L’étude tribologique des surfaces frottantes des implants articulaires

L’étude tribologique des surfaces frottantes des implants articulaires

 Introduction à la tribologie

Le mot ‘Tribologie’ a été proposé dans un rapport historique de Peter Jost (1966) [Mang’11]. Ce mot est dérivé du mot Grec IJȡȚȕȠ (« tribo ») qui signifie gratter, frotter. La définition de tribologie est la suivante : « science et technologie qui permettent le mouvement relatif entre deux surfaces qui interagissent» [OCDE]. Le domaine de la tribologie concerne le frottement, la lubrification et l’usure, le plus souvent appliqué à la conception des roulements. La tribologie est présente dans la plupart des activités de l’homme et son domaine s’est largement étendu depuis cinquante ans. On peut citer le comportement d’une articulation de hanche, le glissement d’une roue de voiture ou d’un ski sur la glace et la neige, la production de sons musicaux générés par exemple par le frottement de l’archet contre les cordes d’un violon, les têtes de lecture des disques magnétiques d’ordinateur, la mise en forme des matériaux… [Frêne’11] [Zambelli’98].  

Définition des lois du frottement

La plupart des problèmes du quotidien concernant le frottement peuvent se comprendre sur la base des lois du frottement, proposées premièrement par Léonard de Vinci en 1699. Vinci a postulé que la force tangentielle que l’on doit appliquer pour permettre le glissement d’un corps est proportionnelle à la charge et ne dépend pas de la surface de contact. Plus tard Amontons (1699) puis Coulomb (1781) ont vérifié les principales lois régissant le frottement entre deux solides : (1) la force de frottement tangentielle T pour mettre en mouvement un solide est proportionnel au poids N du solide posé sur le plateau horizontal. (2) pour un poids N donné, cette force ne dépend pas de l’étendue des surfaces de contact, mais seulement de la nature de ces surfaces (bois poli ou rugueux, bois ou métal, etc…). Ces deux lois (1) et (2) peuvent être exprimées par la formule : T = μSN Le rapport μS représente le « coefficient de frottement statique » qui est une constante dépendant de la nature des deux matériaux en contact et de leur état de surface. Sa valeur est par exemple de l’ordre de 0,5 pour du bois sur du bois, de 1 pour une semelle de chausson d’escalade en caoutchouc sur un rocher. En outre Coulomb innove en étudiant le frottement de deux surfaces en mouvement l’une par rapport à l’autre. A l’issue d’un grand nombre d’expériences menées avec le même dispositif, Coulomb conclut que, pendant le mouvement, les lois (1) et (2) restent vérifiées. Mais pour la plupart des corps, la force de frottement est plus faible qu’au repos (le coefficient de frottement dynamique μ est plus faible). Coulomb énonce enfin une troisième loi, propre au frottement des corps en mouvement : (3) pour la plupart des matériaux, le coefficient de frottement est indépendant de la vitesse de glissement. Au fil de ses expériences Coulomb arrivera à conclure que la reproductibilité de ses essais est obtenue lorsqu’il enduit les surfaces de « vieux oint » et fut le premier à mettre en doute les lois d’Amontons ! Par conséquent, actuellement il est reconnu que le coefficient de frottement n’est pas une caractéristique du volume des matériaux en contact, mais il dépend fortement de l’état des surfaces et des couches lubrifiantes qui séparent les corps en contact. Suite à ce constat, depuis les années 1950, la tribologie est passée de l’étude des massifs (volumes) à celle des surfaces. De plus, il a été montré que le type de mouvement, les charges appliquées, les vitesses relatives, la température et la durée du frottement peuvent influencer la valeur du coefficient de frottement. Tous ces paramètres ont été regroupés dans la notion du système mécanique ou mécanisme qui définisse les sollicitations locales du contact. Ainsi, au début des années 1970, Godet [Godet’84] introduit la notion de troisième corps et du triplet tribologique afin d’aider à la compréhension de la dynamique des interfaces, des mécanismes de frottement et d’usure [Berthier’95] [Linck’05]. 

Troisième corps et triplet tribologique 

L’étude d’un mécanisme frottant nécessite la compréhension de phénomènes apparaissant à différentes échelles, d’où l’introduction du concept de triplet tribologique (Figure 1.2). Ce concept du triplet tribologique (les premiers corps, le troisième corps et le mécanisme) donne une unité à la tribologie et permet l’appréhension des phénomènes relatifs au frottement. Les deux premiers corps sont les zones superficielles des massifs en contact. Ils sont soumis directement aux sollicitations dues au fonctionnement du contact [Zambelli’98]. Très souvent ces premiers corps subissent des transformations surfaciques dues aux actions des contraintes tribologiques (contraintes normales et de cisaillement) ce qui fait que leur structure et leurs propriétés dans les zones superficielles ne sont pas les mêmes que dans le volume, ce qu’on appelle généralement : Transformations Tribologiques Superficielles (TTS) Le troisième corps est la zone intercalaire et permet l’accommodation de la différence de vitesses des premiers corps. Ce troisième corps peut être produit in situ (3ème corps naturel) ou introduit dans le contact (3 ème corps artificiel). Ce troisième corps peut présenter des dimensions de différents ordres de grandeur (nanométrique, micrométrique) suivant le 10 mécanisme considéré, et possède au moins quatre fonctions dans un contact : (a) séparer les premiers corps et éventuellement limiter leur usure. (b) transmettre et distribuer la charge (force normale). (c) accommoder les vitesses de cisaillement (force tangentielle) entre les premiers corps. (d) évacuer la chaleur du contact [Linck’05]. En contact avec les premiers corps, le troisième corps peut s’accrocher plus ou mois fortement sur les surfaces frottantes en créant des couches moléculaires appelées généralement « complexes de surfaces » Le mécanisme (système mécanique contenant les premiers corps) est à l’origine des sollicitations subies par le contact et inversement. Il y a couplage entre le domaine proprement tribologique et le comportement mécanique, thermique et physico-chimique du mécanisme lui-même [Fay’11]. Si la mécanique est la science du mouvement, la tribologie est la science qui permet le mouvement. En tribologie, le mécanisme gouverne les conditions de travail des contacts en leur transmettant les charges statiques ou dynamiques, et en leur imposant une cinétique, une température et un environnement [Zambelli’98]. Le frottement dépend donc autant du mécanisme que des matériaux en contact, c’est pourquoi il ne faut pas parler de « coefficient de frottement », mais de « facteur de frottement » même si l’usage maintient l’appellation coefficient de frottement. Afin de mieux comprendre les mécanismes de frottement et d’usure, différents moyens d’analyse de l’évolution du contact au cours du frottement ont été mis au point dans les dernières décennies. Ces moyens d’analyse se basent souvent sur la visualisation in situ du contact et ont pour but de décrire l’endroit et le type de mouvement qui caractérise la transmission du mouvement entre les deux corps en contact qui bougent à des vitesses différentes. C’est pourquoi on les appelle également « analyse du mécanisme d’accommodation des vitesses »

Mécanisme d’accommodation des vitesses par un troisième corps liquide 

Lubrification Un lubrifiant est un troisième corps de faible résistance au cisaillement dont le rôle principal est de réduire le frottement et l’usure des premiers corps. Ce lubrifiant peut être en phase liquide, solide ou gazeuse, mais, idéalement on parle de lubrification quand les premiers corps sont complètement séparés par un film fluide. Quand la friction dans le contact est due aux efforts de cisaillement dans le film lubrifiant on parle de régime hydrodynamique. (Figure 1.3a). Dans ce régime, l’épaisseur d’un film fluide de lubrifiant dépend de la vitesse relative ν, de la viscosité η du lubrifiant et de la charge Fn induisant une pression P. Si le film ne suffit pas à séparer complètement les surfaces frottantes des premiers corps (Figure 1.3c), alors le frottement se fait par interaction des aspérités. L’épaisseur du film diminue : c’est le régime limite. Différents régimes de lubrification peuvent être identifiés selon le mode de portance (film fluide ou aspérité) et la valeur du frottement. [Fay’11] [Wooley’05]. En régime mixte, les efforts de frottement résultent simultanément d’effets hydrodynamiques dans le film fluide et d’interactions entre les aspérités (Figure 1.3b).Dans le cas du régime limite, aux fortes pressions et aux faibles vitesses, l’épaisseur de film est proche de zéro et la charge est principalement supportée par les aspérités des premiers corps. Les valeurs du coefficient de frottement ȝ sont élevées et déterminées par les propriétés des surfaces ainsi que par les propriétés physico-chimiques des molécules adsorbées sur les premiers corps. La caractéristique de ce régime est l’invariance du coefficient de frottement par rapport à la vitesse et la pression. En régime hydrodynamique (HD), aux faibles pressions et fortes vitesses, le film lubrifiant séparant les surfaces est suffisamment épais pour empêcher tout contact entre les premiers corps et supporter la pression. La viscosité du lubrifiant intervient également dans la représentation de Stribeck car plus ce lubrifiant est visqueux, plus le film lubrifiant a tendance à être épais. Les régimes de lubrification hydrodynamique sont caractérisés par des modèles théoriques. Ces modèles théoriques sont basés sur l’équation de Reynolds [Dowson’62] décrivant l’écoulement du film lubrifiant, éventuellement couplée à un modèle mécanique de déformation élastique des corps en contact (EHD). Ceci permet d’estimer l’épaisseur du film synovial, et la répartition de la pression pour une loi de viscosité donnée. Ainsi, dans ces modèles théoriques, la maintenance d’une épaisseur de film lubrifiant suffisamment épaisse peut-être assurée par trois types de mécanismes lubrifiants (ou trois types de portances hydrodynamiques) (Fig 1.3 a1-a3): Portance de type « écrasement » : cette portance peut-être crée soit par une variation de la vitesse normale de la paroi d’un des premiers corps, soit par une augmentation du débit de fluide lubrifiant à travers la surface poreuse du premier corps. (Fig. 1.3a1) Portance de type « coin d’huile » : cette portance est caractéristique de la rentrée du lubrifiant dans le contact glissant et tend à diminuer la section de l’écoulement ce qui entraine une augmentation de la pression ; elle est dépendante de la vitesse tangentielle et de la viscosité du lubrifiant (Fig. 1.3a2); Portance de type « étirement » : cette portance est généralement négative et défavorable à la lubrification, on la rencontre peu fréquemment dans la lubrification, elle apparaît surtout dans les problèmes de mise en forme (étirage, laminage …) et elle est liée à la variation de la vitesse longitudinale provoquée par la déformation des solides (Fig. 1.3a3) La rugosité des surfaces est l’un des paramètres qui régit au premier ordre le passage d’un régime à l’autre. Le régime mixte est un régime intermédiaire entre les régimes limites et hydrodynamiques. Il apparait lorsque les contacts entre les aspérités des surfaces ne peuvent pas être négligés. Dans ces conditions, le niveau de frottement est le résultat de ces deux types de contact: contacts solide/solide et contact solide /liquide et la fraction de la surface de contact en régime limite [Fay’11]. 

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