L’étude collective d’une leçon

L’étude collective d’une leçon est un concept issu du Japon. Son origine n’étant pas clairement définie, on suppose cependant qu’il est apparu au cours du 19ème siècle, avec l’introduction de nouvelles disciplines scolaires venues des Etats-Unis (Miyakawa & Winsløw, 2009). Cependant, c’est dès la fin de la deuxième guerre mondiale que l’ECL est reconnue comme un dispositif de développement professionnel dans l’enseignement. En effet, si l’ECL est focalisée sur les apprentissages des élèves, ce dispositif est tout d’abord né des questionnements des enseignantes vis-à-vis des nouvelles disciplines introduites. Il s’agit donc pour les professionnelles de l’enseignement de se réunir, afin d’approfondir leurs connaissances sur les objets d’apprentissage contenus dans ces différentes disciplines. L’ECL permet donc aux enseignantes d’acquérir de meilleures connaissances sur les sujets d’enseignement qu’elles ont à donner. De plus, comme l’évoque Breithaupt (à paraître), les constructions issues d’une ECL sont le fruit d’un travail collectif élaboré par l’ensemble des collègues. L’ECL encourage donc la collaboration et la décentration de l’enseignante qui y prend part. Il s’agit donc non seulement d’un dispositif de planification et de construction de séquences d’enseignement, ayant pour but le développement professionnel des enseignantes, mais également une visée didactique : l’optimisation de l’enseignement des savoirs scolaires, ainsi que l’harmonisation de ces derniers dans les différentes classes d’un établissement. Dans les chapitres suivants, il sera question de définir l’étude collective d’une leçon dans ses finalités et de proposer un canevas du déroulement d’une ECL. Finalement, une dernière réflexion sera menée sur les possibilités d’instaurer le concept d’ECL dans les écoles vaudoises.

L’étude collective d’une leçon : définition

Deux finalités semblent être attribuées à l’ECL. La première, évoquée par Lewis (2002) dans ses travaux, est l’amélioration de l’enseignement sur la base d’observations minutieuses des apprenants. Les leçons préparées communément entre pairs permettent l’harmonisation de l’enseignement dans les classes, mais également l’échange de différentes stratégies d’enseignement / d’apprentissage, en vue de leur amélioration. D’ailleurs, Miyakawa et Winlsøw (2009) relatent qu’au Japon, les séquences résultantes d’une ECL sont diffusées dans les autres établissements scolaires. Le but est donc ici de concevoir des séquences clé-en main pour le corps enseignant. Mais ces deux auteurs définissent également l’ECL comme «une pratique dont la tâche est, primitivement, de préparer une leçon particulière, située dans une séquence déterminée de leçons » (Miyakawa et Winlsøw, 2009). Pour ainsi dire, il s’agit d’étudier et d’analyser un objet d’apprentissage et les facteurs optimisant son assimilation et sa compréhension auprès des apprenants. Ces propos rejoignent ceux de Martin (2008), qui évoque les finalités de l’ECL en ces termes « le but d’une étude collective d’une leçon est d’améliorer l’impact des expériences d’apprentissage que les enseignants procurent à leurs élèves. » .

La démarche d’ECL vise donc à mieux cerner les difficultés des élèves, pour ensuite pouvoir y remédier par des interactions ciblées. Pour illustrer ce propos, voici un l’exemple d’une ECL menée à la HEP-Vaud. Durant un semestre, des étudiantes en deuxième année de formation ont été réunies par groupes de travail, puis amenées à cerner les difficultés d’apprentissage de la classification animale  de leurs élèves, durant leur stage. Sur la base de traces récoltées sur le terrain, les étudiantes ont donc sélectionné des élèves en fonction des difficultés apparentes relevées. Après une interaction entre les stagiaires et les élèves choisis, une analyse a été menée au sein du groupe de travail d’étudiantes. À partir de transcriptions de ces interactions hebdomadaires, les étudiantes ont pu s’interroger sur l’avancée des apprentissages de leurs élèves.

L’étude collective d’une leçon : un cycle en trois phases

L’ECL se déroule en trois phases (Ertle, Chokshi & Fernandez, 2001, Armstrong, 2011), alternant rencontres entre les enseignantes, leçons données en classe et discussions sur ces dernières. L’ECL est un processus cyclique, dont les différentes étapes se prolongent jusqu’à ce que la séquence devienne un outil réutilisable pour d’autres enseignantes. Le déroulement d’une ECL suivant est inspiré des outils proposés par Ertle, et al. (2001), ainsi que de ceux de Lewis (2002). La première phase d’une ECL est constituée de plusieurs étapes. La première consiste en une réunion préliminaire entre professionnelles. Au cours de cette dernière, plusieurs démarches sont menées :
• définition de l’objet d’apprentissage étudié, au regard des prescriptions en vigueurs et du matériel didactique à disposition,
• analyse a priori de l’objet d’apprentissage, permettant de prendre en compte les difficultés potentielles que rencontreront les élèves dans l’étude de cet objet,
• définition des objectifs de la séquence selon deux axes :
• les prescriptions du plan d’études en vigueur, ainsi que le niveau supposé des élèves selon ce dernier,
• les connaissances réelles des élèves.
Les conclusions découlant de ces analyses permettent aux enseignantes de déterminer les différentes stratégies ou difficultés que pourront rencontrer les élèves durant leur apprentissage. À la suite de cette première rencontre, les participantes étudient les différentes ressources à disposition (séquences déjà conçues, matériel didactique, etc.). Lors de la seconde étape, les enseignantes planifient la première leçon d’enseignement/ apprentissage de la séquence. À l’aide des outils d’enseignement et des ressources disponibles, elles construisent un plan détaillé du déroulement de cette leçon. Lors de cette démarche, Lewis (2002) propose même que les enseignantes testent elles-mêmes la leçon en se mettant à la place de leurs élèves. Le but de la leçon est précisé, et chaque activité mise en place doit contribuer à atteindre ce but. Les modalités de travail sont choisies en fonction de l’objectif de chaque activité.

La seconde phase d’une ECL consiste à enseigner sur le terrain. Une fois préparée et terminée, l’une des enseignantes donne la leçon dans sa classe. Les autres, quant à elles, observent son déroulement. À ce stade, Ertle, et al. (2011), suggèrent que chaque observatrice soit en charge d’étudier un paramètre précis (par exemple, les interactions entre les élèves, ou encore, le type de questions posées par l’enseignante), ceci pour éviter que les observations ne s’égarent à mesure que la leçon avance. Ceci implique donc que ces paramètres soient étudiés et répartis au préalable, lors de la première phase. Comme le relève très justement Armstrong (2011), l’observation de son enseignement par d’autres pairs peut-être dissuasif pour certaines enseignantes. Une caméra peut donc être envisagée, pour remplacer les observatrices dans la salle de classe. La leçon serait alors visionnée par la suite, au sein du groupe de travail. Une discussion est animée lors de la troisième phase de l’ECL, au cours de laquelle les différentes remarques seront prises en compte et discutées entre les participantes. Lewis (2002) préconise que l’enseignante ayant donné la leçon ouvre la discussion, en pointant les difficultés rencontrées durant le temps d’enseignement. Elle souligne également l’importance d’évoquer la leçon comme celle du groupe de travail, et non comme celle de l’enseignante l’ayant donnée. Cette phase de l’ECL est centrée sur les élèves dans leurs interactions, ainsi que sur la cohérence de la leçon, non sur l’enseignante. Au terme de ces trois phases, il peut être choisi d’améliorer la leçon, et donc de la refaire dans la classe d’une deuxième enseignante, ou de passer à la planification de la suivante, en laissant la première telle quelle. L’ECL reprend alors à la première phase de son cycle.

Table des matières

1. Introduction
2. Problématique, questions de recherche et hypothèses
2. 1 Contexte
2. 2 Problématique
2. 3 Questions de recherche
2. 4 Hypothèses
3. Cadre théorique
3. 1 L’étude collective d’une leçon
3. 1. 1 L’étude collective d’une leçon : définition
3. 1. 2 L’étude collective d’une leçon, un cycle en trois phases
3. 1. 3 L’ECL dans les écoles vaudoises
3. 2 L’allemand comme discipline scolaire
3. 2. 1 Méthode d’enseignement et alignement curriculaire
4. Méthodologie
4. 1 Justification du choix de la discipline
4. 2 Matériel du moyen d’enseignement
4. 3 Dispositif de recherche
4. 4 Démarches de recherche
4. 5 Avantages et inconvénients de la modalité d’observation des leçons
4. 6 Durée et fréquence de l’ECL
4. 7 Déroulement des réunions ECL
4. 8 Démarche d’analyse des données
4. 9 Grille d’analyse
4. 10 Présentation de la forme des synopsis
5. Résultats et analyses
5. 1 Déroulement des ECL analysées
5. 2 Analyses individuelles des synopsis
5. 2. 1 Analyse du synopsis ECL 1
5. 2. 2 Analyse du synopsis ECL 2
5. 2. 3 Analyse du synopsis ECL 4
5. 2. 4 Analyse du synopsis ECL 6
5. 3 Objets d’apprentissage des leçons
5. 4 Objectifs d’apprentissage des leçons
6. Discussions et conclusion

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