L’origine champenoise

L’origine champenoise.

Ni la date de naissance, ni le lieu d’origine de Gérard Machet n’apparaissent avec précision dans aucun document. Il s’ensuit que l’on rencontre des confusions et des erreurs chez les historiens qui ont traité de la question. Pour la date de sa naissance, le meilleur témoignage est celui de Machet lui-même. Ecrivant à Jean Cadart en mars 1448, il déclare qu’il approche de l’âge de soixante-dix ans. Quelques années auparavant, dans une lettre à Guillaume Saignet qui n’est pas datable avec précision, mais que l’on peut supposer écrite en 1441, il indique qu’il a plus de soixante ans . Il était donc né vraisemblablement en 1378 ou 1379 ; la marge d’incertitude que l’on peut réserver par précaution autour de cet espace de deux années doit sûrement être très réduite. La naissance de Machet est donc presque contemporaine du début du Grand Schisme d’Occident, qui éclata en 1378. Elle a dû précéder de peu la mort de Charles V, auquel Charles VI succéda le 16 septembre 1380. C’est probablement en 1391 que Machet est entré au collège de Navarre à Paris dans la section des « grammairiens ». Il devait alors avoir douze ou treize ans, âge auquel s’accomplissait normalement cette démarche . Launoy a commis une erreur flagrante en affirmant que Machet avait été le maître de Nicolas de Clamanges sous prétexte que celui-ci lui donne le titre de preceptor. Un simple coup d’oeil au tableau des élèves du collège de Navarre, donné par Launoy lui-même, fait apparaître que Clamanges était déjà boursier de théologie au collège en 1386 ; ses études dans l’établissement étaient donc bien avancées à une date où Machet n’avait pas encore commencé les siennes. Comme on l’a justement fait remarquer, l’emploi du titre de preceptor était une simple marque de courtoisie, qui n’impliquait aucune relation effective de disciple à maître. Bien loin d’avoir été le maître de Clamanges, Machet avait sans doute près de seize ans de moins que lui. Avec Gerson, né en 1363, la différence d’âge était d’environ quinze ans . La première affirmation relative au lieu d’origine de Gérard Machet se trouve dans l’Histoire de Blois publiée par Bernier en 1682. Ayant rencontré dans des documents blésois du XIIIe et du XVIe siècle des mentions de personnages du nom de Machet, Bernier a cru pouvoir ranger le confesseur de Charles VII dans la série des hommes illustres nés à Blois . Cette affirmation a été reprise en 1860 dans l’article de la Nouvelle biographie générale consacré à Machet par Vallet de Viriville . Son fondement est cependant singulièrement hasardeux. Un faisceau d’indices convergents nous oblige à la récuser totalement et oriente notre recherche vers une autre région. Le plus ancien document d’époque faisant mention de Machet est le grand rôle de l’université de Paris adressé à Benoît XIII en 1403. Machet y est rattaché explicitement au diocèse de Reims. Le rôle demande pour lui un bénéfice à la collation de l’archevêque ou du prévôt du chapitre de Reims . Il recevra en effet sa première prébende canoniale dans l’église cathédrale de cette ville. La présence de Machet au collège de Navarre apporte une présomption supplémentaire en faveur d’une origine champenoise. Le recrutement du collège se faisait en grande partie dans cette province. Son nom officiel était « collège de Champagne », et c’est ainsi que Machet l’appelle généralement, contre l’usage le plus répandu. Dans ses lettres Machet ne fait qu’une seule allusion, très imprécise, à son lieu d’origine. Ecrivant à Jacques de Cerizy à la fin de 1441, il explique l’agrément qu’il a trouvé à séjourner un peu plus tôt à Paris, « parce que cette ville, dit-il, est proche de la région dont je suis originaire ». Si l’on remarque que la lettre est écrite d’Amboise, l’indication s’applique assez bien à la région rémoise. En revanche il est exclu que Machet puisse parler ainsi de Blois.

Notre thèse se confirme si nous examinons, à travers ses lettres, les rapports de Machet avec la région rémoise. En effet, dans les années 1440, Machet avait plusieurs amis vivant à Reims, qui apparaissent comme des amis de longue date. Le destinataire de la première lettre de son recueil épistolaire est sûrement un Rémois ; c’est aussi l’une des personnes qu’il a connues « de loing temps ». La lettre fait mention de Jean de Gomont et de Ponce d’Herpy, tous deux chanoines de Reims, qui tirent leur nom de deux villages voisins de la vallée de l’Aisne, situés en aval de Rethel, à une trentaine de kilomètres de Reims. Ponce d’Herpy est aussi un vieil ami, cité immédiatement avant Machet dans le grand rôle universitaire de 1403. En 1445 Machet lui adressa une lettre « en souvenir de leur vie commune d’autrefois et d’une amitié commencée dès les premières années ». Quatre lettres de Machet sont adressées à un autre chanoine de Reims, Eudes Jérôme, lui aussi originaire d’Herpy. En 1445 Machet obtint une subvention royale pour l’église de ce village. Dans la lettre où il en fait mention, il parle aussi de l’endroit où il a fait ses premières études : « Je suis attaché à ce lieu, dit-il, car j’y ai reçu les rudiments de la grammaire, aussi devais-je me souvenir ». Bien que la lettre ne soit pas parfaitement claire, il est presque certain qu’il s’agit encore d’Herpy . Si Machet a fait dans ce village ses toutes premières études, son lieu de naissance était sûrement très proche. Une autre lettre de Machet, adressée à l’abbé de Signy, nous apprend qu’il avait une maison de famille dans cette région. L’abbaye cistercienne de Signy était située à une vingtaine de kilomètres d’Herpy. Machet a fait parvenir de l’argent pour des travaux de couverture de l’église de Draize, village voisin de Signy. Il a été informé par un cousin nommé Séverin de l’avancement des travaux. En renvoyant Séverin, il le charge d’effectuer une réparation dans la « maison paternelle », et demande à l’abbé de Signy de l’héberger et de l’aider. Machet dit clairement qu’il a lui-même décidé de charger Séverin de ce travail. S’il se comporte comme un propriétaire, c’est que cette « maison paternelle » est bien la sienne. Le contexte de la lettre ne permet pas toutefois de préciser sa localisation . Un document un peu postérieur permet de supposer que la maison de famille de Machet était peut-être située dans la bourgade de Château-Porcien, à trois kilomètres à peine du village d’Herpy. Un aveu et dénombrement rendu en 1454 (six ans après la mort de Machet) nous apprend que son neveu Hugues Machet tenait alors en fief du comte de Porcien une des portes de la ville, « avec les fossez et la masure, jardins et pourprins tenant à ladicte porte ». Le terme de « masure » désigne certainement une habitation. Nous n’avons pas trouvé d’autre document permettant d’établir quel rapport Gérard Machet pouvait avoir avec cette maison et avec la ville de Château-Porcien. On est cependant tenté de supposer qu’il y a peut-être vécu ses premières années. La paroisse toute proche d’Herpy, dépendant du monastère de Saint-Rémi de Reims , devait posséder une école où il aurait été placé pour recevoir sa première instruction. Cette localisation, même approximative, est de nature à éclairer un aspect très important de la vie de Machet. En effet, toujours dans la vallée de l’Aisne, à six kilomètres en amont de Château-Porcien, se trouvait le village aujourd’hui disparu de Gerson, village natal du célèbre chancelier et théologien qui en avait pris le nom . Les rapports de Machet avec Jean Gerson, qui était de quinze ans son aîné, apparaissent dès 1410, lors de son entrée au chapitre de Paris . Nous les retrouvons tout au long de la vie de Machet, sous forme de cohabitation, de collaboration, d’amitié intime, puis de fidélité au souvenir du chancelier disparu. Nous ne savons pas dans quelles circonstances précises se sont noués ces rapports, mais on peut tenir pour certain qu’ils se sont fondés au départ sur la proximité de leurs lieux d’origine.

Bien que nous soyons assez peu renseignés sur la famille de Machet, nous en connaissons cependant quelques membres, dont plusieurs avaient des attaches certaines avec la Champagne. Nous avons parlé plus haut du cousin de Machet nommé Séverin, dont nous ne savons rien de plus, et de son neveu Hugues. Etant notaire et secrétaire du roi, celui-ci suivit la cour royale en même temps que son oncle à partir de 1439 au moins. Il était encore au service de Louis XI en 1463. Jusqu’en 1450 il chercha à obtenir une prébende du chapitre de Reims, puis il se maria et mourut avant 1476 . Le nom de Machet est encore porté de nos jours en Champagne, mais il n’est pas propre à cette province. Les documents ont gardé la trace de quelques autres contemporains de Machet portant le même patronyme : Arnoul et Alard Machet, élèves du collège de Navarre à la fin du XIVe siècle, quelques années avant le futur confesseur de Charles VII ; Guillaume Machet, clerc du diocèse de Reims, bachelier en décret en 1435, qui devint doyen de la collégiale de Vitry-en-Perthois . Nous ignorons tout de la parenté éventuelle de ces personnes avec Gérard Machet. Nous connaissons cependant un autre de ses neveux, peut-être le fils d’une soeur, puisqu’il ne portait pas le même patronyme, mais s’appelait Jean de Chapelaines. Lui aussi clerc du diocèse de Reims, il devint maître ès arts en 1445. Trois ans plus tard, peu avant de mourir, Machet l’institua proviseur du collège de Navarre, mais il ne paraît pas avoir exercé cette charge. Il vécut ensuite à Troyes, où il était chanoine, et mourut en 1478 . Machet avait encore une nièce, qui épousa au début de 1447 un certain Gobin, sans doute Gobert Thibaut, qui avait été à son service et devint élu des aides de Blois . Machet comptait encore dans sa parenté un franciscain, nommé Jean de Maubert, dont il indique assez nettement qu’il était son cousin. Celui-ci devint en 1427 vicaire général des franciscains observants de la province de France ; en 1443 le pape étendit son autorité à toute l’Observance dite « ultramontaine », comprenant les couvents franciscains réformés de France, d’Espagne et d’Europe du Nord. Il mourut dans cette charge en 1450 . Entre 1444 et 1446 nous trouvons Machet en relations suivies avec Jean Gouvion, général maître des monnaies en Languedoc et Guyenne. A deux reprises, s’adressant à des destinataires différents, il le qualifie d’ « ami et cousin » ; la formule n’est pas parfaitement claire, mais on peut penser qu’il s’agit bien d’un parent de Machet. Jean Gouvion, qui était en outre châtelain de Minerve en Languedoc, avait probablement des attaches familiales à Reims et en Champagne. Il vécut jusqu’en 1464 . Machet fait encore allusion à des « liens du sang » dans une lettre qu’il adressa à l’évêque de Noyon pour solliciter l’attribution d’un bénéfice ecclésiastique à un certain Raoul Foucard, sur lequel nous n’avons trouvé aucun renseignement. Malgré la brièveté et l’imprécision de la formule, il est probable que ce Raoul Foucard était bien apparenté à Machet . Les renseignements ainsi rassemblés ne nous donnent qu’une idée très imprécise du milieu social d’origine de Machet. La possession par Hugues Machet en 1454 d’un modeste fief comportant une porte de la ville de Château-Porcien permet de se demander si l’on ne serait pas en présence d’une famille dont certains membres auraient tenu anciennement des charges d’officiers seigneuriaux au service des comtes de Porcien. Ce n’est qu’une supposition, et l’on ne sait même pas depuis quand le fief était dans la famille. Du côté de Jean Gouvion, Machet était peut-être apparenté à une famille champenoise où l’on comptait des officiers royaux. On ne sait si Jean Gouvion lui-même était noble de naissance, mais il l’était sûrement à la fin de ses jours . Toutefois sa parenté avec Machet semble avoir été lointaine et n’a pas dû avoir une grande importance dans la vie de celui-ci.

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