Multispecimen un nouveau protocole pour déterminer les paléointensités

Multispecimen un nouveau protocole pour déterminer les paléointensités

Principe de la méthode multispecimen

L’étude précédente montre la difficulté d’obtenir des paléointensités par les méthodes de type Thellier. Cette difficulté porte notamment sur le fait que ces méthodes ne peuvent être appliquées que pour certaines minéralogies, ce qui est très contraignant. Une nouvelle méthode, dite méthode multispecimen, ouvre de nouvelles perspectives puisqu’elle permettrait d’obtenir des paléointensités sur des échantillons présentant un comportement polydomaine. Cette méthode très prometteuse m’a particulièrement intéressé à la vue de la minéralogie des échantillons provenant de Nouvelles Zélande. La méthodemultispécimens (MSP-DB), proposée en premier lieu par Dekkers and Böhnel (2006),s’appuie sur le fait que l’acquisition de l’ATR est proportionnelle au champ magnétique, propriété qui est indépendante du nombre de domaines des grains magnétiques. Biggin and Poidras (2006) ont montré expérimentalement, qu’au premier ordre, une ATR acquise dans un champ magnétique H, puis chauffée à une température T<TC et refroidit dans le même champ H, doit rester inchangée quelque soit l’état de domaine des minéraux magnétiques.Expérimentalement, les échantillons d’un même site sont chauffés à une même température T<TC, et chacun est soumis à un champ magnétique d’intensité croissante.Les champs doivent être appliqués parallèlement à l’ARN. Tout comme pour la méthode Thellier-Thellier, cette ARN doit être une ATR. Si l’ATRp est acquise dans un champ magnétique plus faible que celui à l’origine de l’ARN, l’échantillon portera une aimantation finale plus faible que l’ARN. Inversement, si le champ appliqué est plus fort, alors l’aimantation finale sera plus importante que l’ARN. Ainsi la paléointensité correspond à l’intensité du champ pour laquelle la différence entre l’ATRp et l’ARN est nulle.Chaque chauffe se fait avec un échantillon différent, garantissant ainsi la même histoire « magnétique » pour chaque échantillon et limitant l’altération thermique. Puisque chaque spécimen d’une coulée possède une quantité de minéraux ferromagnétiques pouvant être sensiblement différente de l’un à l’autre, toutes les mesures sont normalisées par l’ARN m0 de l’échantillon correspondant. Pour déterminer une paléointensité, on trace le paramètre QDB en fonction du champ magnétique appliqué. QDB est défini par l’expression : QDB = m1 − m0 m0 , (4.1) où m1 est la mesure de l’aimantation de l’échantillon suite à l’acquisition de l’ATRp. La valeur de la paléointensité est estimée par régression linéaire, lorsque la droite coupe l’axe des abscisses. L’incertitude est estimée par l’intervalle de confiance à 68% calculée pour la régression linéaire (Fig 4.2). Cette méthode à été testée sur plusieurs coulées de lave historiques. Michalk et al. (2008, 2010) ont noté que ce protocole tend à surestimer les paléointensités pour des laves présentant une fraction de grains polydomaines importante, montrant ainsi que cette méthode n’était pas totalement indépendante de l’état de domaine. Par la suite, Fabian and Leonhardt (2010) ont montré que la dispersion du pourcentage de fraction désaimantée f (proportion d’ARN remplacée par l’ATRp) au sein d’un jeu d’échantillons entraîne une dispersion des points sur le diagramme. 

 La méthode MSP-DSC

 Afin d’éviter ces deux biais, Fabian and Leonhardt (2010) ont mis au point un nouveau protocole (Multispecimen Domain State Correction, MSP-DSC), incorporant à la fois une correction pour la fraction f et une correction relative à l’état de domaine. Ce protocole comprend également une évaluation détaillée sur la détermination de l’erreur. Les résultats expérimentaux sur des échantillons synthétiques ont montré que ce nouveau protocole améliore la méthode. Les points importants sont : – Trouver la température optimale afin de minimiser l’altération. – Éliminer la composante secondaire (Fig. 4.3). – Normaliser la rémanence par la fraction désaimantée. – Estimer la stabilité thermique lors des cycles chauffe-refroidissement. – Corriger les surestimations dues aux polydomaines. – Estimer l’erreur. Après avoir déterminer au mieux la température de chauffe et avoir éliminé les composantes secondaires, le protocole à appliquer est le suivant (Fig. 4.4) : – Mesure de m0, l’ARN nettoyée d’une composante secondaire éventuelle (Fig. 4.3). – Mesure de la rémanence m1 suite à un cycle chauffe T1 et refroidissement en champ H1, où le champ est parallèle à m0. – Mesure de m2, idem que m1 avec H1 antiparallèle à m0. – Mesure de m3 avec chauffe en champ nul jusqu’à T1, puis refroidissement en champ H1 parallèle m0. – Mesure de m4 après la même procédure que pour m1.

Matériel expérimental 

Le point clé de cette méthode est de pouvoir appliquer expérimentalement un champ le long de l’ARN. Ceci implique de pouvoir orienter les échantillons ou le champ magnétique appliqué dans l’espace, ce qui reste difficile à faire dans les fours conventionnels. Pour cela nous avons tout d’abord développé des porte-échantillons permettant d’orienter les spécimens en afin d’aligner l’ARN et le champ appliqué dans le four à paléointensité (Fig. 4.5). Ces porte-échantillons sont constitués d’un socle en inconel-60 et son surmontés d’un tube de quartz, où, par une double rotation, l’ARN de l’échantillon est alignée avec le champ magnétique appliqué dans le four. Cette disposition est particulièrement utile lorsque plusieurs échantillons peuvent être chauffés à la même température et sous le même champ. Ceci signifie que l’ensemble des coulées doit présenter une minéralogie homogène, ce qui est très rarement le cas. Or un cycle chauffe-refroidissement dans ce four est d’environ 5h, ce qui rend l’expérience lente et laborieuse si seulement très peu d’échantillons sont chauffés simultanément. Afin de s’affranchir de se paramètre, un four à chauffage ultra rapide « mono-échantillon » fait l’objet d’un développement au laboratoire. Pour l’instant nous ne disposons que d’un prototype préliminaire de faisabilité, une demande ANR est en cours pour développer l’appareillage final. Ce four permet de fixer le palier de température au cas par cas, ce qui est très avantageux pour cette méthode. Le palier de température est atteint en moins de 20 minutes et de manière homogène dans l’échantillon, indépendamment de la température demandée. Le refroidissement peut être effectué à différents taux régulés par une rampe, le plus rapide étant 30°C/min (forçage par ventilation, Fig. 4.6).Dans ce prototype préliminaire, le champ magnétique est appliqué dans les trois dimensions avec une résolution de 30 nT sur chaque axe. Afin de parfaitement appliquer le champ souhaité, nous avons développé une sonde adaptée au porte échantillon. Une procédure de brevetage est en cours, je ne peux donc pas donner plus de détails. Un élément important dans ce protocole est la détermination de la température de chauffe. Elle doit bien entendue être inférieure à la température à laquelle les transformations des propriétés magnétiques pourraient avoir lieu et supérieure à celle de désaimantation de la composante visqueuse. Afin de s’affranchir de la composante secondaire, Dekkers and Böhnel (2006) préconisent d’utiliser un échantillon de la même carotte afin de déterminer la température Tv pour laquelle la composante secondaire est éliminée. Pour nos échantillons nous avons défini une température Tv de 100°C, température à laquelle tous les échantillons sont chauffés avant d’être mesurés. Finalement pour chaque étape de chauffe nous avons suivi ce protocole : 

  1. Le champ est appliqué sous contrôle de la sonde, puis l’échantillon est placé dans le porte échantillon en lieu et place de la sonde. Durant l’expérience, les fluctuations du champ externe sont enregistrées par une seconde sonde fixe. 
  2. Les calibrations que nous avons faites nous indiquent que la chauffe peut être effectuée en environ 15 minutes et un palier de 5 minutes doit être maintenu pour assurer l’homogénéité de la température à l’intérieur de l’échantillon, et ce quelque soit la température demandée. 
  3. Le procédé de refroidissement est ensuite enclenché jusqu’à température ambiante. 
  4. Les échantillon sont ensuite chauffés en champ nul à Tv dans le four classique puis l’aimantation est mesurée par un magnétomètre JR5 ou cryogénique 2G. Afin de tester la méthode et notre nouvel appareillage, nous avons choisi de travailler sur plusieurs jeux d’échantillons présentant des minéralogies différentes et pour lesquelles les paléointensités sont connues (laves historiques). 

 

Cours gratuitTélécharger le cours complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *