Organismes fongiques

Organismes fongiques

Contexte général

Certains organismes fongiques sont très dommageables pour les cultures végétales mais aussi pour la conservation des produits d’origine végétale en postrécolte. La stratégie la plus utilisée pour contrôler le développement de maladies dû à des champignons pathogènes est l’utilisation de fongicides. Cependant, ces fongicides ont un fort impact négatif sur l’environnement ainsi que sur la santé humaine (Legard et al., 2005 ; Lizcano, 2007). De plus, leur utilisation fréquente peut mener à un développement de résistances de l’agent pathogène vis-à-vis des composés actifs (Russell, 1995 ; Komarek et al., 2010; Corio-Costet, 2012). Aujourd’hui, les restrictions règlementaires vis-à-vis des fongicides imposent de trouver des solutions non polluantes et durables. Il y a désormais un consensus autour de l’idée que nous devons réduire de 50 % l’usage des pesticides avant 2025 (Plan Ecophyto, 2025). Dans ce cadre, se développent des produits à base de SDP (stimulateurs de défense des plantes) ayant un spectre d’action plus ou moins large vis-à-vis des agents pathogènes (Butault et al., 2010). Au niveau commercial, seules des solutions d’origine chimique ou biologique sont actuellement proposées. Bien que ces SDP répondent à une demande forte à la fois des producteurs et des consommateurs dans le but d’une agriculture en adéquation avec l’environnement, leur utilisation est souvent freinée par une efficacité souvent jugée aléatoire du fait par exemple d’une stabilité insuffisante des produits, de formulations non optimisées ou d’une sensibilité aux conditions climatiques (guide méthodologique d’évaluation des SDP, Elicitra). Les méthodes physiques telles que la lutte thermique, lutte pneumatique ou lutte mécanique, pouvant aussi induire des mécanismes de défense, sont encore peu utilisées à ce jour. Parmi elles, la lumière pourrait représenter une alternative prometteuse. Synthèse bibliographique 41 La lumière est un régulateur important des interactions plante-pathogène via des photorécepteurs et des voies de signalisation (Jenkins, 2009 ; Magerøy et al., 2010 ; Demkura et Ballaré, 2012). L’utilisation des rayonnements lumineux apparaît donc comme une méthode alternative, novatrice et non polluante pour stimuler les défenses des plantes (Darras et al., 2015 ; Vasquez et al., 2017), et pour améliorer la qualité des produits après récolte (Charles et al., 2008a-d ; Ouhibi et al., 2015a,b). Ces mêmes méthodes peuvent également être utilisées dans le but de diminuer le gaspillage alimentaire lié aux pertes de production pendant les étapes de production, de conservation, de transport et d’étalage pour la vente des fruits. La lumière visible produite par le soleil peut être décomposée en plusieurs radiations électromagnétiques telles que les rayonnements visibles, les IR (rayonnements infrarouges) ou les UV (rayonnements ultraviolets). L’ozone stratosphérique agit comme un véritable filtre puisqu’elle absorbe la quasi-totalité des UV-B (dont la longueur d’onde varie entre 280 nm et 315 nm) et bloque totalement les UV-C (dont la longueur d’onde est inférieure à 280 nm). Les rayonnements UV-B sont largement étudiés dans le cadre de la stimulation des défenses de plantes (Jordan, 2002). Plus précisément, les radiations UV-B augmentent la résistance des plantes contre les agents pathogènes des plantes (Gunasekera et al., 1997 ; Gunasekera et Paul, 2007 ; Kuhlmann et Müller, 2010 ; Ballaré, 2011 ; Demkura et Ballaré, 2012). Une partie de la résistance peut être attribuée à la synthèse de métabolites suite aux radiations, comme par exemple des composés phénoliques et des composés impliqués dans les réponses de défense des plantes dépendantes de la voie du JA (acide jasmonique ; Ballaré et al., 1996 ; Rousseaux et al., 1998 ; Izaguirre et al., 2003 ; Foggo et al., 2007 ; Kuhlmann et Müller, 2010). Malheureusement, exploiter les UV-B pose des problèmes concrets. En général une exposition prolongée est requise pour être efficace et les expositions prolongées sont difficiles à mettre en place dans la pratique. C’est dans ce sens que l’idée d’exploiter les UV-C est née car étant fortement énergétiques, il nécessite des temps de traitements plus courts et donc plus faciles à gérer dans le cas d’une application sur le terrain.  

Mécanismes de défense des plantes contre les agents pathogènes 

Tout au long de leur cycle de vie, les plantes sont soumises à des stress abiotiques incluant par exemple le stress thermique, le stress hydrique ou encore le stress nutritionnel. Les organes végétaux, à la fois souterrains et aériens, peuvent aussi être soumis à des stress biotiques puisqu’ils sont continuellement exposés à une multitude de microorganismes pouvant inclure des viroïdes, virus, bactéries, champignons et oomycètes (Zeng et al., 2006). Les interactions entre plantes et microorgansimes sont caractérisées par leur diversité, leur degré de dépendance avec l’hôte ainsi que leurs conséquences phytosanitaires. Les plantes développent des stratégies pour faire face à ces stress. Au cours de l’évolution, seules les plantes capables de mettre en place des mécanismes de défense leur permettant de percevoir Synthèse bibliographique 43 le milieu extérieur et de répondre à ses modulations par une réponse biologique adaptée ont perduré par sélection naturelle. Chaque plante possède une variété de moyens de défense constitutifs. Ainsi, malgré la diversité d’agents pathogènes auxquels les plantes peuvent être confrontées, les barrières physiques et chimiques préformées mises en place par les plantes au cours de l’évolution constituent un véritable obstacle pour le développement d’agents pathogènes. On parle alors de défenses passives (ThordalChristensen, 2003). Parmi toutes les barrières constitutives présentes chez les plantes, la cuticule est probablement la structure de protection la plus efficace. Composée de cutine, un polymère insoluble intimement imbriqué dans un réseau de cires (Jeffree, 1996), la cuticule est hydrophobe. La plupart des champignons pathogènes ont acquis la capacité de traverser cet obstacle au moyen d’enzymes spécifiques que l’on nomme cutinases (Iwasaki et Hioki, 1988). Les autres barrières structurales susceptibles de contrer la progression d’un agent pathogène sont représentées par les trichomes (poils qui tapissent la surface d’un organe végétal), les épines (prolongement de la partie ligneuse des plantes) et les aiguillons (piquants, pouvant se détacher, qui naissent de l’écorce ou de l’épiderme der certaines plantes). En parallèle, les barrières chimiques constitutives sont fabriquées continuellement, même en l’absence d’agents pathogènes. Au sein de ces molécules, appelées phytoanticipines, sont regroupés les composés phénoliques, les alcaloïdes, les lactones, les saponines, les glycosides cyanogéniques et les huiles. Cependant, cette première ligne de défense peut être contournée par les agents pathogènes. Dans ce cas, la résistance passive n’est plus suffisante. L’interaction entre l’agent pathogène et son hôte est dite compatible et dans ce caslà, la plante est considérée comme sensible. Dans une telle association, les microorganismes infectent une plante sensible afin d’avoir accès à une large source de nutriments : certains microorganismes vont dégrader les cellules végétales afin de récupérer le contenu cellulaire (nous parlons d’interactions nécrotrophiques), d’autres microorganismes ont un développement intercellulaire et prélèvent les Synthèse bibliographique 44 nutriments par la voie apoplastique (nous parlons d’interactions parasites endophytiques) et un ensemble de microorganismes colonisent la cellule végétale vivante par la voie intracellulaire (nous parlons d’interactions biotrophiques ; Paszkowski, 2006). Pour lutter contre ces attaques d’agents pathogènes, les plantes disposent d’autres systèmes de défense activés par leur perception. Ces défenses, constituant l’immunité innée chez les plantes (Jones et Dangl, 2006 ; Chisholm et al., 2006), impliquent des événements cellulaires complexes conduisant à une résistance active vis-à-vis des micro-organismes pathogènes. b. Résistance active Deux types de résistances actives sont généralement définies : la résistance basale et la résistance spécifique (Iriti et Faoro, 2007 ; Dodds et Rathjen, 2010 ; Conrath, 2011 ; Figure 1). Figure 1 : Représentation schématique des mécanismes de défense des plantes. L’attaque du pathogène est perçue via des MAMP (microbe-associated molecular pattern), DAMP (damage-associated molecular pattern) issus de la dégradation de la paroi végétale ou des effecteurs. Les MAMP et les DAMP sont reconnus par des récepteurs de reconnaissance spécifique de profil PRR (pattern recognition receptor), induisant la résistance basale PTI (PAMP-triggered immunity). Les effecteurs injectés dans la cellule concourent à l’inactivation de la PTI. Ils peuvent toutefois être reconnus par les protéines de résistance R, qui déclenchent alors la résistance spécifique ETI (effector-triggered immunity). L’activation des défenses implique des processus de signalisation cellulaire caractérisés par des flux d’ions dont le Ca2+ (calcium) jouant le rôle de messager secondaire, une production de NO (monoxyde d’azote), l’activation de protéines kinases ainsi que des phytohormones (Astier et al., 2012). Synthèse bibliographique 46 La résistance basale, ou PTI (PAMP-triggered immunity), est non spécifique et elle est impliquée lors d’interaction entre un grand nombre de plantes et des agents pathogènes. Elle est déclenchée par la reconnaissance de molécules appelées communément éliciteurs de réactions de défense qui peuvent être des DAMP (damage-associated molecular pattern), des PAMP (pathogen-associated molecular patterns) ou des MAMP (microbe-associated molecular patterns). La PTI constitue un premier niveau de défense. Cependant, certains agents pathogènes parviennent à contourner la PTI via la production d’effecteurs codés par des gènes d’avirulence (Avr). Un second niveau de défense, l’ETI (effector-triggered immunity) peut alors être mis en place par la plante. Cette résistance, dite spécifique, implique la reconnaissance moléculaire des effecteurs par des protéines codées par des gènes de résistance (R). Selon le concept gène pour gène (Flor, 1971), les plantes hôtes possèdent le gène R correspondant aux gènes Avr du pathogène. Une perte ou une altération de l’un de ces deux gènes conduit à la maladie (réaction compatible). Au contraire, la reconnaissance du produit du gène Avr par la protéine R initie une cascade d’événements cellulaires conduisant à la résistance (réaction incompatible). L’ETI pourra de nouveau être détournée par l’agent pathogène via la production de nouveaux effecteurs que la plante reconnaitra ensuite via la sélection de nouvelles protéines R. Ce mécanisme s’inscrit dans un processus de co-évolution des plantes et des agents pathogènes, ces derniers contournant les barrières immunitaires des plantes qui mettent à leur tour en place de nouvelles réponses spécifiques (Jones et Dangl, 2006). 

Principaux agents pathogènes cryptogamiques du fraisier

Botrytis cinerea

À la frontière du saprophytisme et du parasitisme, le champignon phytopathogène ubiquiste B. cinerea est un microorganisme polyphage de la famille des Ascomycètes qui cause d’énormes dégâts en agriculture. La maladie causée par cet agent pathogène est communément appelée « pourriture grise » et est économiquement redoutable et importante car ce champignon attaque plus de 1400 espèces de plantes (Elad et al., 2016). Il affecte de nombreuses productions végétales d’importance économique en culture sous serre ou en plein champ sur cultures maraîchères, viticoles et horticoles, comme par exemple : le raisin, la pomme, la poire, la cerise, la fraise et le kiwi en production fruitière. B. cinerea attaque aussi l’aubergine, la carotte, la laitue, le concombre, le poivron, la tomate, la courgette en production légumière ou des plantes ornementales comme la rose, le gerbera ou le cyclamen. Que cela soit en pré-récolte ou en post-récolte, la pourriture grise engendre des pertes importantes de rendement (Gullino, 1992). Cet agent pathogène peut entrainer la destruction partielle ou totale de la plante hôte, et dans certains cas de la récolte. En cultures sous abris, les risques d’attaque par ce champignon pathogène sont permanents sur, par exemple, la tomate, le poivron, la laitue ou la fraise (Jarvis, 1992). Pour combattre la maladie, l’utilisation de fongicides entraîne des coûts financiers importants. Le marché mondial des produits de contrôle de B. cinerea est estimé à 15-25 millions de dollars par an (Elad et Stewart, 2004). Au cours de son cycle biologique (Figure 2), B. cinerea peut produire du mycélium, des spores asexuées ou conidies, des spores sexuées ou ascospores ainsi que des sclérotes. Le mycélium de B. cinerea comprend des filaments articulés, grisâtres ou olivâtres, cylindriques, quelquefois vésiculeux au niveau de la cloison médiane, dont le diamètre varie considérablement suivant les conditions de Synthèse bibliographique 53 développement des hyphes. Lorsque le mycélium est au stade de fructification, il produit des ensembles de conidiophores grisâtres. Parfois, ce mode de multiplication peut disparaître et laisser place à une prolifération mycélienne blanche qui correspond à l’élongation d’hyphes grêles, hyalins qui se répandent sous forme de « toile » (Viennot-Bourgin, 1965). Le mycélium peut se conserver dans les débris de plantes des cultures précédentes. Lorsque les conditions deviennent favorables, B. cinerea fructifie pour donner des conidies pouvant germer sur de très nombreux substrats. Le développement des conidies se manifeste par la production de conidiophores dressés en touffes souvent étendues, constituant un feutrage intense gris. Les conidies prennent une part importante dans la dissémination du champignon. Ces dernières sont produites dès le printemps dans le cas de culture en plein champ. En revanche, elles peuvent être produites en continu, selon les conditions climatiques, dans le cas de cultures sous abris par exemple. Leur libération est favorisée par un climat humide, puis elles sont transportées par le vent, la pluie et les insectes (Holz et al., 2007). Lorsque les conditions deviennent défavorables au développement de mycélium et de conidies, des sclérotes se forment. Ils sont constitués par du mycélium agrégé blanchâtre. En vieillissant, ils durcissent et deviennent noirâtres. Ils sont composés d’un cortex de cellules épaisses formant une mince barrière de cellules pseudo-parenchymateuses et d’une large medulla centrale composée d’hyphes filamenteux (Coley-Smith, 1980). Au printemps, les sclérotes peuvent germer et produire du mycélium ou des conidies. Ils peuvent également être à l’origine de la formation des apothécies (Coley-Smith et Cooke, 1971).

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