METABOLITES SECONDAIRES D’EPONGES ENDEMIQUES

METABOLITES SECONDAIRES D’EPONGES ENDEMIQUES

Généralités sur les éponges 

 Définition et caractères généraux 

Les éponges sont des animaux aquatiques multicellulaires (marins ou d’eau douce) appartenant au groupe des spongiaires ou à l’embranchement, « les porteurs de pores » (Porifera), qui comprend environ 7000 espèces. Ce sont des métazoaires, mais les plus primitifs existant depuis des millions d’années 9-12 . Grâce aux nombreux pores répartis sur le corps, l’éponge pompe l’eau contenant l’oxygène et la nourriture nécessaire pour sa survie. L’eau est ensuite rejetée avec les déchets et éventuellement les substances nécessaires à la reproduction par un orifice plus large appelé oscule. C’est ainsi qu’elles jouent un rôle important dans la filtration de l’eau de mer, essentielle à l’équilibre des écosystèmes marins

 Anatomie de l’éponge 

L’éponge est constituée de deux populations cellulaires fondamentales, dont la répartition n’est pas au hasard, mais répond à un certain nombre d’exigences fonctionnelles liées en particulier à ce qui fait la grande originalité des éponges dans l’ensemble du règne animal : leur système aquifère. Le corps de l’éponge est en effet parcouru par un courant aquifère en circuit ouvert (figure 5). L’eau extérieure (flèches) pénètre dans l’éponge par de petits orifices inhalants (±50 m), puis par un réseau de canaux inhalants atteint le moteur, la pompe du système : les chambres choanocytaires. En forme de sphères creuses, ces chambres sont tapissées de cellules munies d’une collerette et d’un flagelle : les choanocytes. Le battement des flagelles assure le mouvement de l’eau. L’eau sort de l’éponge par un réseau de canaux exhalants qui confluent vers des ouvertures relativement larges : les oscules (1 à 5 mm de diamètre environ). Dans cette eau circulante l’éponge prélève ce qui lui est nécessaire pour couvrir ses besoins nutritionnels et respiratoires, et rejette les produits de déchets de son métabolisme. L’ensemble de la surface de l’éponge et des canaux est tapissé par des cellules appelées pinacocytes. Pinacocytes et choanocytes sont les deux éléments essentiels d’une éponge (il existe des espèces qui ne possèdent que ces deux types cellulaires) ; ils forment deux assises cellulaires continues qui isolent totalement l’éponge de l’eau extérieure et de l’eau circulante ; ces assises délimitent le milieu intérieur de l’éponge et assurent son intégrité. Entre ces deux assises cellulaires, on trouve des cellules mobiles qui constituent le mésohyle10 . Chapitre 1 : Généralités sur les éponges 8 Figure 5 : Schéma d’une éponge La partie interne l’éponge creusée par des canaux de courant d’eau, également bordée par une seule couche de cellules de pinacocytes formant l’endopinacoderme est appelée choanosome. La fine couche extérieure de l’éponge, contenant des cellules, les squelettes minéraux et organiques, est appelée ectosome

 Systématique

 La systématique des spongiaires est fondée jusqu’à présent sur la nature et la forme des spicules. Trois classes existent aujourd’hui13-15 : • La classe Calcarea (éponges calcaires ou calcispongia) Leur squelette est constitué de spicules calcaires. Les spicules sont de forme relativement peu variée, on y trouvera essentiellement des oxes et des triactines, mais il existe également des genres présentant une plus grande variété. Les microsclères sont absents. Les calcisponges sont souvent considérés comme les spongiaires les plus primitifs, bien que ce fait soit souvent remis en cause par les spécialistes. Chapitre 1 : Généralités sur les éponges 9 • Les Hexactinellida (éponges de verre) Elles se trouvent généralement dans les eaux très profondes. Ces éponges possèdent des spicules siliceux, qui peuvent former une structure rigide en s’associant étroitement (cas de la « coupe de Vénus » appartenant au genre Euplectella). Les spicules caractéristiques de cette classe sont des triaxones hexactines (spicules à trois axes et six pointes), qui n’existent pas chez les démosponges. Ces spicules sont à l’origine du nom « hexactinellides » de cette classe. Les hexactinellides représentent probablement les spongiaires les plus évolués. • Les Demospongiae Les demosponges sont de loin les éponges les plus communes et les plus diverses, et celles qu’on est le plus susceptible de rencontrer en faisant de la plongée sous-marine. Les spicules de ces éponges sont constitués de silice hydratée (opale). Les démosponges peuvent posséder des spicules siliceux et/ou des fibres de spongine (l’éponge de toilette est un démosponge). Certaines espèces de démosponge ne possèdent pas de squelette. La forme des spicules peut être extrêmement variée et les microsclères sont souvent présents. 

Les métabolites secondaires 

Grace à leur propension à produire des métabolites bioactifs, les éponges ont fourni plus de produits naturels que tout autre phylum dans le milieu marin . Bien que certains de ces métabolites aient été attribués à des organismes symbiotiques, la majorité d’entre eux sont considérés comme de vrais métabolites des éponges et leurs modèles chimiotaxonomiques revêtent une importance accrue . Les métabolites secondaires les plus souvent isolés d’éponges marines peuvent être classés dans les quatre groupes suivants : les peptides, les polycétides (macrolide et éribuline), les alcaloïdes (manzamine, bromopyrrole et bromotyrosine) et les terpènes (sesterterpène et triterpène). 

Les peptides 

Les éponges marines synthétisent une grande variété de molécules peptidiques et organiques représentant une gamme intéressante d’activités biologiques : antifongique, cytotoxique, anti-inflammatoire, antibactérienne et inhibitrice d’enzymes . Structurellement, ils comprennent des peptides linéaires, des lactones peptidiques, des peptides cycliques et des depsipeptides21 . Ils représentent ainsi un domaine important de la recherche sur les produits naturels marins et offrent des structures uniques par rapport à d’autres sources . La discodermineA (7) est le premier peptide isolé d’une éponge marine. Ce tetradecapeptide isolé de l’éponge Discodermia kiiensis possède une activité antimicrobienne . Les callipeltines F-I (8-11) sont des peptides antifongiques isolés de l’éponge marine Latrunculia sp. . . Le stellatolide H (12), isolé de l’éponge Dicodermia sp., est une peptide lactone ayant une activité cytotoxique contre les cellules HeLa avec une IC50 de 0,3 M26 . Chapitre 1 : Généralités sur les éponges 11 Cinq tetrapeptides cycliques, les azumamides A-E (13-17), ont été isolés de l’éponge marine Mycale izuensis. Ces composés présentent une puissante activité inhibitrice de l’enzyme histone désacétylase (HDAC) avec une IC50 de 0,045 à 1,3 M27,28 . Deux depsipeptides cycliques, les halipeltines A et B (18, 19), ont été isolés de l’éponge marine Haliclona sp. L’halipeltine A (18) a montré in vivo, une forte activité anti-inflammatoire29 . Chapitre 1 : Généralités sur les éponges 

Les polycétides 

Les polycétides sont des métabolites secondaires produits par divers organismes vivants, y compris les éponges. Ils constituent la classe la plus importante de produits naturels marins du point de vue de la découverte de médicaments30 . On peut citer l’halichondrine B (5), un macrolide dont l’éribuline (6), qui est maintenant un produit sous licence, a été développée à partir du fragment macrocyclique présent sur sa structure. Le discodermolide (20) a été isolé de l’éponge Discodermia dissoluta comme composé antiprolifératif et antimitotique31 . Il s’attaque aux cellules cancéreuses de la même façon que le taxol, médicament anticancéreux couronné de succès, qui était devenu le médicament anticancéreux le plus vendu de l’histoire au milieu des années 2000 . Cependant, plusieurs polycétides isolés d’éponges marines sont connus comme étant des métabolites synthétisés par des organismes symbiotiques. On peut citer entre autres l’onnamide3, la psymberine et le swinholide

 Les alcaloïdes 

Les alcaloïdes constituent l’une des principales classes de métabolites secondaires les plus étudiées et les plus exploitées tout au long de l’histoire. Ce sont des composés contenant de l’azote, présent non seulement dans les plantes, les microorganismes, les organismes marins et les animaux . Ils ont été trouvés dans presque toutes les éponges marines, présentant une large gamme de structures chimiques et un vaste éventail d’activités biologiques38 . Les arenosclerines A-C (21-23), trois alkylpiperididines isolés de l’éponge Arenosclera brasiliensis, ont montré des activités antibactériennes et cytotoxiques. La dragmacidine F (24) est un alcaloïde de type indolique isolé de l’éponge Halicortex sp. et présentant in vitro des activités antivirales41 . La crambescidine 800 (25), un alcaloïde pentacyclique de type guanidine, a été isolée de Clathria cervicornis et s’est avérée présenter une activité antimicrobienne puissante contre Acinetobacter baumannii, Klebsiella pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa, avec des CMI respectivement de 2, 1 et 1 g/mL42 . La Naamine D (26) est un alcaloïde de type imidazole isolé de l’éponge Leucetta cf chagosensis possédant des activités antifongique modérée et inhibitrice de l’enzyme oxyde nitrique synthase.

 Les terpènes 

Les terpènes sont considérés à la fois comme des métabolites primaires et secondaires des éponges marines et sont assemblés à partir de cinq unités d’isoprène donnant une grande variété de structures et de composés bioactifs. Pour la plupart, les terpènes dérivés d’organismes marins ressemblent étroitement à leurs homologues terrestres44 . Le manoalide (27) est le composé parent d’une série de métabolites d’éponges marines appartenant à la classe des sesterterpènes. Il a été isolé pour la première fois en 1980 par Scheuer de l’éponge marine Luffariella variabilis45 . Le manoalide est connu pour avoir plusieurs activités biologiques y compris antibactérienne et a atteint la phase Ⅱ clinique en tant que antipsoriasique. Le composé est maintenant disponible dans le commerce comme outil biochimique standard pour bloquer l’action de la PLA2 46 . Un peu plus tard, Scheuer a rapporté trois métabolites apparentés provenant de la même éponge, à savoir le seco-manoalide (28), le (E)-neomanoalide (29) et le (Z)- neomanoalide (30) 47. Les trois composés, comme le manoalide, ont montré une activité antibactérienne. Les triterpènes stéroïdiens ont été les premiers isoprènes marins découverts dans les années 1930. L’intérêt scientifique a été porté à ces métabolites en raison de l’isolement de dérivés sans précédent dans le domaine de la biosynthèse, possédant un large spectre de bioactivité48 . Les isomalabaricanes et les saponines stéroïdiens sont deux classes importantes de triterpènes obtenus à partir d’éponges marines grâce à leur importance pharmacologique (Fattorusso et al. 2012). Les malabaricanes ne sont pas propres aux éponges marines et ont été isolés de sources terrestres mais les isomalabaricanes (caractérisés par leur jonction en anneau trans-syn-trans) propres aux éponges marines ont été isolés en premier de l’éponge Jaspis stellifera. Ils comprennent les   stelletines (31), les rhabdastrellines (32) et les stelliferines (33) dont certains composés ont montré une activité antiprolifération49-51 . Une classification plus poussée au sein des isomalabaricanes sépare d’autres composés isolés en nortriterpénoïdes, norsesterterpénoïdes et norditerpénoïdes. Il s’agit notamment des jaspiferales (34), des aurorales (35) et des jaspolides (36), qui présentent également une puissante activité cytotoxique50,52,53 . Dans le règne animal, les glycosides stéroïdiens et triterpéniques sont les métabolites prédominants des étoiles de mer et des concombres de mer respectivement54 . En outre, ce type de glycoside a été isolé d’éponges marines. L’eryloside A (37), ayant montré des activités antileucémique et antifongique, est le premier congénère isolé de l’éponge Erylus lendenfeldi collectée en mer rouge55 . Le formoside A (38) a été isolé à partir de l’éponge marine caribéenne Erylus formosus56. Plus tard, il a été isolé avec le formoside B (39) d’une autre collection de la même éponge des Bahamas57. Le formoside A et son dérivé N-acétyl galactosamine, le formoside B, possèdent des propriétés dissuasives contre les poissons prédateurs. Par conséquent, il a été suggéré qu’ils ont des fonctions écologiques importantes, comparables à celles attribuées à des composés présents dans les étoiles de mer, les concombres de mer et les plantes terrestres . 

 Quelques métabolites isolés et identifiés d’éponges collectées au Sénégal 

Avec une façade maritime de 700 km environ dont un plateau continental de 20 000 km peuplé par une flore et une faune facilement accessibles, abondantes et variées, l’étude des métabolites secondaires de ces espèces revêt une importance particulière pour le Sénégal compte tenu de l’impact économique et médical potentiel. Cependant, les éponges des côtes Sénégalaises n’ont jusqu’à présent, à ma connaissance, fait l’objet que de peu d’études chimiques relatives aux métabolites secondaires, la plupart de ces études ayant intervenu du début jusqu’au milieu des années 1990. Ainsi, les acides gras à savoir les acides 4,8-diméthyldecanoïque (40a) et 12 (Z)-méthyltridéc-6-énoïque (40b) d’une part et 10,13-octadecadienoique (41a) et 16-tricosenoique (41b) d’autre part ont été respectivement identifiés d’une Pseudosuberites sp. et de l’éponge Cinachyrella alloclada collectées à Joal48,58 . En 1993, il a été isolé de l’éponge Sénégalaise Trikentrion loeve le glycolipide (42) 59 . Trois nouveaux glycosphingolipides nommés Axidjiferoside-A-C (43, 43b et 43c) ont été isolés de l’éponge marine Axinyssa djiferi collectée sur des racines de mangrove près du village de Djifer dans le Sine Saloum. Ces derniers ont montré une activité antipaludique significative, avec une IC50 de 0.53 ± 0.2 M contre une souche de Plasmodium falciparum résistante à la chloroquine60 . En 1994, Costantino et al., ont isolé de l’éponge Microscleroderma spirophora, collectée près de Dakar, les 3–métoxystéroïdes : (24S)- 24-éthyl-3-méthoxy-8α,9α-oxido-8,9-seco-5α-cholesta-7,9(11)-diène (44), (24S)-24-éthyl-3- méthoxy-8α,9α-oxido-8,9-seco-5α-cholesta-7,8(14)-diène (45) et (24S)-24-éthyl-3- méthoxy8α,9α-epoxy-5α-cholest-14-ene (46) 61 . La konakhine (47), un sesterterpène dégradé a été isolée d’une Ircinia sp. collectée à Konakhè près de Dakar62 . Aknin et al. (1990), ont isolé de l’éponge Trikentrion loeve le trikentramine (48) 63 . La dakaramine (49), un dérivé iodé de la tyrosine et le R-3-éthyl-4-méthylpentane-l-sulfate (50) ont été isolés de l’éponge Ptilocaulis spiculifer.

Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Généralités sur les éponges
I.1. Définition et caractères généraux
I.2. Anatomie de l’éponge
I.3. Systématique
I.4. Les métabolites secondaire
I.4.1. Les peptides
I.4.2. Les polycétides
I.4.3. Les alcaloïdes
I.4.4. Les terpènes
I.5. Quelques métabolites isolés ou identifiés d’éponges des côtes Sénégalaises
I.6. Conclusion
Chapitre 2 : Etude Chimique de l’éponge Psammaplysilla purpurea, Carter (1880)
II.1. Données bibliographiques
II.1.1. Descriptio
II.1.2. Métabolites secondaires isolés de l’éponge Psammaplysilla purpurea
II.2. Isolement et identification des métabolites secondaires
II.2.1. Dérivés Simples
II.3. Conclusion
Chapitre 3 : Etude de l’éponge Dictyocératide
III.1. L’ordre des Dictyoceratida Minchin, 1900
III.2. Etude chimique de l’éponge Dictyocératide
III.2.1. Etude de la fraction H2O/MeOH, 1:2
III.2.3. Etude de la fraction H2O/MeOH, 2:1
III.3. Conclusion
Chapitre 4 : Etude chimique de l’éponge Ircinia s
IV.1. Généralités
IV.1.1. Caractéristiques taxonomiques
IV.1.2. La variabiline et ses analogues
IV.2. Etude chimique de l’éponge Ircinia sp
IV.2.1. Collecte et extraction de l’éponge Ircinia sp., fractionnement et purification
IV.3. Conclusion
Chapitre 5 : Résultats des évaluations biologiques106
Conclusion générale
PARTIE EXPERIMENTALE
I. Solvants et réactifs
II. Chromatographie sur colonne
III. Instruments
III.1. HPLC analytique et semi-préparative
III.1.1. Analyse et purification en routine
III.2. LC-MS et MS/MS
III.2.1. Spectromètre de masse à basse résolution
III.2.2. Spectromètre de masse à haute résolution (1)
III.2.3. Spectromètre de masse à haute résolution (2)
III.3. RMN
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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