L’origine des collectivités territoriales

L’origine des collectivités territoriales

Issues des communes et départements, l’histoire des collectivités territoriales se confond avec celle de la décentralisation, c’est dire le long cheminement permettant la reconnaissance d’une autonomie juridique au profit d’entités locales, distinctes de l’Etat sur le plan juridique88. Dans un premier temps, nous définirons l’histoire des collectivités territoriales, sachant que c’est la révolution de 1789 qui va mettre en place les cadres territoriaux que nous retrouvons pour l’essentiel aujourd’hui, avec une première phase de développement de la démocratie locale, entre 1830 et la seconde Guerre Mondiale. Dans un second temps, nous préciserons l’état civil et le rôle des collectivités territoriales. 

L’histoire des collectivités territoriales

 L’histoire des collectivités territoriales en France est une succession de périodes contrastées, alternant le renforcement de l’Etat central et l’autonomie des territoires locaux. La période révolutionnaire va constituer la première étape de l’histoire des collectivités territoriales. Celle-ci sera suivie d’une longue période d’incertitudes, marquée par des avancées progressives qui déboucheront sur les réformes de 1982. L’objectif n’est pas d’établir un historique complet des collectivités territoriales, mais de comprendre leurs origines. 

Décentralisation et centralisation en 1789 et 1830

La Révolution avait pour objectif de créer une administration rationnelle dans des cadres uniformes, les départements et les districts. Cette démarche avait pour volonté d’assurer et de surveiller l’exécution des lois. Les premières années ont mis en exergue une volonté décentralisatrice, mais les impératifs révolutionnaires y ont mis fin et Napoléon Bonaparte a parachevé cette évolution. 

La Révolution 

Les débats de l’automne 1789 vont mettre fin à toute division géométrique et opter pour un découpage de la France en quatre-vingt-trois départements fondés sur les anciennes provinces. Ces départements ont été divisés en districts, au nombre de six à neuf par département, puis en cantons et enfin en villes et villages. Ces grands principes ont été édictés au travers des lois du 14 décembre et du 22 décembre 1789. La première loi relative à la constitution des municipalités établit 44 000 communes, entités juridiques distinctes, organisées sur un modèle unique. La seconde loi relative à la constitution des assemblées administratives primaires et des assemblées administratives, créa les départements. A la différence des communes, ils apparaissent davantage comme un échelon de l’administration de l’Etat que comme une communauté d’habitants. Les compétences des communes et des départements ne font pas apparaître nettement qu’il s’agit de « collectivités décentralisées »89 : les départements sont chargés d’administrer au nom du roi, et non de gérer des intérêts spécifiques locaux. Au niveau communal, les charges sont mêlées : la gestion des affaires communales correspond au « pouvoir communal » selon la loi du 14 décembre 1789, et l’administration générale du royaume est déléguée à la commune. Chaque administration locale est sous le contrôle de l’administration supérieure et ceci jusqu’au roi, « chef suprême de l’administration générale du royaume ». La commune reste un cas particulier, s’est le seul échelon naturel (au sens juridique du terme) qui possède des intérêts distincts de ceux de l’Etat. La recentralisation de l’administration va s’amorcer dès la période de la Convention (1792- 1795). Cette volonté se fonde sur des raisons politiques, dont le but était de faire exécuter les lois au cours d’une période de troubles. C’est à cette époque que vont apparaître les termes de « jacobins » et « girondins », désignant les adversaires et les partisans de la décentralisation. Par le décret du 4 décembre 1793, la Convention supprima les conseils de département et transféra leurs compétences aux administrations de district. Le régime du Directoire, au travers de la constitution du 22 août 1795, va rétablir les administrations départementales et supprimera les districts. Les départements furent divisés en cantons et ceux-ci en communes. Le régime du Directoire se caractérise par deux innovations concernant l’administration locale : les municipalités de canton et les commissaires du Directoire. 

Le centralisme napoléonien 

Le régime napoléonien est né en l’an VIII (1799), il va systématiser les tendances centralisatrices. Les principes définis en l’an VIII vont s’appliquer tout au long du XIXe siècle et d’une grande partie du XXe siècle. Ces principes sont consacrés par la Constitution du 13 décembre 1799 et par la loi du 17 février 1800, concernant la division du territoire français et de l’administration. Cette loi redonne à chaque commune son administration municipale et institue principalement les préfets, agents uniques représentant directement du gouvernement. Les préfets ont vocation à exercer à eux seuls l’administration, conformément au principe selon lequel « administrer est le fait d’un seul ». Le préfet est entouré de deux 89 « Les collectivités territoriales en France» – Michel Verpeaux – 2e édition – Dalloz – mars 2004. – 61 – organes collégiaux, en vertu de l’autre principe selon lequel « délibérer est le fait de plusieurs ». Au niveau de l’arrondissement, nous avons un sous-préfet et un conseil d’arrondissement. Dans les communes, le maire est nommé par le préfet dans celles de moins de 5 000 habitants et par le pouvoir central dans les autres. Ces autorités, préfet, sous-préfet et maire sont hiérarchisés entre elles et avec le pouvoir central, formant une « chaîne d’exécution » selon le mot de Chaptal, garantissant de cette façon une centralisation de l’administration. 

Naissance de la démocratie locale de 1830 à 1944

Cette longue période correspond à celle du développement combinatoire de la décentralisation et des idées libérales. Ces deux phénomènes ne sont pas sans lien, car en France les régimes autoritaires ont été très centralisateurs. Cependant cette période est marquée par deux grandes étapes que sont la Monarchie de Juillet et la Troisième République.

La Monarchie de Juillet

 Les réformes de la Monarchie de Juillet sont assurées par deux séries de lois qui concernent les communes, les arrondissements et les départements. Ce sont tout d’abord les lois d’organisation, avec la loi du 21 mars 1831 qui prévoyait l’élection des conseils municipaux pour six ans (renouvellement par moitié tous les trois ans), par un collège électoral restreint. Les maires sont nommés par le roi pour les communes de plus de 3 000 habitants et par le préfet pour les autres. Et ils sont désormais choisis parmi les élus et non plus en dehors du conseil municipal. La loi du 22 juin 1833 organisait l’élection des conseillers généraux pour neuf ans (renouvelable par tiers tous les trois ans), dans le cadre des cantons. Ce sont ensuite les lois d’attribution qui sont aussi au nombre de deux. La loi municipale du 18 juillet 1937 reconnaissait la personnalité civile de la commune, lui permettant de posséder un patrimoine propre. Celle-ci élargit les compétences de la commune et l’autorise à « régler par ses délibérations90 » la gestion des biens communaux. Mais la tutelle du préfet reste encore très forte sur les actes de la commune. La seconde est la loi du 10 mai 1838 relative aux attributions des conseils généraux et des conseils d’arrondissement. Elle reconnaît implicitement la personnalité civile aux départements et le conseil général voit la liste de ses attributions augmenter. La seconde République (1848-1851) va instaurer le suffrage universel par la loi du 3 juillet 1848 pour la désignation de l’ensemble des conseils. Mais le gouvernement continue de nommer les maires et les adjoints des communes de plus de 6 000 habitants. Le décret du 25 mars 1852 dit de « décentralisation administrative » constitue en fait un texte de déconcentration transférant les compétences des ministres vers les préfets, selon le principe « on n’administre bien que de près »

La Troisième République. 

 « Les collectivités territoriales en France» – Michel Verpeaux – 2e édition – Dalloz – mars 2004. 91 « Les collectivités territoriales en France » – Michel Verpeaux – page 39. – 62 – Les débuts de la IIIe République sont marqués par deux lois qui représentent de véritables chartes de l’organisation locale et marque la naissance du régionalisme. La loi départementale du 10 août 1871 devait tenter de séparer la gestion des affaires départementales de celle des affaires de l’Etat. Mais le préfet va rester à la fois le représentant de l’Etat et l’organe exécutif du conseil général, l’administration préfectorale est chargée de gérer les affaires du département. La décentralisation sera donc inachevée. Le conseil général est une assemblée délibérante, qui peut prendre des décisions sans approbation préalable du préfet, mais il ne dispose pas d’un pouvoir de décision sur l’ensemble des affaires du département. Il peut simplement émettre des vœux sur toutes les questions économiques et d’administration générale. La loi municipale du 5 avril 1884 accompagne l’installation définitive de la République, car désormais les délégués des conseils municipaux constituent les électeurs principaux des sénateurs. C’est la loi du 28 mars 188292, à l’exception de Paris, qui définit l’élection de tous les maires par les conseils municipaux. La commune a une structure binaire, puisque le conseil municipal prend des délibérations et le maire est chargé de les appliquer. Le conseil municipal est élu pour six ans, renouvelable entièrement. La loi de 1884 consacre une compétence générale au conseil municipal : « il règle par ses délibérations les affaires de la commune ». À partir de 1940, la régionalisation est mise en œuvre par le régime de Vichy, avec dix huit préfets régionaux sont institués par la loi du 19 avril 1941, leur confiant des pouvoirs spéciaux de police et en matière économique. L’échelon régional va ainsi apparaître comme une nécessité, du moins pour certaines compétences.

Incertitudes entre 1944 et 1981

Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale vont être une occasion d’aborder différemment les collectivités territoriales. Les citoyennes françaises vont pour la première fois participer aux élections municipales des 29 avril et 13 mai 1945. 

La consécration constitutionnelle des collectivités territoriales

La consécration constitutionnelle des collectivités territoriales est en grande partie l’œuvre de la Constitution du 27 octobre 1946. Elle dispose d’un titre consacré aux « collectivités territoriales ». C’est une innovation constitutionnelle majeure, car elle fait sortir les communes, les départements ainsi que les territoires d’Outre-mer de la simple catégorie d’entités administratives pour les consacrer comme sujets du droit constitutionnel. De plus, elle proclame le principe de la libre administration de ces collectivités, dans le cadre de la loi nationale. En effet, la Constitution du 4 octobre 1948 semble en retrait par rapport à la Constitution de 1946. Les collectivités territoriales sont également un titre spécifique dans le texte de 1958 au titre XI. Son article 72 traite des collectivités territoriales dans son ensemble et réaffirme le principe de la libre administration par des conseils élus pour les communes, les départements et les territoires d’Outre-mer. La consécration de ce principe constitutionnel va prendre tout son sens dans les années soixante-dix avec le développement d’un contrôle constitutionnel des lois. C’est-à-dire que le Conseil constitutionnel veillera à ce que les lois n’empiètent pas sur les principes à valeur constitutionnelle. 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *