Lien entre le développement moteur et l’adaptation psychosociale

L’adaptation psychosociale

Le développement socio-affectif des enfants fait partie intégrante des dimensions du développement global. Ainsi, le développement des habiletés sociales et affectives de l’enfant lui permet d’assurer son bien-être en général tout en favorisant sa socialisation (Cloutier, Gosselin & Tap, 2005; Massé, Desbiens, & Lanaris, 2006). Chez les enfants, les ajustements sociaux et émotionnels font référence à sa capacité d’établir des relations positives avec les adultes ou les pairs et se sentir émotionnellement sécurisé (Dannemiller, Buhs, & Ladd, 2001). De plus, la transition vers la scolarité est l’un des changements les plus importants dans la vie d’un enfant (Stipek & Byler, 1997). L’adaptation à l’école devient une épreuve pour le jeune, car il est exposé à une nouvelle communauté de pairs et d’adultes (Masten & Coatsworth, 1998) lui permettant de vivre des expériences importantes pour son développement affectif et social (Bantuelle & Demeulemeester, 2008).

Goodman (1997) a établi cinq grands domaines de l’ajustement psychosocial : les symptômes émotionnels (manifestations anxieuses et dépressives), les troubles de comportement, l’hyperactivité/inattention (agitation, turbulence, hyperactivité, distraction et manque de concentration), les difficultés relationnelles avec les pairs et les comportements prosociaux. À cet effet, plusieurs études ont démontré des liens entre l’activité physique et la santé mentale chez les jeunes en utilisant l’outil d’évaluation SDQ. Entre autres, les résultats de l’étude longitudinale de Hallal et al. (2015) révèlent que l’activité physique est associée à moins de symptômes émotionnels chez les adolescents garçons (pas chez les filles). Les résultats de deux autres études transversales réalisées chez des enfants âgés de 4 à 6 ans (Ebenegger et al., 2012) et chez des enfants âgés de 10 à 12 ans (Sebire et al., 2011) indiquent également que l’activité physique est associée à moins de symptômes d’hyperactivité et d’inattention. Par ailleurs, la présence de difficultés d’ajustement psychosocial chez les enfants est parfois associée à un trouble psychiatrique.

Des études ont démontré que près d’un quart des enfants souffrent d’au moins un trouble psychiatrique. Parmi ceux-ci, on retrouve des troubles de comportements perturbateurs (i.e. le trouble d’opposition (2 à 16%), les troubles de conduite (16 à 24%) et le trouble déficitaire de l’attention avec u sans hyperactivité (entre 3,5 % et 5,6 % des enfants de 6 à 12 ans) ainsi que les troubles émotionnels (i.e. les troubles anxieux (2,2 à 9,5%) et la dépression fréquemment diagnostiqués (environ 2%) (Verhulst, Van der Ende, Ferdinand, & Kasius, 1997). De plus, les études démontrent que les enfants atteints de troubles moteurs peuvent avoir des conséquences sur le plan social, émotionnel (p. ex., un niveau d’anxiété élevé ou une faible estime de soi) et comportemental (Deway et al, 2002; Bart, Hajami, & Bar-Haim, 2007; Skinner & Piek, 2001). Selon Fortin et Strayer (2000), les difficultés relationnelles observées chez les élèves avec des troubles de comportements affectent non seulement l’ambiance dans la classe, mais aussi leur rendement scolaire tout en compromettant leur adaptation sociale ultérieure.

À ce sujet, Ladd (1990) énonce que le sentiment de confort social et de sécurité de l’enfant à l’école influence sa capacité de concentration sur des tâches scolaires et prédit l’apparition de problèmes de comportements chez celui-ci. C’est pourquoi la petite enfance représente un moment particulièrement important pour cibler les risques de problèmes de comportement. De plus, plusieurs écrits confirment l’importance des relations avec les pairs pour le développement de l’enfant et son adaptation psychosociale. Hartup (1979), par exemple, croit que l’interaction avec les pairs est essentielle dans le développement social de l’enfant puisqu’il contribue à l’acquisition de compétences communicatives importantes dans son interaction avec les adultes. Pour cet auteur, le jeu social et l’interaction avec les pairs fournissent un cadre permettant aux enfants d’explorer leur environnement physique et social. Selon Sinclair et Naud (2005), les interactions sociales favorisent la compréhension du monde et la représentation de celui-ci. À l’opposé, le manque d’interactions sociales durant l’enfance a été associé positivement à diverses difficultés sociales et affectives, notamment les problèmes de comportement, le rejet par les pairs, la dépression et une faible estime de soi (Chen, Rubin, & Li, 1997). Selon Bar-Haim et Bart (2006), les enfants présentant des difficultés motrices pourraient ne pas participer aux activités impliquant des relations avec les pairs de peur de se faire ridiculiser. Les résultats de leur étude transversale indiquent des associations significatives entre les capacités motrices des enfants d’âge préscolaire et leur implication dans un jeu social. En effet, les enfants avec de faibles capacités motrices ont plus tendance à faire le choix de s’engager dans des jeux solitaires.

Enfants avec un TDAH Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’American Psychiatric Association (5e édition) (DSM-5), le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est classé comme un trouble neurodéveloppemental et se définit comme : « des difficultés de développement qui se manifestent précocement et influencent le fonctionnement personnel, social, scolaire ou professionnel […] Les principaux symptômes du TDAH sont l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité » (APA, 2015, p.28). Le TDAH est le trouble neuropsychiatrique le plus fréquent chez les enfants et touche environ 3 à 6% des enfants d’âge scolaire (Goulardins et al., 2017). Les études démontrent des ratios de prévalence avec un rapport garçons/filles d’environ 3 à 1 dans les cohortes de cas moins graves (Gillberg et al, 1982).

Toujours selon Gillberg (1995), cette différence s’expliquerait par des modèles de différence de développement du cerveau entre les hommes et les femmes. La relation entre les capacités motrices et l’adaptation sociale et émotionnelle a reçu très peu d’attention par la recherche, et les études réalisées ont plutôt étudié les populations d’enfants ayant un TDAH. En effet, des auteurs évoquent que les problèmes moteurs chez les enfants peuvent avoir un impact grave sur leur vie au quotidien et se produisent chez 30 à 50 % des enfants atteints d’un TDAH (Goulardins et al., 2017). Les résultats d’une autre étude transversale de Goulardins et ses collaborateurs (2011) indiquent que les enfants âgés de 7 à 10 ans atteints d’un TDAH présentent des altérations dans leurs compétences de motricité fine, un temps de réaction plus lent et des difficultés de coordination. De plus, leur TDAH aurait un impact significatif sur leur qualité de vie tout en interférant dans leur performance scolaire.

Les résultats suggèrent également que les enfants ayant un TDAH affichent généralement des difficultés émotionnelles et des relations sociales déficientes causant des effets négatifs sur leurs performances scolaires. Selon Kaiser, Schoemaker, Albaret et Geuze (2015), les symptômes d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité pourraient interférer dans les performances motrices chez ces enfants. Les résultats d’une étude transversale de Piek et ses collaborateurs (1999) chez une population de garçons âgés entre 8 et 11 ans souffrant d’un TDAH de type inattentif démontrent que ceux-ci ont des difficultés de coordination motrice en comparaison aux enfants sans trouble. En effet, les enfants atteints d’un TDAH avaient des performances significativement plus faibles dans les épreuves évaluant leur capacité d’équilibre. En somme, l’ensemble des résultats de ces recherches suggèrent que les enfants atteints d’un TDAH présenteraient souvent certaines difficultés sur le plan moteur. Par contre, les recherches ne s’entendent pas toujours pour dire si les difficultés motrices de ces enfants proviennent des symptômes du TDAH ou à un trouble d’acquisition de la coordination (TAC) concomitant (Goulardins et al., 2017).

Enfants avec un TAC

Plusieurs chercheurs se sont intéressés au lien entre les capacités motrices et l’adaptation psychosociale dans la population d’enfants avec un TAC. Tel que défini par l’American Psychiatric Association (2015), le TAC est « une déficience marquée dans le développement de la coordination motrice […] [qui] interfère de manière significative dans le rendement scolaire et les activités de la vie quotidienne » (p. 35). La prévalence du TAC est estimée à environ 6-10 % chez les enfants d’âge scolaire (5 à 11 ans; American Psychiatric Association, 2015). Selon Gillberg (1992), les enfants atteints d’un TAC et d’autres troubles de l’attention et du contrôle moteur ont généralement des déficits dans les capacités empathiques, ce qui explique un dysfonctionnement dans leurs compétences sociales. En effet, des études ont démontré que les difficultés motrices chez ces enfants sont fortement associées à leur adaptation psychosociale (Isenberg & Quisenberry, 2002; Losse et al., 1991; Skinner & Piek, 2001; Wilson et al., 2013). Par exemple, une étude de Skinner et Piek (2001) montre que les enfants âgés de 8 à 10 ans atteints d’un TAC auraient une estime de soi inférieure et un niveau d’anxiété supérieur aux groupes témoins (sans trouble). Wilson et ses collaborateurs (2013), quant à eux, ont constaté que les enfants âgés entre 4 et 6 ans ayant un TAC sont moins susceptibles de développer les compétences sociales nécessaires pour avoir des interactions efficaces avec leurs pairs. D’autre part, Emck et son équipe (2012) ont constaté que les enfants (n = 40) âgés entre 7 et 12 ans avec un TAC, démontraient des troubles émotionnels importants, 45 % d’entre eux ayant un trouble anxieux concomitant. De plus, l’anxiété chez ces enfants était fortement associée à leur problème d’équilibre et à leurs difficultés de contrôle postural.

D’un autre côté, Cummins et al. (2005) se sont intéressés au lien qui existe entre la coordination motrice et la reconnaissance des émotions. Cette étude transversale a été réalisée auprès de 234 enfants (113 garçons; 121 filles) âgés entre 8 et 12 ans, dont 39 avaient un diagnostic de TAC, comparés à un groupe témoin sans difficulté. La cueillette de données s’est faite à partir d’un ensemble de 6 échelles de reconnaissance des émotions qui mesuraient les aspects verbaux et perceptuels de la capacité empathique (p. ex., leur capacité à percevoir les expressions émotionnelles des autres ou les signaux vocaux). Les résultats font ressortir un lien entre les problèmes sociaux et la motricité (57 %) et montrent que les enfants ayant un TAC auraient plus de difficulté à reconnaître les indices faciaux et les signes émotionnels du visage ; ils seraient donc désavantagés dans leur processus social. Il est alors possible de croire que les capacités motrices de l’enfant demeurent un prédicteur significatif du comportement social. Une recension systématique des écrits scientifiques réalisée par Lodal et Bond (2016) a répertorié 26 études qui portaient sur les conséquences des difficultés motrices sur l’estime de soi des enfants atteints d’un TAC incluant plus de 1 000 participants âgés entre 7 et 16 ans. Les résultats démontrent une corrélation positive surtout chez les garçons entre les difficultés motrices et leur estime de soi. Par exemple, les résultats de Poulsen, Jonhson, et Ziviani (2011) réalisés auprès de garçons ont démontré que ceux présentant des problèmes d’équilibre et de coordination avaient une mauvaise perception d’eux-mêmes, de leur capacité physique et de leurs relations avec les pairs.

Table des matières

Résumé
Table des matières
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
Contexte théorique
La dualité corps-esprit, reliquat de la philosophie antique
Le développement moteur des enfants
L’adaptation psychosociale
Lien entre le développement moteur et l’adaptation psychosociale
Enfants avec un TDAH
Enfants avec un TAC
Objectifs et hypothèses de recherche
Méthode
Déroulement de l’étude
Critères d’inclusion/exclusion
Participants
Instruments de mesure
Questionnaire sur l’adaptation psychosociale (SDQ
Le Preschool Self-Regulation (PSRA
Test des habiletés motrices auprès des enfants
Questionnaire sociodémographique
Stratégies d’analyses
Résultats
Comparaison des habiletés motrices selon le sexe
Comparaison des domaines de l’adaptation psychosociale (SDQ) selon le sexe
Corrélations
Analyse du modèle de régression multiple
Discussion
Habiletés motrices et problèmes de comportements
Habiletés motrices et symptômes d’inattention et hyperactivité
Habiletés motrices, symptômes émotionnels et relations avec les pairs
Forces et limites de l’étude
Conclusion
Références
Appendice A. Approbation éthique
Appendice B. Description des programmes

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