Oscillations de Rabi quantiques : test direct de la quantification du champ

Oscillations de Rabi quantiques : test direct de la
quantification du champ

Interaction d’un atome à deux niveaux avec un seul mode du champ électromagnétique

Dans ce chapitre nous allons présenter une étude théorique de l’interaction d’un atome à deux niveaux avec un seul mode du champ stocké dans une cavité. Nous allons travailler dans une situation où l’atome est en interaction avec un seul mode du champ, en choisissant le désaccord entre la fréquence du champ et de l’atome très faible devant la séparation entre les modes adjacents. Dans notre étude nous adopterons une description complètement quantique de l’interaction, autrement dit la matière et le rayonnement seront tous les deux quantifiés. Lorsque la relaxation est négligeable devant le couplage atome-champ, le système est bien décrit par le modèle de Jaynes-Cummings qui permet de calculer l’évolution du système de manière purement analytique [51]. Nous rappelerons d’abord l’expression du hamiltonien et les états propres et valeurs propres du système. Ensuite nous montrerons que l’échange d’énergie entre l’atome et la cavité contenant un petit champ se fait d’une manière cohérente et réversible et ne peut, en aucun cas être expliqué à l’aide d’une description classique du champ

Hamiltonien du système et modèle de Jaynes-Cummings 

En négligeant la relaxation, le système atome-cavité peut être décrit par le modèle de Jaynes-Cummings[51]. Le hamiltonien du système est composé de trois termes : Le premier terme décrit l’atome, le second décrit le mode du champ et le dernier terme décrit l’interaction entre l’atome et le champ. Les deux niveaux atomiques seront notés |e> pour le niveau excité et |f> pour le niveau fondamental, la fréquence de transition entre ces deux niveaux sera notée 03C9 . Si l’énergie du niveau fondamental |f> est arbitrairement choisie nulle, le hamiltonien de l’atome s’écrit: où 03C3 = |e><e|. Les états propres du hamiltonien HA sont |f> et |e>, avec les valeurs propres respectives 0 et 03C9 . De la même façon, le champ sera décrit quantiquement, et on ne prendra en compte qu’un seul mode. Le hamiltonien du champ s’écrit alors: Les opérateurs a et a~ sont les opérateurs d’annihilation et de création d’un photon dans le mode du champ. Ils vérifient la relation de commutation canonique [a, a~] = 1. Les états propres du hamiltonien Hc sont les états de Fock |n> de nombre de photons bien déterminé. L’énergie d’un état à n photons est En = 03C9 c(n + 1/2). Le couplage atome-champ est dipolaire électrique, il est décrit par le hamiltonien : où D est l’opérateur dipolaire électrique de l’atome et E(r) est le champ électrique du mode de la cavité au point r où se trouve l’atome. Le champ électrique a pour expression: 10 La fonction vectorielle f(r) décrit la structure géométrique du mode de la cavité. Elle vérifie les équations d’ondes classiques suivantes: La composante tangentielle de f(r) s’annule sur les surfaces métalliques. |f(r)| a des maxima locaux aux ventres du mode, et s’annule aux noeuds. L’intégrale du carré de son module définit le volume de chaque mode: Le champ électrique par photon E0 (amplitude des fluctuations du vide), est alors défini par: ceci Le assure que l’énergie de n photons est égale à (n + 1/2)03C9 c. système atome-champ en interaction est présenté sur la figure 1.1. Les deux niveaux atomiques sont |e> et |f>. Le champ est un oscillateur harmonique et possède des niveaux d’énergie équidistants. Les deux sous-systèmes sont couplés par le hamiltonien HI. L’opérateur dipolaire atomique D peut être décomposé sous la forme suivante : Les deux opérateurs 03C3 et 03C3 ~ échangent les deux états atomiques. Ils sont définis par: On utilise l’approximation des ondes tournantes qui consiste à négliger les termes qui ne conservent pas l’énergie. Autrement dit, on ne prend en compte que les termes qui font passer l’excitation de l’atome vers le champ ou inversement. Le hamiltonien d’interaction du système atome-champ prend alors la forme suivante: 11 où g est la constante du couplage atome-champ, donnée par l’expression suivante: En regroupant les trois hamiltoniens précédents, on arrive à une expression pour le hamiltonien total, qui a été introduite par Jaynes et Cummings[51]: Ce hamiltonien est bien adapté pour étudier l’évolution cohérente du système atome-champ. Au-delà du modèle de Jaynes-Cummings Dans une situation réelle, l’atome et le champ ont un couplage dissipatif avec leur environnement qui leur fait acquérir une évolution incohérente. Le processus de dissipation est bien décrit par les équations maîtresses des opérateurs densité de l’atome et du champ[27]. Dans nos expériences, on utilise des atomes de Rydberg circulaires dont la durée de vie tat est de l’ordre de 30 ms, et une cavité qui a un temps d’amortissement de l’ordre de 220 03BCs. Ceci nous permet de négliger la relaxation atomique, et de ne considérer que la relaxation du champ.

Les états habillés atome-champ

 Nous allons maintenant chercher les états propres du hamiltonien global HT = HA+HCI, qui sont dénommés états habillés dans la littérature[53]. On commence par écrire le hamiltonien total HT dans la base des états non couplés formés par |e, n) et |f, n). On remarque que le hamiltonien total HT écrit dans la base précédente est diagonal par blocs. Chacun de ces blocs représente un sous-espace dans lequel ne sont couplés que les états de type |e, n> et |f, n + 1>. Dans un tel sous-espace le hamiltonien du système s’écrit: où 03B4 = 03C9 c – 03C9 . La diagonalisation de cette matrice 2 x 2 fournit les états habillés de système atome-champ: où l’angle 03B8 n est tel que: avec 0 ~ 03B8 n ~ 03C0 2. Ces états habillés ont pour énergie: 14 Les niveaux d’énergies sont répartis en doublets. La séparation entre les niveaux de chaque doublet dépend du nombre de photons et du désaccord 03B4 entre les fréquences de l’atome et de la cavité: A résonance 03B4 = 0, donc 03B8 n= 03C0 4, nous avons: Ces états habillés sont situés en énergie de manière symétrique par rapport à 03C9 c(n + 3 2) (cf.figure 1.2) et leur séparation est donnée par: La mise en évidence de ces états habillés peut se faire en couplant à ce système (atome-cavité) une sonde faible de fréquence variable. L’excitation du système (atome-champ) produite par la sonde peut être observée, soit en détectant l’atome[54], soit en mesurant le champ transmis à travers la cavité[55]. Ces expériences de spectroscopie ont fait l’objet de la thèse de Frédérick Bernardot. On se contentera dans ce mémoire d’en rappeler les principaux résultats. La spectroscopie des premiers états habillés du système (atome-cavité) se fait à l’aide d’une transition à un photon dont le spectre présente deux pics centrés sur E+ et E – . A résonance, les deux pics sont symétriquement positionnés par rapport à la fréquence de la cavité, ils sont distants de 2g et ont la même hauteur (cf.figure 1.3). La présence de ces deux pics témoigne du couplage caractérisé par la constante g, qui existe entre les états |f, 1) et |e, 0>. Il importe de noter que la sonde n’est pas capable d’exciter le système (atome-cavité) à leur fréquence commune 03C9 c. En effet, un atome présent à l’intérieur d’une cavité provoque un indice microscopique qui décale la fréquence de la cavité (cf.chapitre 4). Une fois qu’un photon de la sonde excite l’un des premiers niveaux habillés à la pulsation 03C9 c ± g, aucun autre photon ne peut entrer dans la cavité pour FIG. 1.2 – Les niveaux habillés du système atome-cavité à résonance. La séparation entre les niveaux de chaque doublet est 2g(n + 1)/2 FIG. 1.3 – Spectre d’absorption de l’énergie par le système atome-champ à résonance. 17 exciter les états habillés de la deuxième multiplicité (car la sonde n’est résonante qu’avec les premiers états habillés). La spectroscopie des niveaux plus excités nécessite alors des excitations à plusieurs photons. L’excitation des niveaux habillés |±, 1) pourrait se faire à l’aide d’une transition à deux photons, en passant par des niveaux intermédiaires. Lorsque les fréquences des deux photons sonde sont égales, on parle d’une transition dégénérée. La fréquence de chaque photon est 03BD = 03C9 0 ± g/2. De la même manière, la spectroscopie des états plus excités |±, n 2014 1) nécessite l’absorption de n photons de fréquences v = 03C9 ± g/n. De telles transitions sont très difficiles à réaliser, parce qu’elles exigent une sonde suffisamment intense pour que le couplage à plusieurs photons soit important, mais aussi assez faible pour ne pas induire des transitions à un photon (puisque l’écart en énergie entre les premiers états habillés et les niveaux intermédiaires est petit). On pourrait éviter cette difficulté en excitant le système (atome-cavité) avec deux champs sonde de fréquences différentes. Le premier champ sonde exciterait un des premiers états habillés |±,0> à partir de l’état fondamental |f, 0), et le second porterait le système vers l’un des états |±, 1). Toutes les expériences qui ont été faites jusqu’à présent n’ont pu mettre en évidence que les deux premiers niveaux habillés. Cela est dû au fait qu’en plus des difficultés précédentes, le couplage atome-champ dépend de la position de l’atome dans la cavité (profil gaussien du mode). En effet, si on ne tient pas compte de la position de l’atome dans la cavité, la constante de couplage que nous mesurons est une moyenne. Par conséquent, le signal spectroscopique obtenu sera large et de mauvaise résolution, ce qui empêche la mesure directe de l’écart en énergie entre les états habillés plus excités. 

Oscillation de Rabi d’un atome dans le champ de quelques photons

 Nous supposons dans la suite, que l’atome et le champ sont à résonance, et nous étudions l’évolution de ce système en fonction du temps d’interaction. L’atome est préparé dans l’état |e> et le champ dans la cavité est préparé dans un état de Fock à n photons |n>. La fonction d’onde de ce système à 18 l’instant t0 = 0 est: En absence de relaxation, l’état du système atome-champ sera après l’interaction : En projetant |03A8(t)> sur |f, n + 1), nous obtiendrons la probabilité Pnf(t) de trouver l’atome dans l’état fondamental après l’interaction avec la cavité: D’après l’expression précédente, un champ préparé dans un état de Fock |n>, échangera périodiquement une excitation avec un atome préparé dans l’état |e>, selon une pulsation, que nous appelerons pulsation de « Rabi », et qui est égale à: où 03A9 est la pulsation de cet échange d’excitation si la cavité était initialement vide (pulsation de Rabi dans le vide). Sur la figure 1.4, nous avons représenté Pnf(t). L’atome émet le photon puis le réabsorbe, et ainsi de suite. En couplant une source classique cohérente au mode de la cavité, on peut préparer un état de Glauber[56][57] (dit « état cohérent »). Cet état est une superposition cohérente d’états de Fock: Les c0153fficients cn valent e-|03B1|2 2 03B1 n n’. L’amplitude complexe 03B1 est reliée au nombre moyen ncoh de photons injectés par la source classique dans la cavité selon la relation: 19 FIG. 1.4 – Oscillation de Rabi d’un atome initialement excité dans champ préparé dans un état de fock à n photons. La statistique du champ est caractérisée par la distribution poissonienne pcoh (n) qui donne la probabilité de trouver n photons dans le mode du champ: On peut aussi préparer dans la cavité un champ thermique à une température T. La statistique de ce champ est décrite par: où nth = (exp (03C9 c kT) – 1)-1 est le nombre moyen de photons thermiques dans le mode. Le champ étant préparé dans un état de Glauber [56] |03B1> et l’atome dans l’état excité |e>, l’état initial du système atome-champ est: 20 En se servant des équations 1.26 et 1.27, on peut déduire l’état du système à un instant ultérieur: La probabilité de détecter l’atome dans l’état fondamental, après un temps d’interaction t avec le champ, s’obtient alors en prenant le module au carré de la projection de |03C8(t)> sur |f>: on rappelle que 03A9 = 2g. La probabilité pf(t) est une superposition de plusieurs composantes de Fourier, chacune décrit l’oscillation de Rabi d’un atome dans le champ de n photons. La probabilité pf(t) est indépendante des cohérences du champ initial. La transformée de Fourier de pf(t) donne des pics de fréquences 03A9 n + 1, l’aire de chaque pic est proportionnelle au poids statistique de chaque nombre de photons n dans l’état initial du champ. Notons que la structure discrète du spectre de la probabilité pf(t) est une signature de la quantification du champ, puisque si le champ n’etait pas quantifié le spectre serait un continuum. Nous avons représenté sur la figure 1.5 les variations de pf(t) en fonction du temps d’interaction atome-cavité, pour différentes valeurs du nombre moyen de photons dans le champ initial. A cause de la dispersion du nombre de photons autour de ncoh , les oscillations de pf(t) se brouillent au bout de ncoh oscillations à la pulsation 2gn coh (c’est le « collapse »). pf(t) devient pratiquement indépendant du temps [58] [59] [60]: Le brouillage des oscillations n’est pas dû à une relaxation. Il provient seulement de la fluctuation de l’énergie du champ initial. Ce brouillage n’est pas un effet purement quantique, puisque même à l’aide d’une description semi-classique on peut le retrouver si on suppose le champ classique possède une dispersion d’intensité. 

Table des matières

1 Interaction d’un atome à deux niveaux avec un seul mode du champ électromagnétique
1.1 Hamiltonien du système et modèle de Jaynes Cummings
1.1.1 Les états habillés atome-champ
1.1.2 Oscillation de Rabi d’un atome dans le champ de quelques photons
1.2 Conclusion
2 Observation de l’oscillation de Rabi: le dispositif expérimental
2.1 Introduction
2.2 Choix des Atomes
2.2.1 Propriétés des atomes de Rydberg circulaires
2.2.2 Préparation des niveaux circulaires
2.2.3 Zone de préparation des atomes
2.2.4 Détection des états circulaires
2.2.5 La purification des atomes circulaires
2.3 Le choix de la cavité
2.3.1 Modes et géométrie de la cavité
2.3.2 Préparation de la cavité et mesure de son facteur deq
2.3.3 Le couplage atome-champ
2.3.4 L’accord de la cavité
2.4 Le choix du cryostat
2.4.1 Description générale du cryostat
2.4.2 Conclusion
3 Oscillation de Rabi : test direct de la quantification du champ dans une cavité
3.1 Introduction
3.2 Effet maser et accord de la cavité sur la transition atomique
3.3 La mesure du flux atomique et l’estimation de l’efficacité de détection
3.4 Méthode d’acquisition des données
3.5 Oscillation de Rabi d’un atome dans une cavité vide
3.6 Oscillation de Rabi d’un atome dans un champ de quelques photons et test de la quantification du champ
3.7 Mesure de la distribution du nombre de photons dans un champ stocké dans la cavité
3.8 Conclusion
4 Interrupteur quantique et préparation d’états non classiques du champ
4.1 Interaction d’un atome avec une cavité non résonnante
4.2 Couplage de la cavité à une source classique extérieure
4.3 Préparation du champ dans un état superposition quantique du vide du rayonnement et d’un champ cohérent
4.3.1 Détection du chat de Schrödinger
4.3.2 Etude de la décohérence du chat de Schrödinger préparé dans la cavité
4.4 Préparation d’un état non local du champ
4.4.1 La détection des cohérences de l’état non local
4.4.2 Etude de la relaxation de l’état non local du champ
4.4.3 Effet de la relaxation sur la probabilité P(d 1, d2)
4.4.4 Effet de la dispersion des vitesses sur la probabilité
P (d 1, d 2)
4.5 Con

projet fin d'etude

Télécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *