La confrontation classique de la notion de projet et des documents d’urbanisme

La confrontation classique de la notion de projet et des documents d’urbanisme

Le projet comme aboutissement d’une remise en cause de deux piliers fondamentaux 

l’urbanisme de masse et la centralisation Tandis que l’urbanisme fonctionnaliste des années 1960 se révèle être anachronique (Paragraphe I), la planification centralisée fait l’objet d’une véritable contestation (Paragraphe II). 

L’urbanisme de masse, un urbanisme désuet

François Tomas atteste que la notion de projet s’affirme dans les années 1970 avec « la contestation d’une architecture moderne et d’un urbanisme fonctionnaliste »94. Cette controverse s’inscrit dans le cadre d’une lutte contre les opérations de « rénovation-bulldozer » et de « tabula rasa »95. La charte d’Athènes, rédigée en 1933 par Le Corbusier à l’occasion des congrès internationaux d’architecture moderne, témoigne de l’importance accordée à ces opérations96. Démolitions, tours et barres, conceptions socio-spatiales déterministes, sectorisation sociale et fonctionnelle, concepts de zonages, tels sont les maîtres-mots qualifiant l’« urbanisme fonctionnaliste »97. Nous assistons à la « critique du gigantisme »98. « Le plan voisin » de Le Corbusier, plan d’urbanisme pour Paris, illustre parfaitement les enjeux de l’urbanisme fonctionnaliste. Ce plan prévoyait de raser entièrement le vieux Paris et ses immeubles Haussmanniens afin d’y construire, notamment, dix-huit gratte-ciels99. Ainsi, nous retrouvons, au sein de ce plan, les deux idées majeures de l’urbanisme fonctionnaliste : démolitions ainsi que tours et barres. Le Corbusier travaillera sur ce plan jusqu’au milieu des années 1940. Toutefois, à en lire certains titres d’articles tels que « Le plan Voisin : une catastrophe à laquelle on a échappé… »100, nous devrions nous réjouir que le Plan Corbusier soit resté à l’état de concept. « Il en aurait été fini de Paris, connue dans le monde entier poura beauté et son romantisme »101. Ainsi, aujourd’hui encore, l’« urbanisme fonctionnaliste » fait l’objet de nombreuses critiques. Notons, par ailleurs, que nous distinguons, à travers « le plan Voisin », une frontière manifeste entre la conception du projet et sa réalisation. Notre distinction entre projet-processus et projet-résultat s’en trouve donc confortée. 

La centralisation, une hiérarchie révoquée

Au milieu des années 1970, la recherche urbaine s’oriente vers l’« objet local »109 . Pierre Calame constate l’existence d’un « décalage considérable entre le document d’urbanisme et la réalité économique, politique, et sociale de la production de la ville »110. Élaborés au niveau national, les documents d’urbanisme issus de la LOF, POS ET SDAU, pour ceux qui nous intéressent, dissimulent la diversité des contextes locaux. De la même manière, les normes mises en place s’adaptent peu aux particularités de chaque territoire111. De ce fait, les documents d’urbanisme en question « mutilent une réalité différenciée en la forçant à s’adapter à des catégories qui ne sont pas faites pour elle »112. L’existence d’un antagonisme entre les spécificités locales et la planification centralisée est également mise en avant par Michel Marie et Jean Viard113. L’urbanisation et la logique de planification qu’elle suscite n’ont « d’impact sur la réalité paysanne qu’après un long processus de réinterprétation, propre et singulier à chaque commune »114attestent-ils. La « planification centralisée », composante de la « planification traditionnelle », symbolise l’« urbanisme maîtrisé d’État »115. Ce dernier trouve ses sources dans la loi du 15 juin 1943116, loi à l’origine de l’apparition d’un véritable « droit de l’urbanisme »117. Cette loi crée une administration consacrée aux problèmes d’urbanisme et institue une autorisation unique relative aux diverses règles auxquelles doit se soumettre toute construction. Les bases de l’« urbanisme centralisé » sont posées. Cet urbanisme qualifié de « froid » 118correspond à la période d’après-guerre telle qu’explicitée ultérieurement dans notre réflexion. Cette fois encore, c’est la situation d’urgence qui imposait d’occulter les spécificités locales. En accord avec le contexte relatif aux Trente Glorieuses, cette « planification centralisée » se veut quantitative et fonctionnaliste. Surtout, elle s’inscrit dans une logique descendante. Les projets se trouvent assujettis au plan. L’intérêt est de partir du plan pour arriver au projet119. Toutefois, pour les mêmes raisons que celles évoquées dans le cadre de la remise en cause de l’« urbanisme de masse », cette démarche se trouve contrecarrée. Le projet doit « surgir de la dynamique locale »120. Évolutif, souple et réactif, le projet ne se réduit pas à une application, une fois pour toute, d’objectifs de planification sur un territoire donné. Le projet se construit avec le temps et en fonction d’un contexte mouvant. À l’inverse de la planification traditionnelle, il procède d’une logique ascendante. Le projet ne part pas du plan. C’est lui qui le détermine. Surtout, il existe un « aller-retour » permanent entre projet et documents de planification121. Rien n’est figé à l’avance. Le contexte local, au rythme de ses évolutions, à la fois spatiales et temporelles, détermine le projet.

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