des individus de confession juive, parmi lesquels 149 sont effectivement partis en Israël, soit moins de 10% des inscrits. Ces statistiques appellent plusieurs remarques. Tout d’abord, notons que le nombre de volontaires est, dans l’absolu, moins élevé qu’en 1967 (889 volontaires Français en 1967165 , 149 en 1973). D’autre part, le pourcentage de volontaires non-juifs, lui aussi en forte diminution (seulement 10% en 1973 contre environ un tiers en 1967), peut être interprété comme le signe d’une dégradation de l’image d’Israël auprès de l’opinion publique internationale. En tout état de cause, le discours au sujet d’Israël n’est plus aussi unanime qu’en 1967.

Enfin, le fait que l’écrasante majorité des inscrits ne concrétise finalement pas leur désir de volontariat, tend à suggérer que l’élan de solidarité envers Israël s’essouffle bien plus rapidement qu’en 1967, où des vagues de volontaires continuent à arriver jusqu’en janvier 1968. Des points communs entre les volontaires de 1967 et ceux de 1973 peuvent néanmoins être soulignés : dans les deux cas, les volontaires sont majoritairement jeunes – la moyenne d’âge est de 22 ans en 1973 –, et principalement issus des communautés sépharades d’Afrique du Nord, arrivées en nombre en France à partir de la seconde moitié des années 1950166 . Par ailleurs, l’étude des formulaires d’inscription du D.J.H. permet également de mettre en lumière certaines prédispositions au volontariat. En effet, parmi les questions posées dans le formulaire figurent notamment celles d’un engagement éventuel au sein d’un mouvement de jeunesse juif, du degré de connaissance de l’hébreu et de l’existence ou non de famille ou connaissances en Israël. À partir de ces informations, E.H. Cohen confirme la thèse d’un « continuum d’engagements » entre une activité militante et associative en France, dans des institutions diverses (plus de soixante organisations juives différentes sont mentionnées dans les questionnaires167), et la participation au volontariat.

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