Microstructure, texture et propagation des ondes ultrasonores dans un superalliage à base de nickel fait par fabrication additive

Microstructure, texture et propagation des ondes ultrasonores dans un superalliage à base de nickel fait par fabrication additive

 Inconel 625 et microstructures issues du SLM

Les matériaux et alliages utilisés en SLM sont multiples et diversifiés ; chaque matériau, étant dédié à une application particulière, présente des microstructures différentes. Dans cette étude, nous nous sommes intéressés aux superalliages à base de nickel, et plus particulièrement à l’Inconel 625. Le choix d’un superalliage est justifié d’une part par le fait que, à l’état solide, ces alliages ne subissent pas de transformation de phase susceptible de changer la structure polygranulaire brute de solidification, seulement de la précipitation fine. D’autre part, parmi les métaux courants à structure cristallographique cubique, le nickel présente une assez forte anisotropie [34]. Deux superalliages proches sont actuellement bien maîtrisés en fabrication additive industrielle, l’Inconel 625 et l’Inconel 718. Le choix du premier vient de sa disponibilité chez le fournisseur en début de thèse. Dans ce paragraphe, nous allons tout d’abord présenter l’Inconel 625 et sa structure d’équilibre, puis sa microstructure typique de SLM, en fonction des paramètres du procédé. La texture cristalline résultant du SLM étant centrale dans notre étude, elle fera l’objet du paragraphe suivant. 

L’Inconel 

➢ Présentation générale : Les superalliages à base de Nickel – parfois appelés alliages à haute performance (High Performance Alloys)- regroupent un grand nombre de nuances, parmi lesquelles les Incoloys, les Nimonics, les Monels, les Duranickels, etc. [35]. Faisant partie de cette famille, les Inconels sont une marque déposée du groupe d’entreprises Special Metals Corporation. Ils sont connus pour leur bon compromis entre résistance à la chaleur, résistance à la corrosion à haute température, ténacité et résistance pour les applications les plus exigeantes [36,37]. L’Inconel 625 -connu aussi sous les appellations IN-625, VDM Alloy 625, Haynes 625, Nickelvac 22 625, Nicrofer 6020, Altemp 625 ou Chronic 625- a été développé dans les années 60 [30-32] pour répondre à un besoin du marché des centrales électriques à vapeur supercritique. Les propriétés recherchées étaient alors la soudabilité et la résistance au fluage. Sa fenêtre de composition chimique est indiquée dans le Tableau 1. Il est à la base du développement de plusieurs nuances similaires – dont l’Inconel 718- (Figure 11) toutes durcies par précipitation d’une phase dite ’’ (voir plus loin) grâce à l’ajout de niobium. Tableau 1 : Gamme de composition chimique de l’Inconel 625 (valeurs minimales et maximales en pourcentages massiques) [38] Figure 11 : famille des superalliages développés à partir de l’Inconel 625 [30] L’Inconel 625 est capable de fonctionner dans une large gamme de températures allant de la cryogénie à 800 °C. Il présente une ductilité plus grande que les aciers inox, tout en ayant une excellente résistance au fluage et à la corrosion dans les environnements difficiles, grâce notamment à la présence d’une forte proportion de chrome qui permet de passiver la surface à haute température par une couche de Cr02. Il possède aussi une très bonne résistance à la fissuration sous fortes contraintes. Il présente en outre une excellente soudabilité -meilleure par exemple que celle de l’Inconel 718. Il est d’ailleurs aussi utilisé comme alliage de brasure en raison de sa capacité à tolérer la dilution d’autres éléments venant des pièces à assembler. Pour toutes ses raisons, l’Inconel 625 est actuellement utilisé dans de nombreux secteurs industriels [39,40], dont les principaux sont l’aéronautique [41], le nucléaire [9] et les applications marines et sous-marines [42]. ➢ Microstructure standard : L’Inconel 625 est constitué une phase majoritaire (matrice) appelée , de structure cristallographique cubique à faces centrées désordonnée [40]. La présence d’éléments en substitution (surtout Mo mais aussi Co, Fe, Mn, Ta) crée une distorsion du réseau qui produit un durcissement par solution solide. Le durcissement principal est cependant obtenu par un traitement thermique aux alentours de 650°C qui favorise la précipitation cohérente d’une phase ordonnée nanométrique, appelée ’’, de base Ni3Nb et de structure quadratique centrée. Cette phase n’est stable que jusqu’à environ 750°C (cf. TTT de la Figure 12). A haute température, elle est remplacée par la structure d’équilibre du composé 23 Ni3Nb, appelée phase , de structure orthorhombique incohérente, dont les dimensions sont plus grossières et la forme aciculaire. La phase  est plutôt fragilisante, mais une petite fraction aux joints de grains est bénéfique pour stabiliser la structure pendant les traitements de mise en forme à haute température. Des carbures, principalement de type MC, sont également présents en petite quantité aux joints de grains . La Figure 13 montre quelques microstructures pour illustrer ces différentes phases et le Tableau 2 indique leurs principales caractéristiques cristallographiques. La Figure 12 indique aussi la possibilité d’apparition de phases de Laves à haute température. Ces dernières, de type M2M’ avec M=Fe, Cr, Co, Mn et/ou Si et M’=Mo, Ti, Ta et/ou Nb, sont très fragilisantes. Elles n’apparaissent cependant généralement qu’après des temps de service très longs à haute température, dans des zones présentant une ségrégation de solidification en éléments lourds. A noter que les temps de transformation dépendent assez fortement de l’état initial d’écrouissage de l’alliage. Figure 12:Diagramme temps-température-transformation (TTT) de l’Inconel 625 [43] a) b) c) d) Figure 13 : Observation à différentes échelles et après différents traitements de la microstructure de l’alliage Inconel 625 ; a) carbures MC aux joints de grains  [44] ; b) phase ’’ après 2000h à 650°C [45] ; c) transformation de la phase ’’ en phase  pendant un maintien à 800°C et d) phase  après 100h à la même température [38] 24 Tableau 2 : Les différentes phases pouvant être présentes dans l’Inconel 625 [46] Nom de la phase Composition chimique Structure cristallographique Paramètres de maille (ou plage) Propriétés et commentaires Gamma Composition chimique de l’alliage cfc désordonnée a= 3.60167 Å [47] Matrice Gamma seconde Ni3Nb Tétragonal centré (tc) a = 0.3624 nm c = 0.7406 nm Précipitation Delta Ni3Nb Orthorhombique a = 0.3624 – 0.511 nm b = 0.421– 0.4251 nm c = 0.452– 0.4556 nm Précipitation Carbures MC — — Présents en fin de solidification 

Microstructures caractéristiques des pièces issues du SLM

Le superalliage Inconel 625 a été un des premiers alliages à base de Ni à être élaboré avec succès par fabrication additive [48,49]. Cela s’explique par son intérêt industriel et par le fait qu’il était déjà mis en forme par compaction à chaud à l’arrivée de ce nouveau procédé. Des poudres de bonne qualité étaient donc déjà disponibles. De plus, les alliages présentant une bonne soudabilité se prêtent bien à ces nouveaux procédés car ils résistent bien à la fissuration à chaud sous contraintes d’origine thermique. ➢ Phases présentes : On trouve peu d’études à fine échelle des phases présentes à l’état brut de fabrication additive dans l’Inconel 625. Les conditions de refroidissement étant très rapides, il est souvent indiqué que le matériau se trouve à l’état de solution solide  en fin de traitement. A notre connaissance, les seules études reportant l’apparition de phase , voire d’eutectique /phases de Laves, concernent des dépôts par projection de poudre pour lesquels les énergies apportées, les tailles de bain de fusion et les temps de solidification sont plus élevés [50,51]. Les travaux de la littérature portent plutôt sur l’évolution ultérieure du matériau au cours de maintiens isothermes (ex. [48,52–54]). Dans ce cas on retrouve bien l’apparition des phases décrites plus haut. Cependant, les cinétiques de transformation sont généralement plus rapides que celles de la Figure 12, ce qui est attribué à la présence de contraintes internes et/ou de dislocations dans la structure brute de fabrication [52]. ➢ Bains de fusion : Les vingt dernières années ayant été consacrées au développement puis à l’optimisation des procédés de fabrication additive, la majorité des études métallurgiques disponibles se sont plutôt intéressées à la structure des couches et des bains de fusion successifs, ainsi qu’à la qualité finale des pièces (présence de porosités et anisotropie de comportement mécanique). A cette échelle ‘mésoscopique’, la microstructure issue du SLM est caractérisée par la trace des ex-bains de fusion (ou cordons de lasage) qui marquent la trajectoire du laser sur une même couche et sur des couches successives. Un exemple typique est présenté dans la Figure 14.a [55], correspondant à un Inconel 718 construit avec une stratégie de balayage classique, par allers-retours en zig-zag, tournés de 90° entre chaque couche (cf. Figure 10). Les coupes XZ et YZ, ainsi que la Figure 14.b [16] montrent l’allure typique des bains de fusion resolidifiés. La coupe XY illustre également le fait que le balayage a été réalisé en damiers. Selon les auteurs, le contraste net entre différents cordons est attribué soit à des variations locales dans la taille et l’orientation des structures de solidification (voir ci-dessous), soit à la présence d’une fine couche d’oxyde ou de chapelets de précipités ’’ ou  à l’interface entre couches. La Figure 14 illustre que -pour des conditions de lasage constantes- la forme, la largeur et la hauteur des cordons de lasage varient fortement sur un même plan de coupe. A fortiori, elles dépendent bien sûr également 25 des paramètres du procédé. Leurs dimensions varient typiquement entre 75 et 150 µm pour la largeur et entre 50 et 100 µm pour la hauteur. On notera que, du fait du recouvrement des couches, il n’est pas facile de déterminer clairement la forme et les dimensions réelles des bains. Pour une mesure plus précise, on a recours à des observations, soit de la dernière couche déposée en surface supérieure des pièces, soit de cordons obtenus par un seul passage du laser sur une plaque initialement solide. Les micrographies de la Figure 15, prises perpendiculairement à la direction de lasage dans le cas d’un balayage sans rotation entre couches, illustrent deux observations typiques faites sur pièces brutes de SLM. D’une part des structures en chevrons (ou « en V ») visibles sur la Figure 15.a. L’angle des « V » dépend de la vitesse de balayage laser. Plus elle est élevée, plus le bain de fusion est étroit et plus l’angle est petit. On verra au §. I.3 que cette structure est liée à la croissance des grains pendant la solidification. D’autre part, la Figure 15.b, ainsi que la Figure 14.a, mettent en évidence l’existence de grains allongés dans la direction de fabrication (Z) et dont la longueur est largement supérieure à la profondeur moyenne des bains de fusion. Cette observation est reportée par un grand nombre d’auteurs. Elle prouve que certains grains peuvent croître à travers plusieurs couches successives, malgré les processus de refusion/re-solidification mis en jeu. Ce point sera également discuté dans la partie Textures de ce chapitre. a) b) Figure 14 : a) Microstructure de l’Inconel 718 à l’état brut de SLM selon trois plans perpendiculaires. [55] ; b) Image de couches successives observées selon un plan de type XZ ou YZ [17] Figure 15: Micrographies de cordons de lasage prises perpendiculairement au sens de passage du laser dans le cas d’un balayage sans rotation entre couches ; a) image MEB sur Inconel 625 [44] et b) image MO sur Inconel 718 [56] 26 Pour terminer la caractérisation de la microstructure à cette échelle, on notera que -bien que le procédé SLM permet à présent d’atteindre des densités de pièces très proches de la densité théorique de l’alliage, la présence de porosités est tout de même régulièrement observée dans la littérature. La fraction, la taille et la forme de ces porosités dépendent des paramètres du procédé. Ce point sera discuté plus loin. ➢ Structures de solidification On observe que les structures polycristallines issues de SLM sont beaucoup plus fines que celles provenant des procédés classiques de mise en forme par déformation plastique. Elles sont également plus fines que celles produites par d’autres technologies de fabrication additive par fusion laser, telles que la technologie de fabrication directe au laser ou le CLAD [57]. Dans ce second cas, cette plus gande finesse est attribuée au fait que les densités d’énergie apportées localement étant plus faibles (cf. Figure 7), les dimensions des bains de fusion sont réduites et les gradients thermiques aux interfaces solide/liquide plus forts. Une structure intragranulaire typique d’un alliage de Ni brut de SLM est représentée Figure 16, à deux grandissements différents. On note la présence d’hétérogénéités chimiques qui sont systématiquement observées dans la littérature [44,48,49]. Elles résultent du rejet dans le liquide en cours de solidification des éléments chimiques dont les coefficients de partage entre solide et liquide sont faibles (microségrégations de solidification). Il s’agit surtout du Nb et du Mo, éléments lourds, ce qui explique que les zones de fin de solidification apparaissent plus claires dans les images de microscopie à balayage en mode rétrodiffusé. Suivant les articles, ces structures de solidification sont qualifiées de dendritiques ou de cellulaires. Elles sont en tout cas très fines (périodicité de l’ordre du micron), avec des bras secondaires très courts voire inexistants. Ceci s’explique de nouveau par les forts gradients thermiques présents à l’interface solide/liquide. Sur la Figure 16.b, on observe clairement la continuité de la structure de solidification entre deux ex-bains de fusion successifs, ce qui confirme la propagation de grains à travers plusieurs couches. La Figure 16 illustre une autre tendance reportée dans beaucoup d’articles : les structures de solidification apparaissent majoritairement orientées dans la direction de fabrication. Cette tendance est souvent expliquée qualitativement par le fait que, le refroidissement s’effectuant principalement par conduction dans le solide déjà formé, les gradients thermiques doivent globalement être orientés dans la direction Z et que les cellules/dendrites se développent parallèlement à ce gradient. Cette explication doit cependant être pondérée, d’une part parce que les gradients thermiques locaux sont beaucoup plus complexes et varient selon la position dans le bain de fusion du bain de fusion. D’autre part, l’alignement des dendrites/cellules dans la direction du gradient se fait via un mécanisme de compétition de croissance entre grains sur des distances qui peuvent être supérieures à la profondeur des grains.

Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Etude bibliographique
I.1. Fabrication additive métallique
I.1.1. Présentation général
I.1.2. Fabrication additive métallique – Avantages et inconvénients
I.1.3. Procédé SLM
I.2. Inconel 625 et microstructures issues du SLM
I.2.1. L’Inconel 625
I.2.2. Microstructures caractéristiques des pièces issues du SLM
I.2.3. Influence des paramètres du procédé sur les porosités
I.3. Textures cristallines issues du SLM – Influence des paramètres du procédé
I.3.1. Variété des textures et croissance de grains
I.3.2. Influence de la densité d’énergie apportée par le laser
I.3.3. Influence de la stratégie de balayage
I.3.4. Autres paramètres influents
I.4. Méthodes d’évaluation non destructive par ondes ultrasonores
I.4.1. Les ondes ultrasonores : notions caractéristiques
I.4.2. Relations entre les ondes ultrasonores et l’élasticité : principes théoriques de
l’élastodynamique
I.5. Positionnement de la thèse – Introduction et contexte de l’étude
Chapitre II : Matériaux et méthodes expérimentales
II.1. Echantillons étudiés
II.2. Caractérisation de la microstructure et de la texture cristalline
II.2.1. Préparation des échantillons
II.2.2. Caractérisation de la microstructure
II.2.3. Caractérisation de la texture cristalline et de la structure des grains
II.3. Caractérisation par propagation d’ondes ultrasonores
II.3.1 Propagation des ultrasons
II.3.2 Dispositifs expérimentaux
II.3.3 Analyse des données de propagation des ondes ultrasonores
Chapitre III : Caractérisation de la microstructure et la texture de SLM
III.1. Microstructure
III.1.1. Bains de fusion
III.1.2. Structures de solidification
III.1.3. Porosités
III.1.4. Morphologie et taille des grains
III.2. Texture cristalline
III.2.1. Texture cristalline en conditions standards
III.2.2. Origines de la texture
III.3. Stabilité de la microstructure standard de SLM
III.4. Conclusions
Chapitre IV : Effet des paramètres SLM sur la microstructure et la texture cristalline
IV.1. Approche expérimentale et résultats bruts
IV.2. Analyse de l’effet des paramètres sur le taux de porosités
IV.2.1. Vitesse de lasage et effet Keyhole
IV.2.2. Défocalisation et taux de porosités
IV.3. Analyse de l’effet des paramètres du procédé sur la texture cristalline
IV.3.1. Densité d’énergie et texture cristalline
IV.3.2. Défocalisation et modification de texture
IV.3.3. Microstructures et microtextures spécifiques aux balayages unidirectionnels
IV.4. Conclusions
Chapitre V : Evaluation de l’anisotropie par ondes ultrasonores
V.1. Mesure des vitesses de propagation des ondes ultrasonores
V.1.1. Résultats des A-scans
V.1.2. Résultats des B-scans
V.1.3. Discussion
V.2. Estimations de l’anisotropie élastique à partir des données de texture
V.2.1. Calcul du tenseur de rigidité d’un polycristal
V.2.2. Calcul des vitesses de propagation à partir du tenseur de rigidité du polycristal
V.2.3. Etude de la sensibilité de la méthode basée sur la texture
V.2.4. Effets possibles d’autres caractéristiques de microstructure
V.3. Conclusions
Conclusions et perspectives
Annexes
Annexe A : Mesure des densités des petits cubes par densitométrie par immersion (méthode
d’Archimède)
Annexe B : Fusion/resolidification d’un alliage Inconel 718
Démarche expérimentale
Préparation des échantillons
Principales obs

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