Lixiviation naturelle des composés organiques

Les agressions biotiques et abiotiques du bois

Le bois, étant une matière organique, est sujet à plusieurs altérations par les agents de dégradation, notamment les insectes, les champignons, les rayons de soleil, les intempéries, etc. (Becker et al., 2001 ; Kim et al., 2016). Ces altérations affaiblissent les propriétés du bois et, par conséquent, réduisent la durée de vie des produits à base de bois en service. Ceci amène à son tour à une grande perte financière, mais aussi à une augmentation de l’exploitation forestière. Ces altérations sont plus prononcées surtout pour les produits qui sont en contact direct avec leur environnement, comme les poteaux, les traverses des ponts (Mahnert et Hundhausen, 2018) et les traverses de chemin de fer (Kim et al., 2016). Leur exposition à la pluie et leur contact avec le sol favorisent l’installation des agents de biodégradation en présence de l’humidité, principalement les champignons de carie (Bowyer et al., 2005). Outre les menaces pédoclimatiques, les polysaccharides et la lignine du bois représentent aussi une source alimentaire par excellence pour les insectes (termites et xylophages). À cela s’ajoutent le feu, les rayons ultra-violets et les altérations atmosphériques. Pour remédier à ce problème, le recours à la préservation du bois en utilisant des traitements chimiques, notamment la créosote, le pentachlorophénol et les agents de préservation à base de cuivre, de chrome, d’arsenic et de mercure, était la solution la plus enviable depuis le 18eme siècle pour augmenter la durée de vie du bois en service (Bowyer et al., 2005). Selon le Conseil canadien du Bois (CCB, 2017) au Canada, la préservation du bois à une échelle industrielle a été amorcée à partir de 1910 et l’utilisation des fongicides a permis la réduction de 12,5 % la récolte annuelle des grumes. Les fonctions hydroxyles (-OH) sont très réactives dans la structure du bois et jouent un rôle très important dans le processus du traitement de ce dernier (Chaumat et al., 2002).

Produits de préservation oléosolubles

Suite à leurs natures huileuses et hydrofuges, les agents de préservation sont insolubles dans l’eau, mais solubles dans les solvants organiques et l’alcool. On retrouve principalement la créosote et le PCP (pentachlorophénol). Cela représente un avantage du point de vue stabilité dimensionnelle du bois en service ainsi que la réduction de fendillement du bois. L’utilisation de ces agents de préservations mis à part leur efficacité en tant qu’insecticides, ils permettent la diminution d’usure mécanique qui représente un avantage dans la fabrication des traverses de chemin de fer ainsi que les tabliers des ponts et ils protègent le bois contre les intempéries (ECCC, 2017). La créosote est un terme général de distillat de goudron de houille, produit par la carbonisation à haute température (entre 210 et 335 °C) du charbon bitumineux (Felton et De Groot, 1996), qui est composé principalement d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dont le naphtalène, le phénanthrène, le pyrène, le diphényle et l’acénaphtène (Becker et al., 2001 ; Felton et De Groot, 1996 ; Jung et al., 2013). Elle représente l’agent de préservation oléosoluble le plus utilisé depuis les années 1853 (Barry, 1978). Elle est soluble dans l’huile lourde. La créosote se présente sous forme d’huile organique visqueuse qui est la source de la couleur noire du bois traité et de sa forte odeur dégagée (Kiesse, 2013). L’injection de la créosote dans le bois se fait selon le procédé Bethell, appelé aussi procéder à cellule pleine, qui consiste à injecter 40 à 175 kg/m3 de créosote dans les traverses de chemins de fer (Jung et al., 2013). Cette huile visqueuse attaque les champignons, les insectes et les xylophages marins et représente aussi un hydrofuge naturel. Elle est principalement utilisée dans la préservation des traverses de chemin de fer, des poteaux des lignes des services publics (électriques et téléphoniques) et du bois d’oeuvre en construction industrielle. Malgré sa grande efficacité, l’application de la créosote a connu un déclin ces dernières années à cause de son effet néfaste sur l’environnement et la santé humaine (Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, 2013) et son utilisation est actuellement interdite proche et dans les zones urbaines.

Propriétés chimiques

La créosote est de numéro d’enregistrement unique auprès de la banque de données chimiques (CAS-8001-58-9). C’est un dérivé de la carbonisation du charbon bitumineux à haute température (Gallego et al., 2008 ; Kim et al., 2016). Il existe plusieurs types de solutions de créosote mais seule la formulation qui suit la norme P1/P13 de créosote est actuellement approuvée par l’Association américaine de protection du bois (AWPA) pour l’utilisation dans les systèmes aquatiques (Dillon, 2006). Le produit de préservation à la créosote (P1/P13) est composé de 50 % de créosote de goudron de houille et 50 % de pétrole, la solution de créosote (P2) et la solution de créosote et d’huile de pétrole (P3) (ECCC, 2017). En plus, ce mélange de créosote peut contenir des additifs ou des épaississants de créosote telle que l’huile de naphtalène. Les intérêts de l’utilisation de ce mélange sont le coût moins élevé ainsi que la facilité de pénétration lors du traitement du bois vu sa viscosité plus faible comparé à la créosote pure. C’est un mélange complexe de 250 composés variables (Tableau A4 en Annexe) et d’après l’OMS (2004), le mélange peut contenir 1000 composés différents (Dillon, 2006).

La préservation du bois à la créosote est utilisée dans plusieurs domaines : les traverses de chemins de fer (54 %), les pieux d’ouvrages marins (37 %) et les tabliers et la structure des ponts ainsi que les poteaux de lignes (9%) (Konasewich et Hutt, 1991). Parmi les principaux groupes de composés de créosote, on trouve les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) qui représentent jusqu’à 97 % de la créosote (Kim et al., 2016) et dont la structure comprend des cycles aromatiques condensés. Parmi les principaux HAP présents dans la créosote, on trouve le naphtalène, la quinoléine, l’acénaphtène, le dibenzofurannes, le phénanthrène, le benzo(a)pyrène, etc. (Jung et al., 2013). Le benzo(a)pyrène est le composant le plus toxique, sa concentration ne doit pas dépasser les 50 ppm dans la créosote (Jung et al., 2013; Melber et al., 2004b). Les HAP sont des contaminants qui persistent même au niveau du sol et leur élimination nécessite beaucoup de temps et d’argent (Huang et al., 2004). On trouve aussi les composés phénoliques à un pourcentage faible (1 à 3 %). Parmi les phénols, il y a les crésols, les xylénols et les naphtols (Melber et al., 2004). Ces composés sont formés d’hétérocycles azotés dont les pyridines, les quinoléines, les acridines, les indolines et les carbazoles. Les hétérocycles peuvent également renfermer du soufre ou des benzothiophènes (Melber et al., 2004). Ainsi, les hétérocycles représentent jusqu’à 7,5% de la créosote. Ces composés renferment de l’oxygène et des dibenzofurannes (Webb, 1990), les hydrocarbures aliphatiques (un seul cycle de benzène) tels que les benzènes, les toluènes ainsi que les xylènes (Figure 1.4).

Procédés de préservation du bois

Afin d’appliquer les agents de préservations chimiques, pour retarder ou empêcher le fonctionnement des microorganismes, ils existent plusieurs procédés de traitement chimique du bois avec ou sans pression (Eaton et Hale, 1993), ainsi que les procédés de traitement thermique. La figure 1.6 montre le procédé de traitement avec pression: A) le bois non traité introduit dans un cylindre ; B) application du vide pour extraire l’air du bois ; C) introduction de l’agent de préservation dans le cylindre en présence du bois en maintien de sous vide ; D) une pression est appliquée pour forcer le préservatif dans les cellules du bois ; E) l’agent de préservation est pompé et un vide final est établi pour enlever l’excès du préservatif ; F) et finalement, l’excès de préservatif est pompé et le bois est enlevé du cylindre (Lebow 2010). Selon la littérature, l’efficacité de traitements de préservation dépend de la qualité de l’agent de préservation ainsi que la rigueur de traitement. Le bois traité sous pression est hautement résistant aux champignons et aux attaques d’insectes et des bactéries par rapport au traitement sans pression. Les procédés avec pression sont utilisés dans plusieurs secteurs tels que la fabrication de traverses, poteaux, pieux, bois du pont ainsi que le bois d’oeuvre. Pour choisir le traitement adéquat, il y a plusieurs facteurs qui sont pris en compte selon l’agence de protection de l’environnement des États Unis adopté par le Canada : l’essence du bois, taille, forme, l’utilisation proposée, l’agent de préservation ainsi que les opérateurs et conditions auxquelles le matériau traité est exposé en service. Les trois procédés les plus populaires pour le traitement sont : 1) procédés à cellules pleines appelés aussi procédés Bethell utilisé depuis 1838, 2) procédés à cellules pleines modifiées et 3) procédés à cellules vides, appliqué pour avoir une meilleure pénétration avec une faible rétention de l’agent de préservation (Rowell, 2012). En Amérique du Nord, la méthode de préservation la plus utilisée pour le traitement du bois aux agents de préservation huileux (créosote) est le procédé d’imprégnation sous vide. Dans le cas de la créosote, on s’intéresse au procédé à cellules pleines (Bethell).

Les méthodes de traitements du bois sont contrôlées par plusieurs normes et règlementations pour assurer la sécurité lors du traitement, maintenir la performance mécanique du bois en service et optimiser les quantités des agents de préservation administrés pour la protection de l’environnent lorsqu’il est en service tel que: la norme CAN/CSA O80-F08 (Association canadienne de normalisation. 2008). L’étape de prétraitement est une étape clef pour une bonne pénétration et rétention de l’agent de préservation dans le bois. Une première étape d’épluchage qui consiste à enlever la partie extérieure du bois afin de faciliter le séchage du bois, éviter sa détérioration par les insectes et faciliter la pénétration de l’agent de préservation, (Figure 1.7). Une deuxième étape d’incision qui est un prétraitement utilisé pour les essences qui présentent une structure problématique à l’étape d’imprégnation par l’agent de préservation (essence de bois réfractaire). Ce procédé consiste, à faire des petits trous à faibles profondeurs afin de faciliter la pénétration du traitement et d’une manière homogène (Figure 1.7). En dernier, le séchage permet d’avoir une bonne distribution de l’agent de préservation (PBC, 2012). Ces différentes étapes sont suivies par une étape de conditionnement, juste avant l’application de l’agent de préservation, dans le but d’éliminer l’humidité du bois et de chauffer également le bois à une température de traitement plus favorable à la pénétration de l’agent de préservation. Ils existent plusieurs méthodes telles que la vaporisation et le vide (Pin jaune du sud), cuisson sous vide ou procédé Boulton (Douglas taxifolié) et séchage à la vapeur (les traverses de bois dur).

Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTES DES ACRONYMES
RÉSUMÉ iii
INTRODUCTION
CHAPITRE I REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 La préservation du bois
1.1.1 Le bois et ses composés
1.1.2 Holocellulose
1.1.3 Cellulose
1.1.4 Hémicellulose
1.1.5 Lignine
1.1.6 Les extractibles
1.2 Les agressions biotiques et abiotiques du bois
1.3 Les produits de préservation du bois
1.3.1 Produits de préservation hydrosolubles
1.3.2 Produits de préservation oléosolubles
1.3.3 Le Pentachlorophénol (PCP)
1.4 La créosote
1.4.1 Propriétés chimiques
1.4.2 Propriétés physiques et thermiques
1.4.3 Les hydrocarbures aromatiques polycycliques
1.5 Procédés de préservation du bois
1.5.1 Procédé à cellules pleines (procédés Bethell)
1.5.2 Procédés à cellules pleines modifiées
1.5.3 Procédés cellules vides
1.5.4 Autres méthodes par pression
1.6 Procédés sans pression
1.7 Mode de fixation des composés organiques dans le bois
1.8 Lixiviation naturelle des composés organiques
1.9 Impacts écologiques de la créosote
1.10 Méthodes d’élimination des déchets du bois traité
1.10.1 Enfouissement
1.10.2 Incinération
1.11 Méthodes de remédiation des déchets de bois traité aux composés organiques
1.11.1 La bioremédiatio
1.11.2 Remédiation mécaniqu
1.11.3 Remédiation chimique
1.11.4 Remédiation thermique (Pyrolyse)
1.12 Dégradation thermique du bois traité à la créosote
1.13 Valorisation du bois traité
1.14 Objectifs et hypotheses de recherches
CHAPITRE II MATÉRIEL ET MÉTHODES
2.1 Matériel biologique
2.2 Dispositif expérimental
2.3 Procédés de traitement de bois créosoté
2.3.1 Procédés de pyrolyse
2.3.2 Procédés d’activation physique du biochar
2.4 Caractérisation physique, chimique et thermique du bois traité
2.4.1 Analyse thermogravimétrique (ATG) couplée à la chromatographie en phase gazeuse-spectrométrie de masse (GC/MS)
2.4.2 Analyse élémentaire : C H N S
2.4.3 Quantification des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs)
2.4.4 Analyse des métaux utilisant la spectrométrie d’émission atomique par plasma à couplage inductif (ICP-AES)
2.4.5 Le pouvoir calorifique
2.5 Calcul du rendement et caractérisation des produits de pyrolyse (biochar)
2.5.1 Bilan massique
2.5.2 Analyse élémentaire : C, H, N, S
2.5.3 Teneur en humidité et quantité de cendre
2.5.4 Mesure de surface spécifique
2.6 Analyse statistique
CHAPITRE III RÉSULTATS ET DISCUSION
3.1 Propriétés physico-chimiques du bois contaminé au créosote et non contaminée
3.1.1 Analyse élémentaire (C H N S)
3.1.2 Analyse thermogravimetrique (ATG)
3.1.3 Analyse des éléments inorganiques
3.1.4 Quantification des HAPs dans la biomasse initiale
3.1.5 Analyse des éléments présents au niveau des gaz lors de la pyrolyse (dégradation du bois créosoté) : analyse semi-quantitative (ATG-GC-MS)
3.1.6 Analyse semi-qualitative des HAPs-prioritaires présents dans la phase gazeuse produite lors de la pyrolyse
3.2 Caractérisation des produits de pyrolyse
3.2.1 Analyses de variance
3.2.2 Propriétés physico-chimiques du biochar
3.3 Analyse semi-qualitative des différents composants présents dans la phase gazeuse produits lors de la pyrolyse
3.4 Propriétés physico-chimiques du biochar activé
3.4.1 Surface spécifique du biochar activé
3.4.2 Quantification des HAPs dans le biochar activé
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
4.1 Conclusions
4.2 Recommandations
ANNEXES
DONNÉES SUPPLÉMENTAIRES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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