Modélisation dynamique de la réponse stomatique

 Modélisation dynamique de la réponse stomatique

Description de la dynamique de réponse stomatique (gs)

La modélisation constitue un outil particulièrement adapté et efficace à des fins prédictives, de simulation et d’intégration à des échelles diverses. De fait, l’assimilation du carbone atmosphérique par photosynthèse ainsi que les pertes hydriques par transpiration, respectivement estimées à travers la conductance pour le CO2 et H2O, s’inscrivent parmi les fonctions physiologiques ayant été massivement sujettes à modélisation au cours des dernières décennies (Damour et al., 2010). Les échanges gazeux entre les plantes et l’atmosphère ont ainsi été modélisés à des échelles et temporalités diverses. En écologie, certaines approches consistent à décrire la réponse globale d’un système végétal. Néanmoins, cette échelle d’approche ne permet généralement pas d’appréhender les mécanismes impliqués dans la réponse stomatique aux conditions environnementales. A une échelle réduite, de nombreux modèles intégrés uniquement au niveau de la plante ou de la feuille ont été proposés (Damour et al., 2010). La majorité de ces modèles sont empiriques, basés sur les corrélations statistiques entre les facteurs environnementaux, internes aux plantes et la conductance stomatique (gs). Par ailleurs, seule une faible proportion de ces modèles adopte des approches fondamentalement mécanistiques. La littérature dispose ainsi de nombreux modèles semi empiriques reposant sur des hypothèses physiologiques et intégrant un nombre variable de facteurs influant sur le degré d’ouverture stomatique. La majorité des modèles développés sont des modèles dits « steady states » n’intégrant pas le délai de réponse des stomates à un changement environnemental. La réponse temporelle des stomates à un changement environnemental a longtemps été négligée malgré quelques travaux préliminaires (Kirschbaum et al., 1988). Ce n’est que récemment que des modèles décrivant plus finement la dynamique de réponse stomatique ont été proposés (Damour et al., 2010 ; VialetChabrand et al., 2013b). En effet, établir clairement l’ensemble des mécanismes impliqués dans la réponse des stomates à leur environnement, comprendre l’ensemble des couplages et interactions des différents stimuli et intégrer la vitesse de réponse à laquelle les plantes répondent à ces stimuli pourrait alors revêtir une importance majeure dans un contexte de changements climatiques afin d’anticiper la manière dont les stomates intégreront les changements en [CO2], température, humidité de l’air et du sol.

Impacts de la dynamique de réponse stomatique sur les échanges gazeux foliaires

Les stomates contrôlent les échanges gazeux entre la feuille et l’environnement. En conséquence, les ajustements de l’ouverture stomatique aux changements de conditions environnementales et des facteurs internes à la plante déterminent la diffusion de CO2 au sein de la feuille ainsi que la perte d’eau par transpiration (Lawson, 2018). De fait, la régulation des flux gazeux à travers la feuille est essentielle au maintien d’une température foliaire viable ainsi qu’à l’assimilation du carbone atmosphérique nécessaire à la production de biomasse tout en conservant une balance hydrique fonctionnelle au sein de la plante. La relation entre l’assimilation et la conductance stomatique est démontrée de longue date (Wong et al., 1979). Néanmoins, la réponse stomatique est généralement plus lente que la réponse photosynthétique (Lawson & Blatt, 2014 ; Lawson & Vialet-Chabrand, 2018). Il en résulte une réponse asynchrone des deux composantes de l’efficience d’utilisation de l’eau intrinsèque ayant potentiellement pour conséquence l’induction d’une efficience transitoire suboptimale (Matthews et al., 2017 ; McAusland et al., 2016). La caractérisation de la dynamique de réponse fait depuis peu l’objet d’une grande attention, néanmoins l’ensemble des mécanismes physiologiques impliqués ainsi que les facteurs influençant la réponse temporelle des stomates restent à être finement élucidés. La lumière est l’un des paramètres environnementaux impactant à la fois l’assimilation photosynthétique du carbone (An) et la conductance stomatique (gs). Dûe à la couverture nuageuse ainsi qu’à l’ombrage au sein de la canopée causé par la superposition des feuilles ou par les plantes voisines, la quantité de lumière atteignant une feuille fluctue au cours de la journée. Les feuilles sont ainsi soumises à des phases d’illumination ou d’obscurité (respectivement nommés « sunfleck » et « shadefleck » au sein de la littérature) dont les durées varient de quelques secondes à quelques heures (Lawson & Vialet-Chabrand, 2018). Des variations inter et intra-spécifiques considérables de la rapidité et de l’amplitude de réponse de la conductance stomatique en réponse à un changement de lumière ont été observées (Cardon et al., 1994 ; Elliot-Kingston et al., 2016 ; McAusland et al., 2016). Celles-ci dépendant aussi bien du type des cellules de garde (Hetherington & Woodward, 2003 ; McAusland et al., 2016) que des conditions de croissance (Qu et al., 2016 ; Hepworth et al., 2018) ou encore de l’intensité du stimulus environnemental (Elliot-Kingston et al., 2016 ; Hepworth et al., 2018). Par ailleurs, l’énergie lumineuse perçue par la plante est également susceptible de générer des fluctuations rapides mais néanmoins importantes de la température foliaire et par extension du déficit de pression de vapeur d’eau entre la feuille et l’atmosphère, deux stimuli environnementaux auxquels les stomates sont également sensibles. L’intensité ainsi que la durée des signaux lumineux influencent les réponses temporelles de l’assimilation, la conductance stomatique et l’efficience d’utilisation de l’eau qui en résulte (Vialet-Chabrand et al., 2016). Ce faisant, un changement abrupt de lumière constitue un ensemble de stimuli complexe, impliquant des voies de signalisation multiples. L’amplitude de réponse stomatique entre deux steady-state ainsi que la rapidité de cette réponse a des implications sur la limitation qu’exerce la conductance stomatique sur l’assimilation et l’efficience d’utilisation de l’eau qui en résulte Sur la base de modélisations, une réponse synchrone de An et gs induirait une augmentation théorique de l’efficience d’utilisation de l’eau intrinsèque en raison d’un meilleur couplage de ses deux composantes (Lawson & Blatt, 2014). Un faible stimulus lumineux n’implique pas nécessairement un changement de conductance stomatique, bien qu’il puisse influencer l’assimilation (Lawson et al., 2012). Des changements plus intenses et de longue durée peuvent en revanche induire une réponse d’ouverture ou de fermeture stomatique à la forme sigmoïdale plus ou moins rapide. La rapidité de réponse aura de larges implications sur la relation qu’entretiennent la conductance stomatique et l’assimilation. Ainsi, la disposition des plantes à répondre rapidement à leur environnement semble essentielle à l’optimisation des échanges gazeux et ce plus particulièrement chez les plantes soumises à des conditions de stress hydrique pour lesquelles l’adoption d’un comportement stomatique plus rapide s’avérerait avantageux en termes d’efficience d’utilisation de l’eau (figure 6).

Facteurs influençant la dynamique

Parmi les facteurs susceptibles d’influencer la rapidité de réponse stomatique à un stimulus environnemental, la morphologie stomatique a souvent été proposée. En outre, les différentes morphologies et les propriétés mécaniques qui en découlent sont susceptibles d’expliquer les différences de dynamique entre différentes espèces et écotypes. Ainsi, chez les fougères, la réduction des avantages mécaniques des cellules épidermiques par rapport aux cellules de garde serait à l’origine de mouvements plus rapides par leurs stomates (Franks & Farquhar, 2007). La réduction de la taille des cellules de garde entourant le pore stomatique a pour effet d’augmenter le ratio de la surface membranaire par rapport au volume de la cellule. En partant du principe que le nombre de canaux de transport par unité de surface demeure constant, une diminution de la taille des cellules de garde devrait théoriquement accélérer proportionnellement le flux de composés osmotiques par unité de volume. Il en résulterait ainsi une réponse stomatique plus rapide (Schlüter et al., 2003; Tanaka et al., 2013; Franks and Farquhar, 2007; Drake et al., 2013; Lawson & Blatt, 2014). Une série de modèles intégrant la morphologie des cellules de garde et du complexe stomatique (Doheny-Adams et al., 2012 ; Dow et al., 2014 ; Lehman & Or, 2015) ainsi que l’activité de transport membranaire (Chen et al., 2012; Wong et al., 2012; Lawson & Blatt, 2014) tendent à conforter l’influence de l’anatomie stomatique sur la vitesse de réponse. Cependant ces relations ne seraient pas systématiquement valides lorsque l’on considère une large gamme d’espèces (ElliottKingston et al., 2016 ; McAusland et al., 2016). Ainsi Elliot-Kingston et al., (2016) dans une étude examinant la diversité de la rapidité de fermeture stomatique parmi des espèces aux écotypes variés ne fut pas en mesure d’établir cette relation entre morphologie stomatique et rapidité de réponse. McAusland et al., (2016) parvinrent au même constat parmi une gamme d’espèces de grande culture disposant de stomates de type elliptiques. Néanmoins, un ensemble de traits sont susceptibles d’influencer la rapidité de réponse indépendamment de la taille ou de la densité stomatique, tels que le nombre de cellules subsidiaires impliquées dans les échanges osmotiques, l’expression génique des canaux hydriques ainsi que des transporteurs des composés osmotiques ou encore l’activité biochimique au sein des cellules de garde (Farquhar et al., 2007). De récents travaux ont par ailleurs mis en évidence un impact des niveaux de transcription des facteurs nécessaires au développement des cellules subsidiaires sur la dynamique de réponse stomatique ainsi que la conductance stomatique (Raissig et al., 2017). Par ailleurs, la mise en place de l’architecture stomatique au cours du développement de la feuille influencerait le comportement des stomates. La majorité des espèces végétales suivent en effet la règle du « one-cell spacing » au cours du développement épidermique, règle suivant laquelle lors de leur mise en place les stomates sont séparés les uns des autres par au moins une cellule épidermique (Geisler et al., 2000 ; Peterson et al., 2010; Pillitteri & Dong, 2013). Il existe cependant un certain nombre d’espèces s’étant affranchies de ces schémas de développement, à l’image du genre Begonia (Nebauer, 1967 ; Papanatsiou et al., 2017). Une telle architecture stomatique chez Begonia est interprétée comme étant une adaptation à une niche écologique imposant une faible demande évaporative. Outre les schémas d’architectures, la structure interne des stomates pourrait également jouer un rôle dans les mouvements stomatiques à travers l’organisation des filaments d’actine (Eisinger et al., 2012) ainsi que les propriétés physiques de la paroi cellulaire (Woolfenden et al., 2017). Ainsi, l’anatomie stomatique (taille, densité…) est susceptible d’impacter d’une part la conductance stomatique et donc Wi mais aussi d’autre part la dynamique de réponse aux changements environnementaux (Drake et al., 2013). Cette même dynamique de réponse stomatique peut à son tour influencer le gain de biomasse et la consommation hydrique des plantes sur le long terme et donc l’efficience de transpiration (TE ; Vialet-Chabrand et Lawson,2018; Papanastasiou et al., 2019).Si l’accumulation de biomasse est par définition une composante de l’efficience de transpiration, l’allocation du carbone à l’origine de cette biomasse est un élément fondamental à prendre en considération. En effet, comme mentionné plus tôt au sein de ce manuscrit les schémas d’allocation et d’investissement du carbone constituent un facteur essentiel impliqué dans l’écologie des espèces.  

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