L’ORIENTATION MOTIVATIONNELLE

L’ORIENTATION MOTIVATIONNELLE

MOTIVATION

« Le fruit de la perception dépend bien évidemment des caractéristiques intrinsèques des stimuli concernés mais aussi du contexte dans lequel ils sont présentés, ainsi que du vécu de  celui qui perçoit, voire de ses attentes » (Derbaix et al. 2000). Nous pensons qu’évaluer la perception de l’ergonomie d’une interface web implique de prendre en considération certaines variables clé qui peuvent avoir une influence sur cette perception, comme la motivation de l’internaute. « Motif » vient du latin motus qui signifie mouvement : le motif engendre l’action, la motivation sous-entend le comportement. Selon Vanheems et al. (2004), la motivation peut être définie comme l’ensemble des forces qui poussent un individu à agir. Hoyer et Macinnis (2008) parlent d’un état interne d’excitation ; l’énergie qui résulte permettrait d’atteindre un but ainsi qu’un niveau de traitement de l’information plus élevé que pour un individu qui n’est pas motivé. La motivation est un sujet complexe car elle dépend de nombreux facteurs liés à la situation, à l’environnement ou à la personne, ces facteurs pouvant varier en intensité. La motivation est une variable psychologique non directement observables (Vanheems, et al. 2004). Si on reprend le processus de motivation de Petrof (1993), on distingue trois phases qui se rejoignent continuellement. La première est représentée par le besoin qui doit atteindre un niveau d’intensité suffisant pour engendrer l’action ; on distingue les besoins biogéniques liés à un déséquilibre physiologique et les besoins psychogéniques qui résultent du contact avec l’environnement socioculturel. La deuxième phase de la motivation est représentée par le comportement. Enfin, la troisième phase est caractérisée par le but, l’objet de tout comportement motivé. Mesurer le degré de motivation d’un individu permet d’évaluer l’effort qu’il est prêt à fournir pour un comportement précis (Hoyer, et al. 2008). L’individu motivé allouera une attention plus importante au stimulus même si l’effort demandé est important. En effet, la motivation aurait une influence sur la façon dont nous traitons les informations et sur la façon dont nous prenons les décisions. Un certain nombre de facteurs joueraient un rôle dans la motivation ; c’est le cas des besoins de l’individu. Hoyer et Macinnis (2008) distinguent trois catégories : les besoins fonctionnels qui motiveraient la recherche de produits, les besoins symboliques liés à la façon dont nous percevons les autres et à la façon dont les autres nous perçoivent et les besoins hédoniques comme le besoin de stimulation sensorielle ou le jeu. La motivation aura uniquement un lien avec le comportement de l’individu dans la mesure où celui-ci est capable de traiter l’information. La capacité du consommateur ou ability est définie comme l’ensemble des ressources nécessaires dont l’individu dispose pour atteindre le résultat qu’il s’est fixé (Hoyer, et al. 2008). Cette capacité dépend elle-même de son style cognitif et de son degré d’expertise car novices et experts ne traiteront pas l’information de la même manière. Les efforts qu’un individu est prêt à fournir pour le traitement d’un stimulus dépendent donc  en partie de sa motivation, dans la mesure où l’individu en question a la capacité de traiter cette information. Le lien entre la motivation et l’ergonomie d’un site apparait alors en filigranes puisque l’ergonomie facilite le traitement de l’information. Par ailleurs, l’ergonomie favorise également la motivation utilitaire comme la recherche d’informations puisqu’elle est la clé d’une meilleure navigabilité sur le site. 

VARIABLES SITUATIONNELLES

Nous considérons que la motivation de l’internaute qu’elle soit utilitaire ou hédonique (Cases et al. 2003 ; Childers et al. 2001 ; O’Cass et al. 2003) est une variable situationnelle et qu’elle représente la situation du paradigme P.O.S : selon le type de motivation, la perception de l’ergonomie sera différente. La motivation utilitaire sur le web est à rapprocher de la navigation utilitaire : elle se traduit par une recherche d’informations ou par l’intention d’achat. La motivation hédonique est plutôt assimilée à un vagabondage intra-site ou intersites dans une optique de recherche de plaisir et de sensations (Helme-Guizon 2001). Les effets situationnels ont fait l’objet de nombreuses études dans le champ du comportement du consommateur suite aux travaux de Belk (1974 ; 1975) qui dénombre cinq dimensions aux facteurs situationnels. Dans une première dimension, on trouve l’environnement (physical surroundings) qui comprend la localisation géographique et institutionnelle, le décor, les sons, les odeurs, les arômes, la lumière, le temps et l’agencement de marchandises ou de tout autre produit entourant le stimulus « objet ». Une deuxième dimension est constituée de l’environnement social (social surroundings) : les caractéristiques des autres personnes, leur rôle ou l’interaction interpersonnelle. La perspective temporelle (temporal perspective) constitue une troisième dimension. Une quatrième dimension implique les définitions de la tâche (task definition) comme l’intention d’achat ou l’obtention d’informations en vue d’un achat ; par exemple, l’achat d’un cadeau de mariage n’est pas effectué dans le même état d’esprit que l’achat de ce même produit pour un usage personnel. Dans une dernière dimension, on trouve les états antérieurs (antecedent states) comme l’humeur ou les états émotionnels passagers. La littérature s’est intéressée à plusieurs variables situationnelles du web, comme l’implication envers le site (site involvement) (Richard et Chandra 2005).  C’est essentiellement le but de l’internaute, la dernière étape du processus de motivation qui a fait l’objet d’études sur Internet. Hofman et Novak (1996) furent les premiers à s’intéresser au comportement expérientiel et au comportement orienté vers un but dans un environnement médiatisé par ordinateur et ils en opposent un certain nombre de caractéristiques. Plus tard, les chercheurs établissent la relation entre cette dualité et l’état d’expérience optimale atteinte sur un site web (Novak et al. 2003), puis ils examinent un construit particulier, le LOC (Locus of control) (Hoffman et al. 2003 ; Rotter 1954). La dichotomie traditionnelle utilitaire et hédonique est prépondérante dans la littérature relative au comportement de l’internaute (Cases, et al. 2003 ; Childers, et al. 2001 ; O’Cass, et al. 2003). La navigation utilitaire se traduit par une recherche d’informations ou par l’intention d’achat d’un produit. Le comportement expérientiel quant à lui est assimilé à un vagabondage intra-site ou inter-sites dans une optique de recherche de plaisir et de sensations (Helme-Guizon 2001). Les internautes ayant ce type d’orientation motivationnelle sont autant intéressés par l’expérience et l’amusement qu’ils retirent de l’achat en ligne que par l’acquisition du produit. Selon Wolfinbarger et Gilly (2001), les internautes qui s’engageraient dans un comportement expérientiel sur Internet auraient des caractéristiques communes : ils aiment les enchères en ligne, ils témoignent d’une implication forte envers la catégorie de produits ou de loisirs considérés, ils sont à la recherche de la socialité (comme le chat), de la surprise et ils sont à la recherche de bonnes affaires. Selon Lapassouse Madrid et al. (2005,), « les usages hédonistes se manifestent dans le cas où le consommateur ne perçoit pas le temps consacré à l’activité de magasinage comme une contrainte. Il est beaucoup moins sensible à la rapidité procurée par les points de vente et il cherche avant tout à se divertir ». Pour Galan et Helme Guizon (2003), le comportement de navigation expérientiel peut prendre trois formes : un vagabondage récréationnel à l’intérieur des sites ou d’un site à l’autre, l’exploration de sites afin de mettre à jour ses connaissances dans une catégorie de produit pour laquelle on a un intérêt particulier et la recherche de bonnes affaires ou de la meilleure enchère. Galan et Helme Guizon (2003) préfèrent parler de navigation utilitaire plutôt que de navigation avec un but, la terminologie manquant de précision puisque l’acte même de se divertir constitue un but en soi. Cases (2003) reprend cette orientation motivationnelle duale pour définir une typologie des internautes en trois groupes : les utilitaristes motivés par la rapidité d’accès à l’information et l’atteinte de l’objectif, les pro Web caractérisés  essentiellement par des motivations hédonistes et les sceptiques qui doivent être guidés. Certains auteurs ont affiné les motivations des internautes. Flavian et Gurrea (2006 ; 2009) se sont intéressés aux motivations sous-jacentes d’un lecteur qui opte pour un journal en ligne : une motivation plutôt utilitaire (recherche d’informations spécifiques et de nouvelle fraiches) et une motivation plutôt hédonique. Ils relèvent un troisième type de motivation liée à l’habitude.

MOTIVATIONS EXPERIENTIELLE ET UTILITAIRE PEUVENT ALTERNER

Helme Guizon (2001) pense que les deux types de comportement utilitaire et hédonique alternent au cours d’une même session de navigation. Comme le soulignent certains chercheurs (Scarpi 2006), comportements expérientiel et utilitaire ne sont pas exclusifs et on retrouve la composante hédonique y compris dans des stratégies utilitaires. “Online consumer behavior is grounded in both goal-directed and non-directed motivations, and thus both need to be studied and modeled for the fullest account” (Hoffman et al. 2009). Un consommateur ayant un but utilitaire peut avoir un attrait pour l’expérientiel (Dandouau 2001). Les frontières sont d’autant moins marquées quand on pense à la polychronie de l’internaute caractérisée par le fait de mener simultanément plusieurs activités, ce qui « gomme quelque peu la bipolarisation » de ce dernier (Lapassouse Madrid, et al. 2005) : l’internaute passe successivement d’un but à l’autre au gré de son interaction avec le site Web. Babin et al. (1994) se sont intéressés à cet aspect dual non exclusif l’un de l’autre : les chercheurs soulignent l’oscillation du consommateur entre l’homo economicus et l’homo ludens. Les deux types de comportements peuvent être perméables à un même but : par exemple, l’activité de recherche qui est tournée vers un but peut présenter également des aspects hédoniques (Bloch et al. 1986). Par ailleurs, un internaute dont l’orientation motivationnelle est expérientielle peut traiter « en profondeur » une information découverte lors de son butinage puis s’orienter vers un comportement utilitaire. De même, un internaute dont l’orientation motivationnelle est utilitaire peut adopter une approche hédonique quand il se trouve distrait par une page récréationnelle. Globalement cependant, l’internaute tendrait plutôt vers un comportement utilitaire sur le web que vers un comportement hédonique (Helme-Guizon 2001).  

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *