L’origine circonstanciée de la charge de secrétaire d’État aux affaires étrangères

L’origine circonstanciée de la charge de secrétaire d’État aux Affaires étrangères l’instrument politique d’un règne

La création de la charge de ministre des Affaires étrangères – plus communément désigné à l’époque par le titre de « secrétaire d’État aux Affaires étrangères » – intervient à une période charnière de l’histoire de France. Érigée sur les ruines du monde médiéval et les d’une logique de structuration de l’appareil diplomatique de la France – ainsi que pourrait le laisser croire l’institutionnalisation croissante des missions diplomatiques de l’époque130 – que d’une volonté réelle d’Henri III de consolider son autorité politique131. Le Roi doit faire justifiait moins par des considérations de politique étrangère que par la loyauté du conseiller du Roi. Il qualifiait, ainsi, volontiers Loys de REVOL « d’homme fidèle et de saine réputation, accoutumé à servir le roi dès ses plus jeunes années, bien que, toutefois, en matières d’affaires de cour et de conseils, il n’eût jamais passé pour habile » [in M.A.E., Mémoires et Documents (France), 176 « Saint-Simon », 21, f° 66, v°]. Dans le contexte de crise politique qui avait conduit Henri III à fuir Paris et la Ligue, le dévouement et la docilité apparaissaient alors plus déterminants que le souci de pallier le manque de structuration de l’appareil diplomatique de la France. Précisons, toutefois, que l’absence de hiérarchisation dans la gestion des activités extérieures de la France médiévale n’emportait pas l’inexistence d’une organisation : jusqu’en 1589, la lecture et l’expédition des dépêches à l’arrivée et au départ, en provenance ou à destination de l’étranger, étaient partagées entre les quatre secrétaires des Finances et des Commandements. Admis à siéger au Conseil du roi, ils portaient depuis 1557 le titre de « secrétaires d’État » [lire notamment OUTREY (A.), « Histoire et Principes de l’Administration Française des Affaires étrangères (I)», Op. cit., p. 303]. Par ailleurs, l’attribution d’une charge spécifique en 1589 n’empêcha pas le secrétaire d’État aux Affaires étrangères d’assurer la gestion régulière de la correspondance intérieure avec « à peu près un quart des provinces françaises [justifiant le fait que], dans nos archives du Quai d’Orsay, nous trouvions un fonds France qui n’a aucun rapport avec les affaires de l’étranger, mais qui contient précisément les lettres échangées entre le secrétaire d’État aux Affaires étrangères et les autorités provinciales qu’il était chargé de contrôler » [in OUTREY (A.), « Histoire et Principes de l’Administration Française des Affaires étrangères (I) », Op. cit., p. 306]. Il faudra attendre le règlement du 11 mars 1626 de RICHELIEU pour que le principe d’un monopole de gestion en matière diplomatique soit définitivement reconnu au secrétaire d’État aux Affaires étrangères, à l’exception notable des activités consulaires. A cette date, le ministre va progressivement recentrer l’essentiel des activités de la France à l’étranger et rétrocéder à cet effet, ses prérogatives internes au bénéfice notamment du ministre de l’Intérieur. Le rattachement de l’institution consulaire au ministère des Affaires étrangères sous le Consulat entérinera le processus de structuration de l’appareil diplomatique de la France lancé depuis lors, dans un cycle nécessaire de réformes qui semble ne pas avoir de fin (Voir infra, Partie II-Titre II-Chap. I-Sect. I).

La décision de Henri III de réserver à un secrétaire d’État nommément désigné, l’essentiel de sa correspondance avec les pays étrangers constitue une réponse juridique aux stratégies de sape politique dont est alors l’objet l’autorité royale. La vulnérabilité de la France n’est pas, en effet, sans susciter l’intérêt de ses puissantes voisines en sus de la convoitise des nombreux prétendants à la Couronne. C’est donc presque « naturellement » que la défense des intérêts du Royaume va s’imposer comme la mission première du secrétaire d’État nouvellement en charge des relations avec « l’Italie, le Piedmont et Savoye, l’Espagne, la Flandre, la Franche-Comté, le Levant, la Pologne, la Suède, le Danemark, 69. Au regard de notre Histoire, l’instauration de la charge de secrétaire d’État aux Affaires étrangères est, donc, le fruit d’une convergence d’évènements contradictoires : opportuns pour son titulaire, ils sont souvent source de dangers pour la Royauté. Menacée à la fois dans ses fondements idéologiques (Section I) et institutionnels (Section II), l’autorité  monarchique saura tirer les leçons des crises qui l’assaillent dans la seconde moitié du XVIème siècle, notamment à partir du règne d’Henri IV lorsqu’il sera question de refondre les lignes directrices de la politique étrangère afin de les adapter à la conception absolutiste du pouvoir politique. Dans une perspective historique, la création de la fonction de secrétaire d’État aux Affaires étrangères s’est révélée finalement salutaire moins à la défense des intérêts supérieurs de l’État princier que à l’objectif de pérennisation des intérêts du Prince lui-même (Section III). Section I.

 

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