Microfluidique sur support souple et étirable

Caractérisation d’un matériau hyperélastique : l’Ecoflex 00-50

PDMS et Ecoflex : Le PDMS et l’Ecoflex (Smooth-On Inc.) sont deux polymères utilisés pour le prototypage de composants microfluidiques. Le PDMS est largement utilisé dans de nombreux laboratoires de recherche pour sa facilité de mise en œuvre, ses propriétés mécaniques, sa qualité optique (transparent, faible autofluorescence), la possibilité de réaliser des motifs sub- micrométriques complexes à l’aide d’une technique simple de moulage, la possibilité d’activer chimiquement sa surface pour induire son adhérence sur lui-même ou des surfaces telles que la silice et son faible coût.
L’Ecoflex, dont la chimie se rapproche de celle du PDMS, a des qualités communes avec ce dernier (mise en œuvre, possibilité de réalisation et de collage et faible coût) mais possède des capacités d’étirement et de flexibilité plus importantes. Par exemple l’élongation de rupture est de 980 % pour l’Ecoflex 00-50 alors qu’elle est de 160 % pour le PDMS. Il existe plusieurs références d’Ecoflex dont les propriétés mécaniques diffèrent légèrement. Dans ce travail nous nous sommes intéressés à l’Ecoflex 00-50. Il est appelé Ecoflex dans l’ensemble de ce mémoire.
C’est un polymère bi-composant. Les deux composants sont mélangés à masses égales puis le mélange est déposé sur un moule présentant les motifs souhaités. Le moule est alors placé sous une cloche à vide pour un dé- gazage. La réticulation dure environ 4h à température ambiante .Une fois réticulé l’Ecoflex est démoulé puis préparé pour l’assemblage de microsystèmes avant leur test. Il est possible de coller deux surfaces lisses en Ecoflex l’une sur l’autre grâce à un traitement surfacique par plasma oxygène identique à celui utilisé pour le PDMS (100W durant 1min, ATX Products Inc.). Ce traitement surfacique permet également de coller l’Ecoflex sur du verre ou même du COC (Cyclo Olefin Copolymer). A l’origine l’Ecoflex est utilisé pour la fabrication de masque pour le cinéma mais depuis quelques années ce matériau est entré dans les laboratoires de recherches et est utilisé pour développer des systèmes innovants.

Qu’est-ce que le galinstan ?

Le galinstan est un alliage formé de 68,5% de gallium, de 21,5% d’indium et de 10% d’étain. Il a la particularité d’être liquide à température ambiante avec une température de fusion de -19°C . Cette caractéristique est intéressante pour les systèmes électrofluidiques déformables car du fait de son état liquide, le Galinstan permet de connecter électriquement des composants soumis à d’importantes contraintes ou dé- formations, alors que des systèmes classiques de connexion («nappes» souples ou fils de connexion métalliques) atteindraient leur point de rup- ture. Ses avantages sont une bonne conductivité électrique (3.16×106 S/m soit environ seulement 20 fois moins que le cuivre) et une faible toxicité. Son inconvénient majeur est le fait que sa surface s’oxyde très rapidement au contact de l’air formant une couche solide tout comme l’EGaIn un autre alliage à base de gallium et d’indium . Le cœur du matériau lui reste liquide. Des travaux de recherches ont permis de définir des conditions d’utilisation qui préviennent l’oxydation du galinstan. Ainsi travailler sous atmosphère inerte ou en présence d’une solution aqueuse . D’autres travaux ont même mené au développement d’un système micro- fluidique réduisant le galinstan oxydé à l’aide d’acide chlorhydrique .
Ce phénomène d’oxydation constitue un inconvénient par rapport au mercure. Cependant le mercure est à proscrire en raison de sa toxicité. Outre son utilisation dans le domaine des antennes radioélectriques et des capteurs électrofluidiques cet alliage liquide a permis le développement d’une mi- croseringue capable d’injecter des femtolitres de liquide (Knoblauch et coll.) ou d’un mécanisme de conversion énergie mécanique/énergie électrique intégré dans un système microfluidique (Krupenkin et coll ).
Dans nos travaux c’est la capacité du galinstan à accompagner la déformation d’un canal sans perte de contact électrique qui nous a intéressée.

Fabrication et assemblage de capteurs électrofluidiques

Design et usinage des moules : Le moule servant à mettre en forme le canal microfluidique est dessiné à l’aide du logiciel Draftsight. La forme générale des micro-canaux est un serpentin avec différentes dimensions (largeur de 100 ou 200μ m). A partir du dessin informatique le moule est usiné dans un bloc de laiton à l’aide d’une fraiseuse (Minitech Machinery utilisée à l’Institut Curie). Les canaux sont en relief positif et leur hauteur est de 100μ m. La surface du moule est lissée pour que la rugosité soit le plus faible possible car nous souhaitons que le polymère moulé dessus soit le plus lisse possible et se décolle facilement.
Mise en forme et assemblage de l’Ecoflex : La fabrication des capteurs se divise en plusieurs étapes : la réticulation, l’assemblage et le remplissage.
Tout d’abord la réticulation des différentes pièces du capteur. Les deux composants de l’Ecoflex sont mélangés et sont déposés sur le moule.
Une partie du mélange est également déposée au fond d’une boîte de pétri afin d’obtenir une membrane plane en Ecoflex. La boîte et le moule sont alors placés dans une cloche à vide pendant 4h pour le dégazage et la réticulation. Après ce temps de réticulation les pièces sont démoulées et découpées pour être assemblées.
Les différentes pièces d’Ecoflex composant le capteur d’élongation sont assemblées grâce à un collage par plasma à oxygène (100W durant 1 min). Dans un premier temps des blocs de PDMS sont collés au niveau de l’entrée et de la sortie du canal microfluidique. Ces blocs servent par la suite à maintenir mécaniquement les connectiques fluidiques et électriques. Les entrées et sorties du canal microfluidique sont percées (1mm de diamètre) au travers de ces blocs de PDMS et de l’Ecoflex. Pour sceller le canal microfluidique la membrane plane en Ecoflex est collée au morceau d’Ecoflex moulé. Deux lames de verre de microscope (76x26x1mm) sont également collées par plasma aux extrémités du canal microfluidique. Elles serviront à la préhension du capteur lors des tests d’étirement. Pour finir la préparation du capteur le canal microfluidique est rempli de galinstan à l’aide d’une seringue. La connexion électrique entre le capteur et les appareils de mesure externes est assurée par deux fils di- rectement plongés dans le galinstan.

Carte microfluidique et réservoirs hyperélastiques

L’intégration de matériaux hyperélastiques dans une carte microfluidique apporte de nouvelle possibilité en termes de fonctions, d’empilement technologique et de packaging. Le système développé au cours de ce travail intègre une membrane hyperélastique dans une carte en COC. Le COC : Le COC (cyclic olefin copolymer) est un polymère amorphe utilisé dans de nombreux domaines tels que l’optique ou les dispositifs médicaux. Celui-ci possède de bonnes propriétés optiques (faible autofluores- cence et bonne transparence dans le domaine visible) et physico-chimiques (large gamme de température de transition vitreuse disponible,bonne résistance aux acides et aux bases) . Il est compatible avec de nombreuses méthodes de mise en forme et est agréé par la FDA (Food and Drug Administration), ce qui est un avantage certain pour la mise au point d’applications biomédicales. Dans cette étude il est utilisé pour développer des composants microfluidiques d’analyse sur puce. Ses avantages dans ce domaine d’application sont une haute résistance aux solvants, sa transparence optique et sa facilité de mise en forme .
Assemblage des cartes microfluidiques : Design, usinage et assemblage des cartes en COC Les différentes cartes développées et testées dans ce travail ont été dessinées à l’aide du logiciel Solidworks. Ces dessins 3D ont permis d’usiner des plaques de COC au format carte de crédit (86 mm de longueur et 56 mm de largeur) à l’aide d’une fraiseuse (Charly4U). Suivant l’architecture finale des cartes microfluidiques certaines cartes en COC ont été assemblées entre elles. Pour cela les cartes ont été alignées, mises en contact puis mises en compression à l’aide d’une presse. Celle-ci a été placée dans un four à 127°C durant 80 min afin que les cartes en contact se collent l’une à l’autre. Cette adhésion est liée à l’action combinée de la pression et de la température qui favorisent l’enchevêtrement des chaines de polymère à l’interface et la fusion des deux matériaux. Le refroidissement des cartes achève leur scellement.

Table des matières

Introduction générale
Chapitre I – Matériel et Méthodes
I.1 – Introduction
I.2 – Caractérisation d’un matériau hyperélastique : l’Ecoflex 00-50
I.2.a – PDMS et Ecoflex
I.2.b – Fabrication de la membrane en Ecoflex
I.2.c – Banc de caractérisation
Chambre de mise en pression et maintien de la membrane 
Caméra
I.2.d – Conclusion
I.3 – Capteurs d’élongation hyperélastiques
I.3.a – Qu’est-ce que le galinstan ? 
I.3.b – Fabrication et assemblage de capteurs électrofluidiques 
Design et usinage des moules
Mise en forme et assemblage de l’Ecoflex
I.3.c – Banc de caractérisation
Système de maintien du capteur
Etirement des capteurs et mesure électrique
I.3.d – Conclusion
I.4 – Carte microfluidique et réservoirs hyperélastiques
I.4.a – Le COC
I.4.b – Assemblage des cartes microfluidiques
Design, usinage et assemblage des cartes en COC
Intégration d’une membrane en Ecoflex
I.4.c – Banc de caractérisation
Le support de carte : système Flowpad 
Générateur de pression
Electrovannes
Caméra µEye
I.4.d – Conclusion
Chapitre II – Caractérisation et modélisation du comportement mécanique d’un matériau hyperélastique
II.1 – Introduction
II.2 – Modèle mécanique hyper-élastique
II.2.a – Grandes déformations et expression de la contrainte
II.2.b – Modèle de Mooney-Rivlin
II.2.b.1 – Incompressibilité du matériau
II.2.b.2 – Modèle de Mooney-Rivlin à deux paramètres
II.2.c – Application au cas d’une déformation équibiaxiale
II.2.c.1 – Cas général
II.2.c.2 – Relation Pression/Déformation dans le cas du soufflage d’une membrane
Un peu de géométrie
Expression de la pression
II.2.d – Modélisation analytique du soufflage d’une membrane d’Ecoflex 00-50
II.3 – Modélisation numérique sous COMSOL
II.3.a – Evolution de la déformation en fonction de la pression
II.3.b – Influence de l’épaisseur de la membrane
II.3.c – Influence du rayon de la membrane
II.3.d – Conclusion
II.4 – Expériences de soufflage et résultats
II.4.a – Vérification de la forme de la déformation
II.4.b – Résultats expérimentaux
II.4.c – Vieillissement 
II.4.d – Fatigue du matériau
II.4.e – Plasticité et Hystérésis
II.4.f – Conclusion
II.5 – Comparaison des modèles avec les résultats expérimentaux
II.5.a – Comparaison avec les résultats de la simulation COMSOL
II.5.b – Comparaison avec les résultats du calcul analytique
II.5.c – Recherche des paramètres C1 et C2 du modèle de Mooney-Rivlin à partir des résultats
expérimentaux
II.6 – Conclusion
Chapitre III – Capteurs électrofluidiques en matériau hyperélastique
III.1 – Introduction : Rappel du principe
III.2 – Modèle COMSOL d’un capteur d’élongation hyperélastique
III.2.a – Géométrie du système modélisé 
III.2.b – Modélisation de la réponse électrique à la sollicitation mécanique
III.2.b.1 – Modélisation mécanique
III.2.b.2 – Modélisation électrique
III.2.c – Résultats 
III.2.d – Discussion
III.3 – Modèle analytique
III.3.a – Résistance électrique et géométrie d’un canal conducteur
III.3.b – Conducteur droit soumis à un étirement uniaxial
III.3.b.1 – Canal parallèle à la direction d’étirement
III.3.b.2 – Canal perpendiculaire à la direction d’étirement
III.3.c – Cas d’un canal en serpentin
III.3.d – Résultats
III.3.e – Discussion
III.3.f – Un point sur le Coefficient de Poisson
III.4 – Caractérisation expérimentale des capteurs
III.4.a – Protocoles expérimentaux
III.4.b – Automatisation du protocole 
III.4.b.1 – Pilotage du moteur Newport
III.4.b.2 – Enregistrement automatique de la résistance électrique
III.4.c – Variation de la résistance électrique lors de l’élongation du capteur
III.4.d – Hystérésis
III.4.e – Tests de fatigue (cycles d’élongation répétés)
III.4.f – Vieillissement des capteurs
III.5 – Discussion
III.5.a – Comparaison des résultats expérimentaux et des modèles
III.5.b – Performances des capteurs
III.6 – Conclusion et applications potentielles
Chapitre IV – Réservoirs microfluidiques hyperélastiques
Glossaire des abréviations utilisées dans ce chapitre
IV.1 – Introduction
Systèmes entièrement externalisés (stockage et actionnement)
Systèmes partiellement intégrés (stockage interne et actionnement externe)
Systèmes entièrement internalisés
Le stockage
L’actionnement
La calibration 
IV.2 – Architecture de la carte microfluidique
IV.3 – Choix de la méthode de mesure du volume interne du réservoir
IV.4 – Développement du système de contrôle des réservoirs étirables
IV.4.a – Pilotage du Fluigent MFCS
IV.4.b – Pilotage des vannes
IV.4.c – Pilotage de la caméra µEye et traitement des images
Calcul du volume interne du réservoir
IV.4.d – Automatisation de la phase de remplissage du réservoir
IV.4.e – Automatisation de la phase de vidange du réservoir (actionnement du fluide)
IV.5 – Caractérisations du système
IV.5.a – Notion de volume mort V0 et de volume minimal détectable Vmin
IV.5.b – Remplissage par volume imposé 
IV.5.c – Remplissage par pression
IV.5.d – Actionnement d’un volume calibré en mode « à la demande »
IV.5.e – Débit
IV.6 – Conclusion
Chapitre V – Mises en application des réservoirs hyperélastiques
V.1 – Dilution programmable
V.1.a – Architecture de la carte microfluidique et principe
V.1.b – Programme Labview
V.1.c – Expérimentation et résultats
V.2 – Intégration et automatisation d’un protocole de détection d’allergie
V.2.a – Contexte et protocole
V.2.b – Architecture de la carte microfluidique
V.2.c – Programme Labview
V.2.d – Expérimentation et résultats
V.2.e – Discussion
V.3 – Conclusion
Conclusions et perspectives
Bibliographie
Annexes

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