Lyonnaise des Eaux face aux défis du grand cycle de l’eau quels enjeux pour le développement de « services aux écosystèmes »

Lyonnaise des Eaux face aux défis du grand cycle de l’eau quels enjeux pour le développement de « services aux écosystèmes »

Nos quatre précédents chapitres ont été essentiellement voués à la discussion des réflexions générales sur la comptabilité que nous avons menées dans notre travail. Pour pouvoir aller plus loin dans le développement de Comptabilités de Gestion pour les Ecosystèmes, nous allons dorénavant nous intéresser à un ensemble précis et concret de problématiques liées aux interventions d’une organisation dans la gestion collective des écosystèmes. Dans ce chapitre et dans les chapitres qui suivront, nous présenterons et discuterons les résultats issus de notre travail de terrain et de recherche-intervention au sein d’une grande entreprise du secteur de l’environnement, Lyonnaise des Eaux. Nos recherches dans ce cadre ont été essentiellement focalisées sur les questions organisationnelles et comptables soulevées par la volonté stratégique de l’entreprise de développer de nouvelles activités pour la gestion écologique des territoires. Nous avons souligné précédemment la nature fondamentalement différente (mais connectée) de ces questionnements par rapport aux problématiques de reporting extra-financier ou de changement de la comptabilité financière d’une organisation. Un chercheur principalement intéressé par ces enjeux comptables aurait ainsi certainement obtenu des résultats très différents des nôtres, tout en travaillant sur un même terrain.

Dans ce chapitre nous montrerons comment, face à la fragilisation de son modèle historique de gestion de services publics d’eau potable et d’assainissement, et dans le cadre du renouvellement de sa stratégie depuis le début des années 2000, la société Lyonnaise des Eaux cherche à diversifier son portefeuille de services pour répondre aux enjeux de gestion du « grand cycle de l’eau ». Nous proposerons ensuite de qualifier ces services dont le but est d’apporter une contribution aux efforts collectifs de gestion des problèmes écologiques des territoires, de « services aux écosystèmes ». Pour cela, nous revisiterons la notion de « services écosystémiques » sur la base d’une conception renouvelée de la notion de « service », issue des sciences de gestion. Une telle approche nous paraît plus appropriée pour saisir les enjeux spécifiques d’une entreprise cherchant à contribuer à la prise en charge des écosystèmes par ses activités commerciales et le renouvellement de son modèle d’affaires. naturels du grand cycle de l’eau au sein de Lyonnaise des Eaux. Notre travail ne portant pas sur les services d’eau potable et d’assainissement, il ne s’agit pas ici d’expliquer dans le détail les particularités de la gestion de l’eau en France et du modèle de délégation qui en fait sa spécificité. L’enjeu n’est pas non plus de s’attarder sur l’histoire de Lyonnaise des Eaux et ses nombreuses transformations organisationnelles au cours du XXe siècle ou dans la dernière décennie. Nous nous efforcerons en revanche de donner les grands traits du contexte historique, économique, environnemental et stratégique de l’entreprise, utiles pour comprendre les enjeux sous-jacents au choix qu’elle a fait de développer de nouvelles activités tournées vers les milieux naturels. Ce sont les enjeux de développement de ces activités qui seront par la suite au cœur de notre réflexion.

Une richesse fondée sur le succès d’un mode de gestion et de création de valeur

Lyonnaise des Eaux – devenue depuis mars 2015 « SUEZ Eau France »70 – est créée par le Crédit Lyonnais en 1880 sous le nom de Lyonnaise des Eaux et de l’Eclairage. La société développe pendant plus d’un siècle des services de production et de distribution d’eau, de gaz et d’électricité. Fortement liées à la croissance et à l’histoire des villes, ses activités répondent initialement aux besoins de construction et de gestion de réseaux modernes visant à équiper les centres urbains et à améliorer l’hygiène et la santé publique (Barraqué, 1995 ; Souriau, 2014). Alors que son principal concurrent, la Compagnie Générale des Eaux (aujourd’hui Veolia Eau) créée en 1953 concentre dès l’origine ses activités sur la gestion de l’eau, c’est suite à la Première Guerre mondiale et dans un contexte de forte urbanisation que Lyonnaise des Eaux intensifiera son développement dans ce domaine. Entre 1946 et 1997, elle connaît une phase de croissance très importante et passe d’une petite société alimentant 160 000 abonnés en France à un groupe international aux fortes capacités commerciales et financières (de Méritens et Fabry, 2001). plus de l’eau et de l’assainissement, l’entreprise diversifie sa gamme de métiers en créant des filiales ou en acquérant d’autres firmes, notamment dans des domaines pouvant répondre aux besoins des villes : les déchets, le chauffage urbain, la propreté, la construction, la communication ou encore les services funéraires. En 1990, au moment de sa fusion avec le groupe de BTP Dumez, la firme se présente ainsi volontiers sous le terme « d’ensemblier » de services urbains ou « d’aménageur des villes » (Lorrain, 2005, p. 347 ; Normann et Ramirez, 1993, p. 76). Par ailleurs, dans les années 1980 et 1990, l’entreprise sort des frontières hexagonales pour vendre ses services à l’international (Espagne, Royaume-Uni, Asie du Sud-Est puis à partir de 1993 Amérique Centrale et du Sud, Australie, Chine, Indonésie, Maroc, etc.) au prix de multiples transformations organisationnelles (restructuration, gestion des ressources humaines, cessions, rachats, fusions, etc.).

 

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