Modèle micromécanique pour l’étude de l’anisotropie de la réaction alcali-silice

Le béton est un des matériaux les plus utilisés pour la construction. Un nombre considérable d’ouvrages est construit chaque année, et la rentabilité économique des installations repose en grande partie sur leur durée de vie. Un certain nombre de phénomènes peuvent être à l’origine d’une dégradation prématurée du béton. Les agressions externes occupent une place importante dans la dégradation des bétons soumis à un environnement particulier, comme les cycles de geldégel ou l’agression par de l’eau contenant des produits chimiques, comme du sel. Les réactions endogènes du béton sont également à l’origine de désordres importants, qui n’interviennent que par interaction des composantes initiales du béton. La réaction alcali-silice, réaction dont nous étudions dans ce mémoire les effets mécaniques, a été découverte aux États-Unis dans les années 1940, et est depuis cette date l’objet de beaucoup d’attention de la part des personnes intéressées par la durée de vie des ouvrages en béton. Elle est visible extérieurement par des fissures d’orientation aléatoire sur certains ouvrages peu contraints, ou alignées, lorsque les contraintes dues au poids de la structure ou aux armatures de renfort sont importantes. Elle provoque également des déformations irréversibles pouvant empêcher la bonne utilisation des ouvrages ainsi que des diminutions des propriétés mécaniques qui forcent à se demander si la sûreté est préservée.

Les ouvrages atteints sont très divers, mais trois conditions sont essentielles au développement de la réaction. Elle nécessite la présence de granulats dits réactifs, dans le sens où ils contiennent de la silice mal cristallisée qui est susceptible d’être dissoute par les produits chimiques présents dans la solution interstitielle du béton. Une présente importante d’alcalins est également indispensable. Ces alcalins sont habituellement apportés par le ciment, ou plus rarement par des inclusions dans les granulats. Enfin, un fort taux d’humidité relative dans le béton est nécessaire. L’eau favorise le transport des espèces chimiques réactives et produites, et favorise le gonflement des produits de réaction dont la montée en pression est à l’origine des dégradations.

On ne connaît pas de méthode qui permette d’interrompre l’alcali-réaction dans les ouvrages atteints. Lorsque ces ouvrages n’ont pas de rôle qui nécessite une bonne tenue mécanique et une stabilité dimensionnelle, on n’intervient pas. En revanche, dans des ouvrages comme des barrages ou des piles de ponts, divers types d’interventions ont été réalisées. Ces interventions, qui permettent soit de relâcher les contraintes en retirant de la matière avant d’isoler l’ouvrage de l’intrusion de l’eau, soit de limiter mécaniquement son gonflement en ajoutant une précontrainte passive extérieure supplémentaire, sont très coûteuses. L’attitude principale adoptée face à l’alcali-réaction est donc de s’assurer de ne plus construire d’ouvrages qui risquent de développer cette pathologie, et d’estimer la durée de vie restante des ouvrages atteints, éventuellement en réfléchissant à l’amélioration qui pourrait être apportée par une intervention.

L’étude en laboratoire et sur les ouvrages existants du comportement d’un très grand nombre de granulats a permis, depuis 1994 en France, de classifier les granulats selon les risques qu’ils développent l’alcali-réaction en fonction de l’environnement du béton. Il n’est plus à craindre que l’alcali-réaction affecte de nouveaux ouvrages en grand nombre. Néanmoins, l’interdiction d’un certain nombre de granulats provoque des surcoûts pour certains projets de construction à cause des frais de transport. On peut se demander si une compréhension plus fine, provenant de la modélisation, ne permettrait pas de réintroduire certains de ces granulats dans des conditions où ils sont inoffensifs. Pour ce qui est des ouvrages atteints, l’estimation de la durée de vie des ouvrages s’inscrit dans le cadre de l’estimation de la durabilité des bétons en général. Il est donc important que les outils d’estimation de la durée de vie des ouvrages puissent prendre en compte l’alcali-réaction, ce qui nécessite également un effort de modélisation important tant les facteurs qui influent sur le développement de la réaction sont divers. Ces considérations nous ont amenés à contribuer à l’effort de modélisation de l’alcali-réaction.

La modélisation de l’alcali-réaction peut être, pour schématiser, divisée en trois grandes branches, selon le socle de connaissances scientifiques utilisées. On trouve d’abord des modèles qui étudient à l’échelle du granulat ou de la structure le transport des produits chimiques et de l’eau, de façon à prédire les quantités de gel produites au niveau des sites réactifs, c’est-à-dire aux abords des granulats. Ces modèles utilisent directement la compréhension des mécanismes réactionnels en jeu, en faisant beaucoup d’hypothèses simplificatrices indispensables de par la complexité de la réaction, la diversité des granulats réactifs et des produits de réaction. Les modèles mécaniques à l’échelle de la structure sont en général implémentés dans des codes d’étude globale de la durabilité des bétons qui prennent en compte une grande variété de phénomènes tels que le transport d’espèces chimiques, le retrait, le fluage du béton et son endommagement à l’échelle macroscopique. Les modèles mécaniques à l’échelle microscopique enfin, qu’ils soient de nature numérique ou analytique, essaient par une description fine ou schématisée de la microstructure attaquée, de déterminer les conséquences mécaniques de l’apparition d’un gel gonflant dans la porosité avoisinant les sites réactifs.

Ces modèles ont le double objectif d’aider à l’étude directe d’ouvrages affectés, et de faire progresser la compréhension de l’alcali-réaction, avec en général un accent plus ou moins marqué sur l’un des deux points. Il nous semble que la modélisation micromécanique analytique peut combiner ces deux aspects. Par leur simplicité, ce type de modèles peut amener une compréhension des phénomènes de dégradation. La nature analytique des résultats rend plus directe l’étude de l’influence de certains paramètres. De plus, on peut envisager qu’ils soient utilisés comme raffinement du comportement microscopique dans des modèles à l’échelle de la structure. Pour ces raisons, nous avons décidé de nous tourner vers l’élaboration d’un modèle de ce type.

La réaction alcali-silice a été découverte dans les années 40 aux États-Unis par Stanton [78]. Elle est également présente dans de nombreux pays, dont la France depuis la fin des années 70. Les recommandations françaises pour limiter l’occurrence de la réaction alcali-silice dans les nouveaux ouvrages ont été établies par le LCPC entre 1991 et 1994 [49]. Cette réaction endogène du béton touche une part modeste des ouvrages en béton, mais peut avoir des conséquences importantes pour des ouvrages dont les propriétés mécaniques et les dimensions doivent impérativement être stables dans le temps (barrages, ponts). Les premiers modèles ont été proposés dans les années 50, et la compréhension des mécanismes réactionnels et d’endommagement a progressé avec la qualité des moyens expérimentaux d’observation des bétons affectés. La réaction alcalisilice est aussi appelée alcali réaction. C’est la principale réaction d’un groupe de réactions appelées réactions alcali-granulats ou RAG, qui contient également la réaction alcali carbonate et la réaction alcali-silicates [35, 90]. On n’étudie ici que l’alcali-réaction, que l’on appellera parfois RAG par extension, et qui est en général appelée alkali silica reaction (ASR) en anglais. Ce chapitre de bibliographie est avant tout inspiré d’introductions et bibliographies de thèses , d’ouvrages généraux sur les bétons qui sans être détaillés sur la réaction alcali-silice, donnent de nombreuses références [87, 83] et du cours de Alain Sellier et Geneviève Thévenin Foray du DEA Géomatériaux [76].

Table des matières

Introduction générale
I La réaction alcali-silice
Introduction
1 Bibliographie sur la RAG
1.1 Introduction
1.2 Généralités sur la réaction alcali-silice
1.3 Mécanismes réactionnels et de gonflement
1.4 Notre vision des mécanismes réactionnels en jeu
1.5 Caractéristiques mécaniques de la RAG
1.6 Conclusion
2 Généralités de modélisation de la RAG
2.1 Introduction
2.2 Modélisation chimie-transport de la RAG
2.3 Modélisation micromécanique de la RAG
2.4 Modélisation mécanique à l’échelle macroscopique
2.5 Conclusion
Conclusion
Bibliographie
II Théorie
Introduction
3 Bibliographie sur l’homogénéisation
3.1 Introduction
3.2 Le volume élémentaire représentatif
3.3 Les tenseurs de localisation
3.4 La démarche de microporomécanique
3.5 Résultats théoriques
3.6 Estimateurs de micromécanique
3.7 Conclusion
4 Comparaison d’estimateurs à des calculs par EF
4.1 Introduction
4.2 Formulation variationnelle en déformations planes
4.3 Détermination des propriétés moyennes
4.4 Microstructures considérées
4.5 Taille de VER par l’approche de Kanit
4.6 Rappel des estimateurs
4.7 Comparaisons simulations-estimateurs
4.8 Conclusion
5 Critère énergétique de fissuration
5.1 Introduction
5.2 Critères de rupture fragile
5.3 Critère de Francfort-Marigo en gonflement libre
5.4 Conclusion
6 Énergie d’un milieu poreux
Conclusion générale 

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