L’ESTHETIQUE DE LA PLEIADE DANS DEFENSE ET ILLUSTRATION DE LA LANGUE FRANÇAISE

L’ESTHETIQUE DE LA PLEIADE DANS DEFENSE
ET ILLUSTRATION DE LA LANGUE FRANÇAISE

CONTEXTE HISTORIQUE ET PROCESSUS DE MATURATION D’UNE VISION SECULAIRE 

La Révolution intellectuelle, clef de voûte d’une renaissance épanouie

Au début du XVe XVI e siècle, la Renaissance a été secouée par un renouveau intellectuel, aboutissant à la naissance d’un courant, d’un concept, d’une philosophie ou même d’un mode de penser, matérialisé par le mouvement humaniste qui s’assignera pour mission de proposer une nouvelle vision de l’homme. Un projet qui prend forme en quatre grands points majeurs. Tout d’abords : essayer de comprendre comment l’humanisme envisage une nouvelle vision de l’homme et du monde. Il s’agit là d’acter le projet humaniste dans sa logique première qui est de célébrer le divorce ou encore la rupture d’avec la conception féodale du Moyen-âge, une volonté qui semble pour autant assez paradoxale dans la mesure où le projet humaniste tire sa source de la redécouverte des auteurs et des savoirs de l’Antiquité gréco-latine. Un recours qui ne se présente pas pour autant servile pour cause, le recours à ces textes anciens, philosophiques et scientifiques obéit à une mission objective qui cherche à les explorer par le biais d’une critique sans complaisance. Un volet savamment pris en charge par beaucoup d’auteurs de XVI dont Erasme de Rotterdam9 peut en illustrer l’exemple. Un auteur qui intègre dans sa production littéraire la question de la Place de l’homme. L’homme, la créature majestueuse qui est célébré et qui célèbre en retour l’omnipotence divine, mérite un traitement majestueux, une place majeure dans ce monde. C’est ce qui permet d’introduire le thème de l’affirmation de la dignité de l’homme, qui a été créé libre par Dieu. Une prééminence qui lui offre les aptitudes à pouvoir interpréter ainsi que reconfigurer le monde grâce à la connaissance. Dès à présent, une interrogation s’impose afin de proposer une réflexion de la pensée religieuse et pourquoi ne pas envisager son renouvellement. Cela peut être possible car les humanistes, qui sont des esprits profondément religieux prônent une nouvelle relation de l’homme à Dieu par le biais de la parole divine. Le second point de ce projet est célébré avec l’avènement d’un nouvel esprit scientifique proposé par le courant humaniste. Fondant sa théorie sur la soif de connaissance, l’humanise encourage la naissance d’un esprit scientifique basé sur l’observation et l’expérimentation. Une ère qui correspondra avec l’avènement de nouvelles mécanismes de calcul, d’observation, de classification pour supporter l’épanouissement de la science moderne 9 Érasme, également appelé Érasme de Rotterdam, né dans la nuit du 27 au 28 octobre, en 1467 à Rotterdam, comté de Hollande, et mort le 12 juillet 1536 à Bâle. 9 favorisé notamment par le dépassement des connaissances antiques additionné aux nombreux progrès scientifiques dans tous les domaines de la vie de l’homme afin de parvenir à une meilleure maîtrise du monde. Une vision qui prendra plus amplement forme dans le traitement du troisième point qui permet d’introduire l’avènement de l’imprimerie et son rôle immense dans le processus de diffusion des idées nouvelles dans l’Europe. L’imprimerie a été un agent de changement radical, aux conséquences inestimables. Désormais le savoir est rendu massivement disponible. Avec sa capacité à propager rapidement les idées nouvelles, l’imprimerie a joué un rôle incommensurable dans le projet humaniste en soutenant la diffusion de sa pensée dans toute l’Europe.

 Processus de maturation

 De la renaissance Dans notre première partie nous avions clairement notifié que la rupture orchestrée par le mouvement humaniste ne s’est pas fait automatiquement. Elle a été supportée par différentes phases de transition pour assouplir son adoption. La première tendance coïncide avec l’avènement de François Ier10, en 1515. Cette période couvre les vingt premières années du règne de François Ier qui est le premier à supporter le mouvement des idées nouvelle, il élabore un plan de soutien révolutionnaire en encourageant les beaux-arts et les belles lettres, et n’hésite point à marquer quelque sympathie aux réformateurs. En 1530, le Roi François Ier livre le Collège des Lecteurs royaux qui sera plus tard le Collège de France11, où se déroulera l’enseignement des langues nobles à savoir le Latin, la grecque et l’hébreu, ouvrant ainsi une nouvelle ère pour l’esprit de la Renaissance et pour celui de la Réforme. Renaissance et Réforme, deux concepts qu’il était difficile de dissocier tant ils étaient intrinsèquement liés. Erudits et réformateurs ont une foi égale en la valeur des textes anciens, restaurés dans leur pureté littérale : ainsi Guillaume Budé12, qui défend surtout la cause des antiquités gréco-latines, garde le souci de concilier la méditation des œuvres païennes avec la pratique de la religion chrétienne ; Lefèvre d’Etaples13, qui répand la connaissance des Psaumes, des Evangiles, des Epitres de Saint Paul, ne songe pas à fonder une Eglise et se borne à être un humaniste en lettres sacrées. « Les écrivains unissent dans leurs écrits la curiosité pour les œuvres antiques et la sympathie pour les nouvelles tendances religieuses » : Marot14 a traduit Virgile dans sa jeunesse, et il a beaucoup de mal à se défendre contre l’accusation de « luthériste » ; Rabelais15, dans le célèbre lettre de Gargantua à Pantagruel, témoigne du même culte pour l’Evangile et pour la sagesse gréco-latine ; tous deux voient se dresser contre eux les champions de la Sorbonne. Considérée au début comme un énorme appétit de savoir et un optimisme sans borne, la Renaissance exigeait chez des auteurs comme Rabelais de libérer le corps et l’esprit des 10 François Iᵉʳ est sacré roi de France le 25 janvier 1515 dans la cathédrale de Reims. Il règne jusqu’à sa mort en 1547. Fils de Charles d’Angoulême et de Louise de Savoie, il appartient à la branche de Valois-Angoulême de la dynastie capétienne. 11 Le Collège de France, anciennement nommé Collège royal, situé au 11 de la place Marcelin-Berthelot dans le Quartier latin de Paris, est un grand établissement d’enseignement et de recherche. 12 Guillaume Budé est un humaniste français, connu également sous le nom latin de Budaeus. 13 Jacques Lefèvre d’Étaples, connu aussi sous le nom de Jacobus Faber, est un théologien et humaniste français, né vers 1450 à Étaples sur mer, dans le Pas-de-Calais, et mort en 1537 à Nérac. 14 Clément Marot, né à Cahors en 1496 et mort le 12 septembre 1544 à Turin, est un poète français. Bien que marqué par l’héritage médiéval, Clément Marot est un des premiers poètes français modernes. 15François Rabelais est un écrivain français humaniste de la Renaissance, né à la Devinière à Seuilly, près de Chinon, en 1483 ou 1494 selon les sources, et mort à Paris le 9 avril 1553. 11 contraintes instaurées par le Moyen-âge, en les substituant par une totale confiance attribuée à la nature, pour que luise l’aurore d’un progrès illimité. Une conception qu’il symbolise dans son fameux concept de gigantisme défendu à travers ses écrits. L’humanité telle qu’il la conçoit est vraiment géante. Marot est plus exquis que large : il est loin de remplir notre idée de la poésie. Il ne remplissait pas même celle des hommes de son temps. Beaucoup cherchèrent alors à traduire dans des vers les hautes conceptions de leurs intelligences, les inquiétudes profondes de leurs âmes : à leur raffinement, à leur obscurité, à leur laborieuse aversion du vulgaire naturel, on serait tenté de ne voir en eux que la « queue » des grands rhétoriqueurs. Ils sont autre chose pourtant, car ils ont le sérieux et la sincérité. C’était le cas déjà de Marguerite: c’est celui d’Héroët16, le subtil, mystique et platonicien poète de la Parfaite Amye, c’est celui de Pelletier, le chercheur de voies ignorées, le curieux ouvrier de formes et de rimes. Mais la transition de Marot à Ronsard se fait surtout par l’école lyonnaise : Despériers s’y rattache, et par ses longs séjours à Lyon, et par ses vers dont la médiocre qualité laisse pourtant apercevoir quelque profondeur sérieuse de sentiment et certain effort d’invention rythmique. Lyon, a eu dans l’histoire de la littérature française, des destinées particulières : l’Allemagne, l’Italie, la France y mêlent leurs génies ; l’activité pratique, l’industrie, le commerce, les intérêts et les richesses qu’ils créent n’y étouffent pas les ardeurs mystiques, les exaltations âpres ou tendres, les vibrations profondes ou sonores de la sensibilité tumultueuse. Au XVIe siècle, Lyon avait de plus des imprimeries florissantes : des souffles y parvenaient qui mettaient bien du temps à atteindre Paris, et la pensée s’y exprimait plus librement, loin des théologiens sorboniques et des inquisiteurs toulousains. La vie de l’esprit y était intense : dans ce monde inquiet et ardent, les poètes étaient nombreux, et les poétesses presque autant. Deux noms résument les tendances du groupe : Maurice Scève17, compliqué, savant, singulier, obscure, avec une sorte d’ardeur intime qui soulève parfois le lourd appareil des allusions érudites et de la forme laborieuse ; Louise Labé18, la fameuse cordière, qui fit le sonnet mignard aussi brûlant qu’une ode de Sapho. Dans l’école lyonnaise apparaît comme une première ébauche de l’esprit de la Pléiade. 16 Antoine Héroët, ou Herouet, né vers 1492 et mort vers 1567, est un poète et un ecclésiastique français. 17 Maurice Scève, né vers 1501 à Lyon et mort vers 1564, est un poète français. Il est l’auteur de Délie, objet de plus haute vertu 18 Louise Labé née vers 1524 à Lyon, morte le 25 avril 1566 à Parcieux-en-Dombes où elle fut enterrée, est une poétesse française surnommée « La Belle Cordière », elle fait partie des poètes en activité à Lyon pendant la Renaissance. 12 La seconde période de la Renaissance coïncide approximativement avec les dernières années du Roi François Ier (1534-1547). En 1534, l’affaire dite des placards vient secouer la politique religieuse du Roi jusque dans ses structures profondes : des réformés avaient affiché des placards de protestation contre la messe papale dans de nombreux endroits public et jusque sur la porte de la chambre royale à Ambroise ; François Ier fut vivement irrité de cette audace et prit des mesures de répressions : Marot dut s’enfuir, Rabelais se cacher et Calvin19 se disposa à gagner Genève, pour fonder une église nouvelle. Dès lors le pouvoir Royal lancera une traque sans fin et sans merci avec une sévérité des plus accrue contre les adversaires du culte Romain. Cette période réussira à casser la forte coalition qui liait jusqu’ici la renaissance et la Réforme qui s’engagèrent toutes deux dans des voies différentes. Les plus ardents des réformateurs décident de rester et d poursuivre la lutte afin de supporter le triomphe de leur foi. Au même moment, des humanistes s’effraient de leur outrance et découvrent par réaction dans les textes anciens les principes d’une sagesse terrestre dont ils s’accommodent mieux. Les écrivains pour la plupart s’éloignent de la Réforme. Rabelais voit dans les calvinistes des ennemis aussi redoutables que les « sorbonicqueurs », car ils humilient et méprisent la nature, exaltée par l’Antiquité. Un peu plus tard, les écrivains de la Pléiade, formés à l’école des humanistes, se plongent dans une rêve antique, ressuscitent les anciennes formes de poésie, conçoivent un théâtre à l’imitation des modèles grecs : ils sont chrétiens, mais fort peu philosophes ; ils ne cherchent pas à mettre d’accord leur religion et leur art ; dans leurs œuvres passe le souffle du paganisme. Amyot20 enfin traduit les Vies de Plutarque21et répand ainsi des exemples exaltants de vertu antique. Cette seconde étape de la Renaissance est placée aussi sous le signe de l’art. On imite l’Italie, puis l’antiquité, mais bientôt l’imitation ne sera plus un asservissement. C’est l’esprit de la Pléiade, le triomphe de Du Bellay et de Ronsard. A la verve Rabelaisienne, succèdent un goût plus raffiné, plus aristocratique, un idéal de perfection formelle qui annonce le classicisme : les anciens donnent l’exemple de cette perfection. 19 Jean Calvin, né le 10 juillet 1509 à Noyon, et mort le 27 mai 1564, à Genève, est un théologien, un important réformateur, et un pasteur emblématique de la Réforme protestante du XVIᵉ siècle. 20 Jacques Amyot, né à Melun le 30 octobre 1513 et mort à Auxerre le 6 février 1593, est un prélat français et l’un des traducteurs les plus renommés de la Renaissance. 21 Les Vies parallèles des hommes illustres ou Vies parallèles forment l’œuvre la plus connue de Plutarque. 

GENESE ET PRINCIPES DE LA RESTAURATION DE LA LANGUE FRANÇAISE 

Genèse du mouvement 

La Pléiade est avant tout un mythe: un mythe organisé et orchestré par un groupe de jeunes poètes et tout particulièrement par Ronsard désireux de se présenter comme l’avenir de la poésie dans une France dépourvue de tradition littéraire. Mythe au demeurant fragile, car, en dépit d’un certain nombre de points communs, les membres de la Pléiade ont des personnes très différentes et s’engagent assez tôt sur des voies divergentes, donnant orientation particulière à l’ambition initiale. À l’origine, il y a deux groupes: celui du Collège de Coqueret, et celui du Collège de Boncourt; dans les deux établissements, des jeunes gens ambitieux apprennent le grec et s’imprègnent des théories humanistes. Le groupe Coqueret, rassemblé autour de Ronsard et Du Bellay, se donne d’abord le nom de « Brigade », se reconnaissant par là comme la nouvelle génération poétique. Puis, Ronsard se plaira à y distinguer une « Pléiade » de poètes, c’est-à-dire un groupe privilégié de sept individus censés se partager les divers genres poétiques. Mais cette liste des « étoiles » évoluera… Le grand principe sur lequel repose la théorie littéraire que s’efforcent mettre en place les membres de la Pléiade est celui de l’« imitation » des lettres antiques, pour lesquels tous nourrissent un véritable culte. Il faut lutter contre le « monstre ignorance », en s’imprégnant des textes de l’Antiquité, aussi bien que des poètes contemporains, italiens et néo-latins, et en les imitant librement. Les poètes de la Pléiade s’imitent également entre eux, et presque tous viendront à imiter avant tout Ronsard… Il ne s’agit pas de se laisser enfermer dans le cadre d’une culture figée, mais de faire revivre la littérature que l’on étudie, et d’en explorer toutes les possibilités: la Pléiade aborde tous les genres, de l’épopée aux formes brèves, tous les styles (sublime, moyen, bas), et tous les tons (du tragique au familier). On ne s’approprie le texte d’autrui que pour mieux le recréer, plus beau, plus parfait, plus proche de l’idéal de l’Idée de la poésie. Car, à l’origine du moins, le platonisme est encore présent dans la conception nouvelle de la littérature que mettent en place les jeunes poètes. 14 L’inspiration est l’une des clés de voûte des théories de la Pléiade: alors que toute cette génération de poètes consacre une grande attention au travail de langue et du vers, et ne se fie pas à la nature, son maître-mot reste l’« enthousiasme », la « fureur » divine à laquelle le poète est censé s’abandonner s’il veut composer une œuvre de mérite. Cette conception nouvelle de la création poétique souligne l’importance des poètes dans la société, et va de pair avec l’idée qu’ils se font du métier d’écrivain: ce qui est en jeu pour tous, c’est la gloire, c’est l’immortalité que l’on ne peut acquérir que grâce à l’œuvre poétique.

Table des matières

 INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE TENDANCES GENERALES
CHAPITRE 1 CONTEXTE HISTORIQUE ET PROCESSUS DE MATURATION D’UNE VISION SECULAIRE
1.1La Révolution intellectuelle, clef de voûte d’une renaissance épanouie
1.2 Processus de maturation De la renaissance
CHAPITRE 2 GENESE ET PRINCIPES DE LA RESTAURATION DE LA LANGUE FRANÇAISE
2.1 Genèse du mouvement
2.2 Principes de restauration de la langue
A) Enrichissement lingual
DEUXIEME PARTIE ESTHETIQUE D’UNE ENTREPRISE LITTERAIRE
CHAPITRE3 L’INTERTEXTUALITE
3.1 La Renaissance Italienne
3.2 Le retour à l’Antiquité gréco-romaine(le néoplatonisme)
3.3Le Souffle de la Reforme
CHAPITRE 4 POETIQUE DE LA PLEIADE
4.1 Le métier poétique
4.2 La doctrine de l’imitation
TROISIEME PARTIE L’ESTHETIQUE DE LA PLEIADE FACE A LA CRITIQUE
CHAPITRE 5 CARACTERISTIQUES GENERALES DES ANTAGONISMES DANS LA PLEIADE
5.1 l’esprit des théories
1- Apprendre la poésie?
2- A qui apprendre la poésie?
5.2 Lecture des antagonismes
CHAPITRE 6 LES PREMICES D’UNE TRANSITION LITTERAIRE
6.1 Les limites de la Pléiade
6.2 De la consolidation à la remise en question de l’esprit de la Pléiade
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE

 

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