L’évolution des établissements psychiatriques

La situation avant la création des asiles 

Avant la création des asiles psychiatriques, les personnes souffrant d’un handicap mental étaient intégrées à la société. Elles avaient leur place dans les villages. Généralement il y avait une personne atteinte dans chaque village et les autres habitants la surnommaient « le fou du village ». Les années ont passé et selon l’encyclopédie Universalis, qui détaille d’ailleurs toute l’histoire des asiles psychiatriques, à partir du XIXème siècle en France, les personnes malades mentalement ont été mises à l’écart, elles ont été rejetées des villes et des villages. La société ne voulait plus les assimiler aux habitants. C’est ainsi que des espaces clos ont étés créés dans les villes pour les enfermer. Les asiles psychiatriques ont alors vu le jour. Cependant, il a fallu un certain nombre d’années avant que la construction des asiles permette d’interner tous les aliénés. Esquirol, en 1819, détaille d’ailleurs assez bien le problème dans son ouvrage sur les établissements des aliénés en France. Il explique ainsi que les personnes atteintes d’un handicap mental étaient confondues avec des indigents, des prisonniers, des vieillards, des criminels, des infirmes, des mendiants, ou encore des vagabonds, etc… Ils se retrouvent donc souvent dans des cachots, enchaînés, avec pour seul matelas, oreiller et couverture de la paille (renouvelée seulement deux à quatre fois par mois). En 1819, les aliénés sont abandonnés à leur triste sort, d’autant plus que selon Esquirol, ils « n’ont pas l’intelligence nécessaire pour réclamer les soins que l’humanité accorde à l’homme malade » (Esquirol). Les établissements qui les enferment sont souvent des prisons (il n’y a, en 1819, que huit établissements spéciaux que l’on nomme « Maisons Royales de Santé »). Le premier défaut des prisons est qu’elles ne sont pas destinées à l’accueil des personnes souffrant de troubles mentaux. Ils sont assimilés à leurs voisins de cellules alors qu’ils n’ont commis aucun crime. Parfois, une aile entière leur est dédiée mais il n’en reste pas moins que les cellules ne leurs sont pas adaptées et aucune transformation n’est entreprise pour les mettre en conformité avec l’internement d’un aliéné. Aucun régime particulier n’est mis en place, ils n’ont parfois droit qu’à du pain et de l’eau tous les deux jours. Les conditions d’internement sont atroces et ne reflètent pas les prises de consciences qui s’opèrent à ce moment-là. Guy Bayon disait d’ailleurs que c’est « notre société qui continue à maltraiter sa folie et ses fous puisqu’elle pérennise ces forteresses inhumaines que sont les grands hôpitaux psychiatriques, nos anciens asiles ? » (Guy Baillon). Les malades mentaux sont victimes de préjugés, mais Esquirol l’affirme : les aliénés « sont les membres les plus intéressants de la société » (Esquirol)  .

En 1819, Esquirol préconise de construire des établissements qui deviendraient des « modèles ». En conséquence, il faudrait construire un grand nombre d’asiles accueillants chacun un petit nombre de malades. Ainsi, les établissements seraient à taille humaine et régulièrement dispersés sur le territoire pour ne pas créer de disparité géographique. Il insiste sur le fait que l’asile doit devenir un « instrument de guérison », ce pourquoi il doit être construit sur un grand terrain avec un foisonnement de végétation et d’arbres. Il souhaite que le contact avec la nature soit permanent et désigne l’asile comme étant une construction qui « doit d’avantage ressembler à un village » (Esquirol). En effet, Esquirol préconise une taxinomie nosographique, c’est-à-dire de classer les individus en fonction de leurs troubles mentaux afin de réunir les personnes souffrant de troubles mentaux similaires dans un quartier. Ainsi l’asile prendrait l’allure d’un village où dans chaque maison vivent des individus ayant des déficiences mentales semblables. Cependant, de nombreux médecins réfutent cette méthode de classification, qui ne serait pas bénéfique pour les individus, et lui préfèrent une taxinomie comportementale. Pour faire simple, cette méthode de classement consiste à répartir les individus selon leur degré d’agitation. De ce fait, chaque unité du « village » renfermerait des individus aux comportements similaires mais n’ayant pas forcément les mêmes troubles mentaux.

L’évolution asilaire en France 

La brève histoire des asiles psychiatriques 

Afin de mieux comprendre où nous en sommes concernant l’organisation des établissements psychiatriques actuels, il nous faut d’abord revenir sur l’évolution asilaire. Nous allons donc énumérer, dans ses grandes lignes puisque le sujet qui nous anime est évidemment tourné vers l’avenir, les évolutions majeures concernant l’internement des personnes dites « handicapées mentales » :

• En 1676, chaque ville devait posséder un lieu d’enfermement. Cependant, comme l’explique Esquirol dans son ouvrage, les « aliénés » sont souvent confondus avec des criminels et sont donc envoyés dans des prisons. Quoi qu’il en soit, les villes ne possèdent pas d’établissements psychiatriques, les seuls lieux d’enfermements alors construits et répertoriés par Esquirol sont les « maisons de force ou de corrections » et les « dépôts de mendicité ».

• En 1792, un problème est soulevé lorsque la société se rend compte que les « fous» et les prisonniers sont enfermés ensemble. Des voix s’élèvent pour distinguer définitivement ces individus qui ne doivent plus être confondus. Ainsi, de nouveaux établissements doivent être créés pour que les « fous » ne soient plus enfermés avec les prisonniers, mais dans des bâtiments à la fonction unique de les mettre hors d’état de nuire. L’architecte Jean-David Devaux caricature d’ailleurs cette époque lorsqu’il écrit « la folie sera punie à l’asile » (JeanDavid Devaux). Il y a donc là l’émergence de la médecine spéciale où l’asile devient un instrument de traitement moral et médical. Cependant, la construction des asiles n’est pas aisée puisqu’un « asile d’aliénés doit satisfaire aux règles essentielles de l’art architectural » (Maximien Parchappe). De plus, « il ne doit pas plus ressembler à un palais qu’à une prison, mais il ne doit pas non plus rappeler l’idée d’un monastère ou d’une fabrique » (Maximien Parchappe). Il y a donc là une architecture nouvelle à créer afin de correspondre aux besoins.

• En 1838, légalement, chaque département doit avoir son asile. Le problème est que ces derniers sont des lieux d’enfermement où une thérapie collective est mise en place, alors qu’il faudrait une thérapie individualisée à chaque patient pour que les bénéfices soient avérés. En effet, les thérapies collectives ne tiennent pas compte de la singularité de chacun, tandis qu’une thérapie individuelle, même si elle est plus coûteuse, demande plus de temps et plus de personnel, elle sera beaucoup plus efficace puisqu’elle ciblera le ou les problèmes rencontrés par la personne atteinte de troubles mentaux et s’efforcera de les résoudre les uns après les autres.

• En 1839, une ordonnance impose la séparation des sexes et des âges dans les asiles. Cette dernière impliqua, pour bon nombre d’établissements psychiatriques, la création de nouveaux quartiers afin d’isoler les hommes des femmes, mais également de dissocier les enfants des adultes.

• En 1839, une ordonnance impose la séparation des sexes et des âges dans les asiles. Cette dernière impliqua, pour bon nombre d’établissements psychiatriques, la création de nouveaux quartiers afin d’isoler les hommes des femmes, mais également de dissocier les enfants des adultes.

Une diversification des structures d’accueil 

A partir de la fin du XIXème siècle, de nouveaux espaces psychiatriques apparaissent, même si le modèle aliéniste est toujours majoritaire et demeure un lieu d’isolement.

• En 1865 est créé l’hôpital village où les malades sont tenus à l’écart des zones urbaines, mais ce modèle étant construit en calquant le modèle de la banlieue permet simplement de « fournir l’illusion complète de la vie libre » (Jean-David Devaux). Dans la même idée que l’hôpital village, mais implanté en ville cette fois-ci, l’hôpital psychiatrique urbain se développe. Il s’agit d’une structure originale qui a été créée pour répondre aux différentes spécificités de chaque individu. Il a pour but de favoriser la communication en incitant le malade à sortir de sa chambre, son seul lieu d’intimité. Ainsi, les malades participent eux-mêmes à la restructuration permanente de l’institution, où les normes restent très souples pour permettre ses modifications récurrentes.

• En 1978, création des maisons d’accueil spécialisée (MAS) où les individus peuvent acquérir un minimum d’autonomie tout en étant sous surveillance médicale (et traitement médicamenteux). Le psychiatre Bernard Durand explique d’ailleurs que les « MAS accueillent majoritairement des personnes souffrant de retard mental profond et des personnes polyhandicapées fortement dépendantes, inaptes à réaliser seules les actes de la vie quotidienne et ayant besoin de manière permanente d’une tierce personne. » (Bernard Durand).

• Huit ans plus tard, en 1986, les foyers d’accueil médicalisé (FAM) voient le jour. La structure est plus réduite que celle des MAS. En effet, on ne compte que 15 à 20 résidents dans un FAM contre 40 à 45 résidents dans une MAS. L’accueil y est permanent, peu d’accueil de jour ou d’accueil temporaire. Les « FAM accueillent des personnes au profil plus diversifié : celles-ci sont relativement plus autonomes physiquement et intellectuellement, mais ont des besoins de soins spécifiques qui ne leur permet pas d’être accueillies en foyer de vie » (Bernard Durand).

• Par la suite, un service psychiatrique à l’hôpital général est mis en place. Il permet d’être plus réactif lors d’une crise puisqu’il se situe à proximité, voire même à l’intérieur, de l’hôpital luimême. Cependant, ce service est vivement critiqué par crainte que les personnes atteintes de troubles mentaux ne soient assimilées à des malades « ordinaires » que l’on soigne à l’hôpital. L’amalgame n’est pourtant pas à faire puisque l’hôpital accueille essentiellement des personnes en crise, afin de les aider à passer ce moment compliqué Ensuite, ces patients réintègrent leur établissement spécialisé, une fois leur crise terminée.

• Dans les années 1990, quelques centres de santé mentale urbains voient le jour, dans une société qui assume ses « déviants ». L’idée est de proposer une expérience nouvelle, plus à l’écoute des individus et plus proche de la réalité du monde extérieur et de leurs familles.

Table des matières

Introduction
I. Définitions & concepts
1. Définitions
a. Bien différencier maladie et handicap
b. Comment définir la notion de « perception de l’espace » ?
2. Concepts
a. Concept de « handicap mental »
b. Concept d’« accessibilité »
c. Concept de « mise en autonomie »
II. L’évolution des établissements psychiatriques
1. La situation avant la création des asiles
2. L’évolution asilaire en France
a. La brève histoire des asiles psychiatriques
b. Une diversification des structures d’accueil
III. Les différents handicaps mentaux
& la manière dont ils affectent les perceptions de l’espace
1. Les différents handicaps mentaux
a. Agnosie
b. Apraxie
c. Aphasie
d. Syndrome démentiel
e. Névrose
f. Psychose
2. Les différentes perceptions de l’espace de ces personnes
a. Les objets
b. L’espace personnel
c. Les espaces communs
d. Les espaces extérieurs aux établissements
IV. L’architecture de la psychiatrie : un enjeu pour la réinsertion sociale des personnes en situation de handicap mental
1. La notion d’« habiter »
2. La vie en établissement psychiatrique
3. La vie dans un autre habitat
4. La notion de « chez-soi »
5. La vie en hébergement
6. La vie en logement
7. Quels aménagements pour un habitat adapté ?
V. Proposition de méthodologie pour approfondir le sujet
1. Trouver des établissements à analyser
2. Etablir un questionnaire type et définir les questions essentielles
3. Se rendre sur place, visiter et poser les questions
4. Récupérer, collationner puis archiver les documents
5. Analyser et comparer les données des différents documents
6. Rendre compte de l’analyse de cas
VI. Illustration des propos avec l’exemple du Foyer Arc-en-ciel (proche de Nancy)
1. Bâtiment A1
a. Les espaces individuels
b. Les espaces collectifs
c. Les espaces non accessibles aux résidents
d. Les espaces de contact avec les familles
e. Les espaces de déambulation
f. Les espaces extérieurs
g. Représentation surfacique de la répartition fonctionnelle des espaces
2. Bâtiment C
a. Les espaces individuels
b. Les espaces collectifs
c. Les espaces de contact avec les familles
d. Les espaces non accessibles aux résidents
e. Les espaces extérieurs
f. Représentation surfacique de la répartition fonctionnelle des espaces
Conclusion

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