MODELES BIOLOGIQUES ET DES NANOPARTICULES DE CARBONE

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Le cas des nanoparticules de carbone

Les allotropes du carbone

Le carbone, élément chimique de numéro atomique 6, constitue environ 0,9 % (en masse) de la lithosphère et de l’hydrosphère réunies. Présent dans de nombreux composés naturels -gaz carbonique de l’atmosphère, roches calcaires, combustibles (gaz, pétrole, charbon minéraux)-c’est aussi un constituant fondamental de la matière vivante (Brusset et Amiel, 2017). A la base de la chimie organique, le carbone peut s’associer à d’autres éléments et ainsi constituer plus de 95 % des composés chimiques connus. Bien que d’autres éléments puissent se lier entre eux, aucun n’équivaut le carbone dans sa capacité à former de longues structures semblables à des chaînes par le biais d’une série de liaisons covalentes (Falcao et Wudl, 2007). Il peut non seulement se lier à d’autres éléments, mais aussi à lui-même. Illustrant ce pouvoir de caténation1, le diamant et le graphite sont deux exemples de matériaux exclusivement constitués d’atomes de carbone. Ils sont considérés comme les formes allotropiques principales (différents assemblages d’un même élément chimique) de cet élément. Bien qu’il n’ait pas de structure cristalline et qu’il contienne des taux significatifs d’hydrogène, le carbone amorphe est également considéré comme un allotrope du carbone, à l’instar du noir de carbone (CB, en anglais « carbon black). D’autres formes allotropiques incluent les fullerènes1, les nanotubes, ou encore le graphène (cristal bidimensionnel monoplan de carbone dont l’empilement constitue le graphite) (Figure 3).
Ces différentes formes carbonées peuvent se former naturellement -à faibles quantités- sous l’effet de certaines conditions de pression et température, ou encore via l’action de la foudre, lors d’éruptions volcaniques ou d’incendies. L’existence de gisements de graphite et de diamant (Asselborn et al., 2006), ou encore la présence de fullerènes et de nanotubes de carbone retrouvés dans des carottes de glace âgées de 10000 ans atteste de ces phénomènes (Murr et al., 2004). Des nanoparticules de carbone peuvent aussi être produites de manière involontaire par l’activité humaine par combustion de gaz naturel ou de propane via les brûleurs des plaques de cuisson, les fours industriels, les chauffe-eaux et les centrales électriques (Murr et al., 2004). A l’heure actuelle, les NPC font aussi l’objet d’une production volontaire à grande échelle. Ce sont ces dernières, dits manufacturées, que ce manuscrit s’attachera à étudier. Plus particulièrement, l’accent sera essentiellement mis sur les matériaux de la famille du graphène, mais aussi sur les nanotubes de carbones, et dans une moindre mesure, sur les nanodiamants et le noir de carbone.
Pourtant déjà observées pour la plupart dès le milieu du XXème siècle, les NPC sont longtemps restées méconnues. Ce n’est que dans les années 1990, parallèlement à un contexte économique favorable, qu’a lieu une prise de conscience de leur potentiel technologique. Les premières synthèses contrôlées de nanotubes de carbone ont commencé à cette époque, suite à leur observation en microscopie électronique à transmission dans les suies issues d’une synthèse de fullerènes par arc électrique (Iijima, 1991). De même, un regain d’intérêt pour les nanodiamants s’est manifesté, alors que leur première production (par détonation) remontait aux années 1960 (Danilenko, 2004). Le noir de carbone, quant à lui synthétisé par combustion depuis des siècles pour servir de pigment, a également été reconsidéré ces dernières décennies. Plus récemment, le graphène a été isolé en 2004 par Andre Geim et Konstantin Novoselov (Novoselov et al., 2004), ce qui leur a valu le prix Nobel de physique en 2010. La production de ces NPC s’est donc intensifiée au niveau mondial, principalement en Asie, aux Etas-Unis et en Europe. Estimé à 2,26 billions de dollars en 2015, il est prévu que le marché mondial des nanotubes de carbone atteigne 5,64 billions en 2020, avec un taux annuel de croissance de 20,1 % (MarketsAndMarkets, 2015a). Par comparaison, le marché mondial du graphène est censé atteindre 278,47 millions de dollars en 2020, avec une progression annuelle de l’ordre de 40 % (MarketsAndMarkets, 2015b). Le noir de carbone quant à lui devrait atteindre un marché de 13,79 billion de dollars en 2021, avec une croissance annuelle de 4,6 % (MarketsAndMarkets, 2017). Conjointement aux coûts que représente le marché des NPC, leur taux de production – en tonnage- doit être pris en compte, puisque de ce rendement dépend le prix. Les capacités de production augmentant, les nanotubes de carbone multi-parois (MWCNT, pour « multi-walled carbon nanotubes » en anglais) peuvent aujourd’hui être produits à l’échelle industrielle avec un niveau de pureté élevé, abaissant leur coût à 0,10-0,15 €/g (en 2014) selon la qualité recherchée. Au contraire, le prix des nanotubes de carbone mono-paroi (SWCNT) de haute pureté avoisine les 100 €/g (Werner et al., 2014). Le graphène a tendance à devenir lui aussi de plus en plus abordable : certains fournisseurs donnaient des prix inférieurs à 0,1 $/g en 2016, tandis que le marché mondial devrait représenter 3800 tonnes/an en 2026 (Ghaffarzadeh, 2016).
A l’heure actuelle, de nombreux domaines d’activité ont déjà recours aux NPC, tandis qu’une multitude d’autres applications sont encore à l’étude. Le Tableau 2 présente quelques exemples de ces applications actuelles et futures.

Structure et propriétés

Les applications des NPC découlent de leurs propriétés, qui découlent elles-mêmes de leurs caractéristiques, incluant leur structure. Sur la base de leurs liaisons C-C, deux grands types de structures nanocarbonées se distinguent. Le premier groupe implique des nanostructures graphéniques, principalement constituées de carbone sp2 organisé en cristal de nid d’abeille, bien que certains atomes de carbone sp3 puissent exister sur les bords ou sur les zones présentant des défauts. Les nanoallotropes graphéniques reposent sur la capacité du carbone à former trois liaisons covalentes identiques avec d’autres atomes de carbone en utilisant les orbitales sp2, formant ainsi un réseau d’hexagones bidimensionnel. Le représentant par excellence de ce groupe n’est autre que le graphène lui-même, un unique feuillet bidimensionnel d’atomes de carbone sp2. Dans un feuillet de graphène, les atomes de carbone sont liés entre eux par liaison covalente σ, faisant de ce matériau le plus solide connu (Lee et al., 2008). De plus, chaque atome de carbone présente des orbitales π, perpendiculaires au plan du feuillet, qui sont responsables de la conduction d’électrons (Figure 4).
Figure 4. (a) Structure hexagonale du graphène. Les directions « zigzag » et « armchair » (chaise) sont montrées par les vecteurs aG et bG, respectivement. La partie grisée représente l’unité permettant de définir la densité de surface du carbone à 3,820 atomes.Å-2. (b) Représentation schématique des liaisons σ dans le plan du feuillet de carbone et des orbitales π perpendiculaires à ce plan (d’après Hass, De Heer, & Conrad 2008).
La structure planaire de ces atomes de carbone peut se fléchir relativement facilement sans se rompre, ce qui donne au graphène un caractère à la fois rigide et flexible, tout en étant fin et léger. Mais encore, le graphène est un excellent conducteur thermique, et également un excellent conducteur électrique. Sa structure plane offre peu de résistance au transfert des électrons, réduisant considérablement la perte d’énergie dans les applications électroniques actuelles et futures. Selon les conditions, il peut aussi se comporter comme un semi-conducteur, d’où son application dans les transistors. En outre, sa faible épaisseur (feuillet monoatomique) fait de lui un film presque totalement transparent qui transmet 97,5 % de la lumière le traversant, ce qui, combiné à ses autres propriétés, le recommande tout à fait pour les écrans tactiles ou les panneaux solaires (Nair et al., 2008). Cependant, la transmission lumineuse décroit rapidement lorsque le nombre de feuillets de graphène augmente, ceux-ci pouvant s’empiler. De même, la structure électronique évolue rapidement avec le nombre de couches.
Autrement dit, les atomes de carbone peuvent s’organiser de différentes façons autour de la circonférence du nanotube (chaise, zigzag, ou autre motif chiral), comme illustré par la Figure 6. Les propriétés des NTC sont largement dépendantes de cette chiralité, à l’instar des nanotubes de formation « armchair » (ou chaise en français) qui sont considérés comme métalliques et dont la conductivité est 103 fois supérieure à celle du cuivre. D’autres NTC, de formation en zigzag sont quant à eux semi-conducteurs, tandis que d’autres encore (forme chirale) sont intermédiaires (Aqel et al., 2012; Ávila et Lacerda, 2008; Sisto et al., 2016). Enfin, le nombre de parois des nanotubes conditionne leur surface spécifique (elle diminue lorsque ce nombre augmente). D’une certaine manière, celle-ci est également réduite lorsque les NTC s’agglomèrent entre eux pour former des faisceaux via d’importantes forces de Van der Waals (Agnihotri et Rood, 2006; Dai, 2002).
Figure 6. Exemples schématiques de SWCNT montrant différentes chiralités : chaise, zigzag et chiral. : Ө : angle d’hélicité (d’après Scarselli, Castrucci, and De Crescenzi 2012).
Un second groupe de nanostructures carbonées concerne les particules contenant à la fois des atomes de carbone sp2 et sp3 (en proportions variables, ou principalement sp3) et présentant un mélange de régions amorphes et graphitiques. Les nanodiamants sont actuellement les seuls membres connus de ce groupe (Georgakilas et al., 2015). Leur diamètre est compris entre 1-2 et 20 nm. En-dessous de cette fourchette, ils sont appelés diamantoïdes et les carbones sp3 de leur surface sont normalement liés à des hydrogènes ou à d’autres atomes que le carbone. Ils ont alors tendance à se comporter comme des molécules organiques. Puis, lorsque leur diamètre la résistance et la rigidité sont beaucoup plus grandes dans le sens des fibres du corps en question que dans les autres directions. L’anisotropie permet une réduction importante de la quantité de matière et donc du poids, critère vital en aéronautique et dans le domaine spatial (d’après la définition de Futura Sciences) augmente, la proportion d’atomes de carbone à la surface diminue, et les caractéristiques propres au diamant deviennent importantes -à savoir la semi-conductivité, la résistance mécanique, un indice de réfraction élevé, la conduction thermique, et la résistivité électrique. Au-delà de 20 m de diamètre au contraire, leur comportement se rapproche du diamant à l’échelle non-nanométrique (Williams, 2011).

Synthèse et purification

Synthèse et purification du graphène

Le graphène peut être synthétisé selon deux approches principales : l’exfoliation mécanique, et les méthodes chimiques dites top-down (exfoliation chimique et réduction d’oxyde de graphène) ou bottom-up (auto-assemblage de précurseurs moléculaires, chauffage d’un cristal de carbure de silicium).
L’exfoliation mécanique est la première méthode à avoir été utilisée pour obtenir du graphène mono- et multi-feuillet (FLG, pour « few layer graphene » en anglais) à l’aide d’une technique de clivage micromécanique (Novoselov et al., 2005, 2004). Brièvement, cette méthode implique un pelage répété du graphite -fixé à une résine photosensible- à l’aide de bandes de scotch. A terme, seules de fines paillettes de graphène (d’épaisseur inférieure à 10 nm) sont laissées sur la résine, avant d’en être libérées au moyen d’une solution d’acétone. Puis, une plaquette de silicium recouverte de SiO2 est placée dans la solution afin de récupérer le graphène qui vient s’y fixer via les forces de Van der Waals. Cette technique permet d’obtenir des cristaux de surface de plus de 100 µm2 et d’excellente qualité structurale et électrique, en relation directe avec la qualité et la pureté du graphite de départ (Basu et al., 2013). En dépit de son apparente simplicité, cette technique est néanmoins chronophage et demande beaucoup de patience et de précision.
Dans un objectif de meilleurs rendements (sans toutefois atteindre une applicabilité à l’échelle industrielle), cette méthode a donc été amenée à évoluer. Le graphène exfolié peut actuellement être produit en solution, à l’aide d’une ultrasonication1. Un des désavantages de cette technique est que le graphène ne peut être dispersé qu’à faible concentration (<0,01 mg.mL-1), or la dispersion s’avère nécessaire pour garantir l’efficacité de l’exfoliation. De ce fait, des solvants organiques spécifiques de tension de surface d’environ 40 mJ.m2 sont utilisés, comme le N-méthyl-2-pyrrolidone, les solvants aromatiques perfluorés, le diméthylformamide ou le o-dichlorobenzène (Hamilton et al., 2009; Hernandez et al., 2008; Khan et al., 2010). Dans certains cas, des molécules de surfactant sont utilisées pour stabiliser le graphène dans les suspensions liquides, comme illustré par la Figure 7 (De et al., 2010; Lotya et al., 2010). La sonication doit être appliquée à faible puissance pour séparer les feuillets de carbone sans pour autant les endommager. Malgré certains défauts qui peuvent être mis en évidence sur les bords du graphène obtenu (mais pas sur le plan des feuillets), ce dernier est considéré de haute qualité (Khan et al., 2010). Cependant, cette technique présente certains inconvénients, incluant la formation simultanée de graphène multi-feuillet et mono-feuillet, et le fait que les produits en question soient de petite taille (dans certains cas, inférieurs à 1 µm). Disposer de larges nanostructures carbonées est ce qui fait l’intérêt du graphène dans plusieurs applications, comme le renforcement mécanique ou l’amélioration de la conductivité de composites à base de polymères (Lyons et al., 2008).
De plus, bien que moins répandue, une autre technique permettant d’obtenir du graphène et du FLG peut être réalisée par ablation mécanique de mine de crayon. Un des FLG que nous utilisons est produit par cette méthode, laquelle a l’avantage d’être simple, peu onéreuse, et de ne pas nécessiter de produits chimiques. Son rendement peut atteindre jusqu’à 60 % (en masse) (Janowska et al., 2012). Elle consiste à réduire mécaniquement la mine de crayon sur une surface rêche (verre, quartz ou métal) sous l’action simultanée d’une ultrasonication dans un solvant approprié (éthanol, toluène, eau). Les mines de crayon sont des produits commerciaux consistant en du graphite incorporé dans un liant inorganique maintenant la forme macroscopique de la mine. Aussi, une phase de purification est nécessaire pour éliminer ces résidus inorganiques. Pour cela, la suspension obtenue est filtrée (en cas de solvants organiques) puis traitée par un reflux basique (NaOH, 20 wt.%, 3 h), puis acide (HCl, 5 M, 1 h), avant de subir un lavage, une autre étape de filtration, et enfin d’être séchée. Le produit obtenu est alors placé sous ultrasonication (0,5 h) dans du toluène ou de l’éthanol, puis laissé décanté, permettant de séparer le FLG des résidus non désirés (Janowska et al., 2012).
D’autre part, dans une optique de production à grande échelle, le graphène peut être obtenu à partir de graphène oxydé (GO) (Gomez-Navarro et al., 2007; Tung et al., 2009). Le GO présente l’avantage d’être dispersable dans certains solvants organiques à des concentrations supérieures à 1 mg.mL-1 (Lomeda et al., 2008; Stankovich et al., 2007) et dans l’eau à plus de 7 mg.mL-1 (Park et al., 2008). Dans cette technique, l’oxydation du graphite est tout d’abord réalisée à l’aide de forts agents oxydants (KMnO4 et H2SO4 par exemple). L’oxydation ajoute des fonctions époxydes, carboxyles et hydroxyles à la surface graphitique. Puis, une exfoliation mécanique permet d’obtenir des feuillets individuels de GO, stables en dispersion aqueuse. Les méthodes pour parvenir à la synthèse du GO ont été développées par Brodie (Brodie, 1859), Staudenmaier (Staudenmaier, 1898), Hummers (Hummers et Offeman, 1958) et d’autres auteurs (Marcano et al., 2010; Tölle et al., 2014). Bien qu’elles permettent des rendements très élevés et qu’elles soient utilisables à l’échelle industrielle, elles ne sont généralement ni écologiques, ni économiques. Toutefois, des études plus récentes montrent des résultats prometteurs vis-à-vis de l’efficacité de production et de purification du GO (Ceriotti et al., 2015; Chen et al., 2015; Panatarani et al., 2016). Brièvement, la purification du GO consiste à éliminer les résidus non oxydés et les impuretés issues des agents oxydants et/ou de la matière première (le graphite lui-même, pouvant contenir des impuretés métalliques) au moyen de centrifugations répétées, de filtration frontale, de filtration tangentielle, ou de dialyse (Chen et al., 2015). En tant que tel, le GO peut avoir de nombreuses applications (Ceriotti et al., 2015), mais il n’est pas un bon conducteur d’électricité en raison de la perturbation de la structure π-orbitale au niveau de ses fonctions oxydées (Stankovich et al., 2007). Les fonctions oxygénées sont donc ensuite éliminées par réduction thermique (à environ 1000°C en général) ou chimique (avec par exemple de l’hydrazine, des hydrures1, de l’hydroquinone ou du dioxyde de titane sous lumière UV), augmentant ainsi la conductivité du matériau (Becerril et al., 2008; Chua et Pumera, 2014; Eda et Chhowalla, 2010; Jang et al., 2012; X. Wang et al., 2008). Le principal avantage de la production de graphène par conversion à partir du GO est son faible coût, allié à une grande adaptabilité. Les feuillets produits ont une surface relativement grande (supérieure à 20 x 40 µm), permettant de faciliter leur manipulation et leur caractérisation (Basu et al., 2013). Cependant, la comparaison des propriétés électriques du graphène obtenu via la réduction du GO et de celui obtenu par la méthode précédente montre que dans le premier cas, la résistivité est deux à trois fois plus grande (Gomez-Navarro et al., 2007). Cela peut être dû à la présence de défauts affectant localement la structure bidimensionnelle des particules, défauts qui seraient introduits pendant la phase d’oxydation (Gomez-Navarro et al., 2007; Kudin et al., 2008; Stankovich et al., 2007). Le matériau obtenu par réduction du GO est de moins bonne qualité que le graphène pur, et est couramment nommé oxyde de graphène réduit (rGO, pour « reduced graphene oxide » en anglais) (Li et al., 2008). Par contre, ce rGO est produit avec une grande proportion de mono-feuillets graphéniques, et il présente de très bons rendements.
Par ailleurs, le graphène (dit épitaxial) peut être développé sur des substrats spécifiques, ce qui permet notamment de l’incorporer facilement aux endroits d’intérêt, dans l’industrie de l’électronique. C’est d’ailleurs dans cette optique que cette méthode fut proposée pour la première fois (Berger et al., 2004). Le carbure de silicium (SiC) est particulièrement utilisé pour cette technique : il est chauffé sous ultravide afin d’être thermiquement réduit. Le silicium se désorbe du SiC à environ 1000°C, laissant place à une surface enrichie en carbone. Celle-ci subit alors une réorganisation, en laissant derrière elle de petits îlots de carbone graphitisés. Ce processus se nomme graphitisation sous vide. La taille du film produit dépend de la taille du substrat utilisé. Le graphène épitaxial produit sur substrat de SiC présente des propriétés électroniques similaires à celles du graphène isolé (Hass et al., 2008).
La synthèse de graphène à faible coût et à grande échelle par dépôt de vapeur chimique (CVD, pour « chemical vapor deposition » en anglais) sur de fines couches de métaux (< 300 nm) est une autre technique alternative (Kim et al., 2009; Reina et al., 2009). Le film de métal (par exemple Ni, Co, Pt, Ru, etc. sur substrat de SiO2/Si) est exposé à un flux de gaz d’hydrocarbure (tel que le méthane) à haute température (900-1000°C), causant une saturation en carbone du métal. Cette étape est suivie d’un refroidissement rapide de l’échantillon, ce qui entraine une diminution de la solubilité solide du carbone dans le métal, et ainsi, la précipitation du carbone sous forme de films de graphène (1-10 feuillets) à la surface du métal. La qualité du graphène obtenu est au moins aussi élevée que celle du graphène exfolié. En outre, cette méthode permet de créer des patrons de graphène de la géométrie voulue, en fixant la géométrie de la surface de métal au préalable (Basu et al., 2013). Cette méthode peut être modulée en fonction du métal choisi. C’est le cas avec des feuilles de cuivre (d’épaisseur 25 µm environ) qui, soumises à un mélange de méthane et d’hydrogène, permettent d’obtenir un graphène de grande taille et de haute qualité (Li et al., 2009). Ici, de par la faible solubilité du carbone dans le cuivre, la formation du graphène se limite d’elle-même à un unique feuillet de carbone.
Même si l’objectif de toutes ces techniques est généralement de produire un graphène avec un unique feuillet de carbone, du graphène multi-feuillet est souvent produit simultanément (Herron et al., 2011; Liu et al., 2011). Ce dernier est souvent vu comme un sous-produit de la production de graphène, bien qu’il puisse être utile dans différentes applications (Georgakilas et al., 2015).
Enfin, de manière étroitement liée à sa synthèse, la purification du graphène est une étape importante pour obtenir des échantillons contenant essentiellement les nanoparticules désirées, et donc pour pouvoir étudier spécifiquement l’effet de ces dernières sur les organismes dans notre cas. Effectivement, la présence d’impuretés pourrait mener à une interprétation biaisée des résultats. La purification consiste en la séparation du graphène d’autres entités issues de sa synthèse (par exemple, des résidus métalliques, des résidus organiques). Elle peut être assurée par divers protocoles selon les impuretés visées. Par exemple, nous avons précédemment décrit que les résidus issus de la synthèse du GO pouvaient être éliminés par centrifugations répétées, filtration frontale, filtration tangentielle, ou dialyse. De plus, le graphène (ou l’oxyde de graphène réduit) produit à partir du GO n’est pas toujours pur après l’action d’agents réducteurs : une partie de GO non complètement réduit peut persister dans le produit final, incluant aussi des impuretés azotées. Afin d’éliminer cette fraction non désirée, Sridhar et Oh (2010) ont mis au point une méthode efficace de coagulation consistant à séparer le graphène du GO restant. Pour cela, les auteurs ont dispersé le graphène partiellement réduit dans de l’eau déionisée par ultrasonication avant d’ajouter une solution d’alcool polyvinylique (PVA) à la dispersion. Le mélange a été chauffé à 45-50°C afin de recueillir le graphène (pur) flottant à la surface, tandis que tout le GO a sédimenté rapidement, formant une masse gélifiée avec le PVA (qui forme des liaisons hydrogènes avec les fonctions oxygénées du GO). Un autre exemple de purification est celui du graphène préparé par exfoliation à l’aide de surfactants, lesquels représentent un taux important de résidus ancrés à la surface graphénique même après lavage (Choi et al., 2010; Lotya et al., 2010). Des techniques permettant d’éliminer spécifiquement les surfactants peuvent alors être employées, comme par exemple la filtration combinée à une hydrolyse acide pour éliminer la gomme arabique (Chabot et al., 2013).

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 – INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE
1. Le « nanomonde »
1.1. Nanotechnologies : de l’apparition au développement
1.2. Des propriétés uniques, une pléthore d’applications… .
1.3. …mais avec des retombées potentielles sur la santé et l’environnement
1.4. Cadre législatif des nanomatériaux
2. Le cas des nanoparticules de carbone
2.1. Les allotropes du carbone
2.2. Structure et propriétés
2.3. Synthèse et purification
2.3.1. Synthèse et purification du graphène
2.3.2. Synthèse et purification des nanotubes de carbone
2.3.3. Synthèse et purification des nanodiamants
2.3.4. Synthèse et purification du noir de carbone
2.4. Fonctionnalisation covalente et non-covalente
2.4.1. Fonctionnalisation non-covalente
2.4.2. Fonctionnalisation covalente
3. Le devenir des nanoparticules de carbone dans l’environnement
3.1. Voies de contamination des milieux environnementaux
3.2. Les écosystèmes aquatiques, réceptacles de pollution
3.2.1. Propriétés d’adsorption des NPC dans les milieux aquatiques
3.2.2. Comportements d’agrégation et de dispersion de NPC dans les milieux aquatiques
3.3. Détection et quantification des NPC
3.4. (Bio)Dégradation des NPC
4. Effets des NPC sur le vivant
4.1. Ecotoxicité des NPC sur différents organismes : état de l’art
4.1.1. Effets des NPC chez les bactéries
4.1.2. Effets des NPC chez les végétaux
4.1.3. Effets des NPC chez les animaux terrestres
4.1.4. Effets des NPC chez les animaux aquatiques
4.2. Ecotoxicité des NPC dans un écosystème aquatique complexe
4.3. Organismes vivants vs nanoparticules de carbone : quelles interactions ?
4.3.1. Biocompatibilité des NPC
4.3.1.1. Voies d’entrée des NPC dans les organismes et rôle des barrières biologiques
4.3.1.2. Distribution des NPC dans les tissus et les cellules
4.3.2. Origines et mécanismes de la toxicité des NPC
4.3.2.1. Origines : des facteurs physico-chimiques déterminants
4.3.2.2. Mécanismes cellulaires et moléculaires
Références bibliographiques
CHAPITRE 2 – PRESENTATION DES MODELES BIOLOGIQUES ET DES NANOPARTICULES DE CARBONE
1. Introduction
2. Présentation des nanoparticules de carbone
3. Présentation des modèles biologiques
3.1. Le diptère Chironomus riparius
3.2. L’amphibien Xenopus laevis
3.3. L’amphibien Pleurodeles waltl.
4. Gestions des déchets contaminés par les NPC
Références bibliographiques
CHAPITRE 3 – COMPARAISON DES EFFETS DE DIFFERENTS NANOCARBONES SUR LA CROISSANCE DE XENOPUS LAEVIS : APPROCHE PAR UNE NOUVELLE METRIQUE
1. Un modèle pour décrire la toxicité de différents allotropes de carbone chez X. laevis : la surface spécifique comme meilleur descripteur de l’inhibition de croissance
Surface area of carbon nanoparticles: a dose metric for a more realistic ecotoxicological assessment
Abstract
Acknowledgments
Abbreviations
References
2. La croissance de X. laevis face à des nanoparticules de carbone dispersées de manière covalente ou non-covalente : une relation surface/effet toujours valable
Surface area of carbon-based nanoparticles prevails on dispersion for growth inhibition in amphibians
Abstract
Introduction
Experimental
Synthesis and characterization of the studied CNPs
Chemical dispersants
CNP physical dispersion and contamination of the exposure media
Xenopus rearing and breeding
Exposure conditions
Chronic toxicity and calculation models
Results
Chronic toxicity
Macro-observations of dissected larvae
Discussion
Metric doses
State of dispersion
Biological hypothesis
Conclusion
Declaration of interest
Acknowledgements
References
3. Exemples d’un graphène multi-feuillets et du noir de carbone, ou comment mieux cerner les limites du modèle
Références bibliographiques
CHAPITRE 4 – ETUDE DE LA GENOTOXICITE DU GRAPHENE CHEZ XENOPUS LAEVIS : UN EFFET LIE AU DEGRE D’OXYDATION ?
1. Evaluation de la génotoxicité chez X. laevis
2. Génotoxicité chez X. laevis après exposition à différentes NPC brutes
3. Le rôle du degré d’oxydation dans la génotoxicité – Le cas de l’oxyde de graphène
Removal of genotoxicity of graphene oxide in vivo: towards an environmentally safeby- design approach
Abstract
Introduction
Experimental
Xenopus rearing and breeding
Characterization of the studied GFMs and contamination of the exposure media
Genotoxicity assessment
Results and discussion
Conflict of interest
Acknowledgments
References
Supporting information
Synthesis and characterization of graphene samples
Graphene physical dispersion and contamination of the exposure media
Metals concentration analysis in graphene oxide
PAHs concentration analysis in graphene oxide
Mitotic erythrocytes in X. laevis exposed to GO, rGO200 and rGO1000
References
4. Génotoxicité du GO chez le xénope : prolongement et perspectives
4.1. Génotoxicité d’autres NPC de surface chimiquement modifiée et/ou fonctionnalisée chez le xénope
4.2. Génotoxicité du GO chez un autre amphibien : Pleurodeles waltl
Références bibliographiques
CHAPITRE 5 – INFLUENCE DU DEGRE D’OXYDATION DU GRAPHENE SUR SA TOXICITE CHEZ XENOPUS LAEVIS : APPROCHE MOLECULAIRE
Influence of the oxidation level of graphene oxide on its toxicity in the liver of Xenopus laevis: a molecular approach
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Synthesis and characterization of graphene samples
2.2. Graphene samples preparation and contamination of the exposure media
2.3. Xenopus rearing and breeding
2.4. Exposure conditions
2.5. Total RNA extraction and purification
2.6. Reverse transcription
2.7. Primer design
2.8. Real-time qPCR
3. Results
3.1. Genes expression in livers of Xenopus exposed to GO
3.2. Genes expression in livers of Xenopus exposed to rGOs
4. Discussion
4.1. GO effect at low concentration: toxicity due to bioavailability?
4.2. Toxicity of GO: direct or indirect mechanisms? – A comparison to rGO
4.3. No induction of DNA repair by GO: a missed response?
5. Conclusion
Acknowledgments
Conflict of interest
References
CHAPITRE 6 – ETUDE DE LA TOXICITE DE L’OXYDE DE GRAPHENE CHEZ UN AUTRE ORGANISME DULÇAQUICOLE : CHIRONOMUS RIPARIUS
1. Evaluation des effets du GO chez Chironomus riparius
In vivo toxicity of graphene oxide in larvae of the Diptera Chironomus riparius
Abstract
Introduction
Materials and methods
Synthesis and characterization of graphene oxide (GO)
GO physical dispersion before contamination
Chironomus rearing
Experimental design and exposure conditions
Acquisition of data
Mortality determination
Growth measurement
Development delay measurement
Teratogenicity assessment
Results
Mortality
Growth
Development delay
Macroscopic observations
Teratogenicity
Discussion
Mortality
Growth inhibition
Development delay
Teratogenicity
Conclusion
Declaration of interest
Acknowledgements
References
2. Résultats préliminaires des effets du rGO chez Chironomus riparius
2.1. Mortalité
2.2. Inhibition de croissance
2.3. Retard de développement
2.4. Conclusion
Remerciements
Références bibliographiques
CHAPITRE 7 – MESOCOSME : APPROCHE ENVIRONNEMENTALE DES EFFETS DE L’OXYDE DE GRAPHENE – PRESENTATION DU SYSTEME ET PREMIERS RESULTATS
1. Introduction
2. Matériels et méthodes
2.1. Mise en place de l’expérimentation en mésocosme
2.2. Introduction des organismes
2.3. Préparation du GO et procédure de contamination
2.4. Mesures semi-continues des paramètres physico-chimiques de l’eau
2.5. Mesures ponctuelles des concentrations en nitrites et nitrates
2.6. Analyse de l’évolution des communautés bactériennes
2.7. Mesure de la dégradation foliaire
2.8. Biomarqueurs mesurés chez les chironomes et les pleurodèles
3. Premiers résultats
3.1. Concentrations en nitrites et nitrates
3.2. Effet du GO sur la dégradation des feuilles d’aulnes
3.3. Effets du GO chez le chironome
3.4. Effet du GO chez le pleurodèle
4. Premiers éléments de discussion
4.1. Effets du GO chez les producteurs/consommateurs primaires
4.2. Effets du GO chez le consommateur primaire : Chironomus riparius
4.3. Effets du GO chez le prédateur : Pleurodeles waltl
5. Conclusion et perspectives
Références bibliographiques
DISCUSSION GENERALE, CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
1. Comparaison de l’impact de différentes nanoparticules nanocarbonées sur la croissance de Xenopus laevis : un effet prédit par la surface spécifique
2. Effet de l’oxyde de graphène chez Xenopus laevis à faible dose : génotoxicité et mécanismes moléculaires impliqués
3. L’oxyde de graphène : autres organismes, autres effets – vers une approche environnementalement plus pertinente : l’exposition en mésocosme
Référence bibliographiques

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